Aide de l'Union européenne à l’Ukraine : les 27 s’accordent sur une enveloppe de 50 milliards. Le Général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale, est l'invité de 6h20.
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00:00 6h21 et à votre micro Marion Lourds, notre invité est rédacteur en chef de la revue Défense Nationale.
00:06 Bonjour Général Pélistrandi.
00:07 Bonjour.
00:08 Les dirigeants européens ont enfin trouvé un accord hier pour une aide de 50 milliards
00:13 d'euros à l'Ukraine bloquée jusqu'ici par le Premier ministre hongrois.
00:16 Alors le président ukrainien Volodymyr Zelensky remercie les Européens.
00:20 Il parle d'un « signal clair à la Russie », « message très fort » dit aussi la
00:25 présidente de la commission Ursula von der Leyen.
00:27 Il est si clair et si fort que ça le message ?
00:29 Oui, il est très fort et en fait il s'adresse à quatre publics en quelque sorte.
00:34 D'abord les Ukrainiens.
00:35 Dire aux Ukrainiens « on vous soutient dans la durée », c'est difficile, il faut
00:38 reconnaître, on est bientôt à deux ans de guerre, donc pour l'Ukraine la période
00:43 est extrêmement sombre et donc c'est une perspective importante.
00:46 Message reçu apparemment.
00:47 Deuxième message bien sûr, vous l'avez dit, c'est la Russie de Vladimir Poutine.
00:51 Dire à Poutine « nous soutenons l'Ukraine et donc on va le faire dans la durée ».
00:55 Troisième cible, l'opinion publique européenne.
00:58 Parce qu'effectivement on est dans une période, et n'oubliez pas, il y a les élections
01:02 européennes qui s'approchent au mois de juin et on sait qu'il y a des partis populistes
01:06 qui seraient plutôt en faveur d'une solution de compromis et puis de s'accommoder avec
01:12 Vladimir Poutine.
01:13 Et puis enfin, quatrième cible, les Etats-Unis.
01:16 Vous savez que le congrès américain bloque une aide très conséquente et donc c'est
01:21 aussi dire aux Américains « nous, Européens, prenons nos responsabilités ».
01:24 33 milliards de prêts, 17 milliards de dons sur 4 ans, à quoi va-t-il servir cet argent ?
01:31 Il y a une partie qui va servir sur le plan militaire.
01:34 Par exemple, l'Union Européenne, la Commission Européenne s'efforce d'augmenter la production
01:39 d'obus.
01:40 Ça ne va pas assez vite bien entendu.
01:43 Objectif 1 million dit le commissaire européen-breton.
01:46 Mais on n'y est pas.
01:47 On sera à 400 000 à la fin du mois de mars mais c'est important.
01:51 Il dit qu'on y sera au printemps, vous ne croyez pas à ça ?
01:54 Alors c'est compliqué parce que fabriquer un obus, ça demande beaucoup d'entreprises.
02:01 Et puis parce qu'on avait perdu la pratique de fabriquer en grande quantité.
02:07 Donc il faut remonter en puissance les chaînes.
02:08 Donc il y a un volet militaire.
02:10 Ça va permettre aussi aux Ukrainiens d'acheter du matériel aux industriels de défense parce
02:15 qu'ils en ont besoin.
02:16 Et puis il y a aussi tout le volet reconstruction.
02:19 Par exemple les chemins de fer ukrainien, reconstruire les réseaux électriques.
02:24 Donc c'est un très gros bol d'oxygène pour les Ukrainiens pour les années à venir.
02:28 Mais c'est un soutien budgétaire.
02:31 L'aide militaire proprement dite, celle qui est fléchée, ciblée, elle, elle est
02:34 toujours en suspens ?
02:35 Non, elle est déjà en cours.
02:37 Elle est en cours à travers des actions de formation.
02:40 Par exemple la France participe à la formation de militaires ukrainiens.
02:44 Vous savez, il y a le fameux canon César.
02:46 Nous formons des artilleurs.
02:48 Donc il y a tout un éventail d'actions coordonnées.
02:52 Parce que c'est ça qui est extrêmement important.
02:54 Au début, les actions étaient un petit peu menées état par état.
02:57 Il faut coordonner tout cela pour être efficace et surtout pour tenir dans la durée face
03:02 à une Russie de Vladimir Poutine qui n'a absolument pas changé d'objectif.
