Entretien exceptionnel avec Florian Grill, président de la Fédération Française de rugby. Avec François Trillo, Yoann Huget, Alexandre Priam et Florian Grill.
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00:00 On va retrouver tout de suite notre invité du soir, c'est Florian Grille, le président de la Fédération française de rugby,
00:08 qu'on est heureux d'accueillir sur l'antenne de Sud Radio. Bonsoir Président.
00:13 - Bonsoir. - Merci d'être avec nous en direct.
00:15 Aujourd'hui c'était une journée importante pour le rugby fédéral, parce qu'il y avait une assemblée générale extraordinaire et assemblée financière.
00:25 On va revenir sur les principaux points, les conclusions de cette assemblée.
00:32 Mais pourquoi cette assemblée a lieu comme ça en fin d'année, pour qu'on puisse comprendre nous, le grand public ?
00:37 On est sur des saisons 22, 23 et 23, 24, donc elles se terminent en juin, et donc le temps d'arrêter les comptes,
00:44 les assemblées générales financières ont traditionnellement lieu en décembre.
00:48 - D'accord, donc c'est ce qui explique aussi ce constat, vous faites le constat d'un déficit qui va être assez important pour la Fédération.
00:59 - Bah oui, malheureusement c'est assez catastrophique même, on a un déficit de 40 millions d'euros sur les deux dernières saisons,
01:06 16 millions d'euros pour la saison 22-23, et 24 millions d'euros pour la saison 23-24.
01:12 Donc la FFR vit très largement au-dessus de ses moyens, et ça fait 6 ans que ça dure, donc il va falloir qu'on y mette fin.
01:20 - Avec notamment, et ça c'est peut-être ce qui est le plus surprenant, c'est les pertes de la Coupe du Monde 2023.
01:27 On avait la sensation que cette Coupe du Monde devait rapporter à la Fédération, et finalement elle va vous coûter.
01:33 Est-ce que c'est dû au manque de... à l'élimination prématurée en quarts de finale du 15 de France ou pas ?
01:40 - Non absolument pas, l'élimination prématurée nous coûte à peu près un peu moins d'un million d'euros dans les comptes,
01:45 donc c'est pas ça qui est la grande explication. Il y a deux entités qui gèrent la Coupe du Monde,
01:50 il y a un GIP et puis il y a un GIE, le GIE s'occupe des hospitalités, et des hospitalités,
01:55 le GIE hospitalité va perdre minimum 13 millions d'euros, et encore il y a peut-être une agence agréée
02:01 qui s'occupait de la commercialisation des packages qui pourrait déposer le bilan,
02:05 et donc ça pourrait monter à 24 millions d'euros de pertes sur le GIE hospitalité,
02:10 et la Fédération Française de Rugby est actionnaire de ce GIE à hauteur de 55%.
02:15 - Juste pour comprendre, quel est le problème originel des hospitalités pour cette Coupe du Monde,
02:23 parce qu'on a longtemps entendu parler d'une promesse de l'organisation Howard Rugby
02:29 pour un montant d'hospitalités qui serait très très élevé, voire complètement délirant,
02:33 comment peut arriver à une telle situation Florian Grille ?
02:37 - Tout simplement, ce n'est pas que les packs hospitalités ont été mal vendus,
02:42 les équipes de France 2023 là-dessus ont plutôt très bien travaillé,
02:45 puisqu'on a battu un record de vente de nombre de packs vendus,
02:49 on était à un record de 100 000, il y en a eu plus de 120 000 qui ont été vendus,
02:52 donc ça a été très positif, le problème ce n'est pas la vente, c'est l'achat.
02:56 - Et ça paye de fortune ?
02:59 - On les a achetés 82 millions d'euros, 72 millions de livres,
03:04 quand les nations concurrentes à l'époque de la candidature à la Coupe du Monde
03:08 faisaient des offres 2 fois, 2 fois et demi plus basses,
03:11 donc en fait on a fait une folle enchère et on n'a pas été capable de la rentabiliser,
03:15 et puis ça s'est révélé progressivement.
03:18 - On a fait cette enchère pour avoir la Coupe du Monde ?
