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00:00 Il est 7h45, 04/76/46/45/45, nous parlons de la loi immigration, de ses conséquences, de tout ce qui tourne autour.
00:06 On vous pose cette question ce matin. Pensez-vous qu'il soit nécessaire de modifier le droit d'accueil des étrangers en France ?
00:11 Est-ce que vous êtes touché par cette situation ? Appelez-nous pour poser vos questions, pour témoigner.
00:16 En écoutant aussi la discussion que vous avez Laurent Guélien avec notre invité Maître Claude Coutaz, avocat spécialiste du droit des étrangers.
00:22 Voilà, Maître Claude Coutaz, bonjour.
00:24 Bonjour.
00:25 Avocat spécialisé effectivement en droit des étrangers, je dois aussi dire que vous avez été élu lors du premier mandat à Piolle,
00:32 dans la majorité écologiste et de gauche à Grenoble. Voilà, je devais le dire avant qu'on commence la discussion.
00:38 On a l'impression avec ce débat sur un durcissement de la loi immigration, parce que c'est le mot qu'on entend,
00:45 que c'est facile d'être aujourd'hui un immigré en France. Est-ce que c'est si facile que ça ?
00:51 Écoutez, moi ça fait 25 ans que je suis avocat, que je fais du droit des étrangers.
00:55 Je crois avoir compté que j'ai traversé 19 réformes du droit des étrangers.
00:59 C'est très complexe et le parcours d'un étranger en France était déjà extrêmement difficile.
01:05 Bien sûr que cette réforme, cette énième réforme va le rendre encore plus compliqué.
01:09 Pour quelle efficacité, moi je vais vous dire, en 19 réformes, je n'ai pas vu la différence.
01:14 Ça a compliqué la vie des étrangers que je côtoie et de mon travail, mais ça n'a jamais permis plus d'éloignement.
01:21 Ça n'a eu strictement aucune efficacité, donc j'aimais des doutes sur cette énième réforme.
01:26 Et ça a multiplié les recours, là où vous agissez. Qu'est-ce qui coince le plus souvent ?
01:30 Qu'est-ce qui fait le plus souvent objet de recours au tribunal administratif en matière de droit des étrangers ?
01:35 Ce sont souvent des situations inextricables des gens dont on sait qu'ils vont rester ici parce qu'ils ont de la famille,
01:41 parce qu'ils sont installés depuis longtemps, qu'ils travaillent, qu'ils payent d'ailleurs même des impôts.
01:45 Et l'administration peine à les régulariser, ce qui est un problème que cette réforme d'ailleurs essaye de résoudre.
01:51 Mais ce qui pêche le plus, c'est ça. Ce sont des gens qui sont avec nous, qui travaillent d'ailleurs pour nous,
01:57 et que l'on a du mal à régulariser. Pourquoi ?
02:01 Alors on va rentrer dans les détails un peu plus précis des changements que va apporter cette nouvelle loi,
02:07 telle qu'elle est en tout cas aujourd'hui. Pour y illustrer ce qu'est aujourd'hui aussi la condition d'accueil d'étrangers en France,
02:14 je voulais qu'on écoute un témoignage, c'est celle d'une étudiante chinoise.
02:16 Elle est en alternance entre Grenoble et Paris, dans une grande société.
02:20 Elle a eu, pour des raisons de changement, de réglementation ou de manière de faire de la préfecture,
02:26 en début d'année, une semaine où elle s'est retrouvée sans papiers, alors qu'elle y avait droit.
02:30 La préfecture a tardé à lui envoyer. Écoutez le stress que ça a généré, parce qu'il ne faut pas oublier que derrière, ce sont des êtres humains qui le font.
02:36 Quand je n'avais pas de papiers en France, j'étais vraiment paniquée parce que moi, je suis en alternance.
02:43 Et pour un étudiant normal, c'est-à-dire pas en parcours alternance, les étudiants étrangers ou internationaux peuvent aller au cours.
02:53 Il n'y a pas de souci. C'est juste peut-être qu'ils n'ont plus le droit de quitter la France ou voyager en Europe ou retourner chez eux.
03:04 Ils n'ont plus de CAF pendant des jours où ils n'ont pas de papiers, mais ils peuvent au moins toujours aller au cours.
03:10 Mais nous, sans les papiers, sans les titres de séjour, même si on est tout à fait éligible, on ne peut pas aller au travail, on ne peut pas aller à l'école.
03:20 Voilà un témoignage qui illustre les difficultés aujourd'hui des droits d'accueil en France parfois,
03:24 de la part d'une étudiante qui n'est pas parmi les plus défavorisées, encore une fois, en termes d'accès aux droits par rapport à d'autres migrants.
03:32 On revient sur la loi telle qu'elle va évoluer. Il y a deux dossiers de points plus sensibles que les autres qui paraissent cristalliser le débat.
