• il y a 9 mois
Cette planète rouge fait rêver tout le monde ! Et pourtant, si la Nasa a déjà travaillé sur de nombreux projets de missions habitées, certains restent persuadés qu’un voyage humain à destination de Mars n’est pas nécessaire. Véritable défi technologique, ce voyage soulève également de nombreuses questions éthiques et politiques. Alors, Mars sera-t-elle la prochaine destination de l’humanité ? On a posé la question à Richard Heidmann, vice-président et fondateur de l’association planète Mars et Sylvestre Maurice, astrophysicien à l’IRAP.

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00:00 Est-ce que Mars est la prochaine destination de l'humanité ?
00:08 Non seulement c'est un voyage qui représente un défi technologique, on va en parler sur
00:12 ce plateau aujourd'hui, mais il soulève aussi nombreuses questions éthiques et politiques.
00:16 Alors la planète rouge sera-t-elle vraiment au programme de ces prochaines décennies ?
00:21 On pose la question à nos invités en plateau aujourd'hui.
00:24 Richard Edman à ma gauche, vice-président et fondateur de l'association Planète Mars.
00:29 Bonjour, bienvenue sur le plateau de Smart Space.
00:31 C'est quoi l'association Planète Mars ?
00:33 Alors c'est une association qui a pour but d'informer le public sur les perspectives
00:41 marciennes et de faire du lobbying auprès des décideurs.
00:45 C'est la section française d'une association internationale qui s'appelle la Mars Society.
00:51 Qui est bien connue, en tout cas du grand public, la Mars Society aujourd'hui.
00:55 Alors en face de vous on a Sylvestre Maurice, docteur en astrophysique, astronome à l'Institut
01:00 de Recherche en Astrophysique et Planétologie, l'IRAP à Toulouse.
01:04 Bonjour, bienvenue sur le plateau de Smart Space.
01:06 Alors vous avez mené le travail de recherche et de conception de l'œil de Persévérance.
01:11 On vous a déjà reçu sur ce plateau à ce sujet, le rover américain qui est sur la
01:15 planète Mars aujourd'hui.
01:17 Avant lui c'était Curiosity.
01:18 Comment va Persévérance ?
01:20 Il va bien, il va très bien.
01:22 On l'accompagne depuis pratiquement trois ans et on collecte nos petits échantillons.
01:26 On va vous raconter ça.
01:27 Et puis on pilote aussi en même temps depuis le CNES à Toulouse, Curiosity parce que lui
01:32 aussi il va bien.
01:33 C'est vrai qu'on en parle moins du coup.
01:35 Vous dites ils sont sur Mars mais en fait ils y restent.
01:37 Et ça va peut-être, ça le défi, c'est le retour.
01:41 Pour l'instant, des allées simples.
01:42 Les deux vont très bien.
01:44 On les accompagne au quotidien.
01:46 Trois ans pour l'un, douze ans pratiquement, onze ans et demi pour l'autre.
01:49 Ça commence à durer.
01:50 C'est une relation longue durée que vous avez signée quand même avec la technologie
01:53 martienne.
01:54 C'est nous qui vieillissons plus vite que les petits robots.
01:55 J'ai l'impression.
01:56 Alors est-ce que vous avez tous les deux l'intime conviction qu'il faut aller sur la planète
02:02 Mars ?
02:03 Oui.
02:04 Je n'en parlais pas le mot "il faut".
02:07 Je pense que des grandes entreprises humaines comme celle-là, elles sont poussées naturellement
02:15 par l'évolution de la société, la science, la technologie.
02:20 À un moment, on peut en rêver, le souhaiter, mais ce qui compte c'est le moment où on
02:27 est prêt sur les plans que je viens d'indiquer pour y aller.
02:32 Donc nous évidemment on dit "on pousse pour" mais il y a d'autres associations ou des écolo
02:39 qui poussent contre.
02:40 Les écolo seraient contre alors ? On va revenir sur ce sujet.
02:44 C'est important l'aspect écologique.
02:46 Donc qui gagnera entre guillemets la décision ?
