La grande interview : Alain Bauer

  • il y a 7 mois
Le professeur de criminologie au CNAM et auteur de « Tu ne tueras point » aux éditions Fayard, Alain Bauer, était l’invité de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.

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Transcript
00:00 Bienvenue et bonjour Alain Bauer.
00:02 Bonjour.
00:03 Merci de votre présence et votre grande interview sur CNews et Europe 1.
00:06 Vous êtes, et on vous connaît bien, professeur de criminologie au Conservatoire national
00:10 des arts et métiers, auteur de nombreux ouvrages.
00:13 Le dernier en date s'intitule "Tu ne tueras point" aux éditions Fayard.
00:16 On va en parler.
00:17 Et je vais présenter aussi Alain Bauer cet ouvrage "Au commencement était la guerre".
00:21 Pourquoi ? Parce que la guerre justement, on en parle avec les déclarations hier du
00:25 président Emmanuel Macron qui font l'effet d'une déflagration.
00:28 L'envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine n'est pas à exclure à l'avenir,
00:34 a-t-il dit lors de ce sommet international organisé hier à l'Elysée.
00:36 Comment vous, vous comprenez une telle phrase ?
00:39 Alors comme toujours avec le président de la République, il y a la version courte et
00:41 la version longue.
00:42 La version courte c'est "l'envoi de troupes occidentales ne peut être exclu mais il faut
00:47 maintenir une ambiguïté stratégique".
00:49 La version longue, ces personnes n'y comprennent rien parce que cette phrase n'est pas faite
00:52 pour faire mais pour envoyer des messages complexes et en fait il y a plus une ambiguïté
00:57 linguistique qu'une ambiguïté stratégique.
01:00 En fait, nos amis russes ont une logique qui est écrite depuis plus d'une centaine d'années,
01:06 qui est dans leur manuel de doctrine militaire, qui ont été inventés du temps de la Russie
01:11 impériale, qui ont été repris par la Russie stalinienne et qui n'ont pas été oubliés
01:14 par la Russie poutinienne, qui s'appelle l'escalade pour la désescalade.
01:19 Eux, ils tapent d'abord et ils discutent ensuite, nous, nous discutons d'abord et
01:22 nous tapons ensuite.
01:23 Nous sommes toujours en décalage.
01:25 Et donc, au fur et à mesure que les États-Unis, l'OTAN, l'Union européenne ont décidé
01:31 de s'investir dans le conflit ukrainien, qui est vraiment le cœur d'un problème
01:36 majeur depuis la fin de l'URSS, qui a fixé des lignes rouges clairement identifiées,
01:42 vous avez cité au commencement "État et la guerre", qui est d'ailleurs le volume
01:45 1 et "Tu ne tueras point" et le volume 2 de la même série, a permis de constater
01:50 qu'il y avait trois lignes rouges.
01:51 Il y a le Berlin-Ingrad, cette enclave nucléarisée à l'intérieur de l'OTAN et de l'Union européenne
01:56 au nord vers la Baltique, la Géorgie et l'Ukraine.
02:01 Ce sont les trois sujets essentiels.
02:03 Le dernier s'appelant beaucoup plus "Scrimmy" qu'autre chose, puisque c'est une de leur
02:06 plus grande base navale et évidemment, ça permettait aussi le contrôle de la mer Noire.
02:12 La Russie a des logiques stratégiques qui sont les mêmes, quel que soit son régime
02:16 politique, c'est un empire.
02:17 C'est un empire qui est réveillé, c'est un empire qui est affirmé.
02:20 Les Européens ont mis beaucoup de temps à comprendre qu'on ne pouvait pas contraindre
02:24 la Russie juste par la palabre et la parole.
02:27 Pendant 20 ans, la Russie s'est réarmée pour se préparer à une confrontation majeure
02:32 avec l'Occident à cause du bombardement de l'ex-Yougoslavie et de l'intervention
02:36 de l'OTAN en Serbie qui les a pris à revers, dont ils ont considéré que c'était une
02:40 intrusion dans leurs affaires.
