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00:00 7h46, vous avez la parole ce matin, Théo Hedges, on va discuter logement.
00:04 Oui, surtout de la crise du logement qui atteint des records.
00:07 70 ans après l'appel de l'abbé Pierre, le nombre de personnes à la rue augmente.
00:10 Il a doublé en 10 ans.
00:12 L'hébergement d'urgence est saturé et 4 millions de personnes sont mal logées en France.
00:18 C'est une bombe sociale, estime la fondation abbé Pierre.
00:21 Mais au-delà des chiffres, qu'est-ce que vous constatez, vous, autour de vous ?
00:24 Est-ce que vous voyez une dégradation ?
00:25 Est-ce qu'il y a de plus en plus de gens à la rue dans votre quartier que vous les croisez dans votre vie quotidienne ?
00:30 Venez nous raconter justement ce que vous constatez chez vous, autour de vous.
00:33 Est-ce qu'il faudrait un nouvel abbé Pierre en France, un nouvel appel ?
00:35 On attend, vous, vos appels au 04 76 46 45 45.
00:39 Et pour nous éclairer ce matin, Jean-François Lapierre, bonjour.
00:43 Bonjour.
00:43 Merci d'être avec nous ce matin.
00:45 Vous êtes administrateur, membre du bureau D'un Toit pour Tous,
00:47 association basée à Echirol qui aide aux logements des plus précaires.
00:51 Vous êtes aussi partenaire de la fondation abbé Pierre.
00:54 On a donc voulu vous inviter ce matin, 70 ans après cet appel du 1er février.
00:59 Je le disais en préambule, les indicateurs sont dans le rouge au niveau national.
01:03 Est-ce que c'est aussi le cas en Isère ?
01:05 Il y a un chiffre, moi, dans votre rapport qui m'a étonné, interpellé.
01:08 C'est 400, 400, c'est le nombre d'enfants SDF rien que dans la Globe grenobloise.
01:14 Effectivement, c'est un chiffre qui malheureusement croit régulièrement ces dernières années.
01:20 Et puis pour reprendre aussi l'introduction, non, on ne les voit pas pour l'essentiel effectivement dans la rue.
01:25 C'est peut-être aussi l'un des éléments du drame.
01:27 C'est parce que, évidemment, quand on est à la rue, on est d'abord en train de chercher à s'abriter,
01:32 à se trouver un hall d'immeuble, une tente ou quelque chose de ce genre.
01:36 Mais non, c'est une crise qui est invisible, relativement silencieuse et pourtant extrêmement dramatique.
01:41 Ces enfants sans domicile, vous l'avez dit, ils ne sont pas forcément à la rue.
01:45 Ils sont notamment dans des écoles grenobloises,
01:47 plusieurs qui sont occupées depuis plusieurs mois maintenant.
01:50 Et on est en ligne avec Laure Bonnel. Bonjour, Madame Bonnel.
01:54 Bonjour.
01:55 Vous faites partie du collectif de parents d'élèves qui justement logent,
01:59 aident à loger ces familles et ces enfants qui sont sans domicile.
02:04 Oui, c'est ça. Moi, je suis basée sur l'école Malherbe,
02:06 mais on est en intercollectif avec toutes les écoles occupées ou quasiment de Grenoble.
02:13 Parce qu'il y a des écoles qui s'organisent autrement,
02:15 c'est-à-dire qu'il y a des collectes qui sont faites pour loger aussi les familles à l'hôtel.
02:20 Mais nous, on constate une augmentation vraiment importante.
02:25 Rien que sur l'école Malherbe, on est à 11 enfants,
02:29 6 familles qui ont dormi à l'école depuis un an et demi.
02:35 C'est ce que j'allais vous demander.
02:37 Comment vous voyez l'évolution de ces...
02:39 Parce que ça fait des mois maintenant qu'il y a des écoles à Grenoble
02:41 qui sont occupées par des familles qui sont sur logement.
02:45 L'évolution, elle est laquelle ? Elle n'est pas la bonne, visiblement.
02:48 Ça ne va pas dans le bon sens.
02:50 C'est sûr que ça ne va pas du tout dans le bon sens.
02:52 Et pourtant, on ne fait que d'interpeller différentes institutions.
02:57 Normalement, c'est la loi d'héberger tout le monde.
03:00 La mairie nous reçoit, mais pas la préfecture ni le département.
03:04 Et nous, on est un peu désespérés.
03:06 Mais notre mot d'ordre, c'est tant qu'il y aura des enfants dans la rue,
03:10 on n'occupera plus d'école.
03:11 Donc, ce n'est pas prêt de s'arrêter les occupations d'école.
03:14 Merci beaucoup, Laure Bonnel, d'avoir accepté de témoigner ce matin
03:18 sur France Bleu Isère.
