Charles d’Anjou, président d’Omerta affirme dans l’éditorial du nouveau numéro d’Omerta (n°4 : La guerre des mondes) : "Qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore, le 24 février 2022, date du déclenchement du conflit russo-ukrainien, est un séisme comparable à celui du 11 septembre 2001". Le directeur de la rédaction du magazine, Régis Le Sommier, invité de TVL précise : "Nous assistons à une nouvelle guerre des mondes, entre progressistes et traditionalistes, entre démocraties et autocraties, entre nostalgiques de la pax americana et zélateurs du non-alignement". Et le grand reporter d’ajouter : "Nous assistons à la chute de l’empire occidental, à la disparition de la position dominante de l’Occident. En observant nos actions dans le monde et les conflits que nous avons déclenchés… nous avons fini par nous aliéner les trois quarts de la planète".
Cette nouvelle guerre des mondes est largement explorée par tous les acteurs et commentateurs de ce quatrième numéro d'Omerta, en vente dans les kiosques et les marchands de journaux.
Cette nouvelle guerre des mondes est largement explorée par tous les acteurs et commentateurs de ce quatrième numéro d'Omerta, en vente dans les kiosques et les marchands de journaux.
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00:00 [Générique]
00:06 C'est la sortie cette semaine du numéro 4 du magazine Omerta,
00:09 avec son lot d'enquêtes, de surprises et de révélations.
00:12 Et pour en parler, je reçois le directeur de la rédaction d'Omerta, Régis Le Saumier.
00:17 Bonjour Régis. - Bonjour Monsieur.
00:18 Charles D'Anjou, le président d'Omerta, affirme dans son éditorial
00:22 qu'on s'en félicite ou que l'on s'en désole.
00:26 Le 24 février 2022 date du déclenchement du conflit.
00:29 Ce ville ukrainien est un séisme comparable à celui du 11 septembre 2001.
00:35 Et c'est à partir de ce constat que vous avez choisi
00:37 "La guerre des mondes" comme titre du magazine ?
00:39 Oui tout à fait. Alors moi je reviens un peu dans mon édito sur la question
00:43 de pourquoi ce nom de "La guerre des mondes"
00:46 qui était un roman de H.G. Wells paru en 1898
00:52 qui est considéré peut-être comme le premier roman de science-fiction
00:56 qui raconte en gros l'histoire de martiens, de créatures venues de Mars
01:00 qui envahissent la Terre et qui détruisent tout.
01:02 Pourquoi ce titre, pourquoi ce nom ?
01:04 C'est tout simplement parce qu'on n'est pas en train d'annoncer
01:06 que des martiens vont détruire la Terre.
01:09 Mais en revanche, il y a eu en effet le 24 février 2022,
01:14 le 7 octobre dernier aussi, une forme de tectonique des plaques
01:20 comme on dit en géologie, qui fait que les choses ont changé
01:24 et que le monde aujourd'hui est en train de se recomposer.
01:27 Et on a voulu se pencher sur ce monde, de le voir, de regarder l'Occident,
01:31 la place de l'Occident, son rapport avec ce reste du monde,
01:34 essayer de sortir un peu de notre bulle et d'aller voir ailleurs.
01:37 Voilà, c'était un peu l'idée et c'était aussi l'idée de faire intervenir
01:41 un certain nombre d'experts.
01:43 Alors il y a Alexandre Delval, Emeric Chauffrade, Jacques Sapir, Bernard Lugand,
01:49 Mathieu Boccoté, François Fillon aussi qui nous a donc...
01:53 - On va en reparler.
01:54 - On va en reparler, qui nous livre un texte assez important
01:58 qui permet justement, c'est une grande réflexion sur ce monde qui bouge.
02:03 - La référence c'est Wells, c'est pas Huntington, c'est la guerre des mondes,
02:06 c'est pas le choc des civilisations le titre.
02:08 - Non, c'est pas le choc des civilisations.
02:10 - Pourquoi, parce qu'il n'y en a pas ?
02:11 - Il y a un choc des civilisations et encore attention parce que Huntington
02:14 a été aussi interprété, surinterprété en fait, c'est devenu le personnage,
02:18 c'était le personnage un peu gadget des néoconservateurs au moment de la guerre
02:22 en Irak pour expliquer que l'affrontement entre le monde arabo-musulman et l'Occident,
02:28 en fait, quand on regarde Huntington, Huntington parle de plusieurs blocs,
02:32 il parle en fait d'un monde multipolaire.
