Le Déclic S1 EP27 - Magazine de l'écologie

  • il y a 9 mois
Interview confession de personnalités politiques et médiatiques sur des sujets environnementaux

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Transcription
00:00 [Musique]
00:20 [Sonnerie de porte]
00:22 C'est bien ici ?
00:27 C'est bien là.
00:28 Bonjour Edouard.
00:29 Christophe Baratier, cinéaste et réalisateur français, fait ses armes dans le cinéma
00:33 aux côtés de son oncle Jacques Perrin.
00:35 Musicien classique devenu cinéaste, il excelle dans la création d'oeuvres émouvantes
00:39 qui explorent les thèmes de l'humanité, de l'amour et des liens entre générations.
00:44 Son oeuvre la plus célèbre, "Les choristes", qu'il l'a révélée à l'international,
00:48 a été nommée deux fois aux Oscars.
00:50 Ses films invitent à des voyages émotionnels,
00:53 où la musique joue un rôle central, comme par magie, et son septième long-métrage.
00:58 Bienvenue dans "Le Déclic".
00:59 Christophe, merci d'avoir accepté notre invitation.
01:02 C'est un plaisir, c'est un plaisir.
01:04 Ma toute première question, quel a été votre déclic en matière d'écologie ?
01:08 Eh bien ça m'est venu, je crois, avec mon oncle, le producteur-acteur Jacques Perrin,
01:12 parce que Jacques est quelqu'un qui avait déjà, en 1972, j'étais tout petit,
01:18 un projet de film qui s'appelait "La pollution".
01:21 Et "la pollution" était un verbe, enfin un mot qu'on entendait assez peu à l'époque.
01:26 Et on pensait toujours que "la pollution", c'était que les usines,
01:30 c'était que les groupes industriels, évidemment ça l'était,
01:33 mais il y avait d'autres choses, et c'est lui qui m'a ouvert les yeux,
01:36 parce que j'ai entendu ce premier mot, je me souviens de ce mot que j'avais quand j'avais 7 ans,
01:39 c'est la première fois que j'entendais parler.
01:41 Ça vous a marqué.
01:42 Enfin, que rêviez-vous de devenir ?
01:44 Acteur.
01:46 D'accord.
01:47 C'était de famille, alors maintenant, quand on est acteur devant la caméra,
01:50 tout ça, on reste un petit peu acteur, en tout cas on les fréquente,
01:52 et même si j'ai joué, je ne suis pas un acteur professionnel,
01:55 mais je le considère comme quelqu'un de spectacle.
01:57 Votre tout premier geste école ?
02:00 J'étais à l'école primaire, et je demandais, j'avais 8 ans,
02:04 une école un peu dure, et j'ai demandé dans la cour à un maître
02:07 si je pouvais aller aux toilettes.
02:09 Il m'a dit "oui, mais tu ramasses 10 papiers dans la cour".
02:12 Donc il fallait ramasser 10 papiers pour avoir le droit d'aller aux toilettes.
02:15 C'était un peu sévère, mais ça donnait une bonne impression.
02:18 A contrario, est-ce que vous avez un péché en écologie ?
02:21 Quelque chose que vous faites, où vous vous dites "mec, il faut que je change".
02:24 Oui, il m'arrive encore parfois de dissimuler un mégot
02:27 où je ne devrais pas le laisser.
02:29 Si vous deviez être le père d'une loi, d'une invention, d'un grand projet,
02:34 qu'est-ce qui vous a particulièrement marqué ?
02:37 Qu'est-ce qui fait sens pour vous ?
02:39 En matière d'écologie ?
02:40 En matière d'écologie ou en matière de social ?
02:42 J'ai honte de voir dans nos beaux quartiers de parisiens
02:45 où il y a des milliers de mètres carrés,
02:47 inhabités, de voir des gens qui sont dehors,
02:50 et qui dorment sous des cartons.
02:52 De nos jours, je trouve ça indécent qu'on puisse supporter ça.
02:55 Le cinéma, on va en parler un petit peu.
02:58 Je crois qu'il y a un film "Comme par magie".
