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Au programme : des débats sur l'actualité politique, mais aussi le retour de séquences cultes.
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00:00 - Je veux remercier Sébastien Soulet d'être avec nous, ancien policier de la BAC Nord, son livre "Flic à la BAC Nord" co-écrit avec Christelle Marques aux éditions City.
00:12 Franchement incroyable, allez-y, vraiment, vous pouvez y aller. Pour ceux qui aiment ce genre d'affaires, moi j'adore et Sébastien, je suis très très heureux de t'avoir avec nous ce soir.
00:23 - Moi aussi, merci. Merci de m'accueillir.
00:25 - Merci d'être là. Alors Sébastien, vous étiez donc policier de la désormais célèbre BAC Nord de Marseille, où votre quotidien était de jongler entre trafic de drogue, règlement de compte, délinquance en tout genre.
00:37 - C'est un peu ça. On le voit toujours, l'actualité parle toujours d'elle-même sur Marseille. Ça n'a pas changé. Ça évolue même un peu dans le moins beau.
00:44 Mais effectivement, c'était ça. C'était notre quotidien pendant 9 belles années que j'ai passé là-bas. C'était notre quotidien.
00:50 - 9 ans, vous avez fait. Alors vous kiffiez votre travail ou pas ?
00:54 - J'adorais. Mais c'est un métier passion. De toute façon, il y a beaucoup de métiers passion comme ça. C'est un métier qui prend au trip très très rapidement.
01:01 Et puis après, il y a l'adrénaline qui rentre en compte là-dedans. Et puis c'est quelque chose qui n'arrive pas à s'en passer en fait.
01:08 - À quoi ressemblait une journée type de Sébastien Soulé, policier de la BAC Nord pendant ces 9 ans ?
01:15 - Une journée type, c'est une bande de copains. En fait, vous êtes 3 par voiture au minimum qui s'en vont arpenter toutes les rues des quartiers nord de Marseille puisque c'était là où on était affectés.
01:24 Et le but, c'était de passer dans toutes les rues, dans toutes les cités pour faire voir que nous, nous étions là, qu'on ne laissait pas ces cités et les braves gens aux mains des dealers, aux mains des trafiquants.
01:37 C'était de faire voir que la loi, c'était nous et c'était pas les trafiquants non plus. Et puis après, dès qu'il y avait un flagrant délit, c'est sur ça qu'on se penchait, on sautait dès qu'on pouvait sauter.
01:48 Et puis voilà, c'était notre quotidien.
01:50 - Avant qu'on rentre au cœur de l'affaire, est-ce que vous avez déjà eu un moment très très chaud lors d'une arrestation ? Est-ce qu'il y avait eu un truc ? Est-ce qu'il y a déjà eu un truc ?
02:00 - Des moments très chauds, oui, il y en a beaucoup. Parce que quand... Moi, je vois beaucoup de personnes qui arrivent à juger la police très souvent.
02:06 Et mon mandat syndical me fait dire "mais ils connaissent pas". Parce que c'est très facile de juger derrière un écran et de dire "ben oui, moi, pourquoi ils font ci, pourquoi ils font ça".
02:15 Mais le quotidien dans une cité, tant qu'on n'a pas mis son cul vulgairement dans un véhicule de police et qu'on est à la cité, à Castellane pour ne pas la nommer,
02:23 et que vous interpellez un individu qui a 30 ou 40 bonhommes qui viennent pour vous l'arracher des mains, qui vous arrache la sacoche qu'il avait sur lui, il faut tenir tête quand même.
02:32 C'est pas donner à tout le monde, c'est pas dire qu'on était des héros, mais je pense qu'il faut savoir aussi le faire. Et je pense qu'on le faisait pas si mal.
02:39 – Le 2 octobre 2012, vous êtes chez vous, 8h du matin, des policiers de l'IGPN, ce qu'on appelle communément la police des polices, des policiers viennent vous interpeller.
02:54 On vous soupçonne d'être un flic qui raquette, un flic qui profite du trafic de drogue pour se remplir les poches.
03:01 17 autres de vos collègues sont interpellés. Quand on tape chez vous à 8h du matin et que vous voyez l'IGPN, racontez-nous ça.
