Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
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00:007h21, Anne Rosancher en toute subjectivité, la récente actualité politique me mène
00:10à vous poser la question, assiste-t-on à la revanche du vieux monde ?
00:16Et bien, permettez-moi de ressusciter une scène qui m'a marquée quand je l'ai lue
00:20peu de temps après la première élection d'Emmanuel Macron en 2017.
00:24Elle était rapportée dans un livre par un député LR, élu de Haute-Marne depuis plus
00:29de 20 ans.
00:30Il y racontait sa première interaction avec ce qu'on appelait alors les marcheurs, lesquels
00:35avaient déferlé en une vague de 308 députés à l'Assemblée Nationale.
00:39Cette première interaction avait pris pour lui la forme d'une discussion avec une jeune
00:44élue énergique qui lui expliquait que les anciennes méthodes avaient vécu.
00:48Désormais, tout allait se résoudre en faisant remonter les « best practices », c'est-à-dire
00:53les meilleures pratiques de la société.
00:56« Son assurance était admirable mais aussi un peu inquiétante », écrivait alors le
01:01député.
01:02« Portée par un enthousiasme sincère dû à une réussite personnelle qu'elle jugeait
01:07amplement méritée, elle pensait sérieusement que pour tous les Français, ce serait un
01:11mandat apprenant.
01:12Le discours managerial version HEC m'apparaissait symptomatique de la fracture du pays et de
01:18la crise politique que nous n'avions pas fini de traverser ».
01:22Nous sommes sept ans après la scène décrite.
01:26La jeune députée, après avoir été ministre trois fois, est désormais loin du pouvoir.
01:32Quant au gaulliste François Cornu-Gentil, puisque c'est lui l'auteur du livre, il
01:36est à Matignon, conseiller défense, auprès de Michel Barnier.
01:40Et que nous dit, Anne, cette espèce de chassé-croisé ?
01:44D'abord, la rapidité avec laquelle le Nouveau Monde est devenu obsolète.
01:48En quelques années, la jeunesse manageriale du macronisme s'est démodée.
01:53A ce titre, il est assez amusant d'entendre ces derniers jours des politiques expérimentées
01:57de tous bords, rappeler leur âge à tout va, conscients que ce qui était ringarrière
02:03est peut-être devenu rassurant aujourd'hui.
02:05On comprend la petite revanche momentanée, mais ce mouvement de balancier restera un
02:11mouvement dans le vide si politiquement, nous ne prenons pas conscience de là où nous
02:15en sommes.
02:16Sur ce sujet, je recommande la lecture d'un philosophe qui n'est pas tout à fait un
02:21perdrot de l'année non plus, Marcel Gauchet, son livre « Le nœud démocratique » ou
02:25encore son interview dans l'Express.
02:27Il y explique comment depuis le début des années 80, les sociétés occidentales font
02:33face à un double choc.
02:34Choc externe d'abord, la mondialisation, bouleversement intérieur ensuite, l'essor
02:40de l'individualisme.
02:41Ce double phénomène a profondément changé les repères de la vie collective et pour
02:47l'instant, nous n'avons pas la vision d'avenir qui permet d'accorder notre héritage
02:52à ces nouvelles règles du jeu.
02:53En résumé, Nicolas, ce qui compte, ce n'est pas que la voix de nos gouvernants et les
02:58intonations de la jeunesse ou la rocaille des années, non, ce qui compte c'est de
03:02trouver le langage politique de l'époque et pour l'instant, nous n'y sommes pas
03:07encore.
03:08Anne Rosancher, merci et à jeudi prochain !