Le Nouveau Passé-Présent avec Jean-Claude Rolinat : Bandes dessinées et géopolitique, quand la fiction rejoint la réalité

  • il y a 7 mois
Syldavie, Bordurie, Costa-Verde, San-Théodoros, Palombie... Tous ces pays sortis de l'imagination fertile des scénaristes de bandes dessinées recouvrent des réalités tangibles. L'apparition de la politique dans le 9ème art date de "Tintin au pays des soviets" de Hergé qui dénonce avant l'heure la dictature en URSS. Mais les pays imaginaires permettent une plus grande liberté de ton, de faire rire et réfléchir. Accompagné par Hergé ou Franquin, Van Hamme ou Charlier, c'est à un véritable voyage que nous convie Jean-Claude Rolinat avec son dernier livre : "Guide touristique et géopolitique des pays imaginaires de la bande dessinée" (éditions Dualpha).

La Revue d'Histoire Européenne : https://bit.ly/3HIZClA
Transcript
00:00 *Musique épique*
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00:07 *Musique épique*
00:09 *Musique épique*
00:36 Chers amis téléspectateurs de TVL, bonjour et bienvenue dans "Passez présent",
00:41 votre émission historique présentée en partenariat avec la revue d'histoire européenne.
00:47 Savez-vous quelle est la capitale du San Théodoros ?
00:50 Où se situe la Palombie, qui dirige le Wurttenheim,
00:54 ou encore, qui a commis le dernier coup d'État au Costa Verde ?
00:58 Si vous savez répondre à cela, c'est que vous êtes très fort en géopolitique.
01:02 Mais en géopolitique imaginaire ? Enfin, pas si imaginaire que tout cela,
01:07 car comme nous allons le voir avec notre invité,
01:10 si tous ces noms sont sortis de l'imagination d'auteurs de bandes dessinées,
01:14 ils n'en recouvrent pas moins souvent une réalité tangible.
01:18 *Musique épique*
01:25 Jean-Claude Rollina, bonjour.
01:26 Bonjour Guillaume.
01:27 Merci d'avoir accepté notre invitation.
01:29 Alors, est-il utile de vous présenter à nos téléspectateurs ?
01:32 Je crois que c'est la troisième ou quatrième fois que vous venez sur ce plateau avec moi.
01:36 Un petit peu plus que ça.
01:37 Tout au moins.
01:38 Ah, avec vous, oui, oui.
01:39 Les deux dernières, c'était pour nous parler des états éphémères ou disparus,
01:44 puis ensuite des états grands comme des mouchoirs de poche,
01:48 des sujets qui ont fait l'objet de livres éponymes,
01:51 tous parus aux éditions du Alpha.
01:54 Alors, pour notre émission d'aujourd'hui, je dois dire que vous faites fort,
01:58 car vous consacrez un ouvrage entier à des pays qui n'existent pas.
02:03 Ils sont tous imaginaires.
02:04 Tout à fait.
02:05 Mais qui, pour certains d'entre eux, finalement, sont ancrés dans notre imaginaire collectif.
02:11 Ils ont une épaisseur.
02:12 Il suffit d'évoquer, par exemple, la Cile d'Aville pour s'entendre répondre
02:16 "Ah oui, mais je connais, c'est où déjà ? C'est quoi la capitale ?"
02:20 Donc, une première question, est-ce que la bande dessinée frappe à ce point nos imaginations,
02:27 notre esprit, finalement, peut-être plus que les romans ?
02:30 Alors, les romanciers, les cinéastes et les auteurs de BD ont tous utilisé,
02:36 bien entendu, le thème du pays imaginaire.
02:38 Pourquoi ? Parce que ça leur donne une immense liberté
02:41 et ça leur permet, si vous voulez, de faire passer des messages, avec des clins d'œil,
02:45 d'une façon très humoristique, par exemple avec Hergé ou Franquin.
02:49 L'un avec les généraux Alcazar, Tapioca et compagnie,
02:53 et l'autre avec le général Zantas en palombie.
02:56 Vous avez évoqué la Cile d'Aville, alors là, Hergé l'a fait très fort,
03:00 puisque nous avons une Cile d'Aville qui connaît deux époques,
03:04 celle de l'entre-deux-guerres, où, évidemment, ce royaume imaginaire
03:10 tente de survivre aux grands méchants de la bordurie qui veulent l'annexer.
03:15 Et là, on découvre tout à fait que derrière la bordurie,
03:20 c'est l'Allemagne hitlérienne qui voudrait enchlousser la petite Autriche,
03:24 la Cile d'Aville étant le fauné de l'Autriche.
03:26 En réalité, elle n'est pas tout à fait le fauné de l'Autriche,
03:28 car la Cile d'Aville est un pays débalcant.
03:31 Il suffit de regarder les dessins et de voir l'écriture cyrillique, par exemple,
03:36 qui figure sur certaines maisons, et puis aussi des minarets.
03:41 Donc, on est en Albanie, et le roi de Cile d'Aville,
03:44 c'est la décalque du portrait du roi Zog Ier d'Albanie.
03:48 Il a le même costume et les mêmes moustaches.
03:51 – Est-ce que c'est propre à la bande dessinée de nous frapper comme ça,
03:54 plus que les romans, de tous ces pays imaginaires issus de BD
03:59 qui sont vraiment, eux, dans notre imaginaire collectif ?
04:02 Les pays imaginaires de romans, il y en a moins, finalement ?
04:05 – Oui, alors, il y en a aussi parce que vous avez, par exemple,
04:09 je vais prendre Jean Lartégui, l'immense Jean Lartégui,
04:12 qui s'est rendu célèbre par ses romans au sujet de l'Algérie.
04:16 Et lui, il s'est lancé aussi dans une aventure romanesque
04:22 se déroulant en Amérique latine au Costa Verde.
04:26 Le Costa Verde, nom qui a été repris plus tard,
04:28 – On en parlera.
04:29 – On en reparlera, par Jean Van Ham notamment.
04:31 Et ce Costa Verde, bon, c'est le Nicaragua,
04:35 parce que Lartégui était allé en Amérique centrale
04:38 pour une série de reportages pour Paris Match.
04:40 Et évidemment, le Nicaragua, avec son dictateur Somoza,
04:43 était une caricature, donc il synthétisait le personnage,
04:48 tous les types de tyrannos.
04:49 – Le phénomène de la réalité dépasse souvent la fiction,
04:50 surtout en Amérique du Sud, d'ailleurs.
04:51 – En Amérique du Sud.
04:52 Donc là, si vous voulez, c'est le premier romancier
04:55 dont le nom me vient à l'esprit.
04:57 Mais la bande dessinée, ça parle plus parce qu'il y a le dessin.
05:02 Bon, là, le dessin, si vous voulez, est frappant.
05:04 Alors, vous avez les tenants de la ligne claire,
05:06 comme Hergé, Jacobs, Jacques Martin, l'auteur d'Alix,
05:11 le héros de l'Antiquité.
05:13 Et puis vous avez d'autres plumes, comme par exemple
05:17 William Vance, dessinateur, qui lui a un trait plus moderne.
05:23 Et vous avez une évolution de la bande dessinée qui est phénoménale.
05:27 Avant, c'était assez statique, si vous voulez.
05:30 Si vous prenez les toutes premières bandes dessinées de Tintin,
05:33 on voit le personnage de face, autre profil, c'est tout.
05:36 Aujourd'hui, la bande dessinée, c'est du cinéma sur du papier.
05:40 - Oui, c'est un vrai storyboard.
05:42 - Absolument, vous avez utilisé le mot qui convient.
05:45 Donc, il y a une évolution considérable.
05:47 Bon, et puis, alors, il y a différents styles, évidemment, de dessinateurs.
05:51 Vous avez ceux qui se réclament de la ligne claire,
05:54 notamment Edgar P. Jacobs avec Black & Mortimer,
05:57 mais avec des ombres, alors que chez Tintin,
06:00 initialement, il n'y a pas d'ombre.
06:02 C'est les couleurs à plat bien nettes qui claquent.
06:04 Et puis, vous avez les autres dessinateurs
06:07 dont on pourra parler tout à l'heure.
06:10 Des Neuillets, avec Jean Van Ham qui fait un héros
06:13 qui s'appelle Wenshelton, qui est propulsé dans des contrées
06:17 très caractéristiques, et là, le dessin, si vous voulez,
06:20 est très figuratif.
06:21 Et vous avez même des coloristes qui deviennent
06:25 véritables aquarellistes, parce que vous avez des oeuvres.
06:28 Objectivement, on peut dire que certaines bandes dessinées
06:30 sont des véritables oeuvres d'art.
