• il y a 10 mois
A l’approche des élections européennes de juin 2024, SMART IMPACT fait régulièrement le point sur un secteur au prisme de l’Union européenne. Au programme de cette émission : l’espace extra-atmosphérique. L’occasion d’aborder les enjeux stratégiques de l’espace pour l’Europe, le droit européen de l’espace, l’observation de la Terre depuis l’espace ou encore la gestion du trafic, des collisions et des débris dans l’espace.

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00:00 [Générique]
00:06 La politique spatiale européenne, voilà notre thème avec Philippe Achilleas.
00:11 Bonsoir, bienvenue.
00:12 Vous êtes directeur Institut du droit de l'espace et des télécommunications de Paris.
00:17 Saclay, alors l'espace est vraiment l'un des secteurs où la construction européenne
00:21 prend tout son sens avec le succès d'Airbus aujourd'hui.
00:25 Avant de porter ce nom, il y a eu EADS.
00:28 Auparavant encore en France, il y avait l'aérospatiale,
00:31 qui me rappelle quelques souvenirs personnels, mais enfin je ne suis pas là pour raconter ma vie.
00:34 C'est le symbole d'une époque où, pour conquérir l'espace,
00:38 les pays fondateurs de l'Europe n'avaient pas eu d'autre choix que de s'unir,
00:42 on peut dire ça comme ça.
00:43 Il fallait être plusieurs pour être assez puissant.
00:45 Tout à fait, c'était d'ailleurs l'idée de la France de créer une institution européenne
00:50 pour porter des programmes ambitieux et être capable de rivaliser
00:54 avec les politiques spatiales des États-Unis et de l'URSS à l'époque.
00:58 C'est comme ça qu'est née à Paris l'Agence Spatiale Européenne.
01:02 Aujourd'hui, on parle de New Space.
01:04 C'était assez inimaginable il y a plusieurs décennies de voir ce qui se passe aujourd'hui.
01:11 Ces opérateurs privés, parfois des petites entreprises.
01:15 Il y a des acteurs européens et français qui émergent aussi dans cet univers-là ?
01:20 Oui, alors pas avec les mêmes moyens, pas avec la même dynamique,
01:23 mais on commence à voir émerger un tissu de start-up dans des domaines aussi innovants
01:28 que le transport spatial, l'observation de la Terre, le nettoyage de déchets en orbite.
01:35 Donc, on voit que c'est possible ici aussi en France et en Europe.
01:39 Alors, on va beaucoup parler de droit de l'espace en quelque sorte
01:42 parce que c'est vraiment une notion passionnante,
01:45 mais je voudrais quand même qu'on rappelle la base,
01:48 c'est-à-dire que la conquête spatiale,
01:50 elle a un lien direct avec les questions environnementales grâce aux satellites.
01:53 C'est de l'observation de la Terre.
01:55 On n'aurait pas une connaissance aussi fine de la situation actuelle sans les satellites.
02:01 Oui, tout à fait.
02:02 Les premiers satellites d'observation ont été lancés dès 1958.
02:05 Alors, à l'époque, c'était de la surveillance militaire,
02:08 mais très rapidement, on comprend l'intérêt de cette technologie
02:11 pour la gestion des territoires et de l'environnement.
02:13 Donc, la bascule se fait dans les années 70
02:16 où on voit des premiers programmes d'observation au service de l'environnement.
02:20 Il y a des programmes européens.
02:21 Alors, par exemple, Copernicus, on peut en dire un mot ?
02:24 On en est où de ce programme ?
02:26 Alors, on a plusieurs satellites dits sentinelles
02:28 qui sont chacun dédiés à l'observation de données environnementales,
02:33 les océans, la Terre, les forêts,
02:35 et qui utilisent à la fois des technologies orbitales optiques
02:40 et des technologies radars,
02:41 ce qui nous permet d'avoir un spectre complet d'images et de données d'origine spatiale.
02:46 L'espace, on va parler de droit.
02:48 Ce n'est pas une zone de non-droit, l'espace ?
02:50 Pas du tout.
02:51 Dès 1967, un traité international est adopté à l'ONU, le traité de l'espace,
02:57 et il va fixer les règles qui sont toujours applicables aujourd'hui.
03:00 Il y a une loi européenne,
03:02 puisqu'on parle du poids de l'Europe, ce que fait l'Europe en matière spatiale.
