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Ce n'est un secret pour personne, les blockbusters coûtent une fortune à produire. Fast & Furious X : 340 millions $. Jurassic World : 380 millions $. Si aujourd'hui ces chiffres ne choquent plus personne, ça n'a pas toujours été la norme. Il y a 30 ans, le coût moyen pour produire un blockbuster était de 60 millions de dollars. Aujourd'hui on est plus proche de 150 millions et ça continue de monter !

Mais qu'est-ce qui explique l'explosion des budgets des blockbusters ? Et est-ce que ça en vaut vraiment le coût ?

C'est ce à quoi on va tenter de répondre dans ce nouvel épisode d'Explained.

Et oui c'est bien en 2023 que Barbie est sorti, non en 2003 !
Transcription
00:00 En 2023 sortait le dixième film de la série Fast & Furious.
00:04 Coût estimé du film ?
00:06 340 millions de dollars.
00:09 Assez pour s'acheter 260 maisons en plein cœur de Paris.
00:12 Mais c'est surtout dix fois plus cher que le premier film sorti il y a maintenant 23 ans.
00:16 Ouais, 23 ans.
00:18 Et c'est une tendance qu'on retrouve dans la majorité des blockbusters sortis ces 20 dernières années.
00:22 Ils coûtent de plus en plus cher.
00:24 En 1990, un blockbuster coûtait en moyenne 63 millions de dollars à produire.
00:29 En 2019, on était plutôt autour des 141 millions.
00:33 Soit l'équivalent du PIB de ce petit pays.
00:36 Mais pourquoi les blockbusters coûtent de plus en plus cher ?
00:38 Et est-ce que ça en vaut vraiment le coup ?
00:40 Satoum ! Action !
00:42 Déjà, c'est quoi un blockbuster ?
00:45 En général, c'est produit par un grand studio, comme Warner Bros ou Disney,
00:49 avec un budget pharaonique, des scènes d'action énormes, une histoire rarement compliquée.
00:55 Et surtout, un blockbuster, ça rapporte énormément au box-office.
00:59 Le premier film Avatar a fait presque 3 milliards de dollars,
01:02 et Barbie, sorti en 2003, a tranquillement rentré 1,5 milliard.
01:06 Mais où va cet argent ?
01:08 Si on prend l'exemple de Fast & Furious, avant, on avait ça.
01:14 Aujourd'hui, on a plutôt droit à ça.
01:23 *bruit de tirs*
01:30 Et oui, ça, pas du tout la même gueule, et ça, c'est uniquement grâce aux effets spéciaux numériques,
01:34 ou CGI, en anglais.
01:36 Oh, hé, oh, je parle !
01:38 Si on prend le top 10 des films les plus chers de l'histoire,
01:41 tous sont blindés de CGI.
01:43 La majorité du budget de Jurassic World est d'ailleurs partie dans l'animation des dinosaures.
01:48 Cette scène a, elle seule, à mobiliser 36 personnes pendant 5 mois.
01:53 Sorti en 1993, le premier Jurassic Park comptait 63 plans faits par ordinateur,
01:58 du jamais vu à l'époque,
02:00 alors que le dernier de la série en comporte plus de 2000.
02:03 Sachant qu'un plan coûte en moyenne 40 000 dollars, l'addition monte très vite.
02:08 Résultat, le budget moyen d'un blockbuster pour les effets numériques tourne autour des 50 millions de dollars.
02:13 Et il peut monter encore plus haut.
02:15 Le budget d'Avatar a dépassé les 100 millions de dollars.
02:18 Pas étonnant quand on sait que 98% des plans du film ont été générés numériquement.
02:23 Mais ça ne se limite pas qu'aux explosions et aux monstres.
02:26 Il faut aussi ajouter ou effacer des gens,
02:28 remplacer des fonds verts ou supprimer des câbles.
02:31 La quasi-totalité des films récents comportent des effets numériques.
02:35 Et oui, même le dernier film de Nolan.
02:37 Même si lui dit le contraire.
02:39 Pour la petite histoire, Christopher Nolan a oublié de créditer
02:51 à peu près 80% des techniciens qui ont travaillé sur les effets spéciaux de Oppenheimer.
02:55 C'est pas hypocrite ?
02:57 Bref, un blockbuster sans effets spéciaux, c'est comme la France sans fromage.
03:01 Ça ne marche pas.
03:03 Les technologies utilisées pour les effets spéciaux ont tellement évolué ces dernières années
03:07 qu'on a tendance à beaucoup se reposer dessus.
03:09 C'est la fameuse phrase qui est tournée en dérison,
03:12 "Oh, on verra ça en post-prod".