02:34 Donc si on veut rester sur la métaphore et sur l'idée développée par Huntington,
02:39 on peut... l'idée de la guerre des mondes, c'est qu'aujourd'hui,
02:43 on peut aller vers la guerre, on peut aller vers la guerre totale,
02:46 il n'y a qu'à nous de l'arrêter, c'est nous qui pouvons encore parler de paix,
02:51 c'est nous qui pouvons essayer de tendre la main à l'autre,
02:54 de le regarder dans sa différence, parce que le problème existentiel qu'on a,
02:59 nous occidentaux, c'est qu'on pense que le monde, et on l'a, comment ?
03:03 imaginé, structuré, avec l'idée que... avec des termes comme les pays en voie...
03:10 les pays émergents. Émergents, ça veut dire quoi ?
03:13 Ça veut dire qu'ils suivent une ligne qui les amènerait vers des civilisations
03:16 comparables à la nôtre. C'est un petit peu ça qu'on a toujours voulu
03:20 suggérer pour le reste de la planète. Et là, on se rend compte,
03:24 terrible pour la France en Afrique, mais terrible aussi pour les États-Unis
03:28 dans d'autres parties du monde, que finalement, ce message-là ne porte plus
03:32 et que les choses s'organisent chez les autres en dépit de nous,
03:37 voire dans certains traités, quand vous regardez ce qui est en train de se passer,
03:41 ce qui se passe parfois entre la Russie, l'Iran, la Turquie,
03:44 quand vous aviez les accords d'Astana, par exemple, sur la Syrie,
03:48 le monde occidental en était exclu. Il y a en ce moment des relations bilatérales
03:52 entre la Chine et la Russie, d'où nous sommes totalement exclus.
03:56 Donc la vraie question aujourd'hui, c'est de se poser, attention,
03:59 il y a danger de mort pour l'Occident, il y a régression.
04:02 Oui, on est dans une période où on ne compte plus, on nous regarde
04:06 comme des néocolonialistes en Afrique et on nous chasse.
04:09 Et puis, il y a aussi l'idée de se dire, comme nous l'explique François Fillon
04:13 avec ce titre que nous avons gardé pour son papier,
04:16 éviter le tous contre l'Occident, c'est-à-dire éviter que le reste du monde
04:20 soit ligué contre nous, parce que nous avons encore des choses à dire
04:23 et nous y croyons encore fermement.
04:25 C'est vrai qu'il y a un entretien important dans le magazine,
04:27 vous l'avez dit, c'est celui de l'ancien Premier ministre François Fillon.
04:30 Il brosse le tableau d'un monde en recoposition, un monde très sombre,
04:35 finalement, et il rappelle, dans la hiérarchie des menaces
04:39 auxquelles sont confrontés les Européens, le totalitarisme islamique arrive en tête.
04:43 Il affirme qu'il existe des solutions pour éviter le fameux "tous contre l'Occident"
04:47 et il avance plusieurs pistes. Est-ce qu'elles sont crédibles, ces pistes-là ?
04:51 Écoutez, François Fillon a été de nombreuses années Premier ministre,
04:56 c'est quelqu'un qui a une longue vision à la fois du monde politique français,
05:01 mais aussi de l'international.
05:03 Ça fait partie d'un des rares, c'est un des rares personnages politiques
05:06 à avoir toujours alerté justement sur le devenir des chrétiens dans le monde.
05:10 C'est quelqu'un qui s'intéresse et qui milite, je dirais,
05:13 pour qu'on n'oublie pas ces chrétiens, qui sont aussi la matrice de l'Europe,
05:17 ne l'oublions pas non plus.
05:19 Et quand on analyse, alors pourquoi c'est important que quelqu'un
05:22 comme François Fillon nous parle, parce qu'on a beaucoup entendu
05:25 Dominique de Villepin, on a beaucoup entendu Hubert Védrine,
05:28 Maurice Gourdeau-Montagne, des grands diplomates,
05:32 là on a quelqu'un qui a été aux commandes,
05:34 qui a été aux commandes pendant la guerre en Libye,
05:37 qui est une des fractures qui a finalement accéléré la décomposition
05:42 de l'empreinte française en Afrique,
05:44 donc qui a été aux commandes pendant des moments
05:47 qui ont permis plus tard finalement ce recul de la France.
05:51 Donc ce qui est intéressant c'est d'avoir sa vision,
05:54 pas à la fois sur le constat et le diagnostic qu'il fait
05:57 sur l'évolution du monde et la place de l'Occident,
05:59 mais peut-être aussi de se dire comment on peut se projeter à partir de là
06:02 et quelles sont nos valeurs, comment voulons-nous les défendre
06:05 et puis arrêtons de regarder les autres comme des inférieurs
06:09 ou comme des gens qui ne sauraient pas faire,
06:12 avec cette espèce de sacro-sainte croyance
06:15 comme quoi on serait l'alpha et l'oméga de tout.