03:10 – Quand ils viennent, quand ils tapent, déjà on ne s'y attend pas, c'est très rare quand on sait qu'ils vont arriver.
03:16 Donc quand ils tapent, ils vous demandent juste votre identité pour confirmer juste que ce soit la bonne personne.
03:22 Et ensuite on vous balance tous les chefs d'inculpation, on vous dit que vous êtes placé en garde à vue à partir de telle heure.
03:29 Et puis là vous voyez tous les autres effectifs qui rentrent chez vous, vous avez le chien stup, tous les fonctionnaires qui attendaient un petit peu plus bas qui rentrent.
03:37 Et la perquisition commence avec un tas de questions, donc sur le coup on ne sait pas trop ce qui nous arrive parce que c'est vrai que c'est un tremblement de terre.
03:45 On entend "raquette", "bande organisée" quand on est sûr de soi, ça fait bizarre.
03:51 Sur le coup on a l'impression, et je le dis souvent, on dirait que c'est une machine à laver qui s'est mise en route.
03:55 Et bon, elle a duré longtemps, je vous assure, ça a duré bien longtemps parce que sur le coup on se dit "mais personne m'écoute, j'ai pas de..."
04:01 - Alors on fouille toutes vos affaires ? - Ouais.
04:03 - On fouille toutes vos affaires, ils vous disent quoi ?
04:05 - Ils fouillent les affaires, ils fouillent ma voiture, ils fouillent le terrain, ils font sentir toutes mes affaires, tous mes sacs,
04:11 toutes mes affaires dont je me servais pour aller au travail au chien stup.
04:15 Et la perquisition est négative, il n'y a rien, il y a le chien qui a marqué à aucun endroit, il n'y a rien eu, mais depuis le début ça tout le monde le savait.
04:22 - Vous allez directement au commissariat après cette...
04:24 - Non, ça me va dans une caserne de gendarmerie puisqu'il ne fallait pas qu'on soit en contact avec d'autres policiers puisqu'on était censés tous les connaître sur Marseille.
04:30 Donc on est mis en garde à vue.
04:32 - Vous avez les menottes ? - J'avais les menottes, oui.
04:34 - D'accord. Et là, vous arrivez dans la gendarmerie ?
04:39 - On arrive dans une gendarmerie et puis là on se dit, bon, à un moment, moi quand je suis parti de chez moi, j'ai dit "bon, maintenant c'est bon, je vais prendre un peu de monnaie".
04:46 J'ai dit à ma femme ce soir puisque j'étais persuadé qu'après quelques questions, je sortirais tranquillement.
04:53 Et bon, je l'ai revu 72 jours après, c'était pas la même puisqu'il y avait les 4 jours de garde à vue puisqu'on était en banne d'organiser.
05:00 - Vous avez fait 96 heures. - 96 heures de garde à vue, c'est ce qu'il y a pour les... voilà, c'est criminel.
05:05 Donc du coup, c'était... c'est le but de le faire passer en banne d'organiser, je pense que c'était pour ouvrir toutes les possibilités d'enquête,
05:14 c'est-à-dire les sonorisations dans les voitures de la BAC, les écoutes téléphoniques, la recherche sur nos comptes bancaires.
05:20 Enfin, tout a été épluché, vous vous en doutez bien.
05:22 - Alors, c'est un collègue qui vous a dénoncé ?
05:25 - Alors, un collègue, c'est dur de dire comme ça parce que je ne l'ai jamais considéré tel quel, même bien avant qu'il prenne la parole.
05:31 Mais en fait, c'est quelqu'un qui avait été révoqué déjà de la police nationale et qui jouait en contrepartie de sa réintégration dans la police,
05:37 qui avait dit en gros "moi, je vais vous dire tout ce qui se passe".
05:41 Donc je pense qu'il s'est allevé de toutes les histoires qu'il a racontées.
05:44 Il a donné beaucoup de détails et bien heureux qu'il en ait fait autant parce que du coup, tout a pu être démontré et tout a pu être infirmé.
05:51 Un peu tardivement, je vous l'accorde, puisqu'on a mis un peu de temps à voir que tout était faux.
05:56 - On va en parler dans un instant.
05:58 - Mais voilà, oui, ça part de là.