03:01 Est-ce que quelque part, tout est dit dans le titre ?
03:04 Gérard Junio et Kev Adams jouent un papa
03:07 qui malheureusement perd sa femme au moment de la naissance de sa fille,
03:10 et qui se voit aidé par un beau-père très envahissant.
03:14 Et on s'aperçoit effectivement que tous les deux se raccrochent à cet enfant
03:18 comme une boue de sauvetage,
03:19 pour essayer simplement de survivre à cette épreuve.
03:21 Et que les choses ne se font pas comme par magie.
03:25 C'est-à-dire qu'on a toujours l'impression que les choses peuvent se faire,
03:29 ne serait-ce qu'avec l'amour et l'attachement.
03:32 Non, c'est plus compliqué que ça.
03:34 Et donc c'est un film sur la paternité et sur la survivance.
03:38 Le cinéma, c'est une transmission pour vous.
03:40 C'est quelque part une histoire familiale.
03:43 Est-ce que vous l'avez transmis aussi à vos enfants ?
03:45 Ah bien sûr, bah oui.
03:46 Malheureusement, je crois qu'il se passe une chose.
03:48 C'est que j'ai vu dans ma famille,
03:51 ma grand-mère était comédienne à la Comédie-Française,
03:53 mon grand-père était comédien de théâtre,
03:55 mon père était acteur, puis producteur.
03:57 Malgré les hauts et les bas de ces métiers,
04:00 après tout, comme beaucoup de métiers, il y a des hauts et des bas,
04:02 mais quand ça se passait bien, on les voyait tellement heureux.
04:06 On croisait des gens tellement originaux, tellement différents,
04:10 qu'ils ne venaient pas à l'idée d'aller sur un autre domaine.
04:14 J'étais sur le domaine de la musique, par exemple,
04:16 qui n'est pas un domaine différent,
04:18 enfin c'est un domaine différent, mais assez cousin,
04:20 puisque c'est quand même de l'expression artistique.
04:22 Mais justement, quelle est, pas la place,
04:24 mais l'importance de la musique dans le cinéma ?
04:27 Ah bah pour moi c'est essentiel, ça fait partie.
04:29 Vous savez, il y a trois auteurs d'un film,
04:31 là je parle presque comme un juriste.
04:33 C'est-à-dire l'auteur du scénario, le metteur en scène et le musicien.
04:39 Le musicien est aussi auteur que les autres.
04:41 Parce que simplement, la musique, c'est très bizarre,
04:44 parce qu'on se dirait, pourquoi est-ce que les gens ne vont pas y croire ?
04:47 Une voix est scène réaliste, d'un coup on entend de la musique dessus.
04:50 Au tout départ, l'idée est...
04:51 Mais c'est parce que le cinéma muet, n'a jamais été muet,
04:53 il a toujours été accompagné de musique.
04:55 Alors justement, pour parler musique,
04:58 il y a une musique que chacun d'entre nous connaît,
05:01 c'est celle des choristes.
05:02 Comment vous avez vécu ce succès qui est incroyable ?
05:06 J'ai vécu très bien, très très bien,
05:09 mais dans une inconscience totale,
05:11 parce qu'à l'époque c'était mon premier film,
05:12 vous savez très bien qu'un premier film,
05:14 on a toujours eu du mal à faire croire que...
05:16 Et puis j'étais musicien aussi, j'ai appelé Bruno Coulet,
05:18 on a composé les musiques ensemble, et lui compris les paroles.
05:22 Alors c'était assez curieux,
05:23 parce que les choristes c'est un phénomène qui continue,
05:27 et sur lequel je n'ai pas d'explication.
05:29 La seule explication que j'ai, c'est qu'il y a eu une alchimie,
05:32 un alignement de planètes qui s'est passé.
05:34 Mais la musique aussi, puisqu'elle a même été reprise par Beyoncé ?
05:36 Bien sûr, aux Oscars, mais je l'ai composée,
05:39 mais sans aucune pression, parce que personne n'y croyait en fait.