03:14 Ça veut dire, bon bah tant pis si c'est un peu raté ou si on n'a pas vraiment fait ce qu'il fallait,
03:18 on le rattrapera plus tard.
03:20 Il y a une autre raison pour laquelle les effets numériques sont devenus indispensables.
03:23 Jusqu'à août 2023, c'était un des seuls secteurs d'Hollywood
03:26 où la majorité des employés n'étaient pas syndiqués.
03:29 Les studios préféraient faire travailler une armée de gens payés aux lance-pierres
03:32 plutôt que d'investir dans d'autres postes plus encadrés,
03:34 comme les décorateurs ou les costumiers.
03:36 À cause de cette précarité, certains studios ont même dû mettre la clé sous la porte,
03:40 comme Riz et Manhu,
03:41 qui a fermé alors qu'ils venaient de gagner un Oscar des meilleurs effets spéciaux pour l'Odyssey de Pi.
03:49 Les tournages
03:51 Pour faire un film, il faut du monde.
03:53 Beaucoup de monde.
03:55 Costumes, lumières, équipes caméra, décors, figurants, acteurs, maquilleurs, sons,
04:00 tout ça représente en moyenne des centaines de personnes.
04:03 Autre chose qui pèse sur le budget des tournages, c'est cette manie de faire des franchises.
04:07 Indiana Jones, Rocky, Star Wars, ok, ça a toujours existé,
04:11 mais l'avènement du Marvel Cinematic Universe en 2008 a amplifié ce phénomène.
04:15 Et aujourd'hui, on se retrouve avec un à trois films de la même franchise
04:19 par an, et tous les studios font pareil.
04:21 Mais pourquoi faire des franchises coûte plus cher ?
04:24 Eh bien parce qu'il faut réserver pendant plusieurs années
04:27 des acteurs payés parfois des dizaines de millions de dollars par film.
04:31 Par exemple, Robert Downey Jr, qui a gagné 1,5 million de dollars pour le premier Iron Man,
04:36 a engrangé un total de près de 435 millions de dollars
04:40 pour toutes ses participations au film Marvel.
04:43 Mais Robert n'était pas tout seul.
04:45 Fini l'époque où les films tournaient autour d'une seule tête d'affiche.
04:48 Dans les blockbusters d'aujourd'hui, on a des têtes d'affiches.
04:51 Typiquement, si on prend l'exemple de Dune 2,
04:53 les seconds rôles sont tous des acteurs et des actrices qui sont au top.
04:57 Par exemple, Florence Pugh, qui a explosé avec d'abord des films indépendants,
05:02 puis avec Black Widow, et qui aujourd'hui est réclamée partout.
05:06 Eh bien elle, elle joue un second rôle dans Dune.
05:08 Ou Austin Butler, qui faisait Elvis, aujourd'hui il fait des seconds rôles,
05:12 alors que c'est un des acteurs les plus bankables.
05:15 Vous avez un casting qui, au global, va vous coûter plus cher.
05:18 Un autre facteur peut expliquer pourquoi les tournages sont de plus en plus chers.
05:21 Beaucoup de films hollywoodiens sont tournés au Royaume-Uni,
05:24 où les salaires sont légèrement plus élevés.
05:26 Et ça, c'est parce que le gouvernement du Royaume-Uni
05:28 offre une remise en espèce de 25% sur toute production embauchant du personnel britannique.
05:33 En gros, une production qui investit 50 millions de dollars au Royaume-Uni
05:37 peut en récupérer 10 millions en cash.
05:38 Et avec ce système, les studios se font beaucoup de blé.
05:41 Les studios Disney, entre le tournage des films Marvel et d'autres productions,
05:45 auraient reçu 272 millions de dollars du gouvernement britannique sur ces 10 dernières années.
05:51 Problème, le Royaume-Uni ne touche pas un centime de l'argent généré par ces films,
05:55 puisqu'ils sont déclarés aux Etats-Unis.
05:57 Et oui, le cinéma, c'est pas que le 7ème art, c'est aussi un très gros business.
06:01 Et à la tête de ce business, il y a les studios.
06:03 Vu qu'ils financent tout, c'est eux qui ont le dernier mot.
06:10 Le but, faire un max de profit.
06:13 Et pour ça, ils vont tester tout ce qui marche en le moment.
06:15 Par exemple, pour Suicide Squad, à la base, le studio voulait un truc super sérieux,
06:19 mais il y a les Gardiens de la Galaxie qui sont sortis, et ça a marché de ouf.
06:23 Du coup, ils sont partis retourner plein de scènes, juste pour ajouter des blagues.