02:42 Le Premier ministre Primakov, à l'époque de Boris Helsin, avec l'homme de l'Ouest
02:47 à Moscou qui s'appelait Vladimir Vladimirovich Poutine, secrétaire du Conseil de sécurité,
02:52 depuis 20 ans se prépare à un conflit majeur avec l'Occident.
02:55 Avec l'Occident dites-vous, Alain Bauer.
02:56 Et nous, nous ne nous y préparons pas.
02:58 Alors justement, nous ne nous y préparons pas.
03:00 Et alors quand Emmanuel Macron dit aussi hier et prévient d'une attaque de la Russie
03:06 contre les Européens, donc c'est notre sécurité à tous qui est en jeu, mais quel est le
03:10 scénario redouté ? Est-ce qu'on peut le dire avec des mots ce matin ?
03:13 Alors d'abord, il y a ce que Vladimir Poutine dit, ce que Medvedev dit, ce que toute une
03:17 série de son entourage disent, qui sont de la menace, on a des armes nucléaires, on
03:23 pourrait réinvestir l'Estonie et les Pays-Baltes, etc.
03:26 Il se trouve que jamais ces éléments-là n'ont été mis comme ligne rouge par les
03:30 Russes.
03:31 Ils considèrent que ce sont des arguments de propagande, de pression, de tension.
03:36 Leur problème est et reste la Géorgie et l'Ukraine.
03:39 Et chaque fois que les Européens disent qu'ils pourraient rejoindre l'OTAN, qu'ils pourraient
03:42 rejoindre l'Union Européenne, pour les Russes, c'est considéré pour eux comme une provocation.
03:47 Ils ne tiennent aucun compte du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mais ça
03:50 n'a jamais été la nature de l'empire russe.
03:53 Et ils considèrent que les signaux qu'envoient les Occidentaux sont incompréhensibles en
03:59 langage commun.
04:00 Si, par exemple, le président Biden avait envoyé 150 soldats américains, forces de
04:06 maintien de la paix, à Kiev, au moment où il disait "les Russes vont intervenir", les
04:11 Russes auraient pris ça comme un message d'équilibrage.
04:14 Il n'y aurait donc pas eu d'escalade, puisque l'escalade aurait été un instrument de la
04:18 désescalade.
04:19 Comme le président Biden dit "nous n'enverrons aucun soldat", les Russes disent "ah bon,
04:23 feu vert".
04:24 Comme il l'avait compris pour le Koweït au moment où l'ambassadrice américaine
04:27 était allée voir Saddam Hussein, qui lui avait dit "vous savez, notre 13e province,
04:30 tout ça, le Koweït", et au lieu de répondre "non, jamais, on vous tapera dessus", a dit
04:34 "ah ben oui, il faut voir, il faut que j'appelle Washington".
04:36 On ne parle pas la même langue, je veux dire, ni politique, ni diplomatique, ni historique.
04:40 La langue n'est pas seulement un problème linguistique, c'est un problème culturel.
04:43 Il y a des éléments, il faut comprendre que ce que les Russes vous expliquent de leur
04:47 doctrine militaire, elle est écrite.
04:48 Mais il faut la lire.
04:49 - Alain Boivin, expliquez-nous culturellement quand même, quand le président français
04:53 dit cela, même s'il vous dit que c'est simplement une ambiguïté linguistique, elle peut nous
04:56 engager.
04:57 - Bien sûr.
04:58 Mais nous sommes engagés.
04:59 - Qui croit aujourd'hui qu'il y aura un jour au sol des troupes ?
05:01 - D'abord, on en a déjà.
05:02 Les Césars, ils ne marchent pas tous seuls.
05:04 La maintenance est là, la formation est là, l'entraînement est là.
05:08 Nous avons des troupes en préposition en Roumanie pour la défense des pays baltes.
05:14 Nous avons des avions.
05:16 Nous sommes déjà fortement engagés.
05:18 Nous n'avons pas envoyé de troupes de combat au sol, mais il y a des conseillers militaires
05:23 de tous les pays de l'Union européenne et d'ailleurs qui sont présents d'ores et déjà
05:28 en Ukraine.
05:29 Ils ne sont pas au combat à part des volontaires qui rentrent là dans un autre cadre qui est
05:35 l'équivalent des brigades internationales au moment de l'Espagne.
05:42 Donc tout ça existe déjà.