03:42 Celui du travail, on en reparlera, et celui des prestations sociales.
03:45 Qu'est-ce que ça va changer en termes de prestations sociales pour quelqu'un qui est installé en France et qui a réussi à obtenir des papiers ?
03:51 Parce qu'il faut déjà obtenir des papiers.
03:53 Oui, alors il est question de modifier les conditions d'accès à un certain nombre d'allocations pour allonger le temps de présence en France
04:02 avant de bénéficier de droits qui jusque-là étaient acquis.
04:06 Donc après 5 ans de séjour en France ou 30 mois d'affiliation pour ceux qui travaillent, sauf dans certaines circonstances.
04:14 Donc si vous voulez, ça va être plus long d'obtenir des droits.
04:18 Mais voyez l'interlocutrice d'avant, l'étudiante, qui expliquait qu'elle perdait des droits aujourd'hui à cause de l'inertie de l'administration
04:25 qui manque de moyens avant de faire des lois. Il faudrait donner des moyens aux préfectures pour qu'elles puissent accueillir les gens dans de bonnes conditions.
04:29 Et qu'elle complexifie alors qu'elle souhaite simplifier.
04:32 Elle perd son récépissé, qu'on n'a pas renouvelé tout de suite, qu'il y a un petit délai de latence.
04:35 Elle va perdre des droits déjà aujourd'hui. Et avec cette loi, ça va évidemment être encore plus compliqué
04:40 parce qu'avant d'avoir ces droits à des allocations ou à un séjour, il va falloir attendre plus longtemps qu'aujourd'hui.
04:47 - Le droit au travail également change ?
04:50 - Alors ça c'était le point positif de la loi puisque c'était effectivement la possibilité de régulariser des gens qui travaillent.
04:57 Et c'est effectivement une bonne chose. C'est quelque chose que la gauche aurait dû faire depuis très longtemps,
05:01 qui existait dans des circulaires mais ce n'était pas satisfaisant
05:04 puisque la circulaire n'a pas force de loi qu'elle n'était plus appliquée par les préfectures.
05:08 Et donc aujourd'hui, il y a cette possibilité inscrite enfin dans la loi, mais qui est laissée à la discrétion des préfectures.
05:14 C'est-à-dire qu'il va falloir, si on a 12 fiches de paye dans un métier dit "en tension"
05:21 et qu'on vit en France depuis au moins 3 ans sous certaines conditions,
05:25 il ne faut pas avoir été étudiant, saisonnier ou demandeur d'asile,
05:29 mais après un certain temps de séjour en France, un certain temps de travail dans un métier en tension,
05:34 on pourra bénéficier d'une mesure de régularisation.
05:37 C'est inscrit dans la loi, ce sera donc très utile pour les personnes
05:42 et les entreprises qui font travailler ces personnes parce qu'elles en ont besoin.
05:46 Mais ce n'est pas si satisfaisant que ça, puisqu'on verra comment en pratique
05:50 cela sera appliqué par les préfectures.
05:52 Si c'est comme aujourd'hui, ça ne va malheureusement pas concerner suffisamment de personnes.
05:56 Il est 7h51, notre invité ce matin c'est Maître Claude Coutaz, avocat spécialiste du droit des étrangers.
06:01 Et on vous propose de nous appeler pour lui poser vos questions, mais aussi pour réagir à cette loi immigration.
06:05 Est-ce que vous pensez qu'il est nécessaire de modifier le droit d'accueil des étrangers en France ?
06:10 Est-ce que vous êtes inquiet par les changements qui vont arriver ?
06:13 Appelez-nous 0476 46 45 45.
06:15 Et concernant cet accueil des étrangers en France, on a quelques réactions sur internet,
06:19 ou en tout cas quelques remarques sur Facebook.
06:22 Notamment celle d'Alexandre qui est à Saint-Martin-de-Vinou,
06:25 et qui lui est directement concerné puisque son épouse est ivoirienne.
06:30 Et il dit que les ambassades vont durcir les lois pour avoir les visas pour rentrer en France.
06:36 Est-ce que c'est vrai Claude Coutaz ?
06:38 Sur les visas c'est parfaitement vrai puisqu'il est prévu dans la réforme
06:41 que l'on puisse refuser des visas à des ressortissants d'État
06:46 qui ne joueraient pas le jeu de la réadmission de leurs ressortissants sans-papiers qu'on veut éloigner.
06:50 Donc pour faciliter l'éloignement des étrangers, on deal avec l'État.
06:54 Et s'il ne joue pas le jeu, on refuse des visas à ces ressortissants-là.
06:58 Mais pour quelqu'un qui, comme cet auditeur visiblement, est conjoint de ressortissants français,
07:03 il y a une mesure qui est assez inaperçue mais qui est assez gravissime,
07:06 qui rendra plus compliqué encore l'obtention d'un titre de séjour pour quelqu'un qui est marié avec un ressortissant français.