02:50 C'est aussi une question de celui qui arrive à tirer le plus fort la couverture vers lui
02:56 peut-être.
02:57 Est-ce que vous avez l'intime conviction ?
02:58 Je crois que Richard a très bien répondu.
03:00 Non, il ne faut pas aller sur Mars.
03:02 On peut y aller, on peut espérer y aller.
03:05 Il va falloir rassembler beaucoup de choses.
03:07 Vous l'avez dit en introduction.
03:08 La technologie mais aussi de la politique qui va avec du financement, des questions
03:12 d'éthique, des questions d'inspiration, de rêve.
03:15 Et donc non, il ne faut pas y aller.
03:17 On peut décider de ne pas y aller comme on aurait pu décider de ne pas aller sur la
03:21 Lune.
03:22 Ce n'était pas une nécessité.
03:23 Alors après quand un pays voyant que l'autre voulait y aller, chacun a argumenté ça.
03:27 Donc la compétition, on peut en reparler, c'est important.
03:29 Non, il ne faut pas aller sur Mars mais on peut décider d'y aller.
03:32 On peut décider d'y aller.
03:33 Alors qui déciderait d'y aller ? Qui donnerait le coup d'envoi ? Est-ce que c'est cette
03:36 histoire de politique ? La Lune c'était la guerre froide entre la Russie et les Etats-Unis.
03:42 La Lune aujourd'hui c'est toujours cette compétition technologique entre les Etats-Unis
03:46 et la Chine.
03:47 Mars ce sera quoi ?
03:49 Là vous avez bien résumé, un des leviers de cette exploration c'est cette compétition
03:57 géopolitique finalement ou quasiment plus stratégique.
04:00 Chaque pays voulant prouver à l'autre qu'il peut le faire.
04:02 Il ne faut pas négliger ça.
04:05 C'est un vrai moteur.
04:06 C'est un vrai moteur.
04:07 La collaboration est aussi un moteur.
04:09 Mais souvent c'est un moteur qui est plus efficace pour rassembler les moyens mais moins
04:13 efficace pour maintenir un calendrier.
04:16 Donc là on voit bien qu'il y a des événements politiques.
04:19 Et donc vous demandez qui va décider ? C'est ce que disait Recha.
04:23 Déjà il faut être prêt.
04:25 Et puis c'est tout le monde.
04:27 Parce qu'en fait, il faut bien le reconnaître, on ne va pas gagner d'argent dans cette histoire.
04:31 Peut-être qu'il y a des industriels qui vont fabriquer des fusées, des véhicules, ils
04:33 vont être payés.
04:34 Heureusement ils travaillent.
04:35 Mais ce sont des décisions d'Etat.
04:38 C'est-à-dire que c'est vos impôts.
04:39 Il faut être honnête.
04:40 Et donc on voit bien que c'est une décision tous ensemble.
04:45 Quand Richard l'a dit, quand on se sentira mûrs pour le faire, on réfléchira et on
04:50 va y mettre beaucoup d'argent.
04:52 Énormément d'argent.
04:53 On parle en centaines de milliards.
04:54 Est-ce que c'est la priorité ? Vous l'avez dit dès le début.
04:57 Ce n'est pas sûr.
04:58 Donc on n'a pas de mécanisme concret pour décider.
05:02 Mais on a quand même des leaders.
05:04 On voit bien que les Etats-Unis sont devenus très forts.
05:07 Les Chinois sont devenus très forts.
05:08 Enfin les Etats-Unis ont toujours été forts.
05:10 Les Chinois sont devenus très forts.
05:11 Nous les Européens, on essaie de se placer un peu où on peut.
05:14 On est bons.
05:15 Mais on a les Indiens, les Japonais et puis les Russes qui ont un peu du mal à jouer leur
05:21 carte en ce moment.
05:23 Mais ces six grandes nations spatiales vont jouer de compétition, de collaboration.
05:28 On va regarder l'argent qu'on a, la technologie qu'on a.
05:31 Et puis on va regarder les peuples en disant, en essayant de savoir si vous le voulez ou
05:34 pas.
