Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari reçoit Henri Guaino, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy. Ensemble, ils débattent de la loi immigration votée par l'Assemblée nationale et les conséquences de ce vote.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 18h37, on se retrouve en direct dans Punchline, sur CNews et sur Europe 1.
00:05 Catherine Ney, toujours avec nous, merci d'être là.
00:07 Catherine Ney, évidemment éditorialiste Europe 1.
00:09 Henri Guaino nous a rejoint. Bonsoir Henri Guaino.
00:11 - Bonsoir. - Merci d'être là.
00:12 Ancien conseiller Nicolas Sarkozy, vous publiez ce livre
00:15 "La septième fois les murailles tombaient", aux éditions du Rocher.
00:18 On est un peu dans l'expectative, après ces crises d'honneur à répétition
00:22 auxquelles on a assisté, que ce soit à l'Assemblée, que ce soit au gouvernement.
00:27 Est-ce que vous avez le sentiment que nous sommes au cœur d'une crise politique
00:30 après l'adoption par le Parlement de la loi sur l'immigration ?
00:33 Une crise politique ou une petite crise politique,
00:35 ou pas de crise politique pour vous, Henri Guaino ?
00:37 Non, une vraie crise politique et surtout un coup très dur porté aux institutions.
00:43 Ah oui ?
00:44 C'est-à-dire, le président de la République,
00:48 qui fait pression sur son Premier ministre et son ministre de l'Intérieur
00:54 pour aboutir à un accord, et qui, l'accord conclu,
00:59 déclare qu'il va demander au Conseil constitutionnel de faire le tri,
01:04 parce qu'il y a dans cet accord, qui a été conclu sous son égide,
01:08 et qui a été voté, voté par le Parlement et par l'essentiel quand même
01:13 de sa majorité, auquel il a demandé de voter,
01:19 explique que dedans il y a beaucoup de dispositions qui ne lui plaisent pas,
01:23 et qui sont d'ailleurs probablement inconstitutionnelles,
01:26 et donc il s'en remet aux juges constitutionnels pour faire le tri.
01:32 C'est quand même du jamais vu.
01:34 Ça délégitime l'action du président ? Ou pas ?
01:38 Ça délégitime les institutions, surtout.
01:41 C'est incompréhensible du point de vue institutionnel,
01:44 c'est une instrumentalisation des institutions,
01:47 comme on ne l'a jamais vue.
01:49 Jamais vue, alors on peut se dire que c'est de l'habileté politique, mais non !
01:52 C'est une instrumentalisation des institutions, après bien d'autres,
01:56 mais celle-là, quand même assez étonnante,
02:01 qui abîme les institutions, et donc la légitimité du président aussi,
02:06 mais en tant qu'institution, c'est-à-dire dans quel État
02:09 vont être les institutions à la fin de ce mandat ?
02:13 Donc la République elle-même, on parle d'atteinte à la cinquième.
02:17 Dans un contexte de crise de la démocratie,
02:21 qui est très profonde, pas seulement en France, mais aussi en France,
02:25 et de crise de la société, de crise de la politique,
02:30 rajouter, donner un tel spectacle...
02:32 Alors, je précise quand même que tout le monde y a mis du sien.
02:36 Tous les partis, tous les groupes, tout le monde y a mis du sien,
02:41 en faisant semblant, il n'y a rien de pire que la politique qui fait semblant.
02:46 Faire semblant de faire une loi qui fait semblant de résoudre le problème de l'immigration.
02:51 Aller en même temps à Bruxelles pour négocier le pacte migratoire
02:57 qui va s'imposer à notre loi nationale,
03:02 ramener le juge constitutionnel dans le circuit
03:07 pour faire le tri de tout ce qui a été rajouté...
03:12 - À sa demande. - À sa demande,
03:14 et pour faire plaisir, pour obtenir un accord avec LR.
03:17 Mais après, la suite, c'est aussi que les juges,
03:23 le juge européen, le juge de la Cour de cassation, le Conseil d'État,
03:27 vont faire aussi le tri dans ce qui va rester.
03:29 - Il ne restera rien, donc, si je vous en prouve, de la régulatrice.
03:31 - Il n'y aura presque rien d'utile.
03:32 Et ce qui est utile, on en reparlera peut-être,
03:34 parce qu'il y aurait pu avoir...
03:36 Ce qui avait un effet juridique, à défaut d'avoir un effet sur l'immigration,
03:40 était assez malvenu, en réalité,
03:43 mais on va sans doute en reparler.