03:07 Est-ce qu'il y a des réglementations typiquement européennes ?
03:09 On a eu des réglementations propres à certaines applications,
03:12 les télécommunications, les données environnementales,
03:15 mais aujourd'hui, l'Union européenne a pour ambition
03:17 de se doter d'une véritable législation spatiale.
03:21 C'est assez inédit et d'ailleurs imprévu,
03:25 car l'Union européenne ne dispose pas de compétences
03:29 en matière d'harmonisation des législations spatiales nationales.
03:32 C'est chaque pays qui a sa compétence.
03:34 Et alors, ça pourrait porter sur quoi, cette législation spatiale européenne ?
03:37 Trois piliers envisagés, la protection de l'environnement spatial,
03:41 la protection des biens spatiaux contre les cyberattaques
03:45 ou autres activités malveillantes,
03:47 et l'étude de l'impact environnemental de l'activité spatiale sur Terre.
03:52 L'impact environnemental de l'espace, on parle de quoi, des débris notamment ?
03:55 Protection des orbites, c'est principalement la question des débris, effectivement.
04:00 Il y en a beaucoup.
04:00 Énormément. On ne peut pas aujourd'hui tous les cataloguer,
04:04 car vous avez des débris qui sont d'une taille extrêmement petite,
04:08 moins d'un centimètre, et ceux-ci sont inobservables.
04:12 On voit quels sont les gros débris,
04:14 c'est-à-dire que dès lors que vous lancez un objet dans l'espace,
04:17 celui-ci reste en orbite pendant plusieurs années,
04:20 voire éternellement lorsqu'il est placé en orbite suffisamment haute.
04:25 Le problème, c'est la saturation de certaines parties de l'espace,
04:29 notamment les orbites basses et très basses.
04:32 Aujourd'hui, d'ailleurs, quand on lance un objet dans l'espace,
04:35 on doit intégrer sa destruction, son retour sur Terre et sa destruction, c'est ça ?
04:41 C'est ce que prévoit en tout cas la loi française et la loi américaine,
04:45 qui prévoit la désorbitation ou l'élimination des satellites qui sont en orbite basse.
04:52 Il y a souvent des collisions ?
04:54 Il y en a eu quelques-unes, c'est encore très rare, heureusement,
04:57 car si vous avez une collision, vous pouvez avoir un effet domino
05:00 avec des débris qui vont entrer en collision avec d'autres débris,
05:04 qui vont entrer en collision avec d'autres débris, etc.
05:06 Donc à ce stade, nous avons beaucoup de chance, nous avons évité les combats.
05:12 L'an dernier, je crois, j'ai vu passer ça, la Station spatiale internationale,
05:16 qui a dû un peu changer de route pour éviter un satellite, c'est ça ?
05:20 Tout à fait. Là, ce sont les premiers enjeux en termes de gestion du trafic spatial.
05:25 On voit apparaître ces questions avec la multiplication des satellites.
05:28 Aujourd'hui, il nous faut des règles claires, et c'est ce que veut l'Union européenne.
05:32 Il faut savoir qui doit manœuvrer en cas de collision, comment manœuvrer,
05:36 comment informer aussi les opérateurs des risques de collision.
05:41 Quand on parle d'Europe spatiale, il y a des enjeux,
05:45 alors là, on l'a vu, des enjeux de débris, de pollution, on peut employer ce terme-là.
05:51 Il y a aussi des enjeux de compétitivité, évidemment, de souveraineté.
05:54 Ça, c'est un mot très important ?
05:56 Ça devient un mot très important puisqu'on se rend compte aujourd'hui
05:59 que l'utilisation des satellites est quotidienne.
06:03 En France, nous utilisons 47 satellites par jour.
06:05 Chaque individu utilise 47 satellites par jour.
06:08 Donc, sans satellite, il est impossible de communiquer,
06:10 il est impossible d'observer, de regarder, de se déplacer.
06:15 Donc, le satellite est lié à la souveraineté des États et des États membres de l'Union européenne.
06:20 Et aujourd'hui, si on parle peut-être de la France, mais aussi de l'Europe,
06:24 on est en déficit de souveraineté ?
06:26 On est encore trop dépendant de satellites, notamment américains ?