06:00 C'était censé être le pilier de l'affaire de la BAC Nord et puis finalement, quand la juge d'instruction l'a reçu,
06:05 elle s'est vite aperçue qu'en fait, tout était infirmé et tout était faux.
06:09 - Oui, mais ça a mis du temps. Alors, on vous qualifie de ripoux. Vous répondez quoi à ça ?
06:15 - De ripoux, après, il y a un emballement médiatique, donc vous ne pouvez pas l'arrêter.
06:18 Quand vous arrivez là-dedans, vous ne pouvez pas dire attention, surtout quand on était...
06:21 C'était les 2 premiers jours de garde à vue où ça a commencé à se déchaîner.
06:25 - Vous disiez quoi en garde à vue, les gendarmes ?
06:28 - Les gendarmes, ils vous laissent. Après, ils font leur travail.
06:30 C'est compliqué de dire maintenant "oui, pourquoi j'ai pas eu quelque chose de plus parce que je suis flic ou pas".
06:36 Non, ils font leur travail, ils regardent, ils vous laissent allumer la nuit pour savoir si vous n'avez pas atteinté à vos jours.
06:41 Moi, il faut en vouloir à personne parce qu'ils font leur job.
06:43 Personne ne sait, même si vous, vous vous attendez, vous dites "mais moi, je suis fonctionnaire de police, je risque rien".
06:48 Moi, il m'a dit "oui, mais moi, je fais simplement mon job". Donc, c'est la base, c'est comme ça.
06:53 - Alors, on vous accuse de racketter des dealers, de vous servir dans les saisies. Qu'est-ce que vous dites ?
06:59 - Je me dis qu'à un moment, si quelqu'un avait pris le parti de prendre un peu plus de hauteur,
07:05 et c'est peut-être le réalisateur du film qui l'a fait le premier, qui se dit "mais est-ce qu'on est capable,
07:11 au vu de ce qu'on sait maintenant sur les cités, est-ce que c'est logique de voir des fonctionnaires de police
07:17 arriver dans les trafics de stups et dire "aujourd'hui, voilà, cet argent, c'est le mien, cette drogue, ça va être la mienne,
07:22 je te mets à la main d'un gros, je ne suis pas sûr que ça se serait passé comme ça,
07:25 je pense que ça aurait été les premiers à nous faire comprendre très facilement qu'il fallait arrêter de le faire".
07:30 Je pourrais dire aussi qu'ils ont été entendus, tous ces jeunes ont été entendus par l'IGPN,
07:35 en leur disant "attention, ils sont en prison, vous risquez rien".
07:37 Ils sont même allés les chercher en prison à eux pour leur dire "allez, balancez-les".
07:41 Vous avez bien vu qu'en fait, il n'y a personne qui a parlé, donc je pense que ça a été monté de toutes pièces.
07:45 Il n'y a jamais eu de trafic, il n'y a jamais eu de raquettes.
07:48 Vous ne raquettez pas comme ça, il faut arrêter d'imaginer.
07:51 Ça peut faire parler, couler beaucoup d'encre, mais un flic ne va pas raqueter quelqu'un dans un quartier, ce n'est pas possible.
07:56 – Vous aviez été décoré plus un mois plus tôt par Claude Guéant à l'époque.
07:59 – C'est vrai.
08:00 – Comment vous vivez le fait de passer pour beaucoup de gens de l'autre côté,
08:05 alors que vous étiez, c'est vrai que vous étiez considéré comme un super flic ?
08:11 Dans la tête, comment vous vous dites ?
08:14 Parce que dans l'opinion publique et l'opinion des gens qui vous entourent,
08:20 de passer de l'autre côté, qu'est-ce que vous vous dites ?
08:22 – C'est très compliqué, mais sur le moment, on se dit…
08:25 Enfin, super flic, c'est un grand mot, parce que tout le monde nous parle de ça,
08:29 mais bon, à nous, on faisait juste notre job, c'était le quotidien qui voulait ça,
08:32 on le faisait avec passion, mais ce n'était pas être un super flic.
08:36 C'est compliqué parce qu'on ne s'aperçoit pas trop de ce qui se passe,
08:42 de tout le déchaînement qu'il y a à l'extérieur.