06:17 Il y a quand même dans son propos un mea culpa,
06:20 c'est celui du retour de la France dans l'OTAN,
06:24 et il reconnaît, il dit, c'était une erreur du président Sarkozy et de lui,
06:27 puisqu'il est à ce moment-là Premier ministre.
06:29 Absolument, il assume, moi j'ai eu beaucoup de discussions avec lui
06:32 en préambule de cet entretien, de ce texte plutôt,
06:37 qu'il nous a écrit.
06:41 Oui, c'est quelqu'un qui assume cette part de responsabilité,
06:45 ayant été aux commandes.
06:47 Il explique qu'en effet, aujourd'hui, le problème de l'OTAN
06:51 c'est que ça nous… et de ce retour dans le commandement intégré.
06:54 Souvenez-vous, à une époque on nous disait,
06:56 mais la France n'a jamais… enfin les atlantistes avaient toujours cet argument
06:59 de nous dire "la France n'a jamais quitté l'OTAN", c'est vrai.
07:02 En 68, quand De Gaulle quitte le commandement intégré,
07:06 mais ne quitte pas l'OTAN, la France est toujours représentée
07:09 ensuite à l'assemblée civile de l'OTAN, au niveau militaire aussi,
07:14 mais on n'est plus dans le commandement intégré.
07:16 Ce que fait Nicolas Sarkozy, c'est qu'il nous le replace
07:18 au sein de ce commandement intégré.
07:20 Et étant dans ce commandement intégré, malheureusement aujourd'hui,
07:22 il y a une sorte de mécanisme qui se met en place,
07:25 un petit peu à la manière de ce qui se passe avec l'Europe,
07:28 on l'a vu avec les agriculteurs, quand Emmanuel Macron,
07:31 face à ce peuple qui se lève, qui arrive aux portes de Paris
07:35 avec ses tracteurs, va voir Ursula von der Leyen,
07:38 en sachant très bien qu'il n'obtiendrait rien,
07:40 mais tente de dire "bon voilà, il y a une fronde".
07:44 Aujourd'hui, au moment où on parle, il y a la fronde en Italie et en Espagne,
07:48 des mêmes agriculteurs, et ce n'est toujours pas fini en Allemagne.
07:50 Et on se rend compte finalement qu'on a mis en place des mécanismes
07:53 qui nous contraignent à tel point qu'ils sont, qu'ils vont…
07:57 je dirais, à l'inverse des intérêts de nos peuples et de leur devenir.
08:04 Donc tant au niveau européen qu'au niveau militaire,
08:07 aujourd'hui avec cette guerre, ce retour finalement de la guerre de haute intensité,
08:12 avec la menace nucléaire qui plane si le conflit s'étend,
08:16 et bien nous nous retrouvons dans une situation où notre souveraineté
08:20 et la voie de la France voulue par De Gaulle,
08:23 la voie médiane, la voie force de proposition, cette voie un petit peu…
08:29 De Gaulle c'était quand même un peu ni trust ni soviets,
08:32 c'était… on essaye de trouver une forme de non-ingérence au milieu,
08:37 ce n'était pas tout à fait du non-alignement,
08:39 on restait quand même dans le bloc occidental,
08:41 mais la France se donnait le droit, grâce à sa dissuasion,
08:45 bien entendu Emmanuel Macron proposait des temps de la dissuasion à toute l'Europe,
08:49 ça n'est pas pour ça que ça a été fait,
08:51 et il faut que nous puissions redevenir maîtres de nos destins,
08:54 et ça me paraît essentiel, et que l'Europe aussi arrête justement
08:59 d'être à la fois arrogante, omniprésente, voire dictatoriale dans la vie de ses concitoyens,
09:05 et totalement impuissante à l'international, voilà.
09:08 – Alors je reviens sur ce remède à la question,
09:10 qui sous-tend une autre enquête qui est importante,
09:12 c'est celle qui est menée sur les États-Unis,
09:14 et c'est de savoir si on n'assiste pas finalement au début de la fin
09:17 de la domination américaine sur le monde,
09:19 pour Nicolas Mirkovic par exemple, l'État dominateur vacille.
