• il y a 9 mois
RTL donne la parole à une jeune éleveuse du Gers, une voix qui compte, avec un avis bien tranché. Noémie Calais fait partie de ces nouveaux visages paysans, que l'on voit de plus en plus d'ailleurs prendre la parole sur ce métier, ces difficultés. Pour elle, "l'écologie est la solution".
Regardez L'invité de RTL Soir du 26 février 2024 avec Julien Sellier.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL bonsoir.
00:05 Isabelle Choquet et Cyprien Simi.
00:07 Allez RTL bonsoir à la suite. 18h18 minutes. Nous accueillons maintenant notre invitée face à l'événement en pleine crise agricole après la
00:16 longue et mouvementée visite d'Emmanuel Macron au salon de l'agriculture ce week-end. Nous voulions ce soir un témoignage
00:21 de terrain. Ça tombe bien nous recevons une jeune éleveuse du Gers. Bonsoir Noémie Calais. Bonsoir. Merci d'être avec nous. Vous faites partie de ces
00:28 nouveaux visages paysans. On vous voit de plus en plus d'ailleurs prendre la parole sur votre métier et sur ses difficultés.
00:33 Une voix qui compte avec un avis bien tranché. Pour vous je vous cite l'écologie est la solution. Ce n'est pas forcément ce qu'on
00:39 peut entendre partout dans les allées du salon ou depuis quelques semaines sur les exploitations.
00:43 Vous élevez d'ailleurs en bio des porcs noirs.
00:45 Je précise aussi on y reviendra que vous avez été diplômée de Sciences Po consultant à Londres à Hong Kong avant de revenir
00:51 à la terre. Pour commencer un mot déjà de cette agitation médiatique
00:55 autour de votre métier autour de ce salon. Le premier ministre demain matin sera depuis le salon l'invité de RTL dès
01:00 7h30. Aujourd'hui RN, LR, PS, LFI se sont pressés entre les stands.
01:06 Le monde politique en campagne pour parler des campagnes. Qu'est ce que ça vous évoque ?
01:10 Alors moi je trouve ça évidemment
01:14 un très très bon signe que le monde politique s'intéresse au monde agricole mais
01:19 évidemment pas seulement dix jours par an. En fait nous ce qu'on voit à la campagne c'est que véritablement les citoyens, les consommateurs
01:24 sont autour de nous et portent un véritable intérêt à ce qu'ils consomment. On les voit toutes les semaines se presser sur nos stands de marché.
01:31 En fait moi ce qui m'interroge beaucoup dans
01:34 ce traitement du salon en ce moment c'est que les consommateurs, les citoyens sont les grands oubliés et en fait nous on les voit
01:41 s'intéresser à nos métiers absolument toutes les semaines sur nos territoires. Donc là j'espère que les hommes politiques vont pouvoir
01:49 comprendre les véritables problématiques du monde agricole, donc celle du revenu, celle des paysans qui ont du mal à produire, à se
01:56 rémunérer et qui sont un petit peu les proies d'un libre-échange qui ne fait pas attention à eux, qui ne fait pas attention
02:01 à leurs conditions de production et qu'ils vont essayer de proposer des solutions qui soient bonnes à la fois pour
02:07 les paysans mais également pour les consommateurs pour aider à produire une alimentation
02:10 de qualité, qui soit saine, qui soit accessible aussi au niveau de son prix pour nourrir les gens
02:16 correctement avec des produits faits à côté de chez eux. Pour moi c'est ça la vraie souveraineté alimentaire
02:20 puisque ce mot revient énormément mais je pense qu'il est en train d'être un petit peu dévoyé de
02:24 son sens initial. Alors si on parle de ce temps très politique là en ce moment
02:28 Emmanuel Macron fait savoir qu'il attend des agriculteurs 4 ou 5 revendications,
02:32 clair pas des dizaines mais entre votre vision à vous de l'agriculture et celle de la FNSEA ou de la coordination rurale qui
02:39 multiplie les actions coup de poing, il y a quand même un monde, on a l'impression que tous les paysans ne réclament pas forcément la
02:44 même chose. Oui parce qu'en fait il n'y a pas une agriculture, c'est pas du tout uniforme comme milieu, il y a des agricultures et
02:50 des disparités également de revenus qui sont énormes entre, je prends un exemple tout bête, mais les céréaliers de la Bosse
02:56 qui vont avoir des très très grosses exploitations
02:58 et puis des paysans qui vont être dans des zones beaucoup plus
03:02 défavorisées, des zones de coteaux comme c'est le cas par chez moi dans le Gers, des zones de montagnes et en fait l'agriculture
03:07 nourricière pour ces territoires c'est une agriculture qui s'adapte aux besoins de son territoire. En fait on ne fait pas la même chose
03:14 sur une grande plaine et sur un coteau caillouteux où on va avoir une terre qui est très fragile et en fait le
03:21 problème je pense de l'industrialisation de l'agriculture vers laquelle on est en train d'aller
03:28 vraiment de plus en plus vite et c'est le sens des annonces qui ont été faites notamment sur l'élevage hier par Marc Fesneau, c'est qu'on essaye
03:36 d'harmoniser une production absolument partout en France pour coller à des critères de libre-échange
03:43 mondiaux et en fait c'est juste pas possible.