05:35 Et par exemple, ça se pose tous les jours.
05:38 Est-ce qu'il faut envoyer Thomas Pesquet dans l'espace ? Non, il ne faut pas.
05:43 On l'a fait et on a vu l'aura.
05:45 Le garçon est extraordinaire.
05:47 Il étire toute la population avec lui.
05:51 On l'a fait, on a gagné.
05:52 Mais un jour, quelqu'un a pris la décision.
05:53 Ce n'est pas facile de décider.
05:54 Comment on convainc de décider de dépenser des centaines de milliards ? Est-ce que ce
05:58 sont des questions auxquelles vous tentez de répondre avec l'association Planète Mars
06:03 ?
06:04 - On a essayé de synthétiser les arguments de façon rationnelle.
06:12 On a identifié qu'à plus grande classe d'arguments, il y a le progrès scientifique, bien entendu.
06:23 Il y a les conséquences sur l'économie.
06:27 Parce que pour évoluer dans des conditions si difficiles, il faut développer les technologies.
06:34 Et ensuite, on pourra avoir des retours sur terre.
06:40 - Le ruissellement technologique.
06:41 - Oui.
06:42 Par exemple, dans tout ce qui concerne le recyclage de l'eau ou de l'air.
06:47 On imagine bien les applications que ça peut avoir.
06:51 Le troisième niveau, c'est ce qu'on abordait à l'instant.
06:57 C'est la géostratégie.
06:59 Pour moi, toutes les grandes puissances doivent être dans l'espace.
07:06 Un peu à l'image de la dissuasion nucléaire il y a 50 ans.
07:13 - La dissuasion spatiale.
07:14 - La dissuasion spatiale.
07:15 - On va l'appeler.
07:16 - Et à l'ordre du jour.
07:17 Et enfin, le dernier point, qui est de notre point de vue sans doute le plus important,
07:23 c'est les aspects sociétaux.
07:24 En particulier, la motivation des jeunes pour les métiers techniques.
07:29 Les métiers techniques sont désertés par la jeunesse.
07:33 Sans ingénieurs, sans techniciens, pas d'innovation.
07:38 Et on finit en club de vacances ou park Disney.
07:43 Les Chinois.
07:45 - Est-ce que ces arguments, ça suffit ?
07:47 Parce que moi, je parlais d'intime conviction.
07:52 C'était ma première question.
07:53 Est-ce que ce n'est pas là que ça se joue finalement ?
07:55 - Oui.
07:56 Alors, c'est vrai que ce n'est pas facile.
07:58 Pour mettre des chiffres, on va parler en centaines de milliards.
08:02 Mais c'est tellement gros que ça ne représente plus grand-chose.
08:05 On a une guerre en Ukraine qui est absolument terrible.
08:08 Et en un an, la guerre en Ukraine a fait perdre plus de 1000 milliards à l'économie mondiale.
08:12 Donc finalement, on aurait pu se la payer dans notre puissance martienne.
08:14 Mais ce n'est pas parce qu'eux n'ont pas leurs milliards ou ils ne les dépensent pas
08:18 que nous on les aura.
08:19 En plus, le monde n'est pas si simple.
08:20 - Non.
08:21 - Bien sûr.
08:22 Donc, vous avez raison, ce n'est pas facile de choisir, de décider.
08:26 Alors là, je pense qu'on parle de vol, on n'a pas bien précisé, habité.
08:30 - Alors ça, c'est la question.
08:31 - On n'est plus du tout dans la même gave si on passe dans les vols robotiques.
08:35 - Evidemment, que vous connaissez bien.
08:36 - Que je connais bien et qu'on sait faire.
08:38 L'unité compte est assez chère, mais on sait, on a fait plus d'une cinquantaine de
08:42 missions robotiques sur Mars qui ont là pour le coup, et tout était...
08:46 Alors, il y a toujours eu de la géopolitique, mais il y a de la science.
08:49 La science était le moteur.
08:50 Alors que la mission habité, et Richard l'a très bien dit, la science sera un des
08:56 ressorts, mais il n'y aura pas l'inspiration, il y aura tous les autres ressorts dont on
09:00 a parlé.
