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C'est un fin connaisseur de la vie politique française et de ses soubresauts : Christophe Barbier publie un livre intitulé "Peuple de colères" aux éditions Fayard, ou comment les révoltes ont marqué l'histoire de France jusqu'à aujourd'hui. L'éditorialiste et journaliste politique est l'invité de RTL Bonsoir.
Regardez L'invité de RTL Soir du 19 février 2024 avec Marion Calais et Cyprien Cini.

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00:02 Marion Calais, Alexandre de Saint-Aignan, Cyprien Signy.
00:07 RTL bonsoir jusqu'à 20h.
00:10 Et place à présent à 18h21 à notre premier invité, c'est un fin connaisseur de la vie politique française et de ses soubresauts,
00:17 qui publie un livre intitulé "Peuple de colère" aux éditions Fayard, où comment les révoltes ont marqué l'histoire de France jusqu'à aujourd'hui.
00:23 Bonsoir Christophe Barbier.
00:25 Bonsoir Marion, bonsoir à tous.
00:26 Vous l'éditorialiste et le journaliste politique, vous remontez donc le temps dans cet ouvrage pour raconter ces colères françaises qui secouent le pays régulièrement.
00:33 Vous consacrez d'ailleurs plusieurs chapitres aux colères agricoles, elles rythmaient la vie de l'ancien régime, après une mauvaise récolte ou de nouvelles taxes aujourd'hui.
00:40 Elles ciblent plus l'Europe, la mondialisation notamment, les réglementations aussi.
00:44 Et ça, dites-vous, ça trouve son origine dès le 18e siècle.
00:48 En fait, le fond de ces combats n'a peut-être pas beaucoup changé depuis deux siècles.
00:51 Non, non, il n'a pas changé, c'est le même cocktail explosive, d'abord de dérégulation économique.
00:57 En 1775, c'est ce qu'on appelle la "guerre des farines", parce qu'on a joué à libéraliser le commerce des blés, on fixe les prix qu'on veut, on vend où on veut, le roi ne s'en occupe plus et ça se dérégule très vite.
01:06 Aujourd'hui, on le voit, c'est le mercosur, c'est les grands marchés internationaux.
01:09 À l'époque, il y a aussi le problème du revenu, c'est-à-dire que quand le marché se dérégule, parfois il y a de la spéculation, ça tire les prix vers le haut ou ça les effondre vers le bas.
01:17 Et ceux qui en vivent, ils se retrouvent d'un seul coup dépouillés de leur revenu.
01:21 Et puis ce qui a changé, c'est qu'à l'époque, on pouvait mourir de faim dans la foulée.
01:25 Aujourd'hui, on a réussi au moins à amortir ce choc.
01:28 En revanche, ce qui a demeuré avec la même force, c'est la colère populaire.
01:32 À l'époque, ça mène à octobre 1789, quand les parisiennes vont chercher à Versailles le boulanger, la boulangère et le petit mitron.
01:40 On a vu il y a trois semaines les tracteurs monter vers Paris.
01:43 - Sachant que la question des récoltes pourrait aussi se poser à nouveau.
01:47 Selon le Haut conseil pour le climat, le changement climatique a déjà réduit la croissance de la productivité totale de l'agriculture mondiale d'environ 21% depuis les années 60.
01:56 On n'en a sans doute pas fini avec ces colères agricoles.
01:59 - Non, on n'en a pas fini, elles reviendront.
02:00 La plus ancienne, elle date de 1356.
02:03 Et on avait déjà le même mélange.
02:05 Une mauvaise défense contre l'étranger, à l'époque c'était la guerre de Cent Ans qui venait d'éclater.
02:09 Des problèmes de taxes, on demandait aux paysans de donner de l'argent pour payer la rançon du roi Jean qui avait été fait prisonnier par les anglais.
02:16 Et puis des querelles de territoire, on ne savait plus si l'identité paysanne était celle du pays ou si au contraire on allait diluer entre Charles le Mauvais qui venait de Navarre, les anglais qui s'alliaient au Bourguignon.
02:28 Tout ça, ça avait fait une grande colère menée par un pauvre paysan qui s'appelait Guillaume Calais et qu'un chroniqueur a appelé Jacques Bonhomme.
02:35 Et ce Jacques Bonhomme, ça a donné la jacquerie.
02:37 Et encore aujourd'hui, quand il y a des agriculteurs en colère, on parle, nous les journalistes, de jacquerie.
02:41 Et alors vous soulignez dans votre livre, Christophe Barbier, ce rapport particulier qui demeure entre les agriculteurs et le pouvoir.