06:31 - On peut dire qu'on l'appelle le 9e art.
06:33 - Le 9e art.
06:34 - L'introduction de la politique dans la bande dessinée.
06:37 Pays imaginaire ou pas pays imaginaire ?
06:40 À date de quand ?
06:41 - On peut dire que c'est Hergé qui a été l'initiateur.
06:44 Hergé était dessinateur au Petit 20e,
06:47 qui était un journal catholique belge paraissant avant-guerre.
06:51 Et il est évident qu'il y a des messages qui ont été...
06:55 J'évoquais tout à l'heure la Sildavie.
06:57 La Sildavie, première époque, c'est le petit pays
06:59 qui va être écrasé par le méchant voisin.
07:02 Mais quand on prend la Sildavie, 2e époque,
07:04 qui est sortie dans les années 50, en pleine guerre froide,
07:07 eh bien, la méchante bordurie,
07:11 elle a toutes les caractéristiques de l'Union soviétique.
07:14 C'est frappant.
07:15 Vous avez, par exemple, le dictateur de cette bordurie,
07:20 c'est le maréchal Plexiglas.
07:23 Et si vous voulez, Hergé la caricaturait d'une façon
07:27 tellement évidente qu'on voit tout de suite que c'est Staline,
07:30 car l'emblème général de la bordurie, ce sont les moustaches.
07:33 Alors vous avez le parti moustachiste,
07:35 et vous avez la statue en plein centre d'une grande place
07:39 de la capitale, Zohod, vous avez une statue...
07:43 On dirait que c'est Staline, c'est... bon, c'est frappant.
07:47 Donc il y a une dénonciation de l'impérialisme communiste
07:51 au travers de cette méchante bordurie,
07:53 qui d'ailleurs n'a qu'un objectif, c'est dominer le monde.
07:58 On le voit dans l'histoire.
07:59 Et alors les gentils seraient plutôt les soldats
08:02 qui essaieraient d'empêcher évidemment
08:05 que leurs méchants voisins arrivent à atteindre ces objectifs.
08:09 Hergé avait moins pris de gants finalement avec Tintin chez les soviets.
08:12 Alors c'est un dessin déjà assez primitif à l'époque.
08:16 Et assez simpliste, vous l'avez dit.
08:20 Oui, oui, je le dis.
08:22 Vous venez de le dire.
08:23 Et c'est vrai que là c'est direct, c'est de l'anticommunisme primaire, basique,
08:27 mais alors après c'est un petit peu plus subtil, heureusement quand même.
08:30 Et alors on remarquera que le trait, le dessin de Hergé a considérablement évolué.
08:36 Et il s'est amélioré évidemment d'album en album.
08:39 Et puis il s'est adjoint aussi des équipes complémentaires.
08:43 Il a utilisé Edgar P. Jacobs pour dessiner des décors,
08:47 ainsi que Bob Demour pour dessiner des véhicules.
08:50 Il y a eu plusieurs éditions de certaines bandes dessinées.
08:54 Prenez par exemple, vous avez eu "Tintin au pays de l'or noir".
08:57 Eh bien, vous avez une deuxième édition de l'original.
09:02 Dans l'original, Tintin est propulsé en Palestine.
09:06 Et il est victime à la fois de l'Irgun,
09:10 alors là c'est l'Irgun, on ne tourne pas autour du pot,
09:13 on désigne bien l'Irgun qui était un mouvement terroriste sioniste en Israël.
09:18 Et puis vous avez les Arabes, si vous voulez, qui sont hostiles à l'Irgun.
09:21 Les uns et les autres tentant d'enlever Tintin pour leur but.
09:25 Bon, et puis des années plus tard, c'est redessiné.
09:30 Et là, la Palestine disparaît.
09:33 C'est le Kemed, un pays arabe imaginaire totalement inventé.
09:37 Alors ce Kemed, c'est le fauné de plusieurs pays.
09:41 On voit à un moment donné dans "Cock and Stock",
09:47 Tintin essayait de rejoindre l'émir Ben Kalichezab qui a été déposé.
09:52 Et là, il y a un clin d'œil, ça me fait penser tout de suite à l'imam El-Badar du Yémen
09:57 qui avait été déposé par les militaires et qui s'était réfugié dans des grottes,
10:01 dans des canyons inaccessibles.
10:03 Et là, son héros, son ami, l'imam Ben Kalichezab,
10:08 il est réfugié effectivement dans un canyon.
10:10 Et on voit presque le monument de Petra.
10:14 - Oui, presque. - Presque le monument de Petra.
10:17 J'ai eu la chance d'y aller et donc j'avais presque l'image de "Cock and Stock" à la main pour comparer.
10:23 Or, on pourrait dire "Tiens, c'est en Jordanie".
10:25 Eh bien non, non, ce n'est pas la Jordanie.
10:27 Le Kemed, c'est autre chose.
10:29 C'est un pays qui produit du pétrole, la Jordanie n'en produit pas.
10:32 Alors, de toute façon, c'est une caricature de monarchie moyenne orientale.
10:37 Alors là, on se régale bien entendu avec la poursuite de l'émir Babeller
10:42 qui renverse Ben Kalichezab, lequel reprend la main, etc.
10:46 - Alors, un des albums, outre "Tintin chez les soviets" qui n'a pas fait scandale,
10:52 mais qui a été censuré pendant très longtemps,
10:55 il y en a un autre qui est assez polémique,
10:57 qui se passe encore une fois, je suis désolé, mais dans un pays réel,
10:59 mais je voudrais en parler, c'est "Tintin au Congo".
11:01 - Ah ! Polémique, oui, bien sûr.
11:03 - Est-ce que vous savez comment "Tintin au Congo" est perçu au Congo ?
11:07 - Alors, je pense qu'en République démocratique du Congo,
11:11 car il s'agit du Congo belge, bien entendu,
11:13 c'est pas le nôtre, c'est pas celui de Brazzaville,
11:16 "Tintin", dans cet album, évidemment, arrive dans un pays africain.
11:25 Il ne faut jamais juger, si vous voulez, une situation politique ou historique
11:30 avec les lunettes contemporaines.
11:33 Il faut se plonger dans l'époque.
11:35 Or, "Tintin" est paternaliste.
11:37 "Tintin" protège le faible.
11:39 "Tintin" protège les petits noirs contre les méchancetés de certains colons.
11:45 Et, à tort, des Haïrouens, avant que le Congo ne s'appelle RDC,
11:52 République démocratique du Congo,
11:54 je me demande ce qu'elle a de démocratique, peu importe,
11:58 certains Haïrouens, installés en Belgique d'ailleurs,
12:02 ont tenté d'interdire la vente de "Tintin au Congo".
12:06 Un album qui n'a pas été redessiné, j'insiste dessus.
12:10 Il est dans son jus d'époque,
12:12 où, effectivement, les Noirs sont infantilisés.
12:16 Mais "Tintin" est un justicier.
12:18 Il protège la veuve et leurs folins.
12:20 Il défend les Noirs qui sont opprimés.
12:22 Et vous me posez la question de savoir si ça passe bien au Congo,
12:25 enfin, en RDC, j'aurais tendance à vous dire "oui".
12:29 Ce sont les Congolais exilés en Europe
12:32 qui taxent de racisme primaire ce type d'album.
12:37 En réalité, ça passe mieux sur place,
12:39 parce qu'évidemment, c'est amusant.
12:41 Alors, évidemment, on leur prête un langage très primitif,
12:45 mais, encore une fois,
12:47 Hergé a pondu ce bouquin avant-guerre.
12:51 Avant-guerre, on n'avait pas le même regard,
12:53 nous, Européens, sur l'Afrique qu'aujourd'hui.
12:56 Et ça, il faut...
12:58 Alors, heureusement, la justice belge n'a pas donné raison
13:02 à ceux qui voulaient interdire la vente de "Tintin" au Congo.
13:05 – Alors, autre album de "Tintin" où les méchants ont changé,
13:09 c'est "L'étoile mystérieuse".
13:11 – Oui, "L'étoile mystérieuse", on peut comprendre pourquoi,
13:14 parce qu'à l'époque, effectivement,
13:16 et vous savez d'ailleurs qu'Hergé a eu quelques petits problèmes à la libération,
13:21 les méchants, à l'époque, étaient quand même très caricaturés,
13:25 et disons-le, derrière le méchant qui veut contrecarrer
13:32 l'expédition du bateau "L'Aurore"
13:34 pour retrouver le fameux aérolite qui est tombé dans l'océan,
13:38 on voit, même si...
13:41 C'est le juif caricaturé d'avant-guerre, voyez ?
13:45 Tel que l'antisémitisme voulait propulser cette image.