05:44 Le problème, c'est d'envoyer des troupes au combat, en confrontation au combat.
05:47 Seuls les Polonais jusqu'à présent ont émis l'idée qu'ils pourraient aller régler cette
05:52 question.
05:53 Mais la question n'est pas les troupes.
05:54 Elle n'a jamais été les troupes.
05:56 - Ce ne serait pas une ligne franchie inétale ?
05:58 - C'est les munitions.
05:59 - C'est les munitions, oui.
06:00 - S'il y avait des munitions, cette question...
06:01 - Oui, mais il se trouve que nous n'en avons pas et nous n'en en verrons pas, puisque nous
06:06 n'avons pas encore relancé suffisamment le circuit de munitions.
06:09 Les Américains n'en ont plus.
06:10 C'est-à-dire que le taux de consommation des équipements militaires est quatre à cinq
06:15 fois supérieur que le taux de production.
06:16 Nous venons de liquider l'intégralité des stocks.
06:19 - Alors que la Russie est réorientée en économie de guerre.
06:23 - Oui, alors elle ne fabrique pas plus que d'habitude.
06:25 Parce qu'il se trouve que les indicateurs économiques, les indicateurs de production,
06:29 les indicateurs industriels montrent que ça n'a pas encore réembrayé.
06:32 Ce qu'ils ont, la chance qu'ils ont, c'est la Corée du Nord et l'Iran.
06:36 La Corée du Nord a des stocks pour des dizaines d'années parce qu'ils sont en guerre permanente
06:41 depuis 60 ans, depuis le conflit coréen.
06:43 Quel modèle du conflit ukrainien ?
06:45 Je racontais ça en disant, j'ai chargé tous les modèles possibles.
06:49 Le modèle du conflit éternel sans paix, avec de temps en temps un cessez-le-feu et
06:54 avec des reprises techniques de conflits de manière régulière, c'est la Corée.
06:58 Ce conflit, c'est la Corée.
07:00 Et donc, les Coréens envoient massivement des munitions, peut-être les Chinois par
07:03 l'intérieur de la Corée parce que c'est un peu moins visible qu'autrement.
07:07 Et donc, le réarmement russe ne se fait pas par l'économie de guerre russe.
07:10 Ça, c'est une illusion que les Russes nous ont vendues aussi.
07:13 Ça va se faire, mais pas encore parce qu'ils n'ont pas assez de composants,
07:16 pas assez d'équipements, pas assez de trucs modernes.
07:18 Et en fait, ils nous envoient des T-55, des T-62, des T-72, des T-80,
07:23 tous leurs vieux machins qu'ils n'ont jamais détruits.
07:25 Ils les ont stockés.
07:27 Nous, nous n'avons plus de stock.
07:28 On a une armée expéditionnaire et échantillonnaire qui a un peu de tout et
07:32 beaucoup de rien qu'il faut réarmer, qui a été à moitié détruite par les
07:36 comptables de Bercy, comme notre instruction publique, comme notre santé
07:39 publique, bref, comme tous les services publics, puisque tout ça coûtait cher.
07:42 Chacun pense que c'est un coût et pas un investissement.
07:44 - Oui, mais quand même, il y a une question aussi de culture.
07:47 Est-ce que nous avons collectivement en Occident baissé la garde face à toutes
07:50 ces menaces ? Et on parlera aussi d'ailleurs, il y a un lien avec l'hyperviolence
07:54 et la délinquance dans notre pays. On a cru à une globalisation russe.
07:57 C'est ce que vous décrivez très bien.
07:58 Vous parlez d'une globalisation piteuse.
08:00 C'est culturel aujourd'hui ?
08:02 - Non, c'est une illusion.
08:03 Nous avons cru à la fin, à la chute du mur de Berlin, que c'était fini, la fin
08:07 de l'histoire, que nous avions gagné.
08:08 - Et c'est Huttington, finalement, qui a gagné sur Fukuyama pour vous ?
08:11 - Alors, je ne crois pas à la guerre des civilisations.
08:13 Je crois que les civilisations ne se font pas la guerre.
08:14 - Vous ne disiez pas Huttington, d'ailleurs.