09:23 – Oui, alors Nicolas Mirkovic vient d'écrire un livre qui s'appelle "L'Amérique empire",
09:29 justement il analyse, il dissèque finement à travers un vrai travail d'historien remarquable,
09:36 je conseille son livre, mais nous on a voulu aller voir ce qui s'y passe réellement,
09:42 et en effet l'Amérique est non seulement en prise avec un phénomène migratoire totalement incontrôlé,
09:49 au point qu'on se pose la question, vous savez quand on va aux États-Unis,
09:52 il y a des mesures de sécurité aux aéroports que vous ne trouvez quasiment nulle part ailleurs dans le monde,
09:57 aussi intenses, on se demande pourquoi on devrait avoir certains américains,
10:02 des amis américains, j'ai des enfants qui habitent là-bas aussi,
10:05 se posent la question de pourquoi ces contraintes dans les aéroports,
10:08 alors qu'il suffit de se présenter à la frontière sud pour rentrer,
10:11 comme ça, comme dans un gruyère,
10:13 donc on est dans un paradoxe énorme,
10:17 depuis l'élection de Donald Trump, l'année où Donald Trump a été,
10:26 la dernière année du mandat de Donald Trump, on a 400 000 étrangers qui arrivent aux États-Unis,
10:32 cette année il y en a plus de 2 millions avec Joe Biden,
10:35 donc il y a vraiment un problème, et toutes les années qui ont précédé,
10:39 les 4 années de Joe Biden, on est à plus de 2 millions,
10:42 donc en gros on a 6 à 8 millions de personnes qui sont rentrées aux États-Unis sans papier,
10:47 donc on est dans une situation où derrière ça,
10:50 et c'est ce qu'on a voulu montrer chez Omer Taï,
10:52 il n'y a pas que la question justement migratoire,
10:54 mais derrière se cache la question de la drogue, la question des cartels,
10:57 de l'infiltration et du déferlement sur les marchés de la drogue aux États-Unis,
11:01 d'une drogue terrible qui s'appelle le fentanyl,
11:04 une drogue de synthèse bon marché dont d'ailleurs une partie des composants
11:08 avaient été fabriqués en Chine à la base, distribués aux cartels,
11:12 donc vous voyez que les choses, quand on regarde un petit peu ce qui se passe,
11:16 les alliances peuvent se faire entre des pays très éloignés,
11:19 apparemment à but, entre des entités très éloignées,
11:22 et finalement pour les États-Unis c'est un problème sanitaire général,
11:26 donc voilà, on a voulu aller au plus près.
11:29 – Ce problème sanitaire il existe un peu partout,
11:31 vous, à travers cette enquête, vous allez quand même plus loin,
11:33 là c'est vraiment la visualisation, non pas du déclin,
11:36 mais de la chute de l'Empire occidental,
11:38 vous allez beaucoup plus loin, vous politisez un phénomène
11:40 dont on sait qu'il touche toutes les nations, la Chine en particulier.
11:43 – Oui, sur la question de la drogue, la drogue est une illustration
11:48 d'un vrai problème qui arrive aux États-Unis et qu'on n'arrive pas à gérer,
11:51 d'ailleurs le reportage de Jonathan Alperi,
11:54 notre envoyé spécial aux États-Unis, ne se contonne pas aux États-Unis,
11:59 il touche aussi les pays où il va aux sources,
12:02 il y a un vrai problème par exemple, on l'a vu récemment en Équateur,
12:05 où les gangs rivalisent avec le gouvernement,
12:09 donc on est revenu dans une Colombie-Bisse en Équateur
12:13 et on regarde qu'à part au Salvador,
12:15 où le président a pris des mesures pour éradiquer la drogue,
12:18 dans à peu près tous les pays c'est l'explosion.
12:20 Donc Jonathan nous fait plusieurs pays et nous explique
12:22 quelles sont les nouvelles routes de la drogue,
12:24 qui montent évidemment vers ce qu'on appelle le nez insatiable américain,
12:28 c'est-à-dire la drogue, la cocaïne, etc.
12:31 Régis, le sommet se ramène pendant les dernières minutes
12:34 sur ce choc, ce conflit russo-ukrainien,
12:37 deux ans de guerre, la Russie a connu des revers,
12:40 on dénombre certainement plus de 500 000 morts,
12:43 vous êtes allé avec Aïcha Mbsi dans le Donbass,
12:48 cela donne un reportage assez exceptionnel,
12:50 mais diriez-vous que la Russie est néanmoins en passe
12:52 de réussir à atteindre ses objectifs ?
12:55 Alors la Russie, ça c'est une des choses qu'on a oublié un petit peu,
12:59 en martelant des arguments du camp ukrainien
13:03 sur les réseaux sociaux et sur les chaînes d'infos en continu
13:07 depuis à peu près deux ans, on a un peu oublié
13:10 que la Russie apprenait vite de ses échecs.
13:12 Et ce qui s'est passé, c'est qu'après une année 2022 catastrophique,
13:17 une année 2022 qui l'a vu reculer,
13:20 une année 2022 où l'Ukraine a surpris le monde par sa vitalité,
13:24 elle n'avait pas tous les équipements
13:26 qu'elle possède aujourd'hui donnés par l'OTAN et par nous.