13:48 Une image, objectivement, qui nous est odieuse.
13:51 – Et son bateau bat pavillons américains.
13:53 – Son bateau, oui, le péri bat pavillons américains.
13:55 Alors, ça change complètement dans la nouvelle édition,
13:57 on parle du Sao Rico, un pays totalement imaginaire,
14:01 qui n'a aucune consistance d'ailleurs, avec un tout autre drapeau,
14:05 et là, effectivement, tout relanc d'antisémitisme a disparu.
14:09 Bon, alors, là encore, ça peut choquer, ça nous choque, nous,
14:13 mais à l'époque, ça choquait moins, parce que c'était dans l'ère du temps.
14:17 Aujourd'hui, il y a autre chose qui est dans l'ère du temps.
14:20 – Exactement. – Autre temps, autre mœurs.
14:22 Et alors, il y a une constante dans la bande dessinée,
14:26 là, on n'a parlé que de Tintin, mais on va parler également de Spirou, de Bogdani, de Treize.
14:31 – Oui, il y en a beaucoup d'autres.
14:32 – Il y a un continent, finalement, qui est un vrai festival,
14:35 dites-vous, c'est l'Amérique du Sud.
14:37 – C'est l'Amérique latine.
14:38 – Visiblement, l'Amérique latine attire le scénariste de bande dessinée.
14:41 Pourquoi ?
14:42 – Oui, oui, oui, écoutez, en Amérique latine, vous avez les paysages,
14:48 vous avez le choc des civilisations, et vous avez des figures très caricaturales,
14:54 si vous voulez, vous avez des figures de dictateurs emblématiques.
14:59 Donc, alors, on a parlé, vous savez, on parlait des généraux mexicains,
15:04 entre guillemets, en rigolant, en disant "c'est l'armée mexicaine".
15:07 Effectivement, fut un temps où, pendant la révolution mexicaine de 1910,
15:11 le moindre chef de bande était général.
15:14 Et même, à une époque, on a constaté qu'il y avait 1 400 généraux
15:18 pour une armée de 55 000 hommes.
15:20 Bon, en Bolivie aussi, il y avait une petite armée de 2 500 hommes,
15:26 et il n'y avait pas moins de, si je ne m'abuse, 200 ou 300 officiers supérieurs.
15:32 L'armée du Guatemala des années 60, qui comptait 13 000 hommes,
15:36 avait 600 colonels.
15:38 Et les mauvaises langues disaient, si un alligator ou un caïman bouffait un colonel,
15:42 on ne s'en apercevrait pas.
15:44 Donc, si vous voulez...
15:45 Et puis, alors, il y a eu tous ces dictateurs, bon, alors, des grandes figures,
15:49 des hommes forts, des hommes à poing, j'avais fait un bouquin là-dessus, d'ailleurs.
15:53 Plus difficile à caricaturer, Perón, par exemple,
15:56 beaucoup plus difficile à caricaturer qu'un général Stroessner, peut-être,
16:00 ou qu'un colonel Pérez Reménez au Venezuela,
16:04 qu'on appelait "Tom Pouce" parce qu'il était tout petit,
16:07 mais il mettait des hauts talons pour hausser.
16:10 Son homologue de République Dominicaine, Rafael Leónidas Trujillo,
16:15 l'homme qui testait ses ministres en couchant avec leur femme
16:21 pour voir s'ils avaient la capacité de résister.
16:23 Vous imaginez un peu le type de personnage odieux.
16:26 Lui aussi était de petite taille et mettait des talonnettes pour se réhausser.
16:29 Bien, vous avez eu les Somoza, une dynastie de père en fils au Nicaragua.
16:35 Bon, et puis la Bolivie aussi, pays recordman des coups d'État,
16:40 avec une succession de colonels et de généraux
16:42 qui poussaient le précédent pour prendre la place
16:44 et qui, à son tour, étaient évacués.
16:46 Alors, parfois, ça se passait bien, parfois ça se passait mal.
16:49 Il y en a un, Gilberto Villarroel,
16:51 qui a terminé sa carrière pendu en réverbère devant son palais.
16:54 Voilà. Alors, il y a des coups d'État plus pacifiques que ça.
16:58 – Mais tout ça est peint béni pour Hergé, d'abord.
17:01 – Absolument. Alors, Hergé…
17:03 – Alors, Hergé, on a ce personnage qu'on retrouve, je crois, dans trois albums.
17:07 – Alors, le général Alcázar, on le voit dans plusieurs albums.
17:10 On le voit, d'abord, il apparaît quand…
17:15 Quelques temps après la guerre entre la Bolivie et le Paraguay,
17:19 c'est la guerre du Chaco.
17:21 Et alors là, il en a fait la guerre du Chapo.
17:25 Alors, il propulse Tintin dans un pays d'Amérique latine.
17:31 Dans l'album "L'oreille cassée", à savoir la république du San Teodoros,
17:36 où, suite à de nombreuses péripéties farfelues, bien sûr, et amusantes,
17:41 il devient colonel. – L'aide de camp d'Alcázar.
17:43 – L'aide de camp d'Alcázar.
17:45 Et puis, il y aura des retournements de situation.
17:48 Et le San Teodoros va déclarer la guerre au nom évorico
17:54 dont le président est le général Mogador.
17:56 D'ailleurs, le capitaine Haddock, bien plus tard, parlera du général Alhambra.
18:01 Bon, c'est assez amusant.
18:04 Donc, il est très caricatural, Alcázar.
18:06 On le retrouve dans "Les 7 boules de cristal"
18:10 où, évidemment, son triste sort de dictateur s'est terminé.
18:14 Il est devenu un lanceur de poignard dans un musical.
18:19 Bon, on va le retrouver aussi plus tard dans "Coc en stock"
18:23 où il va rencontrer tout à fait par hasard Tintin au coin d'une rue
18:27 parce qu'Alcázar est en chasse pour acheter des avions de combat,
18:34 notamment des Mosquito, qui est un avion britannique de la 2ème guerre mondiale.
18:38 Et on le retrouve, in fine, dans, évidemment, Tintin, il est picaros,
18:41 alors là, il a un rôle très important.
18:44 Et là, RG s'amuse, parce qu'évidemment, c'est toujours le dualisme
18:50 Alcázar-Tapioca, Tapioca-Alcázar, c'est-à-dire l'un renverse l'autre
18:55 et à son tour, va être renversé.
18:57 Alors, on découvre le général Alcázar non plus dans une tenue rutilante,
19:02 dorée sur tranche, mais on le découvre en tenue de guérilléros.
19:05 Et visiblement, RG s'est inspiré de la révolution cubaine
19:10 puisqu'il donne tout à fait un look de maquisard castriste
19:13 – Avec un gros cigare.
19:14 – Avec un gros cigare et les casquettes et les rangers
19:17 à ses guérilléros et Alcázar.
19:20 Et Alcázar, il y a une image très frappante.
19:24 À la fin, si vous voulez, on voit un soldat d'Alcázar
19:31 en uniforme de guérilléros qui patrouille avec une matraque à la main.
19:36 Derrière, il y a une image de Todi.
19:39 Et avant, on avait la même image de Todi,
19:42 mais avec un soldat du général Tapioca en uniforme américain.
19:46 Donc vous voyez, le clin d'œil, c'est pour dire que,
19:49 quel que soit le régime, c'est toujours pareil pour le peuple.
19:52 Voilà, ça c'est le message qui est délivré par RG.
19:54 Mais alors, ce qui est amusant, c'est que dans "L'oreille cassée",
19:57 il s'inspire tout à fait d'un événement historique.
20:00 – Voilà, il s'inspire de la réalité, c'est ça qui t'intéresse.
20:01 – En 1932-1935, le Paraguay et la Bolivie s'affrontent
20:05 pour la conquête d'un désert, d'un désert subtropical
20:10 où, paraît-il, il y aurait du pétrole.
20:12 Et alors là, vous avez la British Petroleum et la Standard Oil
20:17 qui chacune prennent un pays comme Poulain, Paraguay, Bolivie.
20:21 – Donc là, nous sommes dans la réalité.
20:22 – Et nous sommes dans la réalité.
20:24 Et là, ils s'affrontent pour la conquête de ce territoire
20:26 qui serait riche en pétrole.
20:28 La réalité, eh bien, nous apprendra qu'en fin de compte,
20:31 il n'y a pas de pétrole du tout.
20:33 Et qu'on a envoyé des soldats des Andes se battre et mourir pour rien,
20:39 alors que les Paraguayens, eux, étaient sur un terrain qui leur était favorable,
20:42 un terrain de basse altitude, moite,
20:45 et c'est eux qui se sont emparés de la plupart de ce territoire du Chacon,
20:48 mais vides de tout pétrole.