08:15 - Non, non, mais je sais, je sais, mais là, on l'a résumé un peu brutalement.
08:21 Je crois qu'il y a la guerre des empires.
08:22 Et en fait, nous avons réveillé de vieux empires qui avaient été dominés et
08:26 domestiqués par l'Occident.
08:27 Aujourd'hui, l'Occident n'a jamais été aussi faible et aussi isolé.
08:31 Il a perdu le Sud, il a perdu le Golfe Persique.
08:35 Je ne pense pas qu'il ait gagné.
08:37 Il a perdu l'Afrique, il a perdu l'Amérique du Sud.
08:39 Il lui reste fort heureusement un élément majeur qui explique que le Sud
08:42 global n'existe pas vraiment.
08:44 C'est le conflit Inde-Chine qui nous a permis d'avoir l'Inde plutôt avec nous
08:49 et la Chine plutôt avec les Russes.
08:51 Et donc, nous sommes en train d'avoir une reconfiguration.
08:54 Et l'homme qui est vraiment l'apprenti sorcier de cette affaire, à la fois en
08:58 Afghanistan, en Ukraine, qui est Zbigniew Brzezinski, lui, il voulait qu'il n'y ait
09:01 qu'un seul empire.
09:02 Et ce qu'il voulait éviter, c'est ce qui est en train de se produire, la
09:05 multipolarité.
09:06 Mais dans la multipolarité, l'Europe est celle qui a désarmé.
09:10 Elle a désarmé parce qu'elle a cru à un Erasmus géant où il y avait
09:14 grosso modo des touristes et des étudiants.
09:18 Et il n'y avait plus d'amis, d'ennemis, d'alliés, d'adversaires.
09:21 Nous avons désarmé tout.
09:22 Souveraineté industrielle, souveraineté économique, souveraineté militaire.
09:25 Et du coup, nous avons une crise sécuritaire qui vient se rajouter à toutes les
09:28 autres.
09:29 Parlons-en de cette crise sécuritaire.
09:30 D'ailleurs, plus largement, comment vous expliquez que de plus en plus, la
09:33 pulsion soit devenue irrésistible?
09:35 Et vous le savez, Alain Bauer, sur Europe 1 et sur Cine, nous parlons de ces faits
09:39 de société, plus souvent que des faits divers.
09:42 Est-ce que vous diriez que c'est l'État qui a abdiqué?
09:44 Parce que quand même, la promesse de l'État en France, c'est le régalien.
09:48 C'est la protection.
09:49 Il n'existe pas la protection.
09:51 C'est quand il se retire, quand il sous traite et quand il se considère que ça
09:55 coûte trop cher et qu'il faut laisser d'autres le faire, que le marché va
09:58 s'autoréguler.
09:59 Parce qu'en fait, c'est une logique.
10:02 Et moi, je suis pour le libéralisme en toutes choses, la liberté d'expression
10:06 comme la liberté de commercer.
10:07 Mais il y a des règles.
10:09 Il y a des règles.
10:10 La règle, c'est qu'il y a un arbitre et que cet arbitre, il a les moyens de
10:14 l'arbitrage.
10:15 Appelle ça le code de la route.
10:17 C'est bien d'avoir une voiture qui va très vite.
10:18 Mais si le but du jeu est de mourir en route, ça n'a aucun intérêt.
10:23 Le code de la route, c'est des feux rouges, des passages piétons, des
10:25 limitations de vitesse et même la ceinture de sécurité pour vous protéger
10:28 contre vous même.
10:29 Pourquoi?
10:30 Si on supprime tout ça?
10:31 Parce qu'il a considéré qu'il coûtait trop cher, que c'était contraire à
10:35 pourquoi? Parce qu'en France, l'État a créé la nation partout ailleurs.
10:38 Des nations ont créé des États.
10:40 Ce sont leur État.
10:40 Le territoire fait la loi.
10:43 Tout est décentralisé.
10:45 On est plutôt dans une logique.
10:46 Pardonnez-moi de le dire, mais plutôt anglo-saxonne protestante de
10:51 proximité.
10:52 Et puis, en fonction de la gravité des faits, l'État prend une importance
10:55 plus ou moins grande.
10:55 Pas en France.
10:56 Il est responsable de tout, surtout.