02:48 Ces agriculteurs qui, selon vous, sont considérés par les politiques au-delà de leur poids électoral.
02:53 Qu'est-ce qui est à l'œuvre dans les concessions encore récentes de l'exécutif ?
02:56 Est-ce qu'il y a une forme de culpabilité du pouvoir à l'égard de cette profession ?
03:00 Je crois qu'il y a plusieurs choses.
03:01 Il y a une culpabilité et même un remords du pouvoir, c'est-à-dire de nous aussi les électeurs,
03:06 par rapport à une France rurale qu'on a trahi, qu'on a abandonné au nom du progrès, de la vie en ville.
03:11 C'est la chanson de Jean Ferrat, on a tous cru à cet idéal du consumérisme et on en revient un peu.
03:16 On a quand même un doute, c'est peut-être eux qui ont raison et qui ont la vie bien équilibrée.
03:20 Mais au-delà de ça, il y a une peur.
03:21 Il y a une peur du pouvoir qui sait qu'une colère rurale, ça peut très vite dégénérer.
03:25 Et sans remonter aux jacqueries des temps anciens, Poujade, ça part aussi de la province rurale, artisanale, commerciale mais aussi agricole.
03:33 Et c'est en 55, les chemises vertes d'Henri Dorgère, un élu du Nord, c'est dans les années 30.
03:38 Et ça menace aussi les pouvoirs locaux et le pouvoir national.
03:41 Poujade y met presque 200 000 personnes à Paris en janvier 55, sous la pluie, dans les inondations.
03:46 Ils sont là, il fait rentrer plusieurs dizaines de députés l'année d'après à l'Assemblée nationale, dont un certain Jean-Marie Le Pen.
03:52 Donc il y a toujours cette peur que la colère rurale, elle devienne une colère politique.
03:56 Et parmi les moteurs aussi de ces colères françaises, il y en a un qui revient à chaque fois, c'est la fiscalité.
04:01 - Alors ça c'est vraiment, dans votre livre c'est tout le long.
04:03 Est-ce qu'on peut parler d'une allergie historique à l'impôt des Français ?
04:06 Alors que c'est quand même les bases du contrat social l'impôt.
04:08 - Oui, alors il y a une fidélité à l'impôt et une allergie à l'impôt de trop.
04:13 Les Français ont toujours payé l'impôt, notamment l'impôt qu'ils considéraient légitime, dans les temps anciens c'était la taille.
04:18 Chaque individu paye un peu pour que le roi puisse lever une armée et nous protéger, qu'il y ait une justice.
04:24 On comprenait cela, c'était si j'ose dire les services publics.
04:26 En revanche, si le pouvoir central se met à rajouter des impôts, par exemple sur le papier timbré en 1675,
04:33 et ça donne les bonnets rouges en Bretagne, les premiers, pas ceux de 2013.
04:36 Ou bien la Gabelle en 1548, dans le sud-ouest, dans les marais salants du sud-ouest, on était dispensé de l'impôt sur le sel.
04:42 Henri II, nouveau roi, décide de leur imposer cette Gabelle.
04:46 Révolte ! Et on envahit Bordeaux et on massacre le représentant du roi.
04:49 Donc vous voyez, l'impôt de trop, l'impôt qui fâche, c'est vraiment quelque chose à lequel on est allergique.
04:54 Mais même en République. - Jusqu'aux Gilets jaunes. - Mais jusqu'aux Gilets jaunes, les Gilets jaunes.
04:57 C'était la taxe sur le carbone, les bonnets rouges de 2013, c'était l'éco-taxe.
05:01 Et si vous regardez en 1848, la République nouvelle, qui est légitime, le peuple l'aime,
05:07 elle décide la taxe des 45 centimes.
05:10 On augmente ce qu'on appelait les quatre vieilles, les quatre vieilles taxes.
05:13 Les patentes, le foncier, les portes et fenêtres.
05:15 Et bien on se révolte. Ah non ! L'impôt oui, l'impôt de trop non.
05:19 - Vous écrivez, Christophe Barbier, que la France qui travaille fournit les bataillons des révoltés de l'impôt.
05:25 Quand le Premier ministre, aujourd'hui, met au cœur de sa politique les classes moyennes, c'est aussi pour cela, selon vous ?
05:30 - Oui, c'est aussi pour éviter la jointure entre ceux qui sont vraiment dans la désespérance
05:35 et qui n'ont presque plus rien à perdre. Alors leur révolte est spontanée et elle peut être rigoureuse, voire dangereuse.