09:01 Les missions robotiques sont porteuses de science.
09:05 Les Américains l'ont très bien fait, les Européens l'ont fait en orbite.
09:09 On a eu des orbiteurs en ce moment, Mars Express, par exemple, ou TGO.
09:12 Et puis les Indiens ont un véhicule autour de Mars qui fonctionnait jusqu'à quelques
09:15 années.
09:16 Les Chinois, on ne les avait arrivés nulle part.
09:19 Ils ont fait en une seule mission un orbiteur, un lander et un rover.
09:23 D'ailleurs, nous, on a travaillé sur le rover, c'était passionnant.
09:25 Les Européens, on est en train de préparer notre rover.
09:27 Les Japonais préparent un retour d'échantillon de Phobos.
09:30 Phobos, c'est une des petites lunes de Mars.
09:33 Donc, évidemment, et Richard l'a dit, toutes les grandes nations spatiales se veulent d'être
09:38 sur Mars.
09:39 On est à l'époque des robots, c'est quand même un peu plus simple.
09:42 C'est plus simple, mais alors est-ce que c'est la première étape ? Est-ce que les
09:46 robots, est-ce que c'est nécessaire pour justifier leur existence ? Est-ce que c'est
09:50 vraiment pour préparer le terrain ou est-ce qu'étudier de façon robotique, ça peut
09:53 suffire ?
09:54 Les robots font de la science et on a eu des robots, vous savez, sur la Lune, on l'oublie
10:00 trop souvent, mais il y a eu des programmes qui s'appelaient Surveilleur, qui s'appelaient
10:03 Ranger, qui s'appelaient Luna, qui ont précédé les vols habités.
10:07 Et donc, les robots font leur science à eux tous seuls.
10:10 On peut continuer.
10:11 Et puis, oui ou non, ça dépendra.
10:15 Il précède l'arrivée des humains.
10:18 La seule chose des robots, c'est qu'on les aime beaucoup.
10:22 On passe beaucoup de temps à les développer.
10:23 On les chouchoute, on les accompagne.
10:25 Après 20 ans de travail.
10:27 Mais on ne les aime pas tant qu'à les ramener.
10:30 Et donc, en fait, nos robots, on est des pères et mères ou des parents indignes.
10:36 On les abandonne sur place.
10:38 Et en cela, ça va compliquer les vols habités.
10:42 C'est-à-dire que nous, à chaque fois qu'on envoie un robot, les 50 et quelques qu'on
10:45 a fait autour de Mars, sur Mars, aucun n'est jamais revenu.
10:49 Et d'ailleurs, on travaille en ce moment au retour du premier.
10:54 Ça s'appelle le retour d'échantillon parce que ce qui nous intéresse, ce n'est
10:57 pas le robot.
10:58 Le robot, c'est un truc de boule de fer.
10:59 C'est la roche de Mars qu'il contient pour l'étudier dans nos laboratoires.
11:02 Ça, ce sera révolutionnaire.
11:03 Ce sera peut-être l'étape qui nous fera dire oui, on peut le faire.
11:06 Parce qu'à ce moment-là, pour le retour d'échantillon, il y aura donc un décollage
11:09 depuis la planète Mars.
11:10 Ce qui ne s'est jamais fait, évidemment.
11:13 Et ce sera décisif de se dire si c'est possible de le faire là, c'est peut-être possible
11:18 de le faire avec des humains à l'intérieur.
11:19 C'est un degré de complexité incroyable.
11:21 Là, on va parler de rapporter 300 grammes.
11:23 Alors, 300 grammes, ça s'étale sur 10 ans.
11:26 On a demandé à Persévérance de collecter des échantillons et c'est notre métier
11:30 au quotidien.
11:31 On prend des petits trucs, on dit si avec le laser en particulier, super clair, on dit
11:35 celui-là, il est intéressant.
11:36 On le prend, on le met dans une petite boîte et puis on le met de côté.
11:38 Et très bientôt, à la fin de la décennie, un autre véhicule va venir, va se poser à
11:44 côté de nous, pas trop loin.