06:29 La volonté de créer cette agence spatiale européenne,
06:33 c'était justement pour s'émanciper de la domination des États-Unis
06:37 en matière d'accès à l'espace et d'utilisation de l'espace.
06:39 Donc, on a, si vous voulez, à la fois un lanceur indépendant,
06:43 des satellites et des capacités de traitement des données au sol.
06:46 Et nous avons des programmes qui sont les concurrents directs des programmes américains.
06:52 Nous avons un Galileo qui est le concurrent du GPS,
06:55 un Copernicus qui nous permet d'être autonome en matière de données environnementales.
06:59 Demain, une constellation de satellites en orbite basse
07:02 pour des communications sécurisées qui sera concurrent de Starlink, enfin on espère.
07:06 C'est ce qu'on appelle Iris au carré ?
07:08 Exactement.
07:08 Alors, c'est quoi Iris au carré ?
07:10 Iris au carré, c'est la volonté pour l'Europe de disposer d'un réseau de satellites en orbite basse
07:15 pour une connectivité à très haut débit sécurisée.
07:19 Par exemple, lorsque nos forces armées sont en opération sur des théâtres extérieurs,
07:24 la capacité d'être en contact direct avec ces forces armées,
07:29 la capacité aussi d'établir des liaisons avec des ambassades à l'étranger ou des sites stratégiques
07:34 sans avoir à passer par des opérateurs étrangers.
07:38 Oui, et ce n'est pas de la science-fiction, ce projet n'est pas dans l'avenir.
07:41 On l'a vu avec le conflit en Ukraine.
07:43 Dans les premières heures du conflit en Ukraine,
07:45 la question de l'utilisation du réseau Starlink s'est posée.
07:48 Tout à fait, et c'est d'ailleurs parce qu'on a compris l'enjeu autour de l'utilisation de Starlink en Ukraine
07:53 que la Commission européenne a accéléré le projet de constellation souveraine européenne.
07:58 Cette question de souveraineté, elle est liée aussi à...
08:01 Alors justement, là on parle de Starlink, on parle d'un opérateur privé,
08:06 et c'est assez étonnant de voir que la NASA, finalement, s'est associée à un opérateur privé.
08:13 C'est l'avenir de la construction européenne de travailler avec des opérateurs privés.
08:18 On ne peut plus s'en passer aujourd'hui ?
08:19 On ne peut plus s'en passer d'abord parce qu'ils ont une compétence en termes de management
08:26 qu'il n'a pas le caverne institutionnel, et puis surtout parce qu'il faut des financements privés.
08:31 Donc on doit aller chercher des financements dans la sphère privée pour poursuivre l'aventure spatiale.
08:36 On parlait de souveraineté Iris au carré, c'est vraiment ça la souveraineté numérique.
08:43 Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi ça passe tellement par l'espace ?
08:46 C'est un peu évident mais je veux bien que vous nous l'expliquiez.
08:48 Alors d'abord, il faut savoir qu'effectivement en termes de télécommunication,
08:52 la majorité des relais de communication sont des relais terrestres.
08:55 Sauf que lorsque nous sommes en période de crise ou dans des endroits sans couverture terrestre,
09:00 le satellite est la seule solution.
09:03 Donc nous devons absolument avoir un réseau de secours et un réseau capable aussi de couvrir
09:08 des zones extrêmement éloignées, les océans, les pôles, les zones blanches, et c'est le satellite.
09:14 Est-ce que vous êtes optimiste, on va terminer là-dessus, sur l'avenir de l'Europe spatiale ?
09:19 Parce qu'on est dans une année un peu compliquée où on n'a pas encore de lanceur opérationnel.
09:24 Si vous voulez, là se joue l'avenir de l'Europe spatiale parce qu'on est pris dans une concurrence
09:30 avec les Américains et les entreprises privées d'une espèce très performante
09:34 et la montée en puissance de la Chine, de l'Inde et d'autres pays.
09:38 Donc pour éviter le décrochage technologique, nous devons absolument avoir un lanceur
09:43 et absolument maintenir des budgets.
09:45 Mais l'Europe est au rendez-vous, l'Union européenne est au rendez-vous.
09:49 Donc on est optimiste.
09:51 Donc vous êtes optimiste. Merci beaucoup Philippe Aquileas et à bientôt sur Bismarck.
09:54 On passe à notre débat, on va parler de lutte contre la précarité alimentaire.

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