08:45 Je pense que c'est plus le fait de se recentrer sur sa défense,
08:49 et de se faire entendre, parce que le plus dur, c'est ce qu'on comprend très rapidement,
08:53 c'est que toute notre défense, et toute la mienne en tout cas,
08:55 depuis le début, c'est la même, et j'avais l'impression que personne ne m'écoutait.
08:58 – C'est ça.
08:59 – C'est plus se recentrer, se dire avec mon avocat et ma femme,
09:02 "Maintenant, qu'est-ce qu'on fait pour se défendre et sortir de là ?"
09:05 que dire "Je veux m'enlever cette étiquette de Ripoux".
09:08 – Alors, lorsqu'on parle de policiers Ripoux, il y a en réalité des éléments
09:11 qui sont un petit peu embêtants pour vous, notamment des écoutes.
09:16 Les policiers avaient placé des micros dans vos voitures.
09:19 On va écouter un extrait qui a posé problème. Écoutez.
09:22 [Bruit de la télévision]
09:51 [Bruit de la télévision]
10:00 – Alors ça, Cédric, est-ce que vous pouvez nous expliquer cet extrait ?
10:04 – Ça c'est très simple, j'avais eu une vente immobilière
10:07 où l'acheteur m'avait donné une somme en espèces pour éviter la plus-value.
10:15 Donc du coup, je revenais et j'ai toujours parlé de cet argent,
10:19 et tout le monde le savait, puisque vous imaginez bien que dans une voiture,
10:22 quand vous êtes sonorisé, si on enchaîne une discussion,
10:25 tout le monde sait de quoi vous allez parler.
10:27 On n'arrive pas de but en blanc à donner cette phrase comme ça.
10:30 Donc tout le monde savait que j'avais vendu une maison,
10:32 et le but de ce dessous de table à moi, c'était juste de le faire revenir
10:35 dans le compte en banque tout simplement, pour l'avoir, puisque c'était 20 000 €.
10:40 Et du coup, je disais à mes collègues, en gros, si tu as quelque chose à acheter,
10:45 tu me fais un chèque, et voilà.
10:47 C'est parti de notre côté, où on a fait croire que j'étais un peu le banquier
10:51 de la BAC Nord à qui on donnait, et je rebasculais les billets.
10:57 Mais ça n'avait rien à voir.
10:59 Ça a été avoué très rapidement par celui qui m'a fait l'achat de la maison.
11:03 Ils ont trouvé même des traces écrites sur ce que j'avais marqué dans mes cahiers.
11:07 Donc très rapidement, tout le monde a su que cet argent n'avait rien à voir
11:10 avec du trafic de stupéfiants.
11:12 Les impôts m'avaient relevé aussi, puisqu'il y avait une infraction,
11:16 il n'y avait pas de souci, ce n'est pas très glorieux.
11:18 Mais pour ma défense, il faut comprendre, parce que c'est vrai que but en blanc,
11:21 de lire une phrase comme ça, ça peut être choquant, et se dire,
11:24 oui, c'est des policiers, mais c'est une voiture de police,
11:26 où vous êtes trois dans un 2 m2, tout le monde se connaît,
11:29 ça fait 10 ans qu'on est ensemble, tout le monde se raconte sa vie,
11:31 c'est comme ça.
11:32 Maintenant, 10 ans après, on se dit, oui, pourquoi tu as dit ça ?
11:35 Mais en fait, on ne peut pas regretter.
11:37 On ne peut pas regretter de dire à son collègue, en fait, oui, j'ai fait ci,
11:39 j'ai fait ça, c'est une discussion.
11:41 Je pense qu'il y a des discussions où chacun se retrouverait dans une voiture,
11:44 si on en prend un bout et qu'on le ressort comme ça,
11:46 tout le monde se dirait, mais pourquoi j'ai dit ça ?
11:48 - On va revenir, bien sûr, sur tout ça,
11:51 parce qu'il y a eu une perquisition au commissariat également
11:53 par les policiers de l'IGPN, et puis très vite, vous êtes incarcéré,
11:57 puis placé à l'isolement, vous racontez notamment une nuit compliquée
12:00 qu'on va vous raconter dans un instant.
12:02 Restez avec nous, puis dans un instant,
12:04 Andrea sera avec nous, proche de Pierre Palmad.
