SMART BOURSE - Présidentielle US : une campagne mouvementée

  • il y a 6 mois
Lundi 12 février 2024, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)
Transcript
00:00 [Générique]
00:10 Direction les Etats-Unis à présent avec notre correspondant américain dans Smartbourse, Pierre-Yves Dugas. Bonjour Pierre-Yves Dugas.
00:18 Bonjour Nicolas.
00:19 Bienvenue dans Smartbourse. Comme toutes les semaines, on commence avec vous, avec ces élections américaines à venir.
00:28 On a l'impression que ce profil, nouveau duel, Trump-Biden. Expliquez-nous un petit peu, Pierre-Yves Dugas.
00:36 Alors on est probablement au début de ce qui va être la plus longue campagne présidentielle de l'histoire de l'Amérique,
00:46 puisqu'on pense que maintenant, Donald Trump aura l'investiture républicaine. On ne voit pas très bien comment Nikki Haley pourrait décrocher cette investiture.
00:55 Il y a toujours des possibilités pour que, bien sûr, compte tenu des multiples problèmes judiciaires qui frappent Donald Trump,
01:06 qu'on ait un chambardement. Mais Donald Trump sera candidat et Joe Biden n'a pas d'adversaire.
01:14 Donc vraisemblablement, c'est ce duel auquel nous allons assister, un duel que les Américains ne souhaitent pas.
01:24 Et on a vu au cours des derniers jours ce que j'appellerais une espèce de sortie de rail assez stupéfiante du point de vue médiatique,
01:33 qui oblige une presse américaine qui est largement acquise à Joe Biden à parler d'un sujet qui, jusqu'à présent, n'était pas un sujet
01:43 que la presse démocrate souhaitait mettre en avant, à savoir celui du vieillissement inquiétant et des difficultés d'expression,
01:52 des difficultés de rapport avec la réalité que semble présenter et que présente, il faut le dire, Joe Biden, qui est un monsieur de 81 ans,
02:02 qui, à l'occasion de la publication d'un rapport qui écartait la possibilité qu'il soit poursuivi pour l'utilisation de documents ultra-secrets
02:12 qu'il avait gardés chez lui, à l'occasion de ce rapport qui écarte ces poursuites, a, disons-le, piqué une colère en direct au cours d'une conférence de presse,
02:24 conférence de presse dans laquelle il a insisté pour dire « Mais non, je n'ai aucun problème de mémoire », la conclusion du procureur spécial
02:31 selon laquelle on ne doit pas mettre en cause ma bonne foi parce que je suis un vieux monsieur qui ne sait plus très bien où il en est,
02:42 qu'aucun jury ne va me condamner, voilà, qui est diffamatoire, qui ne correspond pas à la réalité. Et ensuite, Joe Biden, en direct,
02:52 est parti dans des considérations qui ont montré que précisément sa mémoire lui faisait défaut, et on est un peu au-delà du simple lapsus
03:03 où l'on peut confondre Emmanuel Macron et François Mitterrand, mais une fois de plus, Joe Biden a semblé être un monsieur fatigué,
03:12 ce qui va lui poser un problème dans cette longue campagne. Et au même moment, ou quelques heures plus tard, l'autre candidat vraisemblable,
03:20 celui des Républicains, Donald Trump, a tenu des propos stupéfiants en sortant de son script, propos en gros qui disent « Si les Européens
03:32 ne veulent pas davantage payer pour se défendre militairement, je vais sortir de l'OTAN ». Alors là, c'est le choc dans les capitales européennes.
03:41 On sait que déjà depuis qu'il avait été élu pour diriger les États-Unis, Donald Trump n'aimait pas l'OTAN, qu'il considère que l'Amérique
03:50 dépense trop d'argent pour défendre les Européens et que les Européens en profitent pour être extrêmement agressifs d'un point de vue commercial
03:58 à l'égard des États-Unis. Donald Trump est en train de donner un grand coup de pied dans la fourmilière, et cela fait monter au créneau
04:06 les éléments du Parti républicain qui pourraient s'accorder de Donald Trump, mais qui n'aiment pas Donald Trump fondamentalement,
04:15 parce que ce sont encore des Républicains – je dirais – internationalistes dans la tradition, disons, de Ronald Reagan,
04:22 le sénateur Rubio de Floride, le sénateur Graham de Caroline du Sud, le Wall Street Journal, qui, dans un éditorial ce matin,
04:31 est extrêmement critique, encore plus que d'ordinaire, des propos tenus par Donald Trump visant à dire « Écoutez, l'OTAN, on va s'en aller de l'OTAN
04:41 parce que les Européens ne veulent pas payer ». Alors la seule explication rationnelle que l'on pourrait trouver à cette sortie spectaculaire
04:49 de Donald Trump sur l'OTAN serait de dire « C'est un moyen, comme il l'a fait à l'égard de la Chine en matière commerciale, de placer très très haut la barre
05:00 de faire peur aux Européens dès maintenant pour être en position de force en vue de négocier, dans l'hypothèse où il était élu le 5 novembre,
05:08 de négocier une redistribution de la manière dont on finance les dépenses militaires en Europe ».
05:15 – En conclusion de ce premier chapitre, Pierre-Yves Dugas, on est face à un duel, vous nous l'avez dit, dont les Américains ne veulent pas,
05:22 mais dont on a du mal à trouver un éventuel plan B aujourd'hui, si je comprends bien.
05:27 – Alors je dirais, ces deux sorties de rail reposent le problème qui est évident dans les sondages,
05:35 du manque de popularité de ces deux candidats qui ont besoin l'un de l'autre en plus, c'est ça qui est extraordinaire.