03:44 - Catherine, est-ce que vous partagez l'avis d'Henri Guenot ?
03:46 - Oui, je... Oui, oui, mais ça, le président est un homme,
03:51 d'abord, qui doit gérer le fait qu'il n'a pas de majorité.
03:55 Il est le premier président qui... Il a été réélu.
03:59 Ça, les autres, ses adversaires, ont bien dû s'incliner.
04:03 Donc, ça veut dire qu'il était considéré par les Français
04:05 comme meilleur que l'offre des autres.
04:08 Mais il n'a pas fait campagne.
04:10 Et d'une certaine manière, une campagne, un pouvoir, ça se mérite.
04:13 Là, il n'a pas fait campagne.
04:14 Et contrairement à ses prédécesseurs,
04:16 il n'a pas demandé aux Français de lui donner une majorité.
04:19 Il a été exaucé, d'une certaine manière.
04:22 Et là, il se rend compte qu'il y a des difficultés,
04:25 alors qu'il surmonte grâce au 49-3.
04:28 Et puis là, il a inventé à nouveau quelque chose.
04:31 Mais avec... Quand vous disiez que tout le monde a joué un jeu bizarre,
04:37 c'est-à-dire qu'à la fois Gérald Darmanin a poussé les sénateurs LR
04:41 à aller adhérir à la loi, à prendre des mesures
04:44 qui sont peut-être anticonstitutionnelles,
04:45 mais enfin d'aller loin pour répondre d'ailleurs au vœu des Français,
04:49 qui ont beaucoup changé depuis 15 ans et qui maintenant...
04:51 C'est pour ça, il ne faut pas s'étonner.
04:54 Pourquoi ils soutiennent le Front national,
04:56 qui est depuis longtemps qui dit la même chose sur l'immigration ?
04:59 Donc...
05:00 - Le Rassemblement national. - Le Rassemblement national.
05:03 Donc, il a poussé à faire cette proposition
05:08 qui est venue après vote au Sénat,
05:11 c'est une loi de compromis avec l'UDI,
05:14 mais les sénateurs centristes, les sénateurs Renaissance
05:17 ont voté le projet du Sénat.
05:23 Et après, c'est au Sénat où il s'est aperçu que ça ne marchait pas du tout
05:27 et que la Commission des lois a détricoté 66 % de la loi.
05:31 Donc, il a donné les ordres qu'il fallait faire cesser à Mme Borne,
05:37 de faire cesser ce désordre.
05:39 Et donc, elle a quelque part donné tout ce que lui demandaient les...
05:45 - Le président. - Non, tout ce que demandait le président
05:47 et tout ce que demandait LR pour avoir...
05:49 - Donc, elle a obéi aux injonctions du président de la République.
05:52 - Elle a débrouillé aux injonctions, mais du coup, elle a perdu,
05:54 elle était un peu la défense de l'aile gauche de...
05:57 Voilà, et puis aujourd'hui, la loi est votée
06:01 et le président attend ce que va lui dire le Conseil constitutionnel
06:05 avant de la promulguer.
06:06 - Henri Guaino, il y a un ministre qui a démissionné,
06:08 le ministre de la Santé, alors que, entre parenthèses,
06:10 l'hôpital va mal, mais bon, il a le sens des priorités.
06:14 Est-ce qu'il peut y avoir une succession de démissions, de défections ?
06:18 Il y a 32 départements de gauche qui font ces cessions
06:21 et n'appliqueront pas ces lois d'immigration,
06:23 notamment pour la location, autonomie.
06:25 - Sur la première question, je n'en sais rien,
06:27 il est toujours très difficile pour un ministre de démissionner.
06:31 Même quand ses convictions se trouvent un peu...
06:34 - Prises en porte à feu.
06:36 - Donc je n'en sais rien, mais au fond, ce n'est pas très important.
06:40 - Ce n'est pas très important.
06:41 - Il y en a au moins un qui a mis ses convictions en accord avec ses actes,
06:47 mais c'est, encore une fois, le spectacle qui est donné.
06:51 Vous parlez des conseils départementaux,
06:54 mais les conseils départementaux ne vont pas contrarier la loi,
06:57 ils vont juste voter une allocation qui compensera
07:01 celle qui a été supprimée ou encadrée par la loi.
07:05 Je ne vois pas très bien sur quels fondements
07:07 on pourrait les empêcher de le faire.