12:07 Quand le drame sort du silence, il devenait fou.
12:10 Ce qu'on racontait dans un instant, Andrea,
12:15 je suis très heureux d'avoir Andrea ce soir,
12:17 parce qu'elle était vraiment à la soirée,
12:19 elle était là avant le drame qui s'est passé,
12:21 donc c'est un témoignage exceptionnel.
12:24 Pour le moment, on a un autre témoignage exceptionnel,
12:26 celui de Sébastien Soulé, je suis très content de l'avoir,
12:28 Sébastien, ce soir, ancien policier de la Bac Nord,
12:31 flic à la Bac Nord, co-écrit avec Christian Marques,
12:33 aux éditions City, c'est son livre,
12:35 où il nous raconte ce qui lui est arrivé,
12:37 puisque vous avez été, voilà,
12:41 vous avez inspiré d'ailleurs le film Bac Nord,
12:45 et vous nous racontez, on vous a soupçonné,
12:49 même incarcéré pour blanchiment d'argent,
12:52 ou encore, on vous disait que vous étiez
12:57 jonglé entre le trafic de drogue,
12:58 l'arrêtement de compte, délinquance, en tout genre,
13:00 et vous êtes incarcéré.
13:02 Donc, on a entendu une conversation dans la voiture,
13:06 puisqu'il y avait des micros dans la voiture,
13:07 juste avant, il y a eu une perquisition au commissariat
13:09 par les policiers de l'IGPN, ils ont trouvé quoi ?
13:12 – Ils ont trouvé des produits stupéfiants
13:15 dans les faux plafonds, mais ça c'est pareil,
13:17 ça a été dit d'entrée, oui, c'est les vestiaires de la Bac Nord,
13:19 ce n'était pas les vestiaires de la Bac Nord,
13:21 puisque nous n'étions que 60 fonctionnaires,
13:23 c'était les vestiaires de tout le commissariat
13:25 qui représente quand même 300 ou 400 fonctionnaires.
13:27 – C'est énorme, c'est que dans le commissariat,
13:28 il y avait donc, dans le faux plafond,
13:29 il y avait des produits stupéfiants.
13:30 – J'allais y venir, effectivement,
13:32 ce n'est pas parce que ce n'était pas les nôtres
13:33 que c'était normal, c'est une certitude.
13:35 Il faut savoir aussi que toutes nos empreintes génétiques
13:37 avaient été prises pour trouver quelque chose,
13:41 traces sur les sachets, il n'y avait rien qui correspondait.
13:44 Maintenant, je pense que c'était plus des récupérations
13:47 de produits stupéfiants qui étaient trouvés dans les quartiers,
13:50 seuls, abandonnés, pour la rémunération d'Indic.
13:54 D'ailleurs, l'affaire aussi, le procès l'a fait ressortir,
13:58 ça a existé, de toute façon, vous savez très bien
14:01 que dans ces quartiers, s'il n'y a pas d'Indic,
14:03 vous n'avez quand même pas trop d'infos,
14:05 donc il ne faut pas se voiler la face, ça a fonctionné comme ça.
14:08 – Vous êtes incarcéré ? – Oui.
14:11 – Combien de temps ? – 69 jours.
14:13 – Exactement, puis placé à l'isolement.
14:15 Pourquoi vous avez été placé à l'isolement ?
14:16 – C'est une sécurité pour moi, puisque…
14:18 – C'est clair, je viens de le dire.
14:19 – Moi, je l'avais demandé, j'avais pas demandé à me retrouver,
14:23 mais c'est que le temps en isolement est hyper long,
14:26 on ne le comprend pas tout de suite, mais on se dit,
14:28 moi aussi j'ai envie d'aller parler avec quelqu'un,
14:30 parce que c'est compliqué quand même, 69 jours,
14:32 on se retrouve seul, face à face avec soi-même,
14:35 et le matos m'a dit gentiment, il m'a dit,
14:38 si tu sors, au bout de deux minutes, tu es dans un angle mort d'une caméra,
14:41 ils vont te lécher, tu ne ressortiras pas vivant,
14:43 donc j'ai dit, c'était juste une question comme ça,
14:45 mais voilà, c'est pour notre propre sécurité,
14:48 parce qu'on rentre quand même avec le statut de policier,
14:50 ce qui n'est pas évident quand on arrive dans ce milieu-là.