06:27 Et ces changements, ou plutôt ces caprices, peuvent coûter des dizaines de millions de dollars.
06:38 Un des exemples les plus absurdes est le film Justice League,
06:41 qui a changé de réalisateur en cours de route,
06:43 et dont les reshoots ont coûté plus de 25 millions de dollars.
06:46 A noter que ce prix si élevé est en partie justifié par les millions dépensés
06:50 pour effacer numériquement la moustache d'Henri Cavill,
06:53 qu'il n'avait contractuellement pas le droit de raser
06:55 à cause du tournage de Mission Impossible Fallout, qui se déroulait en même temps.
06:59 En faisant nos recherches, on a remarqué un truc.
07:04 On ne sait pas vraiment combien dépensent les studios,
07:06 parce qu'ils ne dévoilent tout simplement pas leurs chiffres.
07:08 Le budget aujourd'hui déclaré le plus haut,
07:12 il me semble que c'est le Star Wars de 2015, le Réveil de la Force.
07:16 C'est un tout petit peu en dessous de 450 millions de dollars.
07:20 Ça, c'est la version officielle.
07:21 Mais en fait, vous avez des films où vous ne savez pas trop combien ils ont coûté.
07:25 C'est des fourchettes Avatar 2, par exemple.
07:27 La fourchette haute, elle est au-dessus, elle est à 460 millions,
07:30 mais on vous donne aussi 350.
07:32 Pourquoi ?
07:33 Eh bien, parce que les studios gonflent régulièrement les budgets des films.
07:36 Soit c'est du bluff,
07:37 parce qu'ils veulent montrer à quel point ils croient dans le projet,
07:40 ou c'est tout simplement pour se faire plus de thunes.
07:42 Parce que plus le film a coûté cher,
07:44 moins il reste à partager à la fin.
07:45 Le budget d'Avengers Endgame est estimé à 356 millions de dollars,
07:53 auxquels il faut rajouter un peu plus de 200 millions pour le marketing.
07:57 Avec une sortie dans le monde entier, ce pari a fini par payer.
08:00 Le film a généré plus de 2,7 milliards de dollars,
08:04 et c'est devenu le deuxième film à avoir généré le plus de bénéfices
08:08 de l'histoire du cinéma.
08:09 Et l'autre chose qui coûte cher aujourd'hui, c'est les partenariats.
08:13 Alors Barbie est un excellent exemple.
08:15 Ils ont tissé des centaines de partenariats avec des marques,
08:18 et ça, ça a fait exposer le budget marketing.
08:21 Barbie, le budget marketing était de 150 millions de dollars,
08:25 c'est-à-dire à peu près autant que le budget du film lui-même,
08:28 qui était entre 145 et 150 millions.
08:30 Mais c'est une estimation des médias,
08:32 le studio Warner n'a jamais voulu confirmer
08:35 le montant des dépenses marketing de Barbie.
08:37 Faire un blockbuster, ça coûte un rat, et ça va continuer de coûter un rat.
08:41 Entre fin 2023 et début 2024, les budgets tournent autour de 200 millions de dollars,
08:47 et vu les bénéfices, le jeu en vaut la chandelle.
08:50 Mais si certains d'entre eux arriveront à faire des milliards de dollars au box-office,
08:54 ces milliards sont mal redistribués.
08:56 Entre les budgets gonflés par les studios
08:58 et le manque de transparence des plateformes de streaming,
09:00 il est de plus en plus difficile de calculer les droits d'auteur des scénaristes ou des acteurs,
09:04 dont les revenus se sont effondrés depuis les années 90.
09:08 Une précarisation qui a provoqué la grève des principaux syndicats d'Hollywood à l'automne 2023.
09:13 En parallèle, Hollywood enchaîne les flops.
09:15 En 2023, Marvel et DC ont perdu à eux seuls plusieurs centaines de millions de dollars au box-office.
09:22 C'est peut-être le début de la fin des blockbusters.
09:24 Il va y avoir une implosion où 3 ou 4 ou peut-être même une moitié de dizaine
09:29 de ces super films budgétaires vont tomber au sol,
09:33 et ça va changer le paradigme à nouveau.
09:35 C'est bon pour moi ?
09:36 Nickel !
09:38 Sous-titrage Société Radio-Canada
09:41 Les films de la série "Le Monde"
09:43 Le monde de la cinématographie
09:45 Le monde de la cinématographie
09:47 Le monde de la cinématographie
09:49 Le monde de la cinématographie
09:51 Le monde de la cinématographie
09:53 Le monde de la cinématographie