03:21 - En tout cas je pense que ça y a contribué,
03:24 ça ne peut pas avoir nuit à l'obtention de la Coupe du Monde,
03:27 mais c'est sûr que quand on paye 2 fois ou 2 fois et demi plus cher que les concurrents,
03:30 ça peut aider à obtenir la Coupe du Monde.
03:32 - Quel est le plan alors pour vous, Président Grille,
03:36 pour justement vous parler de ce lourd déficit, pour le compenser,
03:41 parce que j'imagine qu'il faut faire des économies,
03:43 mais à hauteur de ces déficits-là, ce sont de grosses économies du coup ?
03:48 - Sur l'année 23-24, il y a trois raisons au déficit,
03:52 la première raison c'est qu'on vit au-dessus de nos moyens,
03:54 la deuxième raison c'est le GIE,
03:56 et la troisième raison c'est la non-accessibilité au Stade de France
04:00 dans les mois ou dans l'année qui précède les Jeux Olympiques,
04:04 puisqu'on ne peut pas y organiser nos matchs,
04:06 et chaque match non joué au Stade de France, c'est 2 millions d'euros de manque à gagner.
04:09 Donc si on oublie ce caractère un peu exceptionnel du GIE et du Stade de France,
04:14 il faut qu'on fasse des économies à hauteur de 8 à 10 millions d'euros par an,
04:19 c'est considérable,
04:20 et puis après il faut qu'on aille chercher quelques partenaires supplémentaires,
04:22 mais on est assez limité dans le nombre de partenaires supplémentaires qu'on peut aller chercher,
04:25 et puis il y a cette idée que nous avons développée avec mes équipes de la Fédération Amission,
04:30 avec un rôle sociétal qui peut attirer des mécènes,
04:33 et effectivement on a quelques entreprises que ça peut intéresser,
04:37 qui peuvent nous aider aussi à développer le rugby en France,
04:40 parce qu'on sent quand même une énorme envie de rugby.
04:42 - Et plus de sponsors, ça veut dire qu'on va peut-être ouvrir des nouveaux espaces sur le maillot de l'équipe de France ?
04:48 Des nouveaux espaces publicitaires ?
04:49 - Non on ne peut pas en fait, aujourd'hui on a une grille de partenaires,
04:52 on ne va pas se transformer non plus en sapin de Noël,
04:55 mais on a une grille de partenaires avec 3 partenaires textiles,
04:59 et qui sont déjà commercialisés,
05:01 ensuite on a 4 partenaires de rang 2 à 2 millions et demi,
05:04 et 10 partenaires de rang 3 à 500 000 euros,
05:06 simplement il faut qu'on finalise les ventes de ces partenaires,
05:10 ça fera quelques euros en plus,
05:12 mais ça ne fera pas monze et merveille,
05:14 c'est pour ça que d'ailleurs quand les gens me disent "avec la Coupe du Monde c'est facile,
05:17 vous n'avez qu'à vendre des partenaires en plus",
05:19 ben non, le nombre de partenaires est limité,
05:21 et en fait le potentiel de développement du partenariat n'est pas là,
05:24 donc il faut bien faire des économies,
05:26 et il faut par ailleurs aller chercher des mécènes.
05:29 - Yoann Hugé est avec nous, notre consultant sur le radio,
05:32 il a une question pour vous Président Florian Grille.
05:34 - Oui ?
05:35 - C'est juste une question par rapport au manque à gagner au Stade de France,
05:40 il n'y a pas d'aide de l'État, des subventions des Jeux Olympiques ?
05:45 - C'est une vraie très bonne question Yoann,
05:49 en fait malheureusement la précédente gouvernance avait signé de manière totalement incompréhensible
05:54 une convention avec le consortium du Stade de France
05:57 qui stipulait qu'il n'y aurait pas de compensation en cas de travaux
06:00 au Stade de France préalablement aux Jeux Olympiques,
06:02 et donc on perd 4 millions d'euros de résultats,
06:06 donc nous on se trouve invraisemblable au passage,
06:09 d'ailleurs que ce soit la Fédération Française du rugby
06:11 qui paye les conséquences de travaux qui sont faits pour les Jeux Olympiques,
06:14 donc ce fait partie des discussions que je peux avoir avec le ministère et avec l'État,
06:18 en disant écoutez, ce n'est pas à la Fédération Française du rugby de payer les conséquences de ces travaux,
06:22 et puis surtout dans le cadre de la concession ou de la cession éventuelle du Stade de France
06:26 qui pourra arriver demain, j'ai envie que ce soit prévu aussi que s'il y a des travaux,
06:31 et il y a des projets avec de grands travaux, la Fédération Française du rugby soit compensée,
06:35 parce que là aussi, ce n'est pas à nous de supporter les conséquences de ces travaux.