14:53 – Vous avez été insulté, menacé en prison ?
14:55 – Insulté, c'est très rapide, mon prénom a été su
14:59 à partir de la minute où je suis rentré,
15:02 donc bien sûr qu'on vous insulte, on vous menace de mort,
15:05 on dit qu'on va s'en prendre à votre famille à l'extérieur,
15:07 il y avait le détenu qui était en dessous,
15:09 qui tapait avec un objet contendant, je ne sais pas ce que c'était,
15:12 mais qui m'a empêché de dormir pendant plusieurs nuits,
15:15 en me demandant "position, mission ?"
15:17 Alors "position, mission", c'est un peu le mot qu'on donne dans la police
15:20 quand votre station qui vous envoie sur l'émission,
15:23 vous demande si vous êtes déjà engagé sur une mission,
15:26 si toutefois vous faites, à quel endroit vous vous trouvez,
15:29 donc c'était assez amusant avec le recul,
15:32 c'était amusant qu'il me donne ce mot-là,
15:34 maintenant quand on est au premier jour de sa détention,
15:37 c'est pas comme ça qu'on le perçoit.
15:39 – Le personnel pénitentiaire était plus sympa avec vous ou moins ?
15:43 – Ça dépend de lesquels, on ne va pas se mentir,
15:45 il y en a qui ont été gentils, qui m'ont octroyé 5 minutes de parole,
15:49 ce qui ressemble à une éternité quand on est en détention.
15:53 Il y en a d'autres qui vous prennent comme un simple détenu,
15:56 donc est-ce qu'il faut leur en vouloir pour ça ?
15:59 Non, parce qu'à ce moment-là, j'avais le statut de détenu et pas celui de policier.
16:03 "Je suis bloqué entre ces quatre murs, ce cauchemar éveillé prend la fin
16:06 quand le détenu en question se taira au bout d'un laps de temps
16:09 qui m'a paru interminable.
16:10 Je vais alors me rendre compte au fil des jours
16:12 que ma présence est certes connue, mais qu'elle n'est en plus pas supportée."
16:16 C'est un extrait du livre, c'est un extrait fort du livre.
16:20 – Supportée c'est simple, c'est qu'à un moment, vous savez,
16:22 vous avez un puits de lumière de mètre carré dans la cellule,
16:25 vous vous dites "je vais aller voir un peu ce qui se passe
16:27 pour essayer d'avoir un rayon de soleil"
16:29 et là, il y en a un qui s'est aperçu parce que ça va vite,
16:32 savoir dans quelle cellule est le policier ou le flic de la BAC Nord.
16:37 Donc du coup, il s'est mis à hurler, la prison a tout repris,
16:39 le matin il est rentré dans ma cellule et m'a dit "ça, il faut que tu arrêtes".
16:42 Donc j'ai dit "j'arrête quoi ?" Il m'a dit "tu ne te mets plus à la fenêtre".
16:45 Bon, ben j'ai dit "ben écoutez…" – Ça criait quoi à la fenêtre ?
16:47 – Il n'y a pas de souci.
16:48 Ben ça criait, c'est des insultes, vous imaginez bien,
16:51 je ne vais pas répéter maintenant, ça ne sert à rien,
16:53 mais vous imaginez comment on est reçu déjà dans un quartier,
16:56 donc imaginez quand vous êtes en milieu carcéral,
16:58 au milieu de ceux que vous avez fait tout pour qu'ils aillent là-bas,
17:01 donc c'est compliqué.
17:03 – 10 ans après, en avril 2021, c'est le procès ?
17:06 – C'est ça.
17:07 – Vous l'attendiez avec impatience ou vous le redoutiez ?
17:09 – Les deux, parce qu'on ne savait pas trop ce qu'on allait devenir,
17:13 on attendait à être entendus enfin, parce que ça faisait 9 ans
17:15 que je vous dis qu'on disait la même chose,
17:17 que personne ne nous écoutait, on nous disait "oui, oui, c'est ça".
17:20 Donc très stressé parce qu'on ne sait pas ce qu'on va devenir
17:23 quand on passe entre les mains de la justice,
17:25 mais content avec l'issue, forcément très content,
17:28 et content surtout d'avoir été entendu.