20:50 – Tout est vide.
20:51 – Et là, dans l'Horicacé, Alcazar, c'est le San Teodoros,
20:56 Tapioca, c'est le Nuevo Rico, nouveau riche, c'est amusant.
21:00 Il y a bien le Costa Rica, le Cotriche, donc il a fait Nuevo Rico.
21:04 On sent qu'il y a un petit jeu de ping-pong, là.
21:07 Bon, et puis, évidemment, il s'affronte pour une conquête imaginaire,
21:12 bien entendu d'un territoire imaginaire, supposé aussi être riche en pétrole,
21:17 parce que Hergé, là aussi, va s'inspirer de personnages authentiques.
21:24 – Oui, le marchand d'armes.
21:26 – Le marchand d'armes, Basile Zaharoff, qui, dans l'entre-deux-guerres,
21:29 effectivement, était un fournisseur de munitions et de canons,
21:34 et dans la bande dessinée, on voit la décalque de ce personnage
21:39 qui fait la navette entre les deux capitales
21:42 et qui fournit autant de canons à l'un et à l'autre.
21:44 Et là, si vous voulez, on est en pleine actualité.
21:47 On est en pleine actualité.
21:49 Les puissances qui produisent de l'armement n'ont pas toujours la pudeur
21:55 d'éviter de fournir l'un qui va taper sur l'autre.
21:58 Vous avez des pays qui fournissent à tout le monde.
22:00 – Qui fournissent les deux, bien sûr.
22:02 – Alors, il y a un autre auteur qui s'est inspiré de l'Amérique du Sud,
22:07 c'est Franquin, avec le personnage beaucoup plus fantaisiste
22:10 de Spirou et de son compagnon Fantasio.
22:14 – Oui, Fantasio, et vous oubliez un tout petit personnage,
22:18 le petit personnage… – Le marsupilami.
22:22 – Oui, le marsupilami, ça c'est un personnage emblématique,
22:25 et puis ils ont aussi un petit écureuil qui s'appelle Spip.
22:29 – Oui, c'est ça. – Alors, ils vont s'apercevoir
22:32 en allant en Palombie.
22:33 – Alors voilà, Spirou, lui donc c'est la Palombie,
22:37 pareil, alors est-ce que c'est la Colombie, vous allez nous le dire.
22:39 – Alors, la Palombie, difficile. – C'est l'Amérique du Sud,
22:41 l'Amérique centrale. – C'est très difficile à déterminer.
22:43 En tout cas, quand on regarde bien les images, il faut bien regarder,
22:48 bon d'abord on est dans un pays de langue espagnole,
22:50 donc ça écarte complètement le Brésil.
22:52 Bon, ensuite, c'est un petit pays quand même.
22:55 Et alors, il y a un volcan qu'ils baptisent le Sombrero,
22:59 ben écoutez, moi j'ai vu la même chose au Guatemala, la même forme.
23:04 Alors, j'aurais tendance à dire, c'est le hasard,
23:07 parce que Hergé n'est pas allé au Guatemala pour dessiner…
23:09 – Non, non, c'est pas Hergé, c'est Franquin.
23:11 – Pardon, Franquin, n'est pas allé au Guatemala pour dessiner,
23:13 je présume, son volcan.
23:15 J'aurais tendance à dire que c'est plutôt en Amérique centrale,
23:18 parce que c'est un petit pays, en Amérique latine quand même,
23:21 à part l'Équateur, qui est de superficie modeste,
23:24 ce sont quand même des États de taille importante.
23:26 C'est espagnol, il n'y a pas photo, puisqu'on parle en espagnol,
23:30 les devantures des boutiques, etc.
23:34 Et alors, le général Zantas, on s'en apercevra après,
23:38 est le cousin de Fantasio Zantafio, Fantasio Zantas.
23:43 Et alors, ce général Zantas a pris le pouvoir à l'issue d'une révolution
23:47 et a instauré un régime dictatorial.
23:49 Alors là, c'est un clin d'œil, j'allais dire, presque à l'Allemagne hitlérienne.
23:53 - Dites-moi, donc là on est dans le premier album, il y a quatre albums.
23:55 - Il y a plusieurs, oui.
23:56 - Et il s'appelle comment cette première album ?
23:58 - C'est un temps palombi.
23:59 - Je ne vais pas vous piéger.
24:00 - Un trou de mémoire.
24:01 - On retrouvera.
24:02 - Vous avez après, alors le tout premier, pardon, c'est "Spirou et les héritiers".
24:06 Dans "Spirou et les héritiers", on découvre la palombie.
24:10 Après, il y a un deuxième album, et puis il va y avoir troisième et quatrième
24:13 avec Zorglub, qui est un personnage douteux.
24:17 Alors là, on va s'en écarter un petit peu de la caricature latino-américaine.
24:23 Franquin, je crois, Franquin d'abord était un homme penchant à gauche,
24:31 alors que symétriquement, on peut dire qu'Hergé penchait plutôt à droite.
24:34 Et Franquin était plutôt pacifiste.
24:37 Et le but de Fantasio et de Spirou, indépendamment du fait qu'ils doivent,
24:44 comment dirais-je, s'occuper du marsupilami dans cet album,
24:50 personnage récurrent, le marsupilami, dans tous les albums de Spirou,
24:55 à partir du moment où ils en ont fait la découverte dans "Spirou et les héritiers",
24:58 cet animal ne les lâchera pas.
25:00 Il y a eu un film d'ailleurs qui a été fait.
25:02 - "Parallel Shabba".
25:03 - Voilà.
25:04 Et ce dictateur zanta, c'est, bah écoutez, c'est une caricature de général hitlérien.
25:10 - Mais que vient faire un général hitlérien en Amérique du Sud ?
25:12 - C'est une caricature.
25:13 Bah écoutez, en Amérique du Sud, il y a eu, par exemple,
25:15 je l'ai cité tout à l'heure, le Paraguay et la Bolivie,
25:18 quand ces deux pays se sont affrontés, chacun avait des conseillers militaires.
25:21 La France conseillait le Paraguay, les Allemands conseillaient la Bolivie.
25:25 Et donc il y a eu énormément d'Allemands qui sont venus en Amérique latine,
25:30 notamment, il faut bien le dire, en Argentine,
25:33 d'anciens pilotes de guerre du Reich qui sont venus en Argentine.
25:37 Et donc le personnage de zanta, c'est l'archétype du dictateur
25:42 qui fait des discours à la Hitler, si vous voulez, ou à la Mussolini,
25:46 pour, comment dirais-je, stimuler son peuple, galvaniser son peuple.
25:51 Bon, et le but de Spirou et Fantasio, évidemment,
25:54 c'est de détruire les desseins agressifs de ce dictateur
26:00 qui veut s'emparer des richesses d'une voisine qui s'appelle le Guaracha.
26:04 Alors Franquin s'est amusé, il aurait pu utiliser la samba,
26:07 mais d'autres auteurs, notamment Will avec "Tif et Tondu",
26:10 ont utilisé la samba pour faire un pays imaginaire, le samba-raguey.
26:14 - C'est sympa.
26:15 - Alors, vous voyez, lui, il a utilisé le Guaracha,
26:18 qui est une danse cubaine, tout simplement.
26:20 Mais phonétiquement, ça sonne bien.
26:23 El Guaracha, vous voyez ?
26:24 - Et donc, vous disiez, en termes de dessin,
26:28 les uniformes ressemblent à quoi ?
26:31 Les uniformes du général zanta ?
26:33 - Ils sont verts.
26:36 Et alors, surtout, ce qui est emblématique, c'est l'insigne.
26:41 L'insigne général de cette armée palombienne, c'est un aigle,
26:45 enfin, c'est un aigle, on dirait plus un perroquet,
26:49 qui tient un aigle, qui tient un sabre dans ses serres.
26:52 Et là, écoutez, objectivement, il y a un petit clin d'œil avec la Wehrmacht.
26:56 En plus, l'uniforme est vert.
26:59 Les casquettes sont impressionnantes.
27:01 Les visières noires glacées, et alors, des casquettes
27:04 avec cet écuchon sur le front ou devant.
27:08 Objectivement, il y a un clin d'œil.
27:10 Un clin d'œil avec l'armée allemande de la Deuxième Guerre mondiale.
27:14 Et on sent que cette volonté impérialiste du général zanta,
27:20 c'est la volonté impérialiste d'Hitler ou de Mussolini,
27:23 transposée en Amérique latine.