03:19 Je reviens vers vous, Jean-François Lapierre, de l'association Un Toit pour Tous.
03:24 Il y a 1 700 places d'hébergement d'urgence en Isère aujourd'hui.
03:28 Ce n'est pas assez, visiblement. Il en faudrait combien de plus ?
03:31 Il en faudrait probablement, on doit pas être loin de voir besoin du double.
03:35 Parce qu'effectivement, il n'y a jamais eu autant de places d'hébergement.
03:40 Le problème, c'est qu'il y a peu de sorties de ces places d'hébergement
03:43 et il y a beaucoup d'entrées.
03:45 En 2023, on a eu plus de 4000 ménages qui ont demandé un démergement
03:50 et c'est 13% d'entre eux, 13% qui ont trouvé une solution,
03:54 donc environ 500, quand on a 4000 demandes.
03:56 A peine plus d'une personne sur 10 qui appelle pour un hébergement d'urgence,
03:59 on en a un au final.
04:00 Tout à fait.
04:01 C'est très peu, effectivement.
04:02 Ça bloque, notamment parce qu'il y a peu de sorties, vous dites,
04:05 de l'hébergement d'urgence.
04:06 Il y a un problème aussi au niveau du logement social.
04:08 Ça bloque parce que toute la chaîne est embouteillée.
04:10 Effectivement, la crise sociale a fait qu'il y a une espèce de crainte généralisée,
04:16 donc il y a beaucoup moins de mutations maintenant dans le parc social.
04:19 C'est environ 2000 mutations en moins sur 10 000 chaque année
04:22 qui ont eu lieu dans le parc social.
04:24 Une chute extrêmement dramatique du taux de rotation,
04:27 donc beaucoup moins de ménages qui entrent
04:30 et on est dans une crise qui va probablement s'accentuer
04:33 puisque la production du logement social va baisser dans les prochaines années.
04:38 Les financements, les logements financés cette année
04:41 sont très nettement inférieurs à ce qui se passait sur les dernières années.
04:44 Donc dans deux ans, un an, deux ans, on aura une faible production de logement
04:48 et la crise va s'augmenter.
04:50 Pourtant, le Premier ministre Gabriel Attal a promis un choc de l'offre en matière de logement.
04:54 C'était à l'heure de son discours de politique générale.
04:56 On est effectivement très content d'avoir entendu le Premier ministre
04:59 promettre un choc de l'offre parce que c'était exactement la même promesse
05:01 que celle du candidat Macron en 2016
05:04 et on l'attend depuis quelques années, donc elle va sûrement arriver.
05:08 Je suis optimiste.
05:09 - Jean-François Lapierre, administrateur et membre d'un Toi pour tous
05:13 est notre invité ce matin.
05:14 - Et on vous propose de réagir à cette discussion qu'on a eue,
05:18 une crise invisible, est-ce qu'on pourrait la rendre visible avec vos témoignages déjà aussi,
05:22 cette crise du mal-logement ?
05:23 Appelez-nous au 04 76 46 45 45
05:26 et puis on a entendu toute la chaîne de logement qui est bloquée.
05:28 Est-ce que vous, vous l'avez ressenti ?
05:30 Alors vous, vous déproche également sur cette difficulté à accéder au logement.
05:35 Venez témoigner ce que vous constatez chez vous, autour de vous au 04 76 46 45 45.
05:40 - Et j'aimerais Jean-François Lapierre vous faire entendre un témoignage,
05:43 c'est celui d'une femme rencontrée par notre journaliste Juliette Gloria,
05:47 une femme de 52 ans qui faisait la manche hier devant un supermarché.
05:51 Elle vit depuis 11 ans dans un logement social à Grenoble qu'elle juge insalubre.
05:56 Écoutez.
05:57 - Quand je suis rentrée, ils auraient dû refaire le sol.
05:59 Avant moi, il y avait une mère et sa fille qui habitaient.
06:02 Elles avaient des animaux, chiens et chats.
06:04 L'appartement était d'une saleté, vous ne pouvez pas imaginer.
06:06 Plein de poils, plein de cheveux, tout ça, qui était donc au niveau, donc,
06:10 radiateur, au niveau des tuyaux.
06:12 Là, depuis 2021, je me retrouve sans chauffage dans la cuisine.
06:16 Je n'ai pas, je n'ai pas recontacté parce que de toute façon, ce n'est pas la peine.
06:18 Donc il fait froid.
06:20 Ce n'est pas ça, moi, qui me dérange plus.
06:22 C'est l'insalubrité et la non prise en compte des personnes.
06:24 Ce n'est pas parce que c'est un logement social qu'il ne faut pas prendre en compte.
06:27 - Il y a un problème de construction du logement social.