03:45 Est-ce que ça veut dire aussi que vous, jeune éleveuse bio du Gers,
03:48 vous n'avez pas grand chose à voir avec le patron de la FNSEA qui a 700 hectares d'exploitation
03:52 et qui fait partie d'une dizaine d'entreprises qui est aussi homme d'affaires, est-ce que vous avez la sensation que vos préoccupations
03:57 elles ne sont pas franchement portées par par exemple le syndicat majoritaire qui a l'oreille du gouvernement, qui discute avec le gouvernement aujourd'hui ?
04:04 Oui, là je suis totalement d'accord avec vous. En fait moi je me sens beaucoup plus
04:08 entendue et portée par la voix de la Confédération Paysanne qui a quand même 20% des votes des agriculteurs aux dernières élections
04:15 professionnelles de 2019, donc c'est quasiment autant que la coordination rurale qu'on entend énormément ces jours-ci, donc c'est quand même
04:21 énorme, c'est une voix qui devrait porter, qu'on n'entend pas assez je trouve, mais qui est vraiment une force de proposition
04:28 pour avoir demain un environnement qui reste viable, un écosystème qui soit fonctionnel,
04:34 des haies, des prairies permanentes, enfin toutes ces choses qui sont des
04:38 véritables atouts pour que nous paysans on puisse continuer à vivre de notre métier dans un écosystème qui fonctionne et aussi qu'on préserve notre santé
04:46 parce qu'en fait tout ce grand débat autour des pesticides, autour du plan phyto, c'est pas simplement des petits débats techniques sur des indicateurs,
04:52 c'est notre santé, c'est la vie des gens qu'on nourrit.
04:55 C'est un exemple concret, quand l'une des réponses fortes jusqu'ici, c'est la suspension du plan éco-phyto sur les pesticides,
05:00 vous ça vous fait bondir j'imagine ? - Bah oui parce qu'en fait ça ne résout rien du tout,
05:04 ça ne résout rien du tout et vous savez c'est étonnant parce qu'il y a un sondage qui est sorti jeudi
05:09 qui a été
05:11 demandé par le collectif nourrir et en fait ce sondage a interrogé à peu près 600 agriculteurs au mois de novembre et
05:17 l'une des questions qui a été posée c'était
05:20 la transition agroécologique, pour vous c'est quoi ? C'est une menace ? C'est un problème ? Ou alors c'est une nécessité, une opportunité ?
05:26 En fait pour 85% des agriculteurs interrogés c'est une nécessité ou une opportunité et en fait leur choix
05:34 bien sûr, bien sûr je trouve qu'on entend qu'ils disent "on ne peut pas travailler sans pesticides" pour vous ils sont surreprésentés aujourd'hui ?
05:40 - C'est pas forcément une question de sur ou sous-représentés, c'est de dire qu'il y en a beaucoup qui ont envie d'être
05:46 accompagnés dans la transition vers des pratiques plus
05:49 plus vertueuses pour leur santé, pour la santé de leur sol et cet accompagnement là malheureusement
05:55 n'est absolument pas proposé par les pouvoirs publics. - Vous
05:58 Noémie Calais, jeune agricultrice, vous insistez aussi beaucoup sur la terre, sur le besoin de la
06:03 sanctuariser parce que s'installer
06:05 quand on est jeune, ce qui a été votre cas,
06:07 c'est un peu le parcours du combattant alors même qu'on a besoin de jeunes paysans parce que la France a perdu 100 000 fermes en 10 ans.
06:12 - Tout à fait, en fait on a un véritable défi à relever sur le renouvellement des générations, c'est à dire l'installation des jeunes paysans
06:20 de demain. En fait il en faudrait 20 000, 25 000 chaque année et pour le moment on est à la moitié de ça.