27:25 Parce qu'en Amérique latine, il y a eu beaucoup de dictateurs,
27:28 mais jamais ils n'ont eu la prétention ou l'ambition
27:33 de pouvoir coloniser leurs voisins au XXe siècle.
27:37 Au XIXe siècle, c'est totalement différent,
27:39 puisque par exemple, vous avez eu la grande guerre de la tripalliance
27:43 entre l'Uruguay, le Brésil, l'Argentine, pour écraser le Paraguay.
27:47 Donc là, effectivement, mais au XXe siècle, vous n'avez pas ça du tout.
27:53 Là, il y a un conflit sous-jacent, paraît-il,
27:55 entre le Venezuela et la Guyana, au sujet de la province de L'Estecibo,
28:00 qui là encore, est riche en pétrole.
28:02 Vous voyez, ça ne nous quitte pas, ça non plus.
28:05 Alors, je ne sais pas ce que le tirano Maduro sera capable de faire.
28:09 Je pense que les États-Unis ont déjà dû dire "Altola".
28:13 Mais vous voyez, la thématique est toujours la même.
28:18 Et donc, Franquin, Hergé, tous ces auteurs-là,
28:22 se sont inspirés de faits réels.
28:24 Et on voit que ces faits réels se perpétuent,
28:27 dans d'autres circonstances, avec d'autres acteurs.
28:29 – Nous allons rester en Amérique du Sud,
28:32 avec un autre héros qui s'appelle "13", scénario de Von Hamm.
28:36 – C'est ça.
28:38 – Donc là, c'est encore un pays imaginaire, en Amérique du Sud.
28:41 – C'est un pays imaginaire qui s'appelle le Costa Verde.
28:44 Nous y avons fait une allusion tout à l'heure.
28:47 Et effectivement, là aussi, il y a un dictateur
28:50 qui est une caricature du colonel Perez du Venezuela.
28:54 C'est un petit personnage rondougar, pas très haut sur pattes, libidineux.
29:00 Et dont son âme d'année, le colonel dont j'ai oublié le nom,
29:05 qui commande les services secrets, veut se débarrasser.
29:07 Et 13, qui est un personnage… ça s'étale sur 20 ans,
29:13 les aventures de 13, ça s'étale sur 20 ans.
29:15 Or, le Costa Verde, c'est qu'une petite partie.
29:18 Et il se fait que 13 va apprendre, en recouvrant partiellement la mémoire,
29:23 parce qu'il est amnésique, va s'apercevoir qu'il a été
29:26 non seulement amoureux de la fille d'un président renversé,
29:30 mais qu'il a été aussi el Cascador, c'est-à-dire un leader charismatique
29:34 de la rébellion et des maquisards.
29:37 Voilà, il va s'en apercevoir après.
29:39 Et donc, au travers de toutes ces aventures,
29:41 on découvre un pays d'Amérique latine, avec ses jungles,
29:45 ses villages un petit peu sordides…
29:49 – Donc, c'est là, on n'est plus du tout dans la fantasy avec…
29:51 – Non, c'est réaliste.
29:53 Alors, si vous voulez, oui, le scénario est complètement imaginaire.
29:57 Mais le pays…
29:58 – On n'est pas dans le comique, je veux dire.
29:59 – On n'est pas dans le comique.
30:00 Le pays, le Costa Verde a une présence beaucoup plus forte
30:06 que les pays amusants qui ont été créés par les auteurs
30:10 que nous avons cités précédemment.
30:12 Alors là, c'est du sérieux, j'allais dire.
30:14 Mais ça n'existe pas, le Costa Verde.
30:16 Mais ça pourrait être le Guatemala, ça pourrait être le Nicaragua,
30:18 ça pourrait être le Honduras.
30:19 C'est toujours le même schéma.
30:21 – C'est en Amérique centrale, vous pensez ?
30:22 – Ah oui, oui, oui.
30:23 C'est toujours le tyranneau qui va être renversé
30:27 par les aspirants dictateurs, bien entendu.
30:31 – On va changer encore de héros avec…
30:35 On va en prendre 4 d'un coup.
30:36 Enfin, ils font le même boulot.
30:37 Il y a Buck Dany.
30:38 – Ah !
30:39 – Et Buck Dany et ses…
30:40 – Et ses coéquipiers.
30:41 – Et ses deux coéquipiers.
30:42 – Jeb Blair et Sonny Tuxon.
30:43 – Jeb Blair et Sonny Tuxon.
30:44 Et puis Tanguy Laverdure.
30:45 – Ah Tanguy Laverdure, oui.
30:46 – Il faut dire que ce sont deux avant-dieu…
30:47 – C'est la concurrence, là.
30:48 – C'est la concurrence.
30:49 – Et vous avez même un autre héros, Dan Cooper,
30:52 qui a été créé par Albert Weimberg dans "Tintin" dans les années 50,
30:55 qui lui est un pilote canadien.
30:57 Mais il ne propulse pas tellement dans des pays imaginaires.
31:00 Alors que Buck Dany et Tanguy Laverdure vont aller dans des pays imaginaires.
31:05 – Les scénaristes de Buck Dany sont chargés…
31:07 – Alors c'est Jean-Michel Charlier,
31:09 Jean-Michel Charlier qui était lui-même pilote, d'ailleurs,
31:13 et qui a scénarisé pas mal de bandes dessinées.
31:18 Et puis le dessinateur de…
31:21 – C'est Hubinon.
31:22 – C'est comment il s'appelait ? Victor Hubinon.
31:25 Victor Hubinon.
31:26 Alors que Tanguy Laverdure, c'est toujours le scénariste Charlier,
31:34 mais le dessinateur c'est Giger.
31:36 – C'est ça.
31:37 – Donc on a le même scénariste.
31:39 – On a le même scénariste pour ces deux aventures,
31:42 mais il était pilote, je vous rappelle.
31:43 Donc ayant été pilote, il était bien placé pour…
31:46 Or Tanguy Laverdure, c'est l'armée de l'air française, Cocorico.
31:50 – L'autre c'est l'US Air Force.
31:51 – Alors que Buck Dany c'est l'US Air Force.
31:53 Alors là, dans toute sa splendeur, si je peux dire.
31:55 – Mais tous ces aviateurs-là vont voyager aussi dans des pays imaginaires.
32:00 – Alors au début, Buck Dany et ses coéquipiers font la guerre contre le Japon,
32:06 entre parenthèses, à l'époque, quand on était enfant,
32:09 on pouvait lire qu'ils attaquaient ces sales jaunes,
32:11 ces sales faces de coin, entre guillemets,
32:14 des propos racistes, à caractère raciste évidemment,
32:16 qui aujourd'hui fera hurler, à juste titre sans doute.
32:20 Mais à l'époque, si vous voulez, ça ne choquait personne.
32:22 Bon, le Japonais c'est le méchant, bien entendu.
32:26 Il était d'ailleurs caricaturé en méchant.
32:29 Et puis petit à petit, ça évolue, ces trois pilotes,
32:32 Buck Dany, Colonel, Tumbler, Capitaine, Tuckson,
32:35 le lieutenant de l'US Air Force, sont démobilisés.
32:38 Et alors, ils cherchent un job et ils vont être embauchés
32:41 comme pilotes de transport pour une compagnie verreuse
32:44 qui exerce ses talents au Moyen-Orient.
32:47 Et là, ils vont vivre des aventures.
32:49 Dans le cadre de l'édition "Les gangsters du pétrole", etc.,
32:57 ils vont aller dans le sultanat des Oulaïs.
33:00 Et là, ils vont vivre des aventures fameuses
33:04 et évidemment s'en sortir toujours intactes.
33:08 Mais après, ils vont être propulsés dans des pays réels,
33:14 dans des missions réelles, au sein de l'US Air Force.
33:17 Mais on va les propulser aussi dans des pays imaginaires.
33:21 Alors, je prends donc toujours Buck Dany.
33:23 Il va aller notamment au Ventan, qui est un pays d'Asie du Sud-Est,
33:29 qui a un roi au pouvoir, qui est menacé par une rébellion,
33:33 qui est aidé par l'ennemi récurrent de Buck Dany, Lady X,
33:40 qui est une femme fatale, qui est caricaturée avec un film cigarette.
33:46 Curieusement, ce royaume du Ventan,
33:50 alors là, je fais appel à vos connaissances,
33:53 vous savez sans aucun doute que Vientiane est la capitale du Laos,
33:57 que le Laos est un royaume,
33:59 et qu'à côté, il y a un grand pays communiste, le Vietnam.
34:04 Donc, vous avez...
34:05 - Le Ventan.
34:06 - Voilà, bon, ils n'ont pas été chercher très loin leur inspiration.