07:10 Évidemment, dans le contexte actuel,
07:11 ça rajoute du désordre au désordre, du chaos au chaos,
07:14 mais tout ça pour ça, c'est-à-dire, encore une fois,
07:17 cette loi ne servait à rien à partir du moment
07:21 où on avait refusé d'engager le vrai débat politique,
07:25 qui est d'abord la condition de tout le reste,
07:28 qui est la question de la place de la loi nationale
07:31 par rapport aux conventions internationales
07:35 ou aux droits dérivés européens,
07:38 et ensuite, la question aussi de savoir comment jugent nos juges,
07:41 nos propres juges, dans le domaine des droits des étrangers.
07:45 Il faut le dire et le redire, c'est le juge qui décide,
07:48 et pas le législateur, dans l'état actuel du système juridique.
07:51 Alors, soit on modifie le système juridique,
07:54 soit on se moque du monde en réalité,
07:56 c'est-à-dire on fait semblant, et en faisant semblant,
07:58 on court le risque, dans trois ans, de voir que ça n'a rien changé,
08:02 et les gens diront "Voilà, ils nous ont menti une fois de plus".
08:05 Donc c'est délétère.
08:06 Alors, on s'est attaqués à deux ou trois choses,
08:08 mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
08:10 Je laisse de côté l'AME, qui heureusement est sortie du champ,
08:13 mais l'AME, ce n'est pas le juge qui décide,
08:15 c'est le médecin qui décide.
08:17 Donc vous pouvez faire toutes les lois que vous voulez,
08:19 ça ne va pas changer.
08:19 Tous ceux qui ont excité les gens sur l'AME
08:22 n'ont qu'une porte de sortie en réalité qui soit portée.
08:24 Après, il y a la fameuse histoire des APL.
08:27 Alors, juste un mot dessus, parce que ça agite le monde.
08:29 Alors, les APL, c'était dès l'origine,
08:32 l'APL, en tant que tel, une mauvaise idée.
08:34 Pourquoi ? On s'en est rendu compte par la suite,
08:36 parce que quand vous donnez des aides aux locataires
08:39 pour payer leur loyer, les loyers augmentent.
08:41 Voilà, donc l'APL a été inflationniste.
08:43 Donc tout ça fait que finalement, ça ne sert à rien.
08:46 En revanche, le jour où vous la supprimez,
08:48 vous avez un problème,
08:49 parce que les loyers restent en haut
08:51 et le revenu, lui, il descend.
08:53 Bon, alors ça, c'est la première chose.
08:55 Donc c'est une mauvaise idée,
08:56 mais c'est très difficile de la retirer ou de la baisser.
09:00 Mais moi, je trouve curieux le message qui est envoyé
09:04 dans une loi sur l'immigration en essayant de réduire.
09:07 Alors, surtout pour ceux qui n'ont pas de travail,
09:10 ceux qui ont du travail,
09:11 il y a trois mois de carence, ce n'est pas énorme,
09:13 mais est-ce que le but, c'est de faire en sorte
09:16 que ceux qu'on a laissés rentrer, qui sont là,
09:19 en plus là, il s'agit de gens en situation régulière,
09:22 ne puissent pas se loger.
09:23 Mais s'ils ne peuvent pas se loger, ils vont aller dans la rue.
09:25 Donc on va avoir des camps de toile de plus en plus important.
09:29 Ça ne risque pas de ne pas être simplement des centaines.
09:33 Ça risque d'être des milliers, des dizaines de milliers.
09:36 Si les gens ne peuvent pas se loger,
09:37 en tout cas, le message est étrange.
09:39 Est-ce que ça veut dire que tant pis, ils iront dans la rue ?
09:43 Mais s'ils vont dans la rue, qui va supporter ça ?
09:45 C'est tout le problème.
09:46 Alors on dit que c'est une pompe aspirante,
09:48 je ne suis pas sûr que ce soit vraiment une pompe aspirante,
09:50 mais ce dont je suis sûr, c'est que plus on restreint
09:52 leur capacité de se loger après les avoir laissés entrer,
09:55 et plus le désordre va s'accroître.
09:59 C'est ce qui se passe aux portes de Paris.
10:01 Il y a un camp, puis le camp, quand les gens en ont assez,
10:04 on le déplace à une autre porte,
10:05 et là, il va y avoir beaucoup de camps.
10:07 C'est passionnant.
10:09 4 minutes.
10:10 Aujourd'hui, il y a à peu près 160 demandes d'asile par an.
10:15 Mais c'est ça le problème.
10:18 Oui, le problème.