05:41 Et puis tout à coup, alors que moi je pensais même moi
05:44 que c'était une musique sympathique,
05:46 bon, qui ne déplairait pas,
05:49 mais de là à ce que ça devienne des tubes,
05:51 que les chorales se créent partout,
05:53 et qu'on se retrouve nominés aux Oscars pour cette chanson
05:55 avec Beyoncé qui la chante.
05:57 Comment on fait parler un décor de cinéma ?
06:00 En Faubourg 36, on avait recréé Paris entièrement,
06:03 à Prague, dans des studios,
06:05 et à l'extérieur, on avait à 70 km de la ville,
06:08 un bout de campagne où on a refait un quartier de Montmartre,
06:11 avec les pigeons, enfin et tout.
06:13 Et donc pour moi, le plus beau décor est celui...
06:16 Il faut bien comprendre qui est faux.
06:17 C'est-à-dire que je n'aime pas la banalité du quotidien.
06:20 Il y a des gens qui aiment ce quotidien-là,
06:22 qui trouvent que le cinéma doit être plus près de la vérité, du réalisme.
06:26 Mais moi sincèrement, si vous me demandez de filmer quelqu'un
06:29 qui sort du métro cadet, qui va au bar Tabac-Le Balto,
06:32 et puis il revient...
06:34 De nos jours, ça ne m'intéresse pas.
06:35 – Mais en matière de bilan carbone, c'est quand même pas terrible
06:38 de reproduire Paris à Prague.
06:41 Est-ce qu'on n'aurait pas pu le tourner, ce film, aujourd'hui à Paris ?
06:44 – Alors je vais vous dire une chose, parce que...
06:46 Je termine quand même là-dessus.
06:48 Pour moi, le faux décor, ou en tout cas le décor d'époque,
06:52 a une vertu, c'est que pour moi, le cinéma a toujours été se déguiser.
06:57 Le théâtre, il fallait se déguiser.
06:58 Quand on jouait au théâtre petit, on se déguisait.
07:00 Alors en ce qui concerne le bilan carbone, je serais plus mesuré,
07:02 parce que...
07:04 Bien sûr que quand on...
07:06 Est-ce que vous avez déjà vu ce que c'est un tournage dans une rue de Paris ?
07:10 Un tournage dans une rue de Paris, c'est des camions, des voitures ventouses,
07:15 qui viennent baliser, qui créent des embouteillages,
07:18 qui créent beaucoup de nuisances sonores,
07:21 qui s'apparellisent à un quartier, on n'est pas bien, on n'a pas le temps,
07:25 on emmerde tout le monde.
07:28 Alors pardonnez-moi, je voudrais bien faire le calcul avec la campagne,
07:32 la tranquillité, quand on choisit bien sa campagne, en général,
07:35 on vient avec moins de matériel parce que c'est moins lourd,
07:38 donc je ne peux pas faire le décompte du bilan carbone,
07:41 mais je peux vous assurer que les...
07:43 Si on considère comme, entre guillemets, "énergie propre",
07:47 pour dire comme ça, un tournage dans Paris,
07:50 je te demande qu'on aille voir sur place comment ça se passe.
07:52 Justement, le bilan carbone, aujourd'hui, du monde audiovisuel,
07:56 c'est l'équivalent de 410 000 fois les retours entre Paris et New York.
08:00 Comment on devient éthique dans le cinéma ?
08:03 Comment on essaie de changer les choses ?
08:05 – Je crois qu'il faut, dans ce cas-là, qu'un directeur de production,
08:08 qui est le responsable de la production, impose des règles.
08:10 Par exemple, nous avons des règles, et j'en suis très heureux,
08:12 sur le harcèlement, aujourd'hui.
08:14 C'est-à-dire que nous avons d'abord ce qui peut paraître un peu,
08:17 parfois, on peut sourire, mais les producteurs sont tenus d'assister,
08:21 pour avoir le droit d'exercer, sont tenus d'assister à un stage
08:24 qui est donné par le CNC, le Centre National du Cinéma.
08:27 – Vous l'avez fait ?
08:28 – Non, je ne suis pas producteur, c'est les producteurs qui sont responsables.