34:10 Et donc, la mission de ces pilotes qui sont prêtés par l'US Air Force,
34:16 c'est de sauver la monarchie de ce petit pays d'Asie du Sud-Est
34:21 contre les méchants.
34:23 Alors, là aussi, il y a un faux nez, car les rebelles,
34:29 on pense tout de suite aux communistes du patète Laos,
34:33 si c'est le Laos, bien entendu.
34:35 Et leur roi nous fait penser à l'ancien roi,
34:39 si c'est avant Gvatana du Laos,
34:42 avant qu'il soit renversé par les communistes.
34:44 Et puis...
34:45 - Je crois qu'ils vont aussi en Amérique du Sud, non ?
34:47 - Ils vont en Amérique du Sud, tonnerre sur la Cordillère,
34:52 là aussi, il y a un méchant général...
34:56 - Ils sont au San Bolivar.
34:58 - Pardon ?
34:59 - C'est au San Bolivar le pays, non ?
35:01 - Oui, non, le San Bolivar, c'est une autre aventure.
35:03 - C'est une autre aventure.
35:04 - C'est une autre aventure, c'est le Managua.
35:06 - Le Managua.
35:07 - Alors, ils ne se sont pas cassés la tête, là,
35:09 parce que là, ils ont pris le nom de la capitale du Nicaragua.
35:11 - C'est un endroit du Nord, ça existe.
35:12 - Alors, vraiment, ils n'ont pas été chercher loin.
35:14 Ils n'avaient pas l'imagination fertile.
35:16 Bon, peu importe.
35:17 Alors, ce Managua, là aussi un dictateur,
35:19 qui pourrait être le portrait du général Noriega au Panama.
35:24 Noriega était non pas officiellement président,
35:27 mais c'était l'homme fort.
35:29 C'est lui qui tirait les ficelles, et c'était le patron de la drogue.
35:34 Et là, dans cette aventure tonnerre sur la Cordillère,
35:37 au Managua, le président, dont j'ai oublié le nom,
35:41 c'est un trafiquant de drogue,
35:45 et donc les héros de l'US Air Force vont être chargés,
35:50 bien entendu, d'éboulonner ce personnage,
35:53 qui est soutenu, là aussi, par la Dx.
35:57 On retrouve cette femme maudite, si vous voulez,
36:01 d'une aventure à l'autre.
36:03 - Et Tanguy Laverdure ?
36:04 - Alors, Tanguy Laverdure, c'est totalement différent.
36:06 - Rapidement.
36:08 - Ils apparaissent, comment dirais-je,
36:11 dans un pays d'Amérique latine aussi,
36:15 avec un problème de minerais riche dans une province voisine.
36:21 Et ce pays a une aviation, bien entendu,
36:28 et Tanguy Laverdure sont affectés aux pays voisins
36:32 pour constituer une aviation avec des mirages, trois,
36:37 pour permettre à ce pays qui est menacé d'annexion
36:40 à cause des minerais riches dans sa province du Torreón,
36:44 et ils vont donc affronter l'aviation du voisin.
36:47 Et alors, il y aura évidemment quelque chose d'amusant,
36:52 pour les spécialistes de l'aéronautique,
36:54 ils diront c'est pas possible,
36:55 mais pour celui qui n'est pas très spécialiste de l'aviation,
36:59 le Mirage est un avion Delta,
37:01 et le Saab Draken suédois est un avion Delta.
37:04 Et je mets à quiconque de loin
37:07 de pouvoir distinguer au premier coup d'œil la différence.
37:10 Or, il se fait que ces Saab Draken sont pilotés par des pirates
37:14 au service du méchant dictateur,
37:16 et qu'ils vont bombarder volontairement un barrage de ce pays-là
37:21 pour pouvoir accuser les Mirages du pays voisin piloté par les Français.
37:25 Voilà l'intrigue.
37:26 Et donc, Tanguy Laverdure, comme chacun peut l'imaginer,
37:29 s'en sortiront vivant.
37:31 - Bien. Alors, on va revenir en Europe.
37:34 Il y a un autre pays dont le nom est bien amusé, c'est le Bretzelburg.
37:37 - Ah ! Oui.
37:38 - Bretzelburg, c'est...
37:39 - Alors, le Bretzelburg...
37:40 - Les aventures de qui le Bretzelburg ?
37:41 - Alors là, c'est Spirou et Fantasio.
37:43 Et là, on retrouve encore, j'allais dire l'obsession, non,
37:47 l'intérêt de Franquin pour dénoncer des pays à caractère germanique.
37:53 Je veux dire, c'est grotesque, c'est caricatural,
37:57 mais c'est très amusant.
37:58 Le Bretzelburg, ça pourrait être quelque chose comme le Vorarlberg
38:02 ou le Liechtenstein, voyez-vous,
38:04 puisqu'ils prennent un train pour aller à Zurich.
38:08 Et puis, ils vont dans ce pays-là pour défendre Ladislas,
38:14 qui est le petit roi, qui en fait est le prisonnier d'un méchant général,
38:19 personnage très amusant, qui a une double casquette,
38:23 puisque en même temps, il est le conseiller d'une principauté
38:29 à caractère italien, voisine de ce Bretzelburg.
38:34 Alors le Bretzel, vous voyez, tout de suite l'amusement,
38:36 Bretzelbourg, bon voilà.
38:38 Et les gens du Bretzelburg sont malheureux,
38:42 les autobus, écoutez, n'ont plus de carburant pour fonctionner,
38:46 ce sont donc les passagers qui pédalent pour faire avancer l'autobus,
38:49 la bière n'est plus une bière de qualité,
38:51 alors que c'est un pays traditionnellement producteur de bière
38:53 et buveur de bière, à un point tel que dans les armoiries,
38:56 vous avez un tonneau de bière, un aigle qui tient les chocs.
39:04 Bon, petit coup d'oeil.
39:06 Et l'armée de ce pays, alors là aussi, comme en Palombie,
39:10 c'est curieux, casque allemand très caricaturé,
39:13 parfois même casque à pointe, et puis tenue verte, verte olive,
39:17 vert comme la Wehrmacht, voilà.
39:19 Et ce méchant général, qui est à la fois conseiller du petit royaume à côté
39:24 et en même temps conseiller du roi Ladislas,
39:27 évidemment tire les ficelles des deux pays,
39:29 parce qu'à chaque fois qu'il passe d'un pays à l'autre,
39:31 évidemment il change de costume et il change de visage.
39:34 Voilà, bon, ça c'est l'astuce de Franquin,
39:36 et en fin de compte ça vient se terminer
39:38 puisque le roi Ladislas va épouser la princesse du pays d'à côté.
39:41 Mais alors il y a toute une aventure amusante,
39:43 et franchement là vous êtes au Tirol, vous êtes au Vorarlberg,
39:47 vous êtes dans un pays germanique,
39:49 vraiment franchement j'allais dire il n'y a pas photo,
39:51 mais s'il y a photo, c'est évident,
39:53 les maisons sont... c'est vraiment le décor germanique parfait.
40:00 Alors voilà, mais là aussi, comme avec la Palombie,
40:05 il dénonce le caractère dictatorial,
40:10 donc j'allais dire, oui, des pays germaniques d'une certaine époque.
40:15 - D'une certaine époque.
40:16 Alors ce qui est bien dans votre livre, il est intitulé
40:19 "Géopolitique des pays imaginaires mais également guide touristique".
40:23 Alors ce qui est intéressant, vous parliez des paysages tout à l'heure,
40:25 c'est qu'effectivement ces dessinateurs-là, que ce soit Hergé, Bugdani,
40:28 enfin, Hubinon, ou bien Franquin,
40:32 sont attachés effectivement à reproduire des paysages cohérents
40:35 par rapport aux pays imaginaires.
40:37 Et vous, même dans le livre, vous nous proposez d'aller manger
40:42 dans tel ou tel restaurant que l'on peut voir apparaître.
40:44 - Écoutez, vous avez par exemple dans "Le sceptre de Tokar",
40:48 vous avez un restaurant s'il dave, qui s'appelle "Le Clove".
40:52 Et Tintin y va d'ailleurs, et il est horrifié quand il voit
40:55 qu'on mange du gigot de chien, alors il appelle son chien Milou.
40:58 Évidemment, il est très angoissé.
41:00 Mais ça c'est rien, mais vous avez un autre héros, par exemple,
41:03 créé par Jacques Martin, qui est le journaliste Lefranc,
41:07 il l'envoie au "Saint-Larco", qui est une petite principauté
41:11 qui pourrait être un mix de Saint-Marin et de Monaco.
