Nous allons bientôt commémorer les 6 ans de la mort d’Arnaud Beltrame, le 24 mars. Anne Rosencher revient l’étrange formulation d’une plaque qui lui rendait hommage.
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00:00 7h21 en toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction
00:10 de L'Express. Anne Rosancher, bonjour. Bonjour Nicolas de Morand, bonjour à tous. Nous allons
00:15 bientôt commémorer les 6 ans de la mort d'Arnaud Beltrame. Ce sera le 24 mars et vous revenez,
00:22 Anne, sur l'étrange formulation d'une plaque qui lui rendait hommage. Mais Nicolas, je
00:27 vais tout vous dire de cette plaque qui pendant des semaines s'est dressée, jardin Arnaud
00:30 Beltrame dans le 3e arrondissement de Paris. Mais peut-être rappelons d'abord qui fut
00:34 cet officier de gendarmerie dépêché sur les lieux d'une prise d'otages islamiste
00:39 aux super-rues de Trèbes dans l'Aude le 23 mars 2018. En fin de matinée, deux personnes
00:44 ont déjà été abattues quand le lieutenant-colonel Beltrame propose aux terroristes de prendre
00:51 la place de la dernière otage. Quelques minutes plus tard, le gendarme désarmé y laisse
00:56 sa vie. Discuté au sein de l'armée, puisque l'officier avait pris sur lui de s'affranchir
01:02 de la procédure militaire, le geste d'Arnaud Beltrame n'en reste pas moins individuellement
01:07 héroïque. De sang-froid, un homme s'est dressé, il a fait barrage de son courage
01:12 et finalement de sa vie. Et alors dites-nous, Anne, qui avait-il inscrit sur cette plaque
01:19 qui lui rendait hommage à Paris ? Et bien, on pouvait y lire « Arnaud Beltrame, assassiné
01:23 lors de l'attentat terroriste du 23 mars 2018 à Trèbes, victime de son héroïsme
01:29 ». Victime de son héroïsme. Dans les semaines qui ont suivi, une polémique a vu le jour
01:33 qui, à mon sens, s'est trompée d'objet. On a reproché à la formulation de « gommer
01:38 la responsabilité du terrorisme islamiste », c'est pourquoi la plaque a été modifiée.
01:42 Mais pour moi, le lapsus était ailleurs. Dans cette fusion révélatrice entre victime
01:48 et héros, victime de son héroïsme. Ce choix dit tout de l'époque qui sacralise la victime
01:54 et met le héros sous surveillance. Je ne dis pas qu'il faut dénigrer les victimes,
01:59 non, le problème vient de la confusion qui s'opère aujourd'hui entre la figure du
02:03 héros et celle de la victime. J'ai vu que deux ouvrages paraissaient ces jours, l'un
02:07 signé par François Azouvi et l'autre par Pascal Bruckner, qui fouillent chacun la question
02:11 et franchement, elles le méritent. Si je devais donner, moi, une des clés d'interprétation
02:15 du phénomène, je dirais que le héros est devenu une figure suspecte, que les valeurs
02:20 qu'il charrie, et au premier titre, le courage, sont associées à une image toxique et dominatrice.
02:27 Cette intuition m'a été confirmée par une revue d'actualité dessinée qu'a
02:31 reçu ma fille, il y a quelques jours, « A la mémoire de nos héros », annonce l'un
02:35 des sujets à sa couverture. Sauf que le dernier mot est barré et remplacé par « bourreau »,
02:40 ce qui donne « à la mémoire de nos bourreaux ». A l'intérieur, le sujet auquel ce titre
02:46 renvoie traite des polémiques autour de certaines de nos figures historiques. Bien sûr, on
02:50 peut avoir des débats mémoriels. Mais là encore, garde à ne pas tout mélanger. C'est
02:56 pourquoi ce matin, je voudrais dire, non pas à ma fille car c'est déjà fait, mais
03:00 peut-être aux autres adolescents qui nous écoutent, cette chose simple. Non, un héros
03:06 n'est pas un bourreau et le courage est une vertu cardinale, sans doute la plus importante
03:12 de toutes.
03:13 Aux enchères, merci et à jeudi prochain !
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