03:06 Alors pourquoi est-ce qu'on entend le chancelier allemand Olaf Scholz dire "les États membres
03:10 n'en font pas assez sur l'aide militaire".
03:12 L'Allemagne, elle donne 7 milliards d'euros, on donne moins.
03:15 On n'en fait pas assez nous ?
03:17 Je pense qu'il y a beaucoup de surenchères verbales en quelque sorte.
03:22 C'est-à-dire, quel État va dire "je suis le meilleur ami des Ukrainiens".
03:26 On est à combien nous ?
03:27 Cette notion de classement n'est pas forcément pertinente.
03:32 Pourquoi ? Parce que par exemple, nous avons transféré des véhicules de l'avant-blindé.
03:36 Ces véhicules, certes, ils sont anciens.
03:37 Mais ils répondent absolument aux besoins des Ukrainiens.
03:41 A l'inverse, il y a certains matériels qui ont été transférés, trop compliqués
03:45 à soutenir et qui finalement ne sont pas utilisés par les Ukrainiens.
03:49 Donc ce qui est important, c'est de poursuivre les efforts dans la durée pour aider les
03:54 forces ukrainiennes qui sont dans une période difficile.
03:56 Le président français dit que la Russie ne peut pas compter sur la fatigue des Européens,
04:01 que ses 50 milliards en sont la preuve.
04:03 C'est aussi clair que ça ? Les Européens tiennent bon ?
04:05 Les Européens tiennent bon, mais il faut que les opinions publiques européennes tiennent
04:10 bon.
04:11 Et comme je le disais il y a quelques instants, c'est la problématique des élections européennes.
04:14 Et on sait que Vladimir Poutine va tout faire pour désinformer, pour diviser, pour qu'il
04:22 y ait des partis populistes qui soient le plus représentés au Parlement européen pour
04:26 diviser l'Europe.
04:27 Donc effectivement, il faut qu'il y ait ces messages de fermeté à l'égard de Vladimir
04:31 Poutine pour lui dire "Nous continuerons à aider l'Ukraine tant que ce sera nécessaire".
04:35 Et comment vous expliquez alors l'inquiétude du chef de l'armée ukrainienne Valéry
04:40 Zalgeny qui dit clairement "L'Ukraine doit se préparer à une possible baisse de l'aide
04:44 de ses alliés" ?
04:45 Alors d'une part parce qu'il y a une autre échéance dont on n'a pas parlé qui est
04:49 l'échéance des élections américaines au mois de novembre.
04:51 Donc que se passerait-il si c'est un Donald Trump qui est élu ? Et puis parce que très
04:59 sincèrement sur le plan militaire, on ne voit aujourd'hui aucune sortie de crise.
05:03 On a une ligne de front qui est gelée, il y a des bombardements, il y a des pertes civiles
05:08 du côté ukrainien.
05:10 Je ferai une comparaison historique, c'est comme en 1915, la guerre avait commencé à
05:14 l'été 1914 et elle a duré jusqu'en 1918.
05:17 Et donc tout est gelé tant que ni l'Ukraine ni la Russie ne prennent le dessus en termes
05:22 d'armement et de soldats ?
05:23 Oui et puis il faudra bien un moment trouver une solution.
05:26 Le problème c'est qu'aujourd'hui on a la Russie de Vladimir Poutine qui n'a qu'un
05:31 seul objectif, c'est en fait après l'échec de cette opération spéciale militaire, c'est
05:36 quand même de battre l'Ukraine et donc il faut permettre à l'Ukraine de tenir le
05:39 plus longtemps possible.
05:40 Et ça peut passer aussi par une nouvelle mobilisation en Ukraine ?
05:44 C'est la problématique parce qu'effectivement l'Ukraine c'est 35 millions d'habitants,
05:49 il y a beaucoup de jeunes qui sont partis pour fuir la guerre.
05:52 La Russie c'est 130 millions d'habitants et donc leur rapport de force est hélas défavorable
05:57 à l'Ukraine, d'où la question de la mobilisation.
06:00 Et après deux ans de guerre, c'est extrêmement difficile.
06:03 J'ai estimé qu'il y a à peu près 300 000 Ukrainiens, les chiffres sont secrets, mais
06:07 300 000 victimes, enfin les tués, les blessés, et donc c'est quelque chose d'absolument
06:11 dramatique.
06:12 Le général Jérôme Pélistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense Nationale, merci
06:16 beaucoup à vous d'être venu sur Inter.
06:17 Merci à tous les deux, à suivre La Météo et le Journal.