13:30 Elle s'est débrouillée et elle a réussi à résister.
13:33 Et ça c'était extraordinaire pour l'année 2022.
13:36 Malheureusement, l'année 2023, les Russes ont appris de leurs erreurs,
13:40 se sont mis en position défensive, on ne l'a pas vue,
13:43 on ne l'a pas vue venir et ça a été une catastrophe.
13:46 La contre-offensive ukrainienne, moi j'ai eu l'occasion
13:49 d'en regarder les effets sur le front,
13:52 c'est des centaines de carcasses de chars et d'équipements
13:57 qui étaient censés ne pas pouvoir brûler ou qui étaient ultra modernes, etc.
14:01 mais qui ont été détruits par l'artillerie russe.
14:03 Et aujourd'hui, la Russie a plutôt repris l'initiative
14:06 même si le front est quand même encore…
14:09 il n'y a pas des grandes conquêtes, on n'est pas dans une période de poussée,
14:13 même si ça pourrait arriver parce que ce qui se passe,
14:15 c'est que ces deux ans de guerre, on a voulu montrer,
14:18 mettre l'accent dessus aussi,
14:20 les Russes sont plutôt à l'initiative,
14:23 plutôt dans une dynamique de victoire dans leur tête.
14:26 Donc les soldats souffrent, les Russes ont perdu beaucoup de soldats,
14:31 mais ils sont dans un mental plus fort que les Ukrainiens.
14:34 Et je vous donnerai juste, puisqu'on n'a pas beaucoup de temps,
14:37 mais pour décrire ce reportage,
14:39 on a vécu avec des soldats sur des lignes de front,
14:43 dans des bunkers, dans des mini bunkers recouverts de neige
14:47 avec des températures de -13, -14, certains jours -17,
14:51 dans des endroits avec des rats, etc.
14:54 Vraiment la vie des soldats dans les barres d'immeubles,
14:57 ces barres d'immeubles détruites dans lesquelles aujourd'hui les soldats habitent,
15:02 c'est des véritables villes de ruines.
15:04 Batmouth est occupée par les soldats russes
15:07 et les Ukrainiens dans les villes qu'ils tiennent,
15:09 c'est exactement la même chose.
15:11 Et moi je me suis fait la remarque en revenant,
15:13 je prenais l'avion depuis Tallinn en Estonie jusqu'à Paris
15:16 et je suis tombé sur le reportage d'un de mes amis
15:19 qui est photographe au New York Times,
15:22 qui s'appelle Finbar O'Reilly, qui est un photographe irlandais,
15:25 qui venait précisément de passer deux semaines côté ukrainien.
15:28 C'était la même chose, c'était les mêmes tranchées,
15:32 la même misère, ce froid intense.
15:35 Les Ukrainiens ont un bout de scotch vert pour pouvoir se repérer entre eux,
15:40 les Russes ont un bout de scotch rouge.
15:42 Mais en dehors de ces deux couleurs différentes,
15:45 c'est exactement quasiment les mêmes équipements,
15:47 simplement sur le visage des Ukrainiens,
15:49 il n'y avait pas la même chose que sur le visage des Russes que moi j'ai vu.
15:52 C'est-à-dire qu'il y avait, chez les Russes,
15:54 une sorte de mentalité de la gagne,
15:56 comme si cette armée russe un peu lourdote, un peu pataude,
16:00 pas très mobile, pas très porteuse d'initiatives,
16:05 était en train de mettre en place ce qu'elle a souvent mis dans l'histoire,
16:09 c'est-à-dire le côté gros diesel.
16:11 Une fois qu'il est en marche, on l'arrête plus.
16:14 Et j'ai eu cette impression cette fois-ci de Russes qui étaient prêts,
16:18 qui continueraient jusqu'à...
16:20 Les Russes sont encore des hommes, ils ont des réserves,
16:22 les Ukrainiens n'ont pas de réserve.
16:24 Vous êtes sur le terrain, est-ce que vous avez, vous, le sentiment
16:26 que si la Russie venait à gagner, elle poursuivrait son expansion ?
16:30 Parce que ça, c'est ce que dit le magazine libéral Le Point de cette semaine,
16:32 il dit "ben voilà, si Poutine gagne,
16:34 le risque c'est que l'armée continue à avancer sur une partie de l'Europe".
16:38 Alors, deux points qui, à mon avis, vont contre cet avis.
16:44 D'abord, la difficulté que l'armée russe a eu à vaincre,
16:48 si tant est qu'elle la vainque un jour, l'armée ukrainienne.