10:58 Et c'est comme ça qu'il s'est vendu.
10:59 Et c'est comme ça que nous l'avons acheté.
11:01 Mais au fur et à mesure du moment où il a supprimé l'instruction publique
11:04 pour en faire une sorte d'éducation au rabais, supprimer la santé publique
11:08 où on a plus de contrôleurs de gestion que d'infirmières, supprimer la
11:12 défense nationale.
11:13 Il a fallu que Jean-Yves Le Drian, au nom d'un prétexte qui était le
11:16 terrorisme, réarme l'armée de terre pour que nous ayons encore une armée.
11:19 Un prétexte ?
11:20 Le terrorisme ?
11:21 Pour l'armée, oui.
11:22 L'armée ne lutte pas contre le terrorisme.
11:24 Elle ne lui fait pas la guerre.
11:25 Mais ça a sauvé 10 000 hommes.
11:26 Évidemment.
11:26 Autrement, ils auraient été supprimés pour des raisons comptables.
11:28 Vous voyez ce que je veux dire ?
11:29 Tous ces éléments-là ont créé les conditions d'un effondrement de
11:33 l'État sur lui-même.
11:34 Il avait la protection des institutions.
11:36 Il le fait encore.
11:37 La protection des frontières.
11:38 Il l'a sous-traitée aux plus faibles d'entre nous, les Grecs, les
11:42 frontières italiennes.
11:43 La protection des personnes et des biens.
11:45 La police s'est retirée.
11:47 Elle est devenue une police d'intervention, comme notre armée.
11:49 Attendez, on ne cesse de nous dire qu'il y a de plus en plus de bleu
11:51 sur le terrain.
11:52 Vous vous dites, en parlant des homicides et des tentatives d'homicides,
11:55 que l'année 2023 a été spectaculaire.
11:58 Des records.
11:59 La pire de l'histoire de la statistique.
12:01 Avec des phénomènes de violence physique qui progressent partout.
12:04 D'ailleurs, ces chiffres ont précisé, et vous le dites dans votre
12:06 livre, il y a des victimes.
12:07 Comment on peut...
12:09 Comment dire...
12:10 L'État ne défend plus ses victimes.
12:12 S'est retirée aussi sur ce plan-là ?
12:13 L'État n'a pas compris qu'en se retirant, la liberté, ce n'était pas
12:17 la sécurité.
12:19 La liberté de frapper, ce n'est pas la sécurité.
12:22 Le fait que les forces de police interviennent, elles interviennent.
12:24 C'est une sorte de voiture-balai de la société.
12:26 Elles interviennent dans leurs risques et périls.
12:27 On voit, il y a un procès en cours sur un policier assassiné
12:30 il y a quelques mois.
12:32 Mais sur le fond, il n'y a plus de saturation du territoire.
12:36 Il n'y a plus d'enracinement sur le territoire, puisque une partie
12:39 de ces éléments sont tolérés à cause d'un petit remords colonial
12:42 mal digéré et à cause d'un grand retrait des forces de sécurité.
12:46 Parce qu'on considérait justement qu'il fallait en faire des forces
12:49 d'intervention et plus des forces de présence, visibilité.
12:51 C'est une abdication ?
12:52 C'est un retrait, une sous-traitance.
12:54 On peut l'appeler comme on veut.
12:56 Mais la nature a horreur du vide.
12:57 Quand l'État se retire, la violence s'installe et le crime,
13:01 et vous l'avez avec un élément, un indicateur très simple,
13:03 le trafic de stupéfiants en France.
13:05 Aujourd'hui, vous parlez de villes dont personne n'aurait pu imaginer
13:09 prononcer le nom.
13:11 Un des moteurs qui ressemble le plus à Marseille, qui est malheureusement
13:16 l'endroit où le kyste criminel s'est implanté avec carbone et spiritaux
13:19 il y a plus de 100 ans, Valence.
13:21 Ça ne vous viendrait pas à l'idée.
13:22 Ce qui se passe à Avignon, ce qui se passe un peu partout.
13:25 Moi, je dis, le problème n'est même pas d'écouter ces news.
13:28 Il suffit de lire la presse quotidienne régionale,
13:30 la presse quotidienne régionale.