05:40 Et puis ceux qui sont juste au-dessus, qui n'avaient pas forcément envie de se révolter,
05:43 mais qui se disent "bon, on saisit l'occasion parce que les prochains sur la liste, c'est nous".
05:47 Et quand vous avez cet enclenchement sociologique, vous pouvez aller vers la révolte qui réussit.
05:51 Et la révolte qui réussit, ça s'appelle une révolution. D'où l'attention des pouvoirs à ces strates intermédiaires.
05:57 En 1780-89, c'est parce que la petite et la moyenne bourgeoisie rejoignent les classes les plus populaires
06:03 que vous avez les États généraux. Ça part de Grenoble en juin 1788,
06:07 on se met à jeter des tuiles sur les soldats du roi, ça reste dans l'histoire comme la journée des tuiles,
06:11 parce qu'on veut que le Parlement local, où il y a de la petite aristocratie, où il y a de la petite bourgeoisie,
06:16 ait son mot à dire. Alors le roi cède, il dit "bon, d'accord, on fait les États généraux du Dauphiné".
06:20 Puis toutes les régions réclament leurs États généraux, et ça donne les États généraux du pays en 89,
06:25 et c'est parti pour la révolution.
06:26 - Alors, revenons un petit peu à aujourd'hui, si vous le voulez bien.
06:28 Ce sont les réformes du système social, c'est sous vous qu'ils ditent,
06:31 qui jettent les travailleurs du pays dans la rue.
06:33 Réformes des retraites, de l'assurance chômage, modification des critères de remboursement des médicaments.
06:38 Est-ce que les récentes annonces du gouvernement et les 10 milliards d'euros d'économie
06:42 qui ont été dévoilés hier par le ministre de l'économie,
06:44 est-ce que ça pourrait être un terreau fertile pour une contestation ?
06:47 - C'est une nitroglycérine à manipuler avec prudence.
06:51 Tant que Bruno Le Maire dit, c'est le train de vie des ministères.
06:53 Les voitures, les lampes allumées, bon, pas de problème.
06:56 Il a commencé son allocution en disant que ça ne sera ni la sécurité sociale,
06:59 donc on ne touche pas à la protection, ni les collectivités locales,
07:02 c'est-à-dire la proximité, on a tous un cousin, un beau-frère qui travaille à la mairie.
07:06 Et il a été donc très prudent pour désamorcer cela.
07:09 Mais en même temps, Katimini, le ticket modérateur, le reste à charge,
07:12 il va augmenter sur les médicaments.
07:13 Donc il faudra surveiller de très très près cet indicateur.
07:16 D'ailleurs au séminaire samedi gouvernemental autour d'Attal,
07:19 Gérald Darmanin a pris la parole pour dire
07:22 "on donne des milliards à l'Ukraine, c'est très bien, on est tous d'accord,
07:24 mais moi je n'arrive pas à expliquer à Tourcoing
07:26 pourquoi on augmente le ticket modérateur alors qu'on donne cet argent".
07:29 Il l'a dit sans agressivité, mais il a bien mis en garde le gouvernement
07:32 contre l'absence de pédagogie de cette augmentation.
07:34 - Christophe Barbier, vous l'éditorialiste, auteur du livre "Peuple de colère" aux éditions Fayard,
07:38 vous restez avec nous puisqu'on va évoquer la place du RN dans un instant dans la République.
07:44 - Après cette phrase d'Emmanuel Macron dans le journal "L'Humanité",
07:46 "je n'ai jamais considéré que le rassemblement national s'inscrivait dans l'arc républicain",
07:51 mais alors c'est quoi cet arc républicain ?
07:52 Et comment font nos voisins avec l'extrême droite ?
07:54 On tentera de comprendre à 18h40.
07:56 - Avant cela, RTL Inside, notre réversion quotidienne au cœur de l'actualité.
07:59 - Et on va faire plaisir à Cyprien, on va parler de l'OM,
08:02 encore battu hier et qui change encore d'entraîneur aujourd'hui.
08:05 - Et ça aurait pu inspirer Alex Bizoret avec cette crise à l'OM,
08:08 ça avait l'air de vous faire sourire quand même tout à l'heure.
08:10 - Non, j'ai un aventure, j'ai des amis qui souffrent et je ne voudrais pas foncer de clôt.
08:15 - La charge de revanche ?
08:16 - Revanche, impatiente par les politiques devant M. Barbet.
08:19 - Ah ben oui, voilà, rendez-vous dans un instant.
08:22 RTL Bonsoir, jusqu'à 20h.
08:24 [SILENCE]

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