41:14 Là aussi, vous avez des mille détails, des plaques de rue,
41:18 des marques d'automobiles, des boutiques,
41:22 vous pouvez faire vos achats, des restaurants,
41:24 vous pouvez aller déjeuner, vous avez moult détails
41:26 qui permettent presque à un auteur qui s'intéresse à cette chose-là,
41:31 comme moi, de faire minimaliste, un petit guide touristique.
41:37 Je ne veux pas dire que ça peut être la décalque d'un guide touristique
41:41 de grand niveau, mais on trouve, et chez Hergé aussi,
41:44 enfin chez tous les dessinateurs...
41:46 - Il y a vraiment une volonté également de documentation.
41:49 - De documentation, oui.
41:50 - Et de préparation.
41:51 - C'est-à-dire, il faut, si vous voulez, pour intéresser le lecteur,
41:55 il faut de l'imaginaire, mais il faut que cet imaginaire
41:58 soit issu du réel aussi, pour que ça soit crédible.
42:02 Bon, vous avez beaucoup de pays fantaisistes,
42:04 mais ça ne tient pas la route.
42:06 Tandis que les pays qui ont été créés par les auteurs
42:08 que nous avons évoqués, ils tiennent la route.
42:10 En ce sens qu'ils sont représentatifs réellement
42:14 de pays qui existent.
42:16 Tout traité d'une façon humoristique, toujours.
42:18 - Mais à tel point que parfois, la fiction rejoint la réalité.
42:22 Vous me racontiez avant l'émission, un canular monté par...
42:27 - Par un journaliste de l'Action Française.
42:29 Alors écoutez, vous avez un pays...
42:31 - On va conclure là-dessus.
42:32 - On va conclure là-dessus. Vous avez un pays qui s'appelle la Paul-Dévie,
42:35 qui a été créée par Hedy Pape, un dessinateur du journal Espirou,
42:40 avec son héros Jean Valardi.
42:42 Mais il y a eu une Paul-Dévie qui existait avant,
42:45 et imaginaire, cette Paul-Dévie,
42:47 une Paul-Dévie totalement imaginaire,
42:50 comme celle d'Hedy Pape avec son héros.
42:52 Cette Paul-Dévie imaginaire a été créée par un journaliste
42:58 qui s'appelait Alain Mélet, qui était un journaliste de l'Action Française,
43:02 journal de Charles Maurras,
43:04 et qui a piégé des socialistes,
43:06 notamment un député, Charles Boutet, député SFIO,
43:09 donc tout ça c'est avant-guerre,
43:11 et ce journaliste avait lancé une pétition
43:14 pour délivrer et pour sauver ces pauvres poldaves
43:18 qui risquent d'être exterminés
43:21 et qui sont menacés de famine, etc.
43:24 Et alors ce fameux Boutet, qui devait se prendre sans doute
43:26 pour un Bernard-Henri Lévy avant l'horreur,
43:28 avait lui à son tour lancé tout un manifeste,
43:32 une pétition battant le tambour
43:34 pour rameuter la population,
43:36 pour militer en faveur de ces pauvres poldaves
43:38 qui étaient effectivement martyrisés.
43:40 C'est dire qu'à l'époque,
43:42 bon alors à l'époque il n'y avait pas internet,
43:45 mais quand même,
43:47 il est tombé, ce député de gauche est tombé en plein,
43:50 non pas dans la potion magique,
43:52 mais dans une potion satanique,
43:54 qui s'est fait avoir dans les grandes largeurs.
43:56 Voilà, ça c'est amusant.
43:58 – Et donc le nom de la pauvre poldavie a été repris ?
44:00 – Le nom a été repris après par le dessinateur dont j'ai parlé,
44:04 qui renvoie son héros Jean Balardy,
44:07 là encore dans une dictature de l'Est,
44:10 monstrueuse puisqu'elle veut utiliser le rayon de la mort
44:13 pour dominer sur la planète.
44:15 – Jean-Claude Réunard, merci infiniment,
44:17 je renvoie à votre guide touristique et géopolitique
44:19 des pays imaginaires, c'est paru chez Dualpha.
44:21 Je regrette, mais on n'a pas le temps,
44:23 mais allez, on va prendre deux minutes encore.
44:25 Il y en a un autre qu'on n'a pas évoqué, c'est Blacky Mortimer.
44:28 – Blacky Mortimer, oui, Edgar P. Jacobs propulse ses deux héros dans…
44:33 – On va parler du pays de l'Asie…
44:35 – Le secret de l'Espadon, c'est l'album emblématique, le premier.
44:39 – Donc vraiment très rapidement.
44:41 – C'est l'Empire asiatique.
44:44 – Et en même temps ça ressemble au Tibet, la capitale de l'Assad.
44:47 – La capitale c'est l'Assad.
44:48 – Qui est pourtant un pays pacifique.
44:50 Là encore, toujours le méchant, l'empereur Bassam d'Andu,
44:53 qui est l'empereur, a vocation pour lui, mondialiste.
44:56 Il veut s'emparer de la planète entière,
44:58 et alors il détruit les capitales européennes,
45:00 c'est très saisissant, très réaliste.
45:02 – Donc pour vous c'est le Japon plutôt ?
45:04 C'est le Japon d'avant-guerre, c'est la Chine de Mao ?
45:06 – Alors, si vous voulez, l'Empire asiatique c'est la Chine,
45:09 mais l'esprit c'est le Japon, l'esprit conquérant,
45:12 parce que le Japon, quand même pendant des années,
45:14 a été la puissance conquérante de l'Océanie et de l'Asie,
45:18 bon, il faut bien le dire,
45:20 donc le stop a été marqué par les Asiens-Américains.
45:23 Et là, ce sont deux Anglais qui vont,
45:27 grâce à la base secrète qu'ils ont dans le détroit d'Hormuz,
45:31 qui est à la mode en ce moment, dans le détroit d'Hormuz,
45:34 qui vont, grâce à leur base secrète, et à leur espadon,
45:36 un avion génial inventé par Dante Iber,
45:39 vont détruire avec l'arme atomique la puissance de Bassam d'Andu.
45:43 Empire asiatique, c'est l'Empire asiatique.
45:45 - En plus cet espadon qui ressemble aux premiers avions à action,
45:48 aux premiers prototypes.
45:49 - Tout à fait, oui, oui.
45:50 - Bien, écoutez, on va finir là,
45:51 mais j'envoie vraiment les téléspectateurs à votre ouvrage,
45:55 ça fourmille d'anecdotes, il y a vraiment une documentation incroyable,
45:58 je ne sais pas combien vous avez de bandes dessinées chez vous.
46:01 - Certainement, mais on aurait pu évoquer plein d'autres héros,
46:03 il y en a plein d'autres, plein d'autres pays aussi.
46:05 - Voilà, donc guide touristique et géopolitique des pays imaginaires,
46:07 de la bande dessinée aux éditions du Alpha.
46:10 Jean-Claude Rolina, merci infiniment, c'était passionnant.
46:13 - C'est moi qui vous remercie.
46:14 - Vous savez maintenant, Christopher Lanne et la petite histoire,
46:17 mais avant, vous n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
46:20 et de vous abonner bien sûr à notre chaîne YouTube.
46:23 Merci et à bientôt.
46:43 Ah le Moyen-Âge, vous savez ce qu'on dit sur le Moyen-Âge ?
46:46 "Durant le Moyen-Âge, un million de sorcières furent brûlées pendant l'Inquisition."
46:49 Vous savez combien d'erreurs contient cette phrase ?
46:52 Quatre ! Et c'est ce que nous allons voir aujourd'hui.
46:54 Voilà contenu dans une seule phrase des siècles de propagande anticléricale
46:58 et ce qu'on pourrait appeler anti-Moyen-Âge, mais les deux sont liés.
47:01 Alors premièrement, ça n'était pas au Moyen-Âge.
47:03 Officiellement, je dis bien officiellement, car le Moyen-Âge est une période très floue,
47:07 ah oui, t'es marrant, ça dure mille ans quand même.
47:09 Le Moyen-Âge prend fin en 1492.
47:12 Et pour qui s'intéresse de près à la chasse aux sorcières,
47:14 on se rend compte que dans la très large majorité, les bûchers ont été allumés
47:18 de 1550 à 650, soit, à la période moderne, la Renaissance.
47:23 Mais vous savez, depuis les Lumières, le Moyen-Âge étant profondément chrétien,
47:26 c'était forcément une période obscurantiste.
47:29 Mais oui ! Le Moyen-Âge était rempli de croyances et de superstitions
47:33 et donc les gens, forcément, étaient pris dans leur peur,
47:35 pauvres apeurés qu'ils soient, avant que Voltaire et ses amis ne viennent les éclairer.