11:45 On ira lui donner les échantillons.
11:47 Les échantillons vont décoller.
11:48 Ça ressemble plus à un missile qu'une fusée d'ailleurs.
11:51 Une sorte de missile qui décolle à deux étages, qui se met en rotation pour à peu
11:55 près tirer droit, qui met une boule comme ça, qui tourne autour de Mars, dans laquelle
11:59 il y a nos 300 grammes d'échantillons.
12:01 Il y a 30 échantillons de 10 grammes.
12:03 Et puis la boule tourne autour de Mars.
12:05 Et là, on envoie un autre véhicule et il est prêt.
12:07 Enfin, il est prêt, il est en construction.
12:08 C'est d'ailleurs les Français de Toulouse qui le font, Airbus, qui est en train de faire
12:14 le véhicule qu'on appelle Aero Earth 8, un orbiteur.
12:17 Il arrive, il repère la petite boule, il attrape la boule, il la met.
12:21 Alors ça, c'est un problème très compliqué.
12:22 Il va la confiner, pour être sûr qu'il n'y ait pas des bestioles un peu bizarres
12:25 dedans et repartir de la Terre, se poser sur une capsule qui descend et qui finalement
12:32 s'écrase même sur Terre.
12:34 On va contrôler la façon dont ça s'écrase.
12:36 Et en 2033, disons, d'ici 10 ans, on aura 300 grammes d'échantillons.
12:43 Et voyez les efforts technologiques, financiers et derrière humains, parce qu'il faut quand
12:50 même pas mal de monde, il faut des ingénieurs comme c'était Richard pour construire tout
12:53 ça, pour apporter 300 grammes.
12:56 Il y a la notion de temps aussi quand même.
12:58 Et ça, ce n'est pas négligeable pour embarquer en public.
13:01 Vous avez donné un ordre d'idée.
13:03 Ça n'arrivera pas avant 10 ans.
13:05 C'est déjà parti il y a 3 ans.
13:06 Ça fait 20 ans qu'on travaille dessus.
13:08 Est-ce qu'on aura le temps d'attendre, d'être convaincus pour partir sur Mars ?
13:12 Le temps n'est pas un obstacle vis-à-vis de la motivation ou la mobilisation des opinions
13:19 sur ce genre d'aventure.
13:21 Parce qu'au cours de ces périodes de développement, il y a toujours des événements remarquables.
13:29 Le premier tir d'une fusée.
13:31 Oui, mais puisque c'est aussi une question de politique et ça bouge énormément la politique,
13:37 bien plus rapidement que les problèmes technologiques.
13:39 Ça, c'est un problème qu'ont vécu spécialement les Américains parce que les budgets sont annuels.
13:45 C'est-à-dire, à chaque réélection, ils ont la possibilité de tout arrêter, de tout réorienter.
13:54 Ça leur joue de vilain tour au point de vue de leur efficacité.
13:58 Je voudrais revenir sur les robots et l'exploration habitée.
14:04 Il n'y a pas de contradiction.
14:05 D'abord, il y a un phasage dans le temps, on vient de le voir.
14:10 Mais il y a aussi le fait que pour préparer une émission habitée, on pense maintenant
14:18 de plus en plus à faire préparer le terrain par des robots.
14:22 Construire une base.
14:24 Construire un générateur d'électricité, une usine de production d'eau, etc.
14:31 Les robots joueront un rôle essentiel pour la phase habitée.
14:37 - Est-ce qu'on parle d'exploration humaine ou de colonisation ?
14:42 - On n'a peut-être pas forcément la même opinion.
14:45 Qu'est-ce que ça va être l'exploration de Mars ?
14:50 On reparlera de la Lune après parce qu'on a un petit détour à faire en chemin.
14:53 Mais pour Mars, qu'est-ce que c'est qu'habiter sur Mars ?
14:59 Prenons notre Thomas Pesquet, il est dans sa station spatiale, dans l'ISS.
15:05 Et intellectuellement, vous posez l'ISS sur Mars.