16:51 Le fait que deux ans de guerre ont été nécessaires pour obtenir, quoi, 18% de l'Ukraine,
16:57 rétablir grosso modo un Donbass qui était déjà acquis à la Russie,
17:02 maintenir une Crimée et faire la jonction entre la Crimée et le Donbass.
17:06 Donc finalement, les gains territoriaux existent pour la Russie,
17:09 mais ils ne sont pas extraordinaires.
17:11 Donc, il n'y a pas une victoire éclatante,
17:13 et il y a plutôt une difficulté à mettre en place une stratégie.
17:17 Maintenant, la guerre qui s'est passée avec son intensité,
17:20 guerre de haute intensité, en gros, moi je l'ai décrit comme Verdun,
17:24 avec les drones en plus, est une guerre à la fois extrêmement barbare,
17:28 au sens des temps barbares,
17:31 une guerre qui nous rappelle les pires moments des tranchées de Verdun,
17:36 comme j'en parlais,
17:38 mais en même temps utilisant un potentiel high-tech incroyable,
17:41 et donc les soldats russes et les soldats ukrainiens ont eu une expérience incroyable
17:45 que n'ont même pas les Américains, ni nous-mêmes Français, de ce type de guerre.
17:49 Donc aujourd'hui, oui, ça, ça peut faire peur, parce que ça veut dire quoi ?
17:52 On a voulu affaiblir la Russie, mais elle a livré une guerre pendant deux ans
17:55 qui la rend compétitive à aucune armée au monde.
17:58 Ça, oui, et puis elle possède l'arme atomique,
18:01 elle possède aussi une aviation qui est quasiment intacte,
18:04 elle possède une marine aussi qui est quasiment intacte,
18:07 à part quelques frégates qui ont été coulées par l'Ukraine,
18:11 par des drones navaux, en mer Noire,
18:19 en dehors de ça, si vous voulez, la Russie a un potentiel qui est quand même assez important.
18:24 Maintenant, politiquement, est-ce que Poutine a manifesté à chaque fois ?
18:29 Bon, c'est des dénégations, vous me direz, il avait dit qu'il en…
18:33 – Il devrait être journaliste.
18:35 – Voilà, qu'il n'enverrait pas l'Ukraine, et il l'a fait.
18:41 Donc oui, il faut se mettre toujours dans une position sur l'idée que les Russes mentent,
18:46 ça a souvent été le cas dans l'histoire.
18:48 Maintenant, quel serait leur intérêt ?
18:51 On rappelle évidemment la seconde guerre mondiale,
18:54 mais pourquoi Staline a-t-il envahi les pays baltes, la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, etc.
19:01 à cette époque-là ? Pour aller jusqu'à Berlin.
19:04 Donc il y avait une sorte de motivation militaire.
19:08 Ensuite, que ça soit transformé en une occupation politique avec les séquelles qu'on sait,
19:16 et que ces pays-là soient extrêmement sourcilleux de l'attitude des Russes à leurs frontières,
19:21 on peut le comprendre.
19:23 Je ne crois pas fondamentalement que la Russie aujourd'hui,
19:26 d'abord humainement, elle n'a pas le même capital,
19:29 elle n'a pas la même jeunesse qu'elle avait à l'époque,
19:33 pour pouvoir sacrifier 20 millions de morts pour conquérir la moitié de l'Europe.
19:37 – Donc pas de chars soviétiques à Paris, ça ne s'est pas montré.
19:39 Pas de chars de Poutine à Paris non plus, 50 ans plus tard.
19:41 – Je n'y crois pas parce que pourquoi ?
19:44 Je pense en revanche qu'on aurait tout intérêt, nous, et peut-être Français,
19:49 si on change de président d'ici-là, ou si la France retrouve cette souveraineté,
19:56 à proposer justement une nouvelle architecture de sécurité pour l'Europe.
20:01 Parce que la Russie, c'est Emmanuel Macron lui-même qui l'a dit,
20:05 elle ne va pas disparaître, elle est là, elle fait 17 millions de kilomètres carrés,
20:09 donc 14 millions de terres gelées, mais c'est un immense espace
20:15 avec lequel, d'une façon ou d'une autre, il va falloir dialoguer à un moment.
20:19 – Il n'y a plus de France, regardez, regardez,
20:21 qui est-ce qui va aller interviewer Poutine dans quelques heures ?
20:23 Parce qu'on tourne jusqu'à l'après-midi, ce n'est pas vous, c'est l'Américain ?
20:25 – Oui, mais disons que, vu que c'est quand même une partie d'échec,
20:29 comme on le montre en couverture, entre Poutine d'un côté et Biden de l'autre,
20:34 avec chacun avance en sépion, que ce soit un journaliste américain,
20:38 Tucker Carlson, qui a quand même d'énormes qualités aux deux morants,
20:41 ça peut avoir son intérêt, et je pense que pour Poutine, c'est pas en parlant.