47:39 Le deuxième mensonge dans cette phrase ahurissante,
47:41 c'est que le chiffre de 1 million est totalement fantasmatique.
47:45 Si on s'appuie sur les travaux de tous les historiens qui ont travaillé sur le sujet,
47:48 on arrive en gros à un chiffre compris entre 30 000 et 50 000 sorcières brûlées.
47:54 Ce qui est déjà énorme !
47:55 Mais on est loin du chiffre multiplié par 20 qu'on nous donne habituellement.
47:58 La troisième mystification, c'est que ce ne fut pas que des sorcières,
48:01 au sens féminin du terme.
48:03 Si au début, évidemment, on brûlait des paysannes à la campagne,
48:06 les choses ont changé, surtout lorsque la chasse aux sorcières va s'installer en ville
48:09 et que c'est les femmes qui vont devenir bourreaux.
48:11 Évidemment, la très large majorité de la chasse aux sorcières sont des femmes,
48:15 ça, personne ne le conteste, mais pas que !
48:17 Il y a eu aussi des homosexuels, des gens du voyage, etc.
48:20 et des hommes qu'on prenait tout simplement pour des sorciers.
48:23 Quatrième mensonge, et c'est sans doute le plus gros
48:25 après celui qui place la chasse aux sorcières au Moyen-Âge,
48:28 elle aurait été le fait de l'Inquisition.
48:30 Là aussi, c'est une mystification mue évidemment par l'anticléricalisme,
48:33 car les sorcières étaient poursuivies et brûlées par des tribunaux laïcs.
48:37 La procédure était inquisitoire, certes, mais pas inquisitoriale,
48:41 et c'est toute la différence.
48:42 Mais quelle est-elle, cette différence ?
48:44 Si on parle de l'Inquisition avec un i minuscule,
48:46 on parle de la procédure inquisitoriale qui était une enquête.
48:49 Si on parle de l'Inquisition avec un I majuscule,
48:51 cette fois, on parle du tribunal ecclésiastique
48:54 qui était en charge de la lutte contre l'hérésie.
48:56 Ce qui n'a rien à voir.
48:57 Déjà, il faut dire qu'avant la procédure inquisitoriale,
49:00 les procès en général se déroulaient selon la procédure accusatoire.
49:03 C'était au plaignant d'apporter les preuves de ce qu'il avançait,
49:06 et s'il ne parvenait pas à le faire,
49:08 il devait dédommager celui qui l'accusait.
49:10 Dans la procédure inquisitoire, qui a remplacé la procédure accusatoire,
49:14 c'est l'autorité qui prenait en charge les procès,
49:16 et cette fois, on enquêtait sur l'accusé.
49:19 C'était à l'accusé de se dédouaner des charges qui pesaient sur lui,
49:22 à condition que les dénonciations soient suffisantes, évidemment.
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50:06 Pour en revenir à nos moutons, ce sont bien les tribunaux laïcs
50:09 qui jugeaient les présumés sorcières,
50:11 et justement, l'intervention de l'Inquisition dans ces affaires
50:14 aura plus servi à épargner aux accusés la fureur populaire dont elles étaient l'objet,
50:18 car c'est bien de la fureur populaire dont elles étaient victimes.
50:21 L'Église a donc requalifié en hérésie ce qu'on prenait pour de la sorcellerie,
50:25 et a donc tenté de convaincre plutôt que de punir sauvagement.
50:28 Et de toute façon, tout ce qu'on connaît sur l'Inquisition
50:31 et ce qui a été repris par tous les historiens et tous les philosophes
50:34 viennent de ce monsieur Étienne de la Motte-Langon,
50:37 qui a inventé tout un tas de choses sur l'Inquisition.
50:39 Pour lui, par exemple, la chasse aux sorcières
50:41 est la suite logique de l'Inquisition menée à l'encontre des Cathares.
50:45 L'Église, s'étant débarrassée du problème Cathare,
50:47 aurait ensuite concentré son énergie sur les sorcières,
50:50 comme ça, pour le plaisir.
50:51 Des accusations qui ont été reprises par Michelet et toute la fine équipe, quoi.
50:55 Michelet, qui est d'ailleurs l'inventeur d'un mythe persistant sur le Moyen-Âge,
50:58 qui est le droit de cuissage, mais ça, ça mériterait un sujet entier.
51:01 Et pour savoir précisément tout ce qui a été dit et surtout inventé sur le Moyen-Âge
51:05 et qui est derrière tout ça, je vous renvoie au livre de Marion Cigaud,
51:09 "La chasse aux sorcières et l'Inquisition".
51:11 Salut Marion !
51:12 Donc on a vu que c'était des tribunaux laïcs,
51:13 on a vu que ça n'était pas au Moyen-Âge,
51:15 on a vu que ça n'était pas que des femmes,
51:17 on a vu que l'Inquisition n'avait rien à voir, ou presque, là-dedans,
51:20 mais surtout, ce qu'on oublie de dire, c'est que l'immense majorité des sorcières
51:23 ont été brûlées en pays protestants,
51:25 sur lesquels l'Inquisition n'avait bien sûr aucune prise,
51:28 puisqu'elle était issue de l'église catholique de Rome.
51:30 Déjà, l'émergence de la réforme à la fin du Moyen-Âge
51:33 a entraîné tout un tas de doutes et de peurs dans la population.
51:36 Il n'y avait plus de repères, la foi était en recul,
51:38 et partout, on craignait le diable et ses vilaines créatures.
51:41 Non seulement il y avait des démons partout,
51:43 mais ils étaient secondés par des humains, les sorciers et les sorcières.
51:46 Car la peur de la sorcière, profondément, c'est la peur du diable.
51:50 Et évidemment, dans une société tiraillée par la peur,
51:52 comme toujours, on cherche un bouc émissaire.
51:56 Sous-titrage ST' 501
52:00 Sous-titrage ST' 501
52:03 Sous-titrage ST' 501
52:06 [Musique]
52:34 Pourquoi ce fut plus l'affaire des pays protestants
52:36 plutôt que les pays catholiques ?
52:38 Pas parce que les protestants sont plus méchants,
52:40 mais surtout parce qu'il n'y avait plus d'autorité chez les protestants.
52:43 Comme ils rejetaient l'Église et qu'il n'y avait pas d'intermédiaire
52:45 entre Dieu et les hommes,
52:47 évidemment, il n'y avait plus d'autorité morale supérieure
52:50 pour réguler cette fureur populaire.
52:52 Et c'est bien ça le problème, il fallait une autorité morale sévère
52:55 et incontestable pour réguler tout ça.
52:58 Ce fut, en France et dans les pays catholiques,
53:00 le rôle de l'Église, et c'est pourquoi il y a eu
53:02 beaucoup moins de sorcières brûlées.
53:04 La chasse aux sorcières se termine officiellement
53:06 le 25 avril 1672,
53:08 au moment où le Conseil Royal rend un arrêt
53:10 qui interdit que l'innocence
53:12 soit plus longtemps exposée à la calomnie et à l'avarice.
53:16 Là encore, on voit que c'est une autorité supérieure,
53:18 à savoir le roi et l'État naissant,
53:20 qui met fin à ce phénomène devenu incontrôlable.
53:23 En conclusion, pour reprendre un peu tous ces mensonges,
53:25 la chasse aux sorcières n'a pas eu lieu au Moyen-Âge,
53:27 mais à la Renaissance, elle s'est d'ailleurs terminée
53:29 au Grand Siècle, comme on vient de le voir.
53:31 Elle a été l'œuvre de tribunaux laïcs,
53:33 et elle a concerné majoritairement
53:35 des pays protestants, qui étaient
53:37 dépourvus de l'autorité de l'Église,
53:39 susceptible d'arrêter tout ça.
53:40 Ce qu'il importe de comprendre aussi, c'est que
53:42 la chasse aux sorcières et la peur du diable
53:44 fut avant tout la conséquence de la perte
53:46 du sentiment religieux, et non pas de son excès.
53:48 Le problème, c'est qu'aujourd'hui encore,
53:50 toutes ces idées reçues sont tenaces
53:52 et demeurent sur le Moyen-Âge.
53:53 D'ailleurs, dans les années 70, sur l'impulsion
53:55 des 68ards, on ne leur dira jamais
53:57 assez merci, on a accolé aux sorcières
53:59 une image de femme libre et indépendante
54:01 oppressée par la tyrannique Église.
54:03 Bon, ça, c'est même pas la peine
54:05 d'y répondre, quoi.
54:06 Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode
54:08 de La Petite Histoire, je vous dis à bientôt
54:10 pour de nouvelles aventures et de nouvelles
54:12 démystifications sur TV Liberté.
54:14 [Musique]

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