05:42 Joe Biden ne sera pas élu si Donald Trump n'est pas en face de lui et il est peu probable que Donald Trump puisse triompher
05:51 si il avait en face de lui quelqu'un de plus jeune que Joe Biden.
05:57 On ne voit pas du tout côté démocrate quel candidat pourrait remplacer Joe Biden,
06:03 en revanche on ne doit pas écarter la possibilité de l'arrivée d'un troisième candidat qui soit ni républicain, ni démocrate,
06:13 et que l'on ait une triangulaire, nous en avons déjà parlé ici, Joe Manchin qui est un démocrate centriste,
06:21 plus que jamais est sur les starting blocks et pourrait, mais il faut qu'il le fasse vite,
06:28 pourrait nous annoncer d'ici quelques semaines qu'il a l'intention d'avoir les comités nécessaires dans les 51 Américains
06:35 pour se présenter comme troisième candidat. Généralement ces scénarios-là ne sont pas favorables au troisième candidat,
06:44 mais cette année tout peut basculer parce que les deux candidats "favoris" selon les électeurs qui votent dans les primaires
06:53 sont en fait des candidats qui pour l'opinion générale ne sont pas populaires.
06:57 Nouveau sujet avec vous Pierre-Yves Dugas, toujours aux Etats-Unis, de nouveaux cris d'alarme sur l'endettement des Etats-Unis émergent,
07:06 et vous dites "ça ne semble pas inquiéter grand monde".
07:10 Non, c'est ça qui est stupéfiant, c'est un petit peu comme en France d'ailleurs.
07:14 Le sur-endettement, on aime en parler sur Bsmart, dans quelques autres médias, mais dans les campagnes électorales on n'en parle pas beaucoup.
07:24 Le Congressional Budget Office, qui est le bureau du Congrès qui est chargé de faire de l'analyse économique et budgétaire sur les recettes et sur les dépenses,
07:35 qui n'est pas un organisme partisan, qui n'a pas à obéir ni au Speaker de la Chambre ni à la Maison Blanche bien entendu,
07:43 fait comme le veut la loi, publie régulièrement des estimations de l'endettement à court terme et des problèmes budgétaires que les Etats-Unis vont devoir résoudre.
07:53 Au même moment où une fois de plus le CBO tire la sonnette d'alarme en disant "le niveau d'endettement et le déficit budgétaire américain continuent de se creuser,
08:02 ça n'est pas soutenable, on ne peut pas continuer comme ça pendant des années", d'autres voix se sont élevées pour le faire.
08:10 Jérôme Powell, auquel la chaîne CBS avait dimanche dernier posé la question, l'a redit, il l'avait dit de manière explicite devant l'Economic Club de New York au mois d'octobre.
08:22 M. Tudor Jones, un des géants de l'industrie des hedge funds, l'a dit également exactement dans les mêmes termes, il va falloir qu'on fasse quelque chose.
08:34 Quelques chiffres pour vous donner quand même une idée de l'aggravation de la situation. Le poids du paiement des intérêts pour l'Oncle Sam, c'est plus de 2 milliards de dollars par jour.
08:49 D'ores et déjà, la charge de la dette dépasse le poids des dépenses militaires. On est pratiquement à 900 milliards de dollars.
09:00 Il est stupéfiant que, dans ce contexte-là, on ne parle pas de cette question dans cette campagne électorale.
09:08 La réponse que donnent les Républicains est toujours la même depuis 25 ans, c'est de dire "oui, il y a un déficit budgétaire, ça n'est pas bien,
09:16 mais c'est parce que l'État fédéral dépense trop". Les démocrates disent "c'est parce qu'on ne taxe pas assez les riches".
09:23 En fait, ces deux explications pouvaient suffire à résoudre le problème il y a 25 ans, mais ça n'est plus possible aujourd'hui.
09:32 Il va falloir non seulement réduire les dépenses, mais aussi augmenter les recettes.
09:38 La division partisane à Washington est telle que ni les électeurs républicains ni les électeurs démocrates ne sont prêts à entendre ce discours.
09:50 – Si je comprends bien, ce n'est pas cette année que l'on verra le sujet de l'endettement des États-Unis dans la campagne électorale, Pierre-Yves Dugas ?
09:58 – On l'entendra sous l'angle partisan, les démocrates disant "la seule solution, c'est de faire payer les milliardaires",
10:06 et les républicains disant "la seule solution, c'est de réduire le nombre de fonctionnaires".
10:10 Si le déficit budgétaire se creuse, si l'endettement américain augmente à un rythme qui échappe à tout contrôle,
10:17 c'est malheureusement parce que pratiquement 75% des dépenses fédérales échappent au contrôle du Congrès
10:27 et elles interviennent dans la catégorie des dépenses dites "automatiques",
10:31 c'est-à-dire les budgets sociaux, la retraite, la santé, social security, Medicare, Medicaid et le poids des intérêts.
10:39 Si l'on supprime Washington, on ne résout pas le problème du déficit budgétaire américain
10:45 et c'est pourtant le discours que tiennent les républicains et le discours des démocrates qui consistent à dire
10:51 "on va augmenter les impôts des riches, comme par hasard à chaque fois qu'on augmente les impôts des riches,
10:55 on augmente mes impôts, moi je ne me savais pas riche".
10:59 Merci beaucoup Pierre-Yves Dugas de nous avoir accompagné dans Smart Bourse.
11:03 Je rappelle que vous êtes le correspondant américain de Smart Bourse et quant à nous on se retrouve très vite sur Bsmart.
11:09 [Musique]

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