08:30 – Mais en matière écologique ? – Et en matière écologique.
08:32 – Comment on peut travailler, justement,
08:34 essayer de modifier peut-être des habitudes,
08:36 et essayer d'avoir un cinéma plus vert, plus propre ?
08:39 – Aujourd'hui, j'ai quand même vu que nous, par rapport à une certaine époque,
08:43 par exemple, le passage d'une équipe du cinéma sur un lieu,
08:47 maintenant est très très organisé pour justement éviter tout gâchis, éviter toute…
08:52 – Il y a de la gestion des déchets ?
08:54 – De la gestion des déchets, tout ça.
08:55 Franchement, les équipes sont très bien organisées,
08:57 je pense qu'on a encore peut-être un point à améliorer,
09:00 qui est le plan du transport.
09:01 C'est vrai que les équipes des décos, c'est trois camions,
09:06 les équipes machinistes et électricité, c'est toujours quatre camions,
09:09 on a beaucoup, beaucoup, beaucoup de camions.
09:11 Alors, faut-il mettre des camions à l'énergie propre, ça c'est une question.
09:15 – Les groupes électrogènes aussi, peut-être ?
09:17 – Les groupes électrogènes, évidemment, dont on a besoin, mais quelle est la solution ?
09:20 Je pense que le temps que, c'est un peu comme le parc automobile,
09:22 le temps qu'on fasse les nécessaires, les transformations, j'en serais très heureux.
09:25 – En renouvelle.
09:26 – En renouvelle, et que ça devienne une préoccupation seulement, pas seulement du genre,
09:29 oui, ce qui est curieux, c'est que vous m'avez dit, à Paris, ça devient propre,
09:34 alors qu'à Paris, on est comme dans un univers extrêmement pollué,
09:37 et la campagne qui est verte, c'est là qu'on fait le plus de dégâts.
09:40 Je me demande à voir, mais d'ailleurs, je vais vous dire une chose,
09:43 je crois que de ce côté-là, j'ai encore moi-même à prendre conscience,
09:46 parce que là, vous me posez des questions qui me désarment un peu en fait,
09:49 parce que je n'ai pas totalement de réponse.
09:52 Je crois qu'il y a un gros problème, c'est surtout un problème économique,
09:55 je dirais que c'est un problème de producteur.
09:57 – Est-ce qu'une des solutions peut-être aussi,
09:59 c'est pas de tourner en studio plutôt qu'en extérieur ?
10:02 Est-ce que c'est pas tout simplement des habitudes aussi à transformer ?
10:05 – Alors là, vous posez en plus un bon doigt, il y a autant le cinéma,
10:08 le centre du cinéma, les ministres ont des cultures différentes,
10:11 on fait beaucoup, beaucoup pour la création, en matière d'écriture,
10:14 en matière de diffusion, mais les studios, on les a laissés tomber, sincèrement.
10:19 Les studios, alors que moi j'adore le studio, parce que c'est fou justement,
10:21 et dans un studio, on est chez nous, c'est fermé, il y a une organisation,
10:25 un studio est une entreprise, effectivement,
10:27 – On peut faire ce qu'on veut à l'intérieur.
10:29 – Si on était là, on n'a pas de transport à faire, on peut…
10:31 Moi je suis un fanatique du studio, j'adore ça,
10:33 je trouve qu'on a l'impression de faire du cinéma,
10:35 et qu'en plus, on est dans notre coin, et c'est vrai que dans ce cas-là,
10:38 on est beaucoup moins au bain pour les autres.
10:39 – Et pourquoi vous les avez laissés tomber ?
10:41 Pourquoi les studios ont été abandonnés ?
10:43 – Parce qu'à un moment, ils n'étaient plus rentables,
10:45 parce que, vous savez que, avant la nouvelle vague,
10:49 98% des films étaient tournés en studio, c'est toujours le cas aux États-Unis d'ailleurs,
10:53 en ce qui concerne les films de studio,
10:56 et que la nouvelle vague a cassé tous ces codes,
10:58 en disant que les studios c'est faux, et ça va, faut filmer dans la rue,
11:00 c'est Jean-Luc Godard, mais à l'époque, Jean-Luc Godard,
11:02 l'empreinte carbone devait être bonne, puisqu'il se promenait avec un électro,
11:05 à mon avis un réflecteur, et puis on faisait le film, ça se passait très bien.