20:46 Moi, j'adorerais évidemment interviewer Poutine,
20:49 comme j'adorerais interviewer Biden ou d'autres leaders,
20:53 mais je pense que là, il y a un message évidemment à Washington.
20:59 – Je vous inverse la question, est-ce qu'il faut interviewer des dictateurs ?
21:03 Vous avez posé la question déjà.
21:05 – Oui, on m'a posé beaucoup la question en me disant que…
21:08 – En cause.
21:09 – En me mettant en cause d'ailleurs, et je me souviens d'une terrible…
21:12 ce qui m'avait vraiment fait le plus mal à l'époque,
21:14 c'est d'avoir été accusé, quasiment insulté au micro d'Europe 1
21:19 par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius,
21:22 quand j'avais été interviewé, Bachar el-Assad.
21:24 J'avais fait que mon job de poser un micro,
21:27 ou en tout cas de tendre le micro à quelqu'un,
21:29 et d'essayer de comprendre, d'essayer de poser des bonnes questions.
21:33 Et j'avais compris un petit peu ce qui doit être le cas de Tucker Carlson en ce moment,
21:40 ce que ça veut dire de ne pas aller dans le sens des intérêts,
21:44 ou en tout cas de certains intérêts.
21:46 En tant que journaliste, on n'est pas là-dedans, on ne doit pas être là-dedans,
21:50 on ne doit s'interdire d'aller nulle part,
21:52 on ne doit s'interdire de ne parler à quiconque.
21:55 Il n'y a pas de gens à qui on ne doit pas parler.
21:57 Simplement, il y a des précautions à prendre,
21:59 il y a des questions à poser, il y a à être intraitable.
22:02 On va voir ce soir, puisqu'on n'a pas encore écouté ce que donnera l'interview,
22:06 mais en tout cas, oui, c'est nécessaire.
22:09 On a eu, écoutez, je ne sais pas combien d'interviews de Zelensky
22:14 depuis le début de ce conflit, des centaines peut-être.
22:17 On n'a pas eu d'interview de Poutine, il y a eu des déclarations, des discours.
22:20 – Des conférences de presse.
22:21 – Des conférences de presse où les journalistes pouvaient lui poser des questions.
22:25 Voyons ce que lui dira Tucker Carlson et jugeons sur pièce.
22:30 – Il y a tout juste un an, revient Omerta,
22:33 le premier numéro de magazine Omerta, c'était il y a un an,
22:36 difficile de ne pas voir, d'ailleurs dans ce journal, je ne suis dit cela,
22:39 la pâte Paris Match dont vous avez été directeur adjoint.
22:42 Oui, mais aussi le grand reporter.
22:44 La recette, elle semble absolument immuable, des signatures de qualité,
22:48 elle est quasiment le poids des mots et le choc des photos.
22:50 – Oui, des titres forts, et puis surtout moi,
22:53 l'amour que j'ai, la passion pour la photographie.
22:56 – Vous ne reproduisez que ce que vous ne savez faire.
22:58 – Oui, finalement quand on est journaliste, c'est toujours assez dommage.
23:02 Vous dites "directeur de la rédaction", j'adore être directeur de la rédaction,
23:05 j'adore manager les gens aussi, j'adore avoir des nouveaux journalistes,
23:08 des alternants à qui j'essaie d'apprendre le métier,
23:11 mais ce métier que j'adore le mieux, c'est évidemment d'être sur le terrain,
23:14 puisque c'est le métier que j'exerce le mieux, que j'ai toujours accompli.
23:19 Donc évidemment il y a des petites choses comme ça,
23:21 puis il y a des choses dans la recette Paris Match qui sont immuables,
23:24 c'est un titre qui a plus de… près de 80 ans maintenant, donc voilà.
23:28 – Vous trouvez que c'est bien Paris Match ?
23:30 – Ah ben pour moi ça restera le titre de mon cœur, bien sûr.
23:33 – Non mais aujourd'hui ?
23:34 – Aujourd'hui, je ne vais pas, non, je trouve qu'il y a des numéros qui sont inégaux,
23:40 mais on y retrouve encore des très très bons reportages.
23:44 – Est-ce que… diplomate et journaliste,
23:46 est-ce que vous n'avez pas sous-estimé aussi dans "La guerre des mondes"
23:49 le théâtre de la guerre médiatique française avec ses surprises ?
23:52 On vous reproche tour à tour votre proximité avec la Russie,
23:55 puis avec le Kremlin, mais aussi avec l'extrême droite.