15:08 Vous arrivez à le faire dans votre tête et vous dites "ça y est, on est sur Mars".
15:12 Et c'est pas tellement différent.
15:13 C'est-à-dire que Mars est très peu propice.
15:17 Il a besoin d'un scaphandre pour sortir, il ne pourra pas respirer, il a besoin d'être en autonomie.
15:22 Sauf que la station spatiale, on lui veut une orange tous les 2-3 mois.
15:25 Là, il va falloir qu'ils la produisent toutes seules.
15:27 Donc en fait, on voit bien que ce n'est pas de la vie, c'est de la survie.
15:32 Dans l'espace, l'homme est terrible, mais l'homme est enfant de la Terre.
15:37 Et je pourrais même vous prouver que je pense que c'est son avenir la Terre.
15:41 Et donc, en ce sens-là, on ne va pas coloniser Mars, on va découvrir Mars.
15:47 Et je pense que ça c'est un fait.
15:48 Et puis en plus, c'est aussi une intention.
15:49 Vous allez voir, parce que je ne voudrais pas qu'on se trompe de message.
15:53 Dans les années 70-80, on lisait des journaux, à l'époque ils s'appelaient Paris Match,
15:59 et en disant "l'an 2000, on habitera sur la Lune".
16:02 En 2000, on n'habite pas sur la Lune, on s'en est rendu compte.
16:05 On dira "on va coloniser Mars".
16:06 Non.
16:07 Pourquoi ? Parce qu'on a exploré ces planètes et on a fait une découverte absolument extraordinaire.
16:11 Moi, je pense, depuis 25 ans, à balader partout dans le système solaire,
16:15 c'est que l'avenir de l'homme, c'est la Terre.
16:17 Et c'est pour ça que la notion de Terre 2.0, de colonie, me fait peur.
16:22 Parce qu'elle nous détourne de l'objectif.
16:25 Et tous les planétologues sont d'accord.
16:27 La grande découverte du système solaire, c'est la Terre.
16:30 La Terre est unique, elle est fragile, elle est notre vaisseau et c'est notre avenir.
16:36 Et en cela, non, on n'ira pas coloniser la Mars pour y échapper à la Terre.
16:42 Il faut réparer la Terre.
16:45 Mais ça n'exclut pas, pour des raisons scientifiques, politiques, etc., d'explorer Mars.
16:50 – Je veux bien avoir votre avis, là, je suis en une minute, Richard Edman, ou deux.
16:53 – Je suis en gros du même avis, mais de façon moins radicale.
16:59 C'est-à-dire que je pense, comme il vient d'être dit, qu'on peut faire les deux.
17:05 C'est une question d'équilibre bien pensé, d'équilibre politique.
17:11 Évidemment, il faut consacrer les moyens nécessaires à la survie,
17:17 au maintien des conditions sur la Terre.
17:20 Mais ça n'empêche pas d'avoir une part de notre activité destinée à explorer le futur.
17:29 Parce qu'on ne sait pas ce qui peut se passer.
17:33 Et les technologies vont évoluer.
17:36 On connaîtra de mieux en mieux les phénomènes biologiques.
17:42 La vie de l'homme va évoluer.
17:46 Les conditions climatiques vont évoluer.
17:49 – Ça, c'est sûr.
17:50 Elles vont évoluer sur la Terre, en tout cas, elles vont énormément évoluer.
17:54 – Donc, ne...
17:57 – Vous ne tireriez pas une croix sur Mars si facilement.
18:01 – Non, il faut rester alerte, ouvert, et investir,
18:07 surtout s'il y a des gens qui sont volontaires pour le faire.
18:11 – Merci beaucoup Richard Edman.
18:12 Merci à vous, Sylvestre Maurice, d'avoir pris le temps de venir échanger sur ce sujet.
18:16 Intarissable, en réalité, on aurait pu encore débattre un moment.
18:19 On le refera sur ce plateau.
18:22 Merci à tous de nous avoir suivis pour cette émission passionnante à la production.
18:26 L'Élise Alkine, on se retrouve dès la semaine prochaine sur Bismarck.
18:30 [Musique]

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