10:19 Alors là, je crois qu'on a raccourci le temps de réponse,
10:21 parce qu'il y a beaucoup de recours,
10:23 mais on sait que sur les 160 000,
10:25 à peu près 70 % sont rejetés, mais ils ne partent plus.
10:29 Et c'est ça, le problème du logement se pose.
10:32 On les a laissés entrer, ils sont entrés, ils demandent l'asile,
10:34 on leur répond trop tard.
10:35 Et après, on ne sait plus quoi faire.
10:37 Et ça, ça pose de vraies questions,
10:38 parce que dans la région parisienne,
10:40 il n'y a plus les moyens de les loger.
10:43 Alors ils sont dans la rue parce qu'on ne sait pas où les loger,
10:45 on ne sait pas comment faire.
10:46 Mais si vous restreignez encore leurs moyens de se loger,
10:48 on n'arrange rien.
10:49 Ce que je veux dire, c'est que, en réalité,
10:51 le combat, il se livre sur la frontière.
10:54 C'est-à-dire, est-ce qu'on les laisse rentrer ?
10:56 Est-ce qu'on a encore des frontières ?
10:57 Je parle des frontières juridiques aussi.
10:59 Donc là, on revient à la remarque précédente.
11:01 Mais c'est ça le problème.
11:02 Une fois qu'ils sont là,
11:03 il est extraordinairement difficile de les faire repartir.
11:07 D'abord, parce qu'il faut que les pays d'origine les reprennent.
11:10 Il faut qu'on épuise tous les recours
11:13 dans le cadre actuel de notre système juridique.
11:15 On ne peut pas les laisser...
11:17 Le médecin décide s'il soigne ou s'il ne soigne pas,
11:19 s'il hospitalise ou s'il ne hospitalise pas.
11:21 On ne peut pas les laisser tous dans la rue.
11:23 Enfin, voilà, on se met dans une situation...
11:25 - On est dans une impasse totale. - Et ça ne concerne pas que
11:26 le droit d'asile, parce que là, par exemple,
11:29 l'APL, ça concerne des gens qui sont en situation régulière.
11:32 C'est-à-dire qu'en fait,
11:34 on n'a pas maîtrisé les flux depuis des décennies.
11:37 Et non seulement on n'a pas maîtrisé les flux,
11:39 mais en plus, on n'a pas traité le problème de l'assimilation
11:43 de ceux qui ont laissé rentrer
11:46 dans une société qui est fracturée, fragilisée.
11:49 Vous vous dites "assimilation", Henri Gainaut,
11:51 vous ne dites pas "intégration".
11:52 - Non, je dis "assimilation". - Vous dites "assimilation".
11:53 Parce que l'intégration, c'est matériel, social,
11:56 c'est le logement, le travail.
11:57 Et l'assimilation, c'est la prise en partage
12:00 d'une culture commune, pas l'oubli de la sienne,
12:02 mais d'une culture commune, d'une histoire commune,
12:05 d'une civilité commune
12:06 et d'une forme de civilisation commune.
12:09 Et si vous n'avez pas ça,
12:10 vous finissez par avoir deux peuples
12:14 dans un même pays, sur un même territoire.
12:18 Vous savez, on peut aller voir ce que ça donne
12:20 en Palestine ou en Israël.
12:22 Bon, je veux dire, c'est...
12:24 Et ça, le pire, c'est que nous en sommes arrivés au point
12:28 où nous ne pouvons plus assimiler
12:30 ceux que nous avons laissés entrer,
12:32 mais nous assistons même à la désassimilation,
12:35 en la troisième génération ou quatrième génération,
12:37 d'une jeunesse que l'école...
12:41 - N'arrive plus. - N'arrive plus,
12:43 n'a pas voulu non plus.
12:44 C'est-à-dire que c'est aussi un choix.
12:47 Ça a été un choix politique et idéologique
12:48 de laisser tout ça se déstructurer et se défaire.
12:51 Bien sûr. Catherine, tu as rajouté quelque chose.
12:53 Non, le problème, c'est que peu à peu,
12:55 dans les HLM, dans les banlieues,
12:57 la mixité sociale a disparu,
13:00 parce qu'au bout d'un certain...
13:02 Quand il y a un peu plus trop d'immigrés,
13:05 disons, les Français de souche,
13:06 alors qu'ils ne se reconnaissent pas,
13:08 alors qu'il y a eu un temps, la mixité se faisait bien.
13:11 C'était des apports de cultures différents,
13:13 avec des gens qui se recevaient,
13:14 où la religion ne primait pas.
13:16 Il y a eu un temps heureux, peut-être,
13:17 à la première ou la deuxième génération.