11:09 – Est-ce que vous pensez qu'il faut revenir en arrière, justement ?
11:12 Plus réutiliser peut-être des studios, des lieux clos ?
11:15 – Oui, mais j'en fais le souhait, j'en fais le souhait ardent,
11:19 mais dans ce cas-là, encore une fois, on ne va pas se réfugier tout le temps
11:22 sur l'État, sur la politique, mais il faut une véritable envie,
11:26 il faut un véritable désir politique, et là encore une fois, ça m'énerve,
11:29 parce que je veux reprendre, vous savez, nous les auteurs, les réalisateurs,
11:33 on est toujours là, oui, l'État doit nous aider, l'État doit nous aider,
11:36 en même temps l'État nous emmerde un peu,
11:38 donc c'est un peu la phrase de Mitterrand, vous savez qu'on lui disait
11:42 "moins d'État, moins d'État" tout le temps, et en fait,
11:44 quand il se promenait dans les provinces, on lui disait "plus d'État, plus d'État",
11:47 donc c'est toujours pareil.
11:48 – Quand on produit, quand on construit un film, comment on fait un bilan carbone ?
11:54 Comment on essaye de calculer justement ce que ça va générer, engendrer ?
11:58 Comment on essaie aussi de le limiter ? Est-ce que c'est quelque chose
12:01 que vous faites ? Pas encore, c'est en train d'arriver ?
12:03 – Non, c'est pas encore inscrit, sincèrement, on a eu le harcèlement,
12:07 donc on a un référent harcèlement maintenant sur tous les tournages,
12:09 là la question écologique, mais qui concerne davantage,
12:12 c'est pas que je me considère, comment dire, peu solidaire de mes producteurs,
12:17 mais c'est le producteur qui doit dans ce cas-là,
12:20 calculer ce qu'on… quand on fait un devis, en fait,
12:23 quand on fait un budget de film, on devrait donc, il faudrait à partir de maintenant,
12:27 calculer quand on dit "on aura 10 camions", par exemple,
12:29 il y aura 5 camions pour l'électricité, 3 camions pour la machinerie,
12:33 il faudra qu'ils mettent une case de plus…
12:35 – Pour justement avoir les missions…
12:37 – Oui, mais c'est déclaratif en même temps.
12:38 – Oui, mais à partir du 1er janvier 2024, je crois que pour bénéficier
12:42 de subventions de la part du CNC, vous êtes obligé d'avoir une étude prévisionnelle.
12:46 – C'est ça, et donc ça sera déclaratif, mais ça devrait être inscrit,
12:50 donc une case, un budget, et ça c'est la responsabilité des producteurs.
12:53 Je pense que pour nous, en plus, mettant en scène, ça ne changera pas grand-chose,
12:57 ça sera une autre organisation, un autre type de véhicule,
13:00 et je pense que… je sais pas s'il y aura des quotas carbone, je sais pas,
13:04 je sais pas comment ils vont appliquer, parce que je connais pas la loi,
13:06 moi je suis peut-être tout à fait prêt à suivre ces règles,
13:08 et je vais vous avouer une chose, je pense en avoir,
13:12 de ce qu'on m'annonce là, je trouve ça positif, mais je pense très positif,
13:18 et sans doute même indispensable,
13:20 mais moi-même je n'en avais pas encore pris la mesure, sincèrement.
13:24 – Pourquoi ?
13:25 – Bah par manque de conscience, manque de conscience, je crois que…
13:31 – C'est quelque chose qui n'est pas naturel, quelque part ?