13:31 - Ce que nous faisons d'ailleurs.
13:32 - Oui, mais...
13:33 - Tous ces faits-là de société.
13:34 - C'est 300, ces news par jour, par le réel.
13:38 C'est la presse locale, c'est la presse de proxy,
13:39 c'est ce que les gens subissent et vivent.
13:41 On n'a pas besoin de leur mettre en scène.
13:43 De ce point de vue-là, la réalité s'impose.
13:46 Ce que j'ai voulu raconter, c'est comment, en 500 ans,
13:49 nous avions domestiqué l'homicide et comment il était en train de revenir
13:53 et qu'il fallait pouvoir le traiter.
13:55 Et le retour de l'État, c'est la manière de traiter ce sujet.
13:58 C'est le retour de la promesse.
14:00 Et c'est donc le retour de la protection.
14:01 - Et de la justice également.
14:02 Vous avez parlé, Alain Bauer, du procès du meurtrier présumé
14:05 du policier Éric Masson devant la cour d'assises du Vaucluse.
14:08 Le principal suspect, avoué pour la première fois hier,
14:11 avoir tiré sur le policier.
14:13 Je précise à nos auditeurs et téléspectateurs que depuis 2021,
14:16 il avait toujours nié être l'auteur des coups de feu
14:18 et même avoir été sur place.
14:21 Est-ce que c'est un basculement, ça, dans le procès ?
14:23 - Il faut saluer le vrai travail de sa défense, vraiment.
14:26 - Son avocat.
14:27 - La défense, ses avocats.
14:28 - Ses avocats, c'est vrai.
14:29 - La défense a fait le travail pour que la vérité sorte.
14:32 Après, on a maintenant une deuxième phase qui est
14:34 "je ne savais pas que c'était un policier".
14:36 Ça ne justifie rien.
14:37 Mais on est dans un processus où le procès, justement,
14:40 la justice, quand elle fonctionne, elle donne des résultats.
14:43 Elle permet que la vérité sorte alors que l'instruction
14:46 ne l'a pas permis.
14:47 Et donc, ça, c'est une très bonne nouvelle.
14:49 D'ailleurs, contrairement à ce que beaucoup de gens disent,
14:51 je discutais l'autre jour avec notre collègue
14:53 Béatrice Brugère, qui sort un excellent livre aujourd'hui,
14:56 je crois, sur cette question.
14:58 Elle n'est pas laxiste, elle est juste lente.
14:59 On n'a jamais mis autant de gens en prison,
15:01 jamais aussi jeunes, jamais pour des peines aussi graves,
15:03 jamais aussi tard.
15:05 Et nous avons une incapacité à traiter du retour
15:08 de la violence avec des moyens adaptés,
15:11 notamment toute une série de choses qui se passent
15:13 très bien dans d'autres pays où on vide les prisons
15:16 parce qu'on intervient vite et tôt et qu'on casse
15:18 la carrière criminelle et donc la carrière vers la violence.
15:21 - On va conclure sur votre livre, aux éditions Fayard.
15:23 Votre titre, "Tu ne tueras point", évidemment,
15:25 c'est un commandement religieux qui est devenu d'ailleurs
15:27 un peu laïf. - Universel.
15:28 - Universel, oui. On aimerait aussi qu'il soit...
15:31 - C'est ce que je raconte au début.
15:32 En fait, il s'est étalé...
15:32 - Mais ce que ça n'appelle pas, au fond, le contrat social.
15:34 - Oui, bien sûr. C'est le cœur du contrat social.
15:37 C'est "Tu ne tueras point", tu respecteras ton voisin
15:39 et tu vivras en liberté et en respect de l'autre.
15:43 C'est donc ce qu'on appelle la culture et l'éducation.
15:45 Bref, ce que nous avons sacrifié avec beaucoup d'autres choses
15:49 quand notre État a décidé qu'il allait devenir un État
15:52 comme les autres, alors qu'il n'a jamais été
15:54 le même que les autres.
15:55 - Merci Alain Bauer. C'était votre grande interview
15:57 ce matin sur CNews Europe.
15:58 - À bientôt. - À bientôt.
16:00 [Musique]
16:03 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]