06:38 - C'est étonnant.
06:39 - Quel impact sur le 15 de France ? On lit, et j'imagine que c'est vrai,
06:46 mais qu'il va y avoir réduction des joueurs qui vont venir de 42 à 34,
06:51 que ça va être plus à Marcoussis, c'est les conséquences du, on va dire, du régime minceur que vous allez devoir imposer ?
06:59 - Non, alors écoutez, première chose d'abord, le 15 de France représente 80%,
07:04 les équipes de France, mais c'est quand même majoritairement le 15 de France masculin,
07:09 représentent 80% de nos recettes, donc on n'est pas complètement fous,
07:12 on va continuer à miser à fond sur le 15 de France, et à fond sur son organisation.
07:18 Après, on peut faire preuve de modération, on peut aller dans des hôtels de moindre qualité,
07:23 sans que ça nuise à la performance sportive, on peut faire plus de stages à Marcoussis,
07:27 on peut être plus prudent sur le type de déplacement, il faut de la modération,
07:31 et de la bien-agrémentation dans toute la fédération, ça concerne bien évidemment les joueurs,
07:35 mais l'organisation générale de la fédération, la manière dont on vit,
07:38 moi je suis issu du rugby amateur, vous savez, chaque centime compte,
07:41 et bien il faut avoir le même genre de règles et le même genre de principes à la fédération,
07:45 et puis ne pas hésiter à utiliser des bénévoles, comme ça se fait dans les clubs,
07:49 parce que voilà, il y a des bénévoles qui sont très compétents, et on avait tendance à les oublier un petit peu.
07:53 - Et les primes des joueurs ?
07:55 - Les primes des joueurs, il y a un principe acquis, historique, de primes des joueurs,
08:01 nous on avait fixé une règle, qui avait commencé à être transgressée par Serge Chimon à l'époque,
08:06 mais qui était que les primes des joueurs ne peuvent pas dépasser ce que les partenaires nous versent,
08:10 le cas échéant, c'était le cas notamment si on avait été finaliste ou champion du monde,
08:17 et on va garder ce même genre de principe, c'est-à-dire qu'il faut que les primes des joueurs
08:22 rentrent dans l'enveloppe des partenariats et des primes qu'on obtient de la part de nos partenaires
08:26 quand il y a des performances sportives, et c'est une règle qui est assez saine,
08:29 une règle de gestion qui est assez saine.
08:31 - Deux mandats qui passent à trois mandats, c'est une des décisions que vous avez prises
08:37 dans cette assemblée extraordinaire aujourd'hui, pourquoi vous avez pris cette décision ?
08:43 - Non, c'est un alignement avec la stratégie, enfin les volontés de l'État,
08:48 qui a demandé aussi la parité au bureau, au comité directeur de la fédération,
08:52 qui a demandé qu'il y ait des arbitres, des éducateurs et des sportifs de haut niveau représentés,
08:57 et donc il y avait également cette logique de la durée du mandat, donc on s'est alignés là-dessus.
09:02 La vraie différence qu'on a mis en oeuvre, c'est qu'on a fait un bureau,
09:05 qu'on a inscrit dans le marbre en fait, ce que nous on a fait quand on est arrivé,
09:08 puisqu'on a pris dans notre bureau fédéral des gens de l'ancienne gouvernance,
09:13 qui n'avait jamais été fait avec une forme de proportionnalité,
09:15 et on a inscrit dans le marbre de la proportionnalité dans le bureau fédéral,
09:18 parce que c'est là que se passe vraiment la décision quotidienne de la fédération,
09:23 et c'est normal que, entre guillemets, tous les courants y soient représentés.