13:33 – Bah à ce point-là, non, parce que c'est vrai que, pour moi un camion,
13:36 c'est un camion, j'en ai vu partout, les tracteurs, j'en ai vu partout,
13:39 j'arrivais pas à assimiler cette activité comme…
13:41 le bilan carbone c'est quand même une expression qui date d'il y a pas très longtemps,
13:45 nos enfants naissent avec, ce que je trouve formidable,
13:49 en revanche, c'est vrai que c'est une expression, je dois avouer,
13:52 mon manque de préoccupation à ce sujet.
13:55 Quand on veut transmettre une vertu morale, des nouvelles habitudes,
13:58 les conseils, ça suffit pas, les obligations, c'est bien,
14:02 mais une obligation, il faut une sanction, et je trouve ça formidable.
14:05 – Il faut avoir une traçabilité sur la règle.
14:06 – Bah s'il n'y a pas de sanction, il n'y aura pas d'obligation.
14:08 – Alors justement, la dernière mode aux États-Unis,
14:11 c'est d'avoir des gendarmes verts qui sont présents sur les tournages, dans les régies,
14:15 est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui va arriver ?
14:18 – Je ne sais pas, mais un gendarme, c'est-à-dire que, je vous pose des questions,
14:25 pardon, parce que c'est moi normalement qui devais répondre,
14:27 maintenant je vais vous poser, est-ce que c'est un gendarme de la police
14:29 ou est-ce que c'est un de vos corps de métier qui vient de se faire ?
14:31 – Non, pas du tout, c'est un corps de métier rattaché à du lobbying
14:35 qui a été justement mis en place pour essayer de limiter l'empreinte parlementaire,
14:39 de contrôler, de tracer.
14:40 – Je suis absolument pour, parce que vous savez,
14:42 j'ai vu l'autre fois un documentaire sur la ville de Naples,
14:45 où on sait très bien qui, les sociétés de déchetterie,
14:48 enfin de déchetterie, les ordures ménagères,
14:51 tous les services de déchetterie sont aux mains évidemment de la Camorra,
14:55 et ils ont créé des pauvres gendarmes verts pour essayer de discuter avec la Camorra,
15:00 c'est quand même compliqué là-bas, mais c'est vrai que ça existe,
15:03 et moi je n'ai pas entendu parler encore en France, je ne sais même pas si ça existe.
15:06 Moi je trouve que s'il y avait ça sur le tournage,
15:08 franchement ça ne me dérangerait pas.
15:10 – Je pense que ça va être aussi par étapes, au 1er janvier 2024,
15:13 pour bénéficier de subventions, il faudra commencer à avoir une traçabilité
15:17 sur ces émissions de gaz à effet de serre et avoir un bilan carbone,
15:21 et justement, est-ce que vous, vous voyez peut-être de nouvelles contraintes
15:25 ou de nouvelles possibilités, est-ce que ça va permettre à certains aussi
15:29 de se différencier, est-ce que ça va peut-être orienter le cinéma demain ?
15:32 – L'orienter je ne pense pas, parce que je pense qu'on peut tout à fait s'adapter
15:35 à ces nouvelles contraintes.
15:36 La contrainte, elle ne peut pas être comprise si jamais il n'y a pas une prise de conscience,
15:40 et on sait très bien qu'on doit parfois se surveiller,
15:43 je demande parfois à mes amis "surveillez-moi, faites attention à ce que je fasse",
15:46 pas ci, pas ça, et je ne sais pas, on revanchit à une question du producteur
15:49 qui vous reviendra sans doute, c'est à qui est la charge du gendarme vert,
15:52 est-ce que c'est l'État qui le prend en charge ou c'est la production ?
15:55 C'est-à-dire que quand même, malgré tout, il y a quand même un truc un peu bizarre,
15:58 c'est que si jamais c'est la production qui rémunère le gendarme vert,
16:01 il y a un conflit d'intérêt évident, donc je ne connais pas les dispositions de la loi,
16:04 mais en tout cas, moi je suis tout à fait prêt à l'appliquer avec même
16:08 une certaine satisfaction, parce que ça me permettra moi-même
16:13 de me sentir plus responsable et plus concerné.