06:26 Et alors pourquoi ? Parce qu'en fait le métier, surtout depuis le Covid, il intéresse énormément. Enfin moi quand j'ai commencé
06:31 à parler de mon métier, à écrire ce bouquin "Plutôt nourrir" qui est sorti il y a un an et demi, mais quel
06:36 buzz en fait autour du métier, autour de la vie rurale.
06:40 C'est des vies qui offrent quand même énormément d'agréments, de qualités de vie, nos fermes sont ouvertes, c'est pas des fermes fermées,
06:46 on fait des fêtes, on fait des banquets, on a vraiment des tas de choses à partager et ça fait envie. Le gros problème
06:52 c'est qu'il y a des freins d'entrée. Il y a plein de jeunes installés, de jeunes porteurs de projets qui aimeraient s'installer.
06:59 C'est dans les 20 000, voilà, et il y en a 12 000 qui s'installent chaque année. Pourquoi ? Vous venez de le souligner, c'est le prix de la terre.
07:05 Dans le Gers, en 15 ans, le prix du foncier a doublé. Et en fait s'il continue à doubler tous les 15 ans,
07:11 comment on va revendre nos fermes ? Comment les personnes qui partent à la retraite actuellement
07:16 et un quart des exploitants partira à la retraite d'ici 2030 sans être remplacés ? C'est énorme. Comment on va
07:23 transmettre nos fermes ? En fait, là, pour aller vers des systèmes comme le gouvernement le promeut avec le plan de l'industrialisation de l'élevage
07:30 notamment, il va falloir débourser des millions d'euros pour s'installer sur du bâtiment, sur du foncier. Comment voulez-vous
07:35 qu'on fasse ? En fait, moi j'ai décidé de me mettre sur un système
07:38 collectif, de m'installer avec d'autres personnes parce qu'on peut se partager le matériel. Donc on s'endette moins et on a décidé de passer par
07:45 un portage foncier par terre de lien. Ce sont des citoyens qui donnent de l'argent à une
07:50 association, qui achètent le foncier pour qu'on n'ait pas, nous, à l'acheter. Et en fait, ça, ça joue énormément
07:55 au démarrage sur notre investissement de départ et on est beaucoup plus libre derrière de nos choix. On ne s'endette pas sur 25 ans, 30 ans
08:02 pour faire le métier qu'on aime.
08:04 - Il y a quand même un sujet qui fait consensus,
08:06 Noémie Calé. C'est la pression qui est exercée sur vous, les agriculteurs, par la grande distribution, par les industriels.
08:12 Vous, vous vendez en direct sur les marchés. Est-ce que vous pensez que ce modèle-là, il peut devenir majoritaire, il peut sauver l'agriculture et
08:18 permettre quand même de nourrir tout le monde ?
08:20 - Alors, je pense qu'il pourrait sauver une partie des agriculteurs, en fait.
08:24 Les nouveaux installés, donc, sont à 50 à 60 % des jeunes qui ne sont pas issus du milieu agricole, donc comme moi, et
08:32 dans ces nouveaux installés, à peu près 35 % pratiquent de la vente directe pour tout ou partie de leur production.
08:39 Et en fait, ça c'est une manière d'échapper aux contraintes de la grande distribution
08:44 et de fixer nous-mêmes notre prix. Donc moi, je vais au marché.
08:47 En tout cas, on a la chance.
08:50 - Vous, vous allez en vivre au mieux ?
08:52 - Alors, on a tous un revenu,
08:54 quand même, qu'on soit des très gros ou des très petits, je pense que si on partage bien quelque chose en
08:58 agriculture, c'est qu'on a tous un petit peu de mal. Mais par exemple, moi, mon revenu, il n'est pas à mire au bolant, il est
09:03 entre 600 et 800 euros par mois, mais dans deux ans, j'aurais fini de payer mes dettes. Et ça, ça change tout par rapport à un
09:08 agriculteur qui, lui, est soumis à des contraintes de prix par la grande distribution et qui a endetté pour 25 ans.
09:13 On n'a pas du tout les mêmes perspectives d'avenir et ça, c'est important de le souligner. Et la vente directe, ça nous permet effectivement
09:18 de regarder notre client droit dans les yeux, déjà d'avoir des merci chaque semaine, d'avoir la
09:22 reconnaissance de notre métier, parce que les gens adorent ce qu'on produit et ils nous le disent. Et ça, c'est aussi une grosse manière de lutter
09:28 contre cette crise du désespoir et de l'isolement.