13:19 Mais maintenant, dans les HLM aujourd'hui,
13:22 où la plupart des gens ont une aide,
13:26 mais les Français qui sont là depuis longtemps,
13:29 qui sont dans ces HLM depuis 30 ans,
13:30 ils n'ont pas d'aide.
13:31 Et en plus, comme vous le dites,
13:33 le loyer ne cesse de monter, puisqu'il faut bien que...
13:35 Et puis, il y a le reste.
13:37 - Et donc ? - Il y a la délinquance.
13:39 Il y a les trafics de drogue.
13:41 Je ne sais plus où j'ai vu un rapport
13:42 où il s'agit de plus de 200 000...
13:44 Le nombre de gens qui vivent des trafics de drogue,
13:47 qui font la loi dans les quartiers.
13:49 Simplement, on est dans un système
13:50 où on préfère mettre les policiers en prison
13:52 et laisser les voyous dehors.
13:53 Donc là encore, c'est un problème.
13:55 Il y a un problème aussi, là,
13:56 du type de justice qui est rendue,
13:59 de la manière dont on traite les forces de l'ordre.
14:03 Voilà, et c'est pas...
14:05 L'autorité, c'est quelque chose qui s'intériorise
14:08 et ça s'apprend dans l'éducation,
14:11 dans la famille, dans la vie quotidienne, à l'école.
14:16 À partir du moment où on a...
14:17 - Tout laissé. - Tout laissé tomber.
14:19 Non, mais quand la mixité sociale disparaît
14:22 dans les villes, dans les petites villes,
14:24 dans des quartiers,
14:26 l'assimilation ne peut plus...
14:28 Il n'y a plus d'assimilation possible.
14:30 Catherine, dans quelques instants,
14:31 dans la soirée, le président va prendre la parole à la télévision.
14:33 Quel numéro va-t-il nous faire ?
14:35 J'ai envie de vous demander.
14:37 C'est quelqu'un qui parle facilement
14:39 et qui va beaucoup parler.
14:40 Deux heures.
14:41 Je ne sais pas ce qu'il va dire.
14:43 Il va tirer les leçons de ce qui vient de se passer.
14:47 Il va être très content.
14:48 Enfin, je ne sais pas comment il va le prendre,
14:50 mais il va beaucoup parler.
14:52 Alors qu'est-ce qu'au bout de deux heures...
14:54 - Qu'est-ce qu'on en retiendra ? - Qu'est-ce qu'on en retiendra ?
14:58 Je ne sais pas.
14:59 Quelquefois, on est enfoui dans "trop d'impôts, tu d'impôts",
15:02 "trop de paroles, tu la paroles".
15:03 Je ne sais pas, mais il a eu besoin de parler.
15:07 Je pense qu'une bonne demi-heure aurait suffi, moi, je pense.
15:11 - Henri Guaino ? - Il y a des leçons à prendre,
15:13 vous savez, sur le passé, le vieux monde.
15:15 Dans le Général de Gaulle, Georges Pompidou venait à la télévision
15:18 pour faire une allocution solennelle,
15:21 parce que la situation l'exigeait.
15:23 Il parlait très peu de temps,
15:25 mais chaque mot était pesé,
15:28 chaque mot porté.
15:29 Là, aujourd'hui, on bavarde, on vient bavarder.
15:32 Alors, ce n'est pas propre au président actuel,
15:34 même s'il a poussé l'exercice assez loin.
15:37 Mais voilà, on a enlevé toute solennité, toute gravité.
15:42 Donc, ça ne porte plus.
15:46 François Hollande estime-lui qu'Emmanuel Macron a pris les idées de l'extrême droite.
15:49 Qu'est-ce que vous en pensez, Henri Guaino ?
15:51 Je pense qu'il ne faut pas non plus...
15:53 Je trouve que là, c'est toujours pareil.
15:57 Ce qu'en juge tout le monde imméducien,
15:59 c'est qu'on exagère dans l'impression
16:00 qu'on a basculé dans le fascisme ou le nazisme depuis hier soir.
16:04 Il ne faut quand même pas exagérer.
16:05 La préférence nationale, si ça veut dire qu'on ne traite pas tout à fait
16:09 les citoyens du pays comme ceux qui n'ont pas la citoyenneté,
16:12 ce n'est quand même pas un scandale en soi.
16:14 Tout ça, on ne peut plus débattre de tout ça sereinement.
16:17 Mais encore une fois, comment s'est moqué du monde ?