16:16 – En parlant d'évolution, je pense qu'il y a une évolution
16:20 qui ne vous a pas échappé, c'est l'arrivée des plateformes SVOD,
16:24 Netflix, Amazon, Disney, est-ce que vous pensez que ça va mettre
16:28 quelque part un coup d'arrêt à l'industrie du cinéma ?
16:31 Est-ce qu'on est en train de révolutionner des habitudes ?
16:34 – Oui, je pense que là, sincèrement on peut le dire,
16:37 on a eu le confinement, on a eu l'arrivée concomitante de ces plateformes.
16:42 – Les gens vont moins au cinéma ?
16:44 – Les gens vont moins au cinéma, beaucoup moins.
16:46 – C'est plus cher aussi ?
16:47 – Sauf sur les produits d'appel, le question du prix est une chose,
16:50 mais je crois que c'est la question aussi de l'envie,
16:53 parce que regardez, Hunger Games a fait 65 000 entrées le premier jour,
16:56 je ne crois pas que si on allait interviewer ces 65 000 personnes,
16:59 ils diraient que ce n'est pas cher, ils s'en foutent, c'est une question d'envie.
17:03 – Pourquoi les gens n'ont plus envie d'aller au cinéma ?
17:05 – Peut-être une question de manque d'attrait de ce qu'on sort, peut-être aussi.
17:10 Et puis c'est vrai qu'il faut aussi reconnaître que Netflix
17:14 et maintenant Amazon et tout, produisent des programmes
17:17 de très très grande qualité, qui sont même parfois plus audacieux,
17:22 qui prennent plus de risques que ce qu'on présente au cinéma, curieusement.
17:26 On dirait que le risque au cinéma est maintenant quelque chose qu'il faut éviter,
17:30 alors que les plateformes, elles, peuvent se permettre de prendre des risques,
17:35 et c'est souvent d'ailleurs des risques, des programmes un peu très dérangeants,
17:38 qui sont très caustiques sur la société,
17:41 et c'est précisément ces programmes qui intéressent les spectateurs.
17:44 On dirait que maintenant le cinéma est devenu un tout petit peu mou,
17:47 par rapport à certaines convictions,
17:49 mais il faut aussi dire que quand on produit un film aujourd'hui en France,
17:51 c'est un film français, il ne faut pas montrer ci, il ne faut pas être comme ça.
17:54 Donc il y a des règles finalement qu'on nous impose aussi.
17:57 – Et qu'on ne retrouve pas forcément sur ces plateformes ?
17:59 – Ben non, parce qu'elles sont totalement libres,
18:01 elles n'ont pas de compte à rendre, bizarrement, sur les spectateurs.
18:05 Si vous n'êtes pas content d'un programme,
18:06 ben cherchez le numéro de Netflix, vous aurez du mal à le trouver.
18:08 – Est-ce que vous seriez prêt à faire un film pour ces plateformes ?
18:11 – Mais totalement, parce que je veux dire une chose,
18:14 même parfois comme je… il me faut voir toujours,
18:17 c'est une espèce d'addiction, beaucoup d'images par jour,
18:20 maintenant c'est vrai que certaines séries,
18:23 parce que je veux désirer apprendre mon métier encore,
18:28 à m'améliorer techniquement,
18:30 je suis plus parfois marqué par des innovations
18:34 en termes de mise en scène et d'écriture dans les séries
18:37 que je ne le suis au cinéma, je dois l'avouer.
18:39 Il n'y a pas seulement Netflix, parce que je trouve que Canal+
18:42 et même France Télévisions font les choses comme ça,
18:44 et je pense peut-être aussi que,
18:46 comme le fait d'être très directif en termes d'écriture,
18:50 il y a des directions finalement avec plusieurs auteurs
18:52 et que ce travail d'équipe se complète
18:54 et qu'on est peut-être moins, comment dire,
18:57 à se regarder l'ombril comme on le peut l'être au cinéma.
18:59 – C'est quelque chose qui peut vous attirer justement, une série, demain ?
19:03 – J'en écris deux, on verra bien, je suis en train d'en écrire deux.