06:29 Il y a un problème aussi d'insalubrité aujourd'hui du logement social.
06:33 - Il y a un gros problème de construction.
06:35 Il peut y avoir ponctuellement des problèmes dans tel ou tel immeuble.
06:39 On ne peut pas l'exclure. Forcément, le témoignage de cette dame, il est juste.
06:43 Mais globalement, ce n'est pas dans le logement social qu'on trouve les logements les plus insalubres.
06:47 - D'accord. - C'est plutôt dans le parc privé qu'on a de réelles difficultés.
06:51 Et je répète, je ne nie pas, évidemment, le témoignage de cette dame.
06:55 Et on est aussi inquiets pour ce qui nous concerne de l'interdiction de louer,
07:00 qui va bientôt être faite pour les logements dont le diagnostic de performance énergétique est en effet.
07:05 - Le fameux DPE.
07:06 - Et dont, d'ailleurs, on interpellera les élus sur ce sujet-là,
07:09 dont on craint qu'une partie ne soit récupérée par des marchands de sommeil face à une crise du logement.
07:15 Tous les éléments sont là, puisque un certain nombre de logements sont censés sortir du marché
07:19 et un certain nombre de ménages sont aussi sortis du marché du logement.
07:23 - Ça veut dire que ces passoires énergétiques, il faudrait les laisser autoriser à l'allocation ?
07:30 - Je n'ai pas dit ça, parce que je pense qu'il faut sortir des passoires énergétiques, effectivement,
07:34 et il faut mettre en place les moyens pour bien en sortir.
07:38 C'est-à-dire qu'il faut sortir par le haut et pas sortir par le bas.
07:40 Il faut sortir par la réhabilitation, il faut sortir par la remise sur le marché,
07:44 il faut sortir par la mise sur le marché du logement social,
07:47 et non pas sortir par le fait de les éliminer.
07:50 Or, quand on est dans une crise telle qu'elle existe aujourd'hui,
07:54 il y a des gens qui en profitent, c'est aussi simple que ça.
07:57 - Parmi les annonces de Gabriel Attal lors de sa déclaration de politique générale,
08:02 il y a aussi un assouplissement de la loi Esterhuis,
08:04 c'est la loi qui impose 20% de logements sociaux dans toutes les villes.
08:08 Concrètement, les logements intermédiaires vont être inclus dans ce calcul.
08:14 Pour vous, ça c'est plutôt une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
08:17 - C'est une très mauvaise nouvelle, c'est l'affichage discret
08:21 que le gouvernement n'a pas vraiment l'intention de produire plus de logements sociaux,
08:25 puisque cette manœuvre, cette mesure,
08:30 elle vise à augmenter le taux de logements sociaux,
08:33 parce que si elle se met en œuvre,
08:35 on aura un taux du logement social affiché qui va augmenter,
08:38 en n'augmentant pas le nombre de logements sociaux.
08:40 Donc c'est une belle mascarade.
08:42 - On se déguise selon vous ? - Absolument.
08:44 - Qu'est-ce qu'il est possible de faire au fond, à l'échelle locale, aujourd'hui ?
08:48 On entendait par exemple dans les journaux ce matin,
08:50 Éric Piolle qui lançait un diagnostic en quelque sorte des logements vides.
08:55 Est-ce que la réquisition des logements vides, c'est une partie de la solution ?
09:00 - Probablement qu'il peut y avoir une partie de solution dans ce domaine-là,
09:04 mais je crois qu'il ne faut pas se leurrer.
09:06 La vraie solution, elle est de mettre des moyens pour la construction du logement social.
09:10 N'oublions pas que les bailleurs sociaux ont été largement ponctionnés
09:13 par la réduction de loyers de solidarité.
09:15 Sur l'ISER, c'est 40 millions d'euros par an qui sont ponctionnés sur les bailleurs sociaux.
09:20 Cette ponction doit s'arrêter pour permettre de construire plus massivement.
09:25 Et sur le plan strictement local, nous allons aussi demander aux élus
09:29 si on ne pourrait pas travailler sur des politiques foncières
09:32 qui soient plus engagées pour le logement social,
09:35 et notamment l'utilisation de l'établissement public foncier local,
09:39 plus ciblé sur le logement.
09:41 - Le chantier est en cours alors.
09:43 Merci beaucoup Jean-François Lapierre, on suivra ça avec vous ces prochains mois.
09:46 Évidemment, je rappelle que vous êtes administrateur,
09:48 membre du bureau d'Un Toit pour Tous,
09:50 et que vous tenez aujourd'hui, vous organisez votre quatrième édition
09:55 des rencontres d'Un Toit pour Tous, c'est à Grenoble aujourd'hui.
09:58 Merci, belle journée. - Merci.

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