16:20 Comment on fait des textes qui ne tiennent pas debout,
16:22 qui ne pensent jamais aux conséquences,
16:24 où on ne pense pas aux conséquences de ce qu'on fait ?
16:26 95 articles pour traiter le problème qu'on vient d'évoquer là,
16:31 mais qui est le problème d'une politique globale.
16:34 Vous ne pouvez pas le traiter de cette façon,
16:36 en faisant 95 articles pour avoir la possibilité de marchander.
16:40 Parce que c'est ça.
16:41 Il faut avoir la possibilité de marchander,
16:44 donner à l'un, de prendre à l'autre, etc.
16:45 Voilà, c'est vraiment une façon de légiférer
16:50 par le marchandage politicien et partisan.
16:52 Ça, ça a appelé jadis le régime des partis.
16:54 On y est de nouveau.
16:56 Et là, c'est dans le cadre de la Ve République
16:59 que ce régime des partis, dans ce qu'il y a de pire,
17:02 et des politiciens, est en train de miner complètement.
17:08 Catherine, ils n'ont que peur d'en retenir les Français.
17:10 Dans quelques jours, ils vont avoir le dîner de Noël.
17:12 Qu'est-ce qu'ils vont se dire autour de ce dîner de réveil ?
17:15 Ça, je ne sais pas, mais je me souviens, l'année dernière...
17:17 - Ils se font circonspect. - L'année dernière,
17:19 c'était pour les voeux du président.
17:21 Et c'était un moment où la famille,
17:23 on dit "le président va parler",
17:25 et là, il avait parlé 25 minutes.
17:27 Et c'était une âne à force.
17:29 "Et grâce à votre courage et votre engagement..."
17:32 Et alors, je l'ai relu après, et moi, je n'avais pas imprimé,
17:34 parce que je me disais "mais quand est-ce qu'il s'arrête ?"
17:36 Voilà, bon.
17:37 Et on relit "grâce à votre courage, votre engagement,
17:40 on va réduire le chômage, les déficits, on va arrêter..."
17:44 Ça ne voulait rien dire.
17:45 Je me disais "mais comment, un 31, on ne pense pas aux gens
17:49 qui sont chez eux, qui ont envie d'être en famille,
17:52 qui ont juste des vœux, c'est des vœux, bon sens."
17:54 Enfin ouais, il faut faire très très court.
17:56 Alors là, il ne sait pas faire court.
17:58 Et on lui dit "fais court", il ne sait pas.
18:00 Alors là, il a pris deux heures, vous voyez ?
18:02 C'est-à-dire qu'il fait à la fois la partie politique
18:05 et la partie...
18:06 - Jeux olympiques, nous dit-il aussi. - Comment ?
18:08 - Jeux olympiques aussi. - Jeux olympiques, en fait.
18:10 Bon, mais je ne sais pas, il va parler de beaucoup de choses,
18:12 je ne sais pas ce que les Français en retiendront,
18:14 et est-ce qu'ils resteront les deux heures.
18:15 Henri Guaino, un dernier mot sur...
18:17 "À la septième fois, les murailles tombèrent",
18:19 - c'est le titre de votre livre. - "Une muraille de plus est tombée."
18:21 Voilà, c'est l'exemple...
18:23 Quelle que soit la direction dans laquelle vous tournez vos regards,
18:27 aujourd'hui, vous trouvez un dérèglement ou un effondrement,
18:31 et c'est pareil sur la scène internationale.
18:33 Donc, voilà, ces murailles, on les a laissées s'effriter
18:38 ou on les a déconstruites en disant
18:40 "ce qui est arrivé avant nous ne nous arrivera plus."
18:42 Voilà, et bien voilà,
18:43 tout ce qui est arrivé avant nous peut nous arriver,
18:46 exactement comme...
18:47 Vous savez, je reviens toujours,
18:49 mais c'est arrivé après la parution de ce livre,
18:52 mais c'est comme les jeunes gens
18:53 qui faisaient une rave partie à 4 km de Gaza,
18:57 ça ne pouvait pas leur arriver, ça ne pouvait plus arriver.
19:00 Eh bien voilà, tout peut nous arriver,
19:03 et si nous relâchons notre vigilance,
19:05 si nous ne sommes plus exigeants vis-à-vis de nous-mêmes,
19:07 si nous relâchons l'effort sur soi-même
19:09 de la civilisation, de la culture et de la civilité,
19:13 eh bien voilà, il nous arrivera la même chose
19:16 qu'à nos prédécesseurs.