09:27 - Florian Gril, on a vu il y a quelques semaines, et ce n'est pas pour le pointer du doigt,
09:33 Oscar Gégou être contrôlé positif à la consommation de cocaïne,
09:37 tout à l'heure sur notre antenne, la dictologue, le spécialiste notamment de toutes ces dérives-là,
09:44 le professeur Carilla était sur notre antenne,
09:48 et faisait l'état d'un souci assez large dans le monde du sport,
09:52 et que le rugby n'évitait pas ce phénomène de société qu'est la consommation de cocaïne,
09:57 et d'autres stupéfiants.
09:58 Est-ce que la fédération va mettre en place quelque chose
10:01 pour sensibiliser les joueurs, et les jeunes joueurs notamment ?
10:04 - Alors la fédération le fait déjà, il y a des interventions dans les académies Pôle Espoir,
10:10 mais c'est vrai, c'est un phénomène de société, on n'est pas exempt des phénomènes de société,
10:15 moi je suis assez terrifié par ça, je pense qu'il y a un vrai sujet, d'une manière générale d'ailleurs,
10:20 parce qu'on a débordé le cadre des addictions, il y a un vrai sujet...
10:23 - Il y a aussi le sujet de sa sanction, qui a été très courte.
10:26 - Oui, il y a le sujet de la sanction, mais plus globalement il y a le sujet de la protection des pratiquants,
10:31 il faut qu'on s'attelle à ces sujets-là, moi je plaide,
10:34 quand je vais à World Rugby, je ne vais pas uniquement pour parler de business,
10:37 j'y vais aussi pour parler de protection des pratiquants,
10:40 moi il me paraît essentiel qu'on fasse évoluer les règles,
10:43 vous savez quand il y avait dans le rugby de nombreux cas de tétraplégie,
10:47 on a réussi à réguler, à pratiquement diviser par deux, grâce à des évolutions des règles,
10:52 moi je plaide pour l'abaissement de la ligne de plaquage,
10:54 qui en plus favorisait un rugby de mouvement en libérant les bras,
10:57 c'est ce genre de choses dont il faut que le rugby français parle,
11:00 et pas qu'on se cache derrière son petit doigt,
11:02 on a eu tendance à se cacher derrière son petit doigt pour les questions financières,
11:05 on se cache derrière son petit doigt pour les questions d'addiction,
11:08 on se cache derrière son petit doigt pour les questions de santé des pratiquants,
11:11 il est temps de tenir un discours de vérité,
11:14 et aujourd'hui à l'Assemblée Générale Financière de la Fédération,
11:17 ça a été un moment de vérité.
11:19 - Merci Florian Gris, le président de la Fédération Française de Rugby,
11:22 invité de Sud Radio, bonne fin d'année, bonne fête à vous,
11:26 et puis surtout une grande année 2024 pour le 15e France,
11:29 et toutes les équipes de France, mais surtout le rugby amateur,
11:32 celui qui... Il y a un impact juste Florian,
11:35 de la Coupe du Monde sur les licenciés ?
11:38 - Oui, 12%. - 12% ?
11:40 - 12% de croissance des licenciés,
11:42 le budget de la précédente gouvernance avait été fait sur une hypothèse
11:45 de 30% de croissance des licenciés, là aussi c'était une plaisanterie,
11:48 voilà, on a à subir tous ces gonflements abusifs.
11:55 - Merci en tout cas d'avoir été avec nous en direct sur Sud Radio,
11:58 on va remercier Yoann Uger d'avoir été avec nous en cette fin d'après-midi,
12:03 autour du match Lyon-Bouls bien sûr, mais également dans le Qui Je Suis,
12:07 vous avez été assez brillant, bien sûr, toujours...
12:10 - On retrouve deux joueurs hulurons là,
12:13 Sylvain Marconnet et Philippe Fanguero, t'imagines ?
12:16 - On les salue et on les embrasse bien sûr dans les destins du rugby,
12:22 avec Philippe, et puis à suivre aussi Ulster Racing
12:25 pour clôturer notre journée de Champion's Cup sur Sud Radio.
12:29 A plus et bonne soirée à vous.