19:07 Alors je ne me suis pas dit, c'est dommage qu'on ne les voit pas au cinéma,
19:10 mais en tout cas, c'est pas le même,
19:12 moi ça me plaît beaucoup parce que quand j'étais petit, 8 ans,
19:16 je me suis fait un terrible accident à Jean Boski,
19:18 je suis resté 6 mois immobilisé,
19:20 et j'ai dévoré le conte de Montécristo, comme ça, j'avais 8 ans,
19:23 et j'ai l'impression de retrouver ces sensations,
19:25 c'est-à-dire que tous les jours je me réveille,
19:27 "Ah, le nouveau chapitre !"
19:28 Et ça, ça fait plaisir de se dire, en plus il y a une vertu,
19:31 c'est que 45 minutes ou 50 minutes,
19:34 on peut le prendre à peu près quand on veut,
19:36 – C'est rapide.
19:37 – Et on est sûr de retrouver nos personnages préférés,
19:39 c'est comme des romans feuilletants de l'époque,
19:40 il faut se rappeler que c'est pas nouveau tout ça,
19:42 c'est vraiment des romans feuilletants de l'époque,
19:43 vous savez même Tintin à l'époque, on le lisait par épisode.
19:46 – D'après vous, il y a moins de contraintes aujourd'hui
19:48 de réaliser une série qu'un film, où c'est globalement les mêmes codes ?
19:51 – Il y en a d'autres, il y en a d'autres,
19:52 parce que là vous avez des comités, attention,
19:54 il y a le directeur littéraire, ensuite vous avez le grand patron,
19:57 puis il y a un autre patron, ensuite il y a le comité,
19:59 puis on envoie le truc à la maison mère,
20:01 non, c'est pas de tout repos, pas du tout.
20:03 Mais dans ce cas-là, il faut quand même privilégier le rôle,
20:06 parce que eux ce sont des diffuseurs,
20:09 ils coproduisent forcément parce qu'ils ont une part des recettes,
20:11 une très bonne mais il faut toujours un producteur,
20:14 quelqu'un qui soit l'interface entre nous,
20:16 et quand même qui s'impose parce qu'il est le patron.
20:18 Si le producteur n'est qu'un yes man,
20:20 qui va dire "oui ils ont dit ça, alors il faut que tu fasses ça",
20:23 non il faut un producteur de conviction,
20:24 et je repense à mon oncle Jacques Perrin,
20:26 qui a pris tous les risques dans sa vie,
20:27 avec des films puisque vous parlez de nature,
20:29 des films comme "Le Peuple Migrateur",
20:31 comme "Microcosmos", comme "Océan",
20:33 comme "Les Saisons", des grands documentaires de nature et animalier,
20:38 qu'il a été le premier à imposer sur grand écran.
20:41 Il prenait tous les risques pour ça,
20:43 il nous manque des gens comme ça.
20:44 D'ailleurs, c'est pas l'écologie qui était sa passion,
20:46 je dirais que c'est la nature plus profondément.
20:49 Et je crois que la nature humaine l'avait plutôt déçue,
20:53 même s'il ne le disait pas,
20:54 et que c'est vers la nature, celle qui n'a pas besoin de nous,
20:57 justement, et qui peut-être nous survivra, qui l'intéressait.
21:00 - Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter, Christophe Baratier, pour la suite ?
21:04 - De faire un peu de...
21:07 Comment dire ?
21:08 De retrouver un peu la cohésion, une famille autour de moi un peu éclatée.
21:12 Je crois que j'étais un enfant de parents divorcés,
21:14 j'ai des frères et des soeurs un peu, des demi-soeurs,
21:16 pas dans tous les sens, mais quelques-uns.
21:18 J'ai moi-même eu deux filles que j'ai pas vécues avec leur maman,
21:20 et j'aimerais quand même avant de...
21:22 Il me reste une œuvre à faire, c'est de rassembler tout ce monde,
21:25 en bonne harmonie, et on peut s'aider,
21:28 on peut s'aimer, malgré qu'on soit de la même famille.
21:31 - Merci, Christophe Baratier, d'être venu dans le Déclic.
21:34 - Merci, c'est un plaisir.
21:35 (Générique)

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