17:31 – On apprend lors du procès qu'il y a eu des erreurs de retranscription
17:34 lors des écoutes, à 70% elles sont erronées, c'est incroyable.
17:37 – C'est ça, en fait il y a un passage qui a été analysé,
17:40 et sur le passage 70% étaient erronés, donc on en vient en gros à…
17:44 – C'est pas possible, c'était pour nuire ça, c'était pour nuire.
17:48 – Je pense qu'à un moment on a voulu montrer une image de policier
17:54 qui était négative, et du coup, pour exemple, à un moment je dis "tiens sang",
18:00 ça devient "tiens sensang", donc ça veut dire en gros
18:02 "vous avez partagé de l'argent", et jusqu'à ce que vous écoutiez,
18:04 c'est moi-même qui leur dit "mais j'ai jamais dit ça".
18:07 Et donc du coup il y en a eu plusieurs, c'était un partage avec de l'argent,
18:11 où je dis "on s'est fait 5 000 euros à deux",
18:13 où on est persuadé que j'ai partagé de l'argent avec un collègue,
18:16 alors que je parlais du salaire avec ma femme,
18:18 et le problème c'est que sur la retranscription,
18:20 il s'est marqué deux lignes au-dessus, donc il n'y avait pas besoin
18:23 d'aller bien plus loin pour comprendre qu'on ne disait pas tout et n'importe quoi.
18:27 – Sur les 18 arrêtés, 7 sont innocentés, dont vous, non ?
18:30 – Oui.
18:31 – Mais 11 sont condamnés à de la prison avec sursis,
18:34 donc tout le monde n'était pas blanc bleu.
18:36 – Non, mais ça, il n'y a pas eu de souci,
18:38 il y avait eu de la rémunération d'Indic, comme je vous l'ai dit,
18:40 ça a été le plus gros sur l'affaire.
18:42 La plus grosse peine c'est 10 mois avec sursis,
18:44 avec une non-inscription au casier judiciaire,
18:46 ce qui veut dire que ça leur laisse la possibilité
18:49 de travailler toujours dans la police nationale,
18:51 mais on est loin quand même de ce qu'on nous avait dit
18:55 il y a 9 ans ou 10 ans, en disant que c'était un racket,
18:58 un bande organisé, qu'on finirait aux assises
19:00 et qu'on risquait 20 ans de prison, parce que c'est un peu comme ça
19:02 qu'on nous a vendus.
19:03 – Oui c'est vrai.
19:04 Aujourd'hui vous êtes toujours policier ?
19:05 – Oui.
19:06 – Mais vous avez complètement changé de mission, vous faites quoi ?
19:08 – Maintenant je suis représentant syndical chez Allianz,
19:10 je suis responsable de tout le sud de la France.
19:12 – D'accord, ça se passe bien ?
19:13 – Très très bien.
19:14 – Vous êtes heureux ?
19:15 – Très heureux.
19:16 – Est-ce que vous repensez à ce qui s'est passé aux 69 jours de placard ?
19:21 – Ça on y repensera toujours, la cicatrice ne se refermera jamais,
19:24 c'est une certitude.
19:25 Maintenant j'arrive à me remémorer tous les bons côtés
19:30 de tout ce que j'ai vécu avec mes collègues dans cette voiture
19:34 et c'est quelque chose qui ne me venait pas aussi rapidement il y a quelques temps
19:38 et maintenant je suis vraiment très content
19:40 parce que j'arrive à me dire que j'ai passé 9 années magnifiques.
19:44 – Ça vous manque ?
19:45 – Ça ne me manque pas parce que je l'ai vécu et je pense que
19:48 ceux qui l'ont vécu, c'est dans les veines, on vit avec.
19:52 Mais maintenant je kiffe plus de défendre mes collègues.
19:56 – Très bien.
19:57 – Voilà, ça a basculé, j'ai changé.
19:59 – Merci Sébastien Soulet, ancien policier de la BAC Nord,
20:02 flic à la BAC Nord, co-écrit avec Christiane Marquez aux éditions City.
20:05 Merci d'avoir été avec nous Sébastien et revenez nous voir quand vous voulez.
20:10 bien.
20:10 [Musique]
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