Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
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00:00 En toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction de l'Express, Anne Rosancher, bonjour.
00:07 Bonjour Nicolas, bonjour à tous.
00:08 Vous revenez Anne sur les désaccords et les tensions qui parcourent l'Europe sur la question de l'Ukraine.
00:13 Oui, et je dois vous avouer que je regarde cette actualité avec beaucoup d'humilité d'abord,
00:18 parce que je ne suis pas une spécialiste, mais aussi avec l'impression de vivre quelque chose
00:23 que je ne parviens pas à décanter tout à fait.
00:26 Nous sommes nombreux, je crois, à ressentir ces derniers temps que l'histoire a comme dévié de sa trajectoire attendue.
00:32 L'Occident s'était installé, en gros depuis la chute du mur de Berlin, dans l'idée de la fin de l'histoire.
00:37 Cette certitude que nos principes allaient irrémédiablement diffuser partout dans le monde,
00:42 du fait de l'attractivité de l'état de droit et de la société de consommation.
00:47 Mais ce qui s'est passé le 24 février 2022, ce qui s'est passé aussi le 7 octobre 2023,
00:53 ce qui continue de se jouer avec la Russie, la Chine, l'Iran et d'autres,
00:58 montre que les démocraties libérales avaient pris leurs rêves pour des réalités.
01:02 Quelque chose bouge dont nous peinons à mesurer l'ampleur.
01:05 Nous, qui sommes désormais nombreux à ne jamais avoir connu la guerre,
01:09 des puceaux de l'histoire en quelque sorte, nos quotidiens ne changent pas,
01:13 mais certaines questions se font désormais lancinantes.
01:16 À quoi reconnaît-on que l'histoire tourne mal ?
01:19 Nos aînés, eux, avaient-ils lu les signes avant que leur routine ne bascule ?
01:23 Quel est ce vent qui souffle à nos fenêtres et dans quelle disposition nous saisit-il ?
01:28 Bref, serions-nous prêts si le tragique était en train de pointer son museau ?
01:32 Et alors Anne, réponse ?
01:34 Un bref imperçu de la situation n'excite pas tout à fait à l'optimisme.
01:39 Nos sociétés semblent prises dans des gaz incapacitants.
01:42 Crise des démocraties représentatives, colère des peuples,
01:46 essor de l'hyper-individualisme, passion pour le mea culpa, effacement du bien commun.
01:51 L'affaire n'est pas très engageante.
01:53 Mais il ne faut pas oublier que les lunettes du présent peuvent être trompeuses.
01:57 À ce sujet, les historiens citent parfois l'épisode du débat pour le roi et la patrie.
02:02 Ce dernier eut lieu en octobre 1933 au sein de la prestigieuse Oxford Union Society,
02:08 ce sénacle regroupant essentiellement des étudiants de l'université.
02:13 Ce débat accoucha de la motion suivante.
02:16 « Cette chambre ne se battra en aucun cas pour le roi ni le pays. »
02:21 Elle fut adoptée à 275 voix pour et 153 contre.
02:26 On dit qu'Adolf Hitler en avait nourri la certitude qu'il rencontrerait bien peu de résistance.
02:32 On sait qu'avec les dix britanniques pourtant, il tomba sur un os.
02:36 Et beaucoup de ceux qui avaient voté la motion quand ils furent devant le choix de l'histoire ne se trompèrent pas.
02:42 Ce que je veux dire par là, c'est qu'il ne faut jamais jeter le gant,
02:46 jamais se croire trop encrouté dans la faiblesse.
02:49 C'est une chose d'être lucide sur les défauts de son temps,
02:52 c'en est une autre d'être défaitiste.
02:55 Les démocraties libérales ont des valeurs à faire valoir et à défendre.
02:59 Nous sommes tout de même un os sur lequel on peut tomber.
03:03 Gros en cher merci.