07:13 C'est-à-dire qu'on ne porte plus tellement atteinte aux droits de l'étranger,
07:16 mais aux droits du français qui a eu le malheur de tomber amoureux de quelqu'un qui vit à l'étranger.
07:22 Cette personne désormais devra justifier de ressources suffisantes pour pouvoir venir en France,
07:27 un peu sur le modèle du regroupement familial qui concernait jusque-là les étrangers.
07:31 Là, c'est le français qui, parce que l'amour n'a pas de frontière et qu'il est tombé amoureux de quelqu'un là-bas,
07:37 va devoir être suffisamment riche pour se payer le luxe de faire venir sa femme ou son mari pour vivre en famille en France.
07:44 C'est quelque chose d'assez terrible quand on y pense.
07:47 - Alors on le voit, cette loi immigration, comme les précédentes d'ailleurs, peut toucher énormément de gens,
07:53 dans des circonstances très variées, tous les cas sont particuliers aussi.
07:56 À chaque fois, il y a une histoire derrière.
07:58 Elisabeth Born, la première ministre, reconnaît que certaines des mesures qui ont été adoptées sont anticonstitutionnelles,
08:04 elle l'a dit, en tout cas comme ça.
08:06 Votre regard, vous de spécialiste du droit, alors pas constitutionnel, mais des étrangers,
08:10 il y a effectivement certaines mesures qui, comme ça, vous paraissent anticonstitutionnelles et qui vont être retoquées ?
08:16 - Oui, oui, il y a plusieurs mesures.
08:19 On pense par exemple au rétablissement du délit de séjour irrégulier,
08:24 qui avait été effectivement supprimé de haute lutte et sous la pression de l'Union européenne.
08:31 Donc cette disposition-là, est-ce qu'elle va passer le cap du Conseil constitutionnel ?
08:34 Je ne le souhaite pas, parce que vous voyez, tout à l'heure, on parlait des possibilités de régularisation de travailleurs sans papier.
08:39 Oui, c'est possible, sauf s'ils ont une condamnation à leur casier judiciaire, au bulletin numéro 2 de leur casier judiciaire.
08:44 - Donc si on retombe dans le délit, ça fait condamnation ?
08:46 - Si on a été attrapé en séjour irrégulier et qu'on a eu 3700 euros d'amende du fait de ce délit,
08:51 il sera inscrit au bulletin numéro 2 du casier judiciaire, on sera privé de régularisation par la suite.
08:55 Ça va créer des sans-papiers, dans une certaine mesure.
08:59 Là où, jusqu'ici, il n'y avait plus de délit de séjour irrégulier, c'était une bonne chose.
09:04 - La présence d'étrangers venant travailler, venant vivre en France,
09:09 c'est un poids pour la société française ou un avantage selon vous ?
09:12 Et là, c'est une question un peu plus politique.
09:14 - Or politique, il y a M.Héran qui nous fait la démonstration de ce que nous avons besoin de l'étranger,
09:24 si on veut parler en termes de besoin.
09:26 Donc oui, bien sûr que c'est quelque chose de positif.
09:28 Et puis je pense aussi à nos universités, vous en parliez tout à l'heure.
09:31 - On a entendu Yacine Lachmèche, le président de l'université.
09:33 - Oui, bien sûr qu'on vit avec les étrangers, on a besoin d'eux.
09:37 Il se trouve que ce sont eux qui exercent les fonctions dans les métiers où on a du mal à recruter.
09:42 Visiblement, on en a besoin. Donc pourquoi ne pas faire avec ?
09:45 Moi, à titre personnel, je trouve que c'est tout à fait une bonne chose d'accueillir du mieux possible.
09:51 Après, au niveau politique, chacun a ses opinions, mais il y a une réalité.
09:55 Et comme je vous disais tout à l'heure, ça fait maintenant des décennies que c'est la même.
09:59 On peut lutter tant qu'on veut, mais il y a un moment où il faut peut-être consacrer les moyens,
10:02 là où il y a des besoins, encore une fois, renforcer les besoins dans les préfectures
10:06 où même les personnels sont aux abois parce qu'ils n'arrivent pas à traiter les dossiers des gens
10:10 qui sont là depuis des années, qui ont des papiers.
10:11 Et ça, ça fait naître de la souffrance derrière, quel que soit effectivement le texte.
10:15 Et on crée des sans-papiers là où des gens ont un titre de séjour du jour au lendemain,
10:19 ils n'en ont plus parce qu'on n'a pas eu le temps de renouveler leur récipice.
10:21 Ils perdent leur emploi parce que l'employeur ne peut pas attendre.
10:23 Merci Maître Claude Coutas d'être venu nous éclairer ce matin sur la loi,
10:27 les lois même si j'ose dire, immigration, celle d'aujourd'hui et celle de demain.