09:30 - Ce qui est intéressant dans votre profil, c'est cette réflexion plus globale sur la façon dont nous, en tant que société, on peut se nourrir.
09:36 Vous êtes éleveuse, mais par exemple, vous comprenez parfaitement les vegans. Vous-même, je crois que vous mangez peu de viande.
09:41 Vous êtes très sensible au bien-être animal, jusqu'à l'abattage.
09:44 - Oui, oui, tout à fait. Je pense que, enfin, je l'ai dit sur une autre émission la semaine dernière, on est à un moment charnière
09:51 où on peut, dans cette société,
09:53 décider de se fissurer, de créer entre nous des murs, ou alors de prendre ces mêmes pierres et de construire des ponts entre nous.
10:00 Et moi, j'ai fait mes études en ville, j'ai plein d'amis en ville qui se posent énormément de questions sur la consommation de viande,
10:05 qui sont devenus végétariens, qui sont devenus parfois véganes.
10:08 Et en fait, j'ai pas envie de me couper de toutes ces discussions, parce qu'elles sont légitimes. Il faut s'interroger sur tout ça.
10:14 Et moi, j'ai envie de participer à des débats, de co-construire les réponses de demain. Et en fait, l'agriculture, enfin l'élevage,
10:21 peut être extrêmement bénéfique pour nos écosystèmes, parce qu'en fait, si on regarde...
10:25 - Mais est-ce que par nature, quand on est éleveur, quelque part,
10:27 c'est plus difficile de manger de la viande ? Parce qu'on s'attache à une bête jusqu'au moment où on va la manger ?
10:32 - Non, pas forcément ça. On va la manger vraiment différemment. En fait, j'en ai fait plusieurs chapitres,
10:37 d'en plutôt nourrir dans notre ouvrage, parce que c'est quelque chose qui, moi, en tant qu'éleveuse, me traverse chaque semaine.
10:42 Est-ce que je dois tuer ou pas cet animal ? De quel droit je le fais ? Et si je le fais, comment je vais le faire ?
10:49 Et en fait, ce qu'il y a de vraiment difficile en ce moment pour les éleveurs dans tous les territoires de France,
10:53 c'est qu'il y a de moins en moins d'abattoirs de proximité. Et en fait, on est obligé de faire des kilomètres, des kilomètres,
10:58 pour amener notre animal dans un endroit dont on ne peut même pas franchir la porte, on n'a même pas le droit de voir ce qui s'y passe.
11:04 Donc là, il y a des grosses luttes en ce moment pour se réapproprier cet acte-là, parce que, croyez-moi, les éleveurs, déjà,
11:09 s'ils ont des animaux, c'est parce que les animaux sont très importants dans le système agronomique.
11:14 En fait, nos carottes, nos choux, nos légumes, ils ne sont pas véganes, ils mangent du fumier. Ils ont besoin de matières organiques.
11:21 C'est soit on met des produits qui viennent de l'industrie de la chimie pour fertiliser nos sols, et ça, ça appauvrit nos sols à terme,
11:27 soit on utilise des fumiers animaux. Nos animaux ont une raison d'être. Le tout, c'est maintenant quelle taille d'élevage on a,
11:33 et comment on élève nos animaux, et puisque, à un moment, quand il y a de la vie, il y a de la mort, comment on l'applique ?
11:38 - Merci beaucoup, Nonamika. - Merci à vous.
11:40 - Et ce soir, notre invitée, vous, l'éleveuse de porcs noirs du Gers, amoureuse, on l'a compris, de son métier.
11:44 Vous, l'ancienne consultante de Londres, de Hong Kong, désormais éleveuse dans le Sud-Ouest.
11:49 Merci d'avoir été notre invitée face à l'événement aujourd'hui dans RTL. Bonsoir.
11:52 Et donc, on peut vous lire, vous avez parlé de votre livre, "Plutôt nourrir avec Clément Oset", c'est en librairie aux éditions Tana.
11:57 Ne bougez pas, RTL, bonsoir. Continue avec RTL Inside.
12:00 Et RTL a vu la nouvelle R5, la voiture mythique de retour en version électrique.
12:05 Mythique aussi la visoconférence d'Alex Vizorek qui arrive. Le menu ce soir, cher Alex ?
12:09 - Le retour d'Amélie Houdet à Castel. - Oh, c'est pas possible !
12:12 - Mais oui ! - C'est de l'acharnement ! Allez, à tout de suite.
12:15 *Musique*
12:17 [SILENCE]

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