23:57 Votre fiche Wikipédia c'est une fiche de guerre contre vous.
23:59 – Oui.
24:00 – C'est quand même assez éloquent.
24:02 – Oui, cette fiche, alors j'ai essayé de lutter, j'ai essayé de faire des entrées,
24:07 de dire "mais attendez là ce que c'est…"
24:09 et puis je voyais que les messages que je mettais disparaissaient,
24:13 que certains journaux, en l'occurrence un portrait qu'il y avait fait de moi,
24:18 Libération, y étaient inscrits à plusieurs entrées,
24:21 et puis par contre un portrait qu'il y avait fait de moi de Valeurs Actuelles
24:24 était immédiatement considéré comme pas légitime pour être sur une page Wikipédia.
24:28 Donc je me suis dit que ça ne servait à rien que, oui, des gens font une page qui n'est pas moi.
24:35 D'ailleurs pour preuve, j'ai passé quand même 8 ans aux États-Unis,
24:40 j'ai écrit la biographie d'un directeur de la CIA,
24:43 j'ai deux enfants qui habitent aux États-Unis,
24:45 j'ai couvert peut-être que l'armée avec laquelle on m'accuse d'aller vers les Russes
24:50 ou d'être pro-russe, l'armée avec laquelle j'ai passé le plus de temps
24:53 en termes de combat et d'expérience militaire, c'est l'armée américaine.
24:57 Donc voilà, ça, ça n'est pas dans la fiche Wikipédia.
25:00 Donc évidemment, c'est toujours à dessein, c'est pour cibler politiquement,
25:04 et c'est scandaleux, cette histoire de Wikipédia,
25:07 parce que les gens pensent que c'est neutre,
25:09 pensent que c'est quelque chose d'authentiquement participatif,
25:11 or en réalité c'est macronné par des modérateurs
25:17 qui sont totalement orientés et qui sont dans la même veine
25:20 que la petite bande de fact-checkers qui s'approprient le droit
25:25 de dire qui a droit et qui n'a pas droit.
25:28 – Stipendier. Le projet Omerta en est à son numéro 4,
25:31 je l'ai dit en exergue de mon propos,
25:33 donc c'est toujours encore exact à la fin de cet entretien.
25:35 Elle s'installe là aussi dans un contexte difficile,
25:37 c'est ma dernière question, pour la presse écrite,
25:39 plus souvent placée par l'État en soins palliatifs,
25:43 et là aussi où se trouve beaucoup de concurrence.
25:46 Est-ce que cette initiative est viable sans aide de l'État,
25:49 sans publicité ?
25:50 – Alors bien sûr, si j'avais lancé, vous avez vu,
25:54 fait une légère comparaison avec l'appât de Paris Match
25:58 qu'on pouvait y trouver, si on avait lancé un magazine,
26:01 oui, un hebdomadaire, oui, là je vous dirais
26:04 que c'est très difficile qu'on entre dans un marché
26:08 à tendance baissière ou un quotidien,
26:11 et que ce serait extrêmement courageux de l'avoir fait.
26:13 Là, en l'occurrence, on lance un trimestriel
26:16 qui n'est pas notre cœur de métier,
26:18 notre cœur de métier n'est pas la presse magazine,
26:20 notre cœur de métier c'est de faire des documentaires,
26:22 des enquêtes, c'est une application, Omerta,
26:26 qu'on télécharge 5 euros par mois,
26:29 où vous avez accès à une palette comme Netflix,
26:32 comme My Canal, etc., vous avez accès à des documentaires,
26:37 et c'est nos documentaires qui sont le cœur
26:40 de l'activité d'Omerta, avec aussi une chaîne YouTube
26:43 à 130 000 abonnés, sur laquelle on réalise
26:47 des grands entretiens avec des personnalités,
26:49 toujours en correspondance et en résonance
26:51 avec ce qu'on fait en termes de documentaires.
26:53 Donc, si vous voulez, le magazine,
26:55 c'est une manière de dire, on écrit,
26:59 parce que moi j'aime bien écrire,
27:01 et on est d'autres comme ça à se dire
27:03 la plume nous manque, mais moi je suis passé
27:06 complètement dans le digital, dans la caméra,
27:10 dans la construction d'un documentaire,
27:12 il y a des points communs avec ce que je faisais avant,
27:15 il y a des différences aussi, c'est un sacré boulot,
27:18 c'est un boulot différent, mais c'est aussi
27:20 une exploration du métier de journaliste
27:22 que j'adore personnellement.
27:23 – Voilà, et Omerta a été sur TVL aujourd'hui,
27:25 merci Régis. – Merci beaucoup Martin.
27:27 [Générique de fin]