Pourquoi Haïti n'arrive pas à sortir du chaos

  • il y a 7 mois
Port-au-Prince contrôlée par des gangs, une crise humanitaire, un Premier ministre empêché de rentrer au pays qui finit par démissionner... Haïti est en proie au chaos et à la violence, et cela n'a rien de nouveau. Journaliste à "l'Obs", François Reynaert revient sur deux siècles d'une histoire faite de crises, d'instabilité et d'oppressions.

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Transcription
00:00 Des gangs tiennent la capitale et terrifient la population.
00:03 Le système politique est effondré.
00:05 Pourquoi Haïti n'arrive pas à sortir du chaos ?
00:07 Première partie des débuts triomphants qui tournent au cauchemar.
00:10 On va se placer dans une grande île des Antilles située entre Cuba et Puerto Rico
00:15 que Christophe Colomb, quand il l'a découverte, comme on dit, a appelée Hispaniola.
00:19 À la fin du XVIIIe siècle, le Tiers-Ouest est une colonie française,
00:23 la colonie française de Saint-Domingue.
00:25 La perle des Antilles, elle est très riche
00:27 parce qu'il y a des riches planteurs blancs qui ont des centaines de milliers d'esclaves
00:31 qui travaillent dans des plantations pour faire du sucre.
00:34 Au moment de la Révolution française, ces esclaves se révoltent.
00:36 Ils se révoltent contre l'esclavage.
00:38 Ils réussissent à pousser la Première République de la Révolution française
00:41 à abolir l'esclavage en 1794.
00:44 Seulement en 1802, Bonaparte envoie une armée dans cette colonie de Saint-Domingue
00:49 pour rétablir l'esclavage.
00:50 Une nouvelle guerre, c'est la guerre d'indépendance.
00:52 En 1804, les anciens esclaves sont libres.
00:55 Ils ont fondé un nouveau pays qui s'appelle Haïti.
00:58 Et ce pays, c'est la première république noire de l'histoire.
01:00 Seulement, rapidement, son histoire tourne très mal.
01:04 Pourquoi ? Parce que la situation économique ne tourne pas bien du tout.
01:07 Les anciens esclaves ne veulent plus retourner dans les champs de Cannes.
01:10 Et puis parce que la plupart des pays qui sont tout autour,
01:12 en particulier les États-Unis, boycottent cette république
01:15 parce qu'elle est dirigée par des Noirs.
01:17 Et ça, c'est insupportable dans un monde raciste de l'époque.
01:19 La France, qui est dirigée à ce moment-là par un roi qui s'appelle Charles X,
01:22 dit "je vais reconnaître Haïti", mais il demande quelque chose qui est hallucinant.
01:26 Les propriétaires blancs avaient des esclaves.
01:27 On demande à ces anciens esclaves de l'argent en échange du fait qu'ils se soient libérés.
01:31 En tout cas, Haïti ne peut pas faire autre chose et accepte ça.
01:35 Donc, elle doit payer des indemnités colossales à la France.
01:38 Et pour financer ces indemnités colossales, elle n'a pas d'argent.
01:40 Et qu'est-ce que Haïti doit faire ?
01:42 Eh bien, elle doit emprunter à des banques françaises.
01:44 On appelle ça la double dette.
01:46 La première dette, c'est qu'il faut rembourser l'indemnité.
01:48 Et la deuxième dette, c'est qu'il faut la financer en s'endettant en prêts de banque.
01:51 Donc, dès le départ, dès le 19e siècle, la situation d'Haïti économiquement est catastrophique.
01:57 Elle n'arrive plus à remonter la pente.
01:59 Au début du 20e siècle, ce sont les banques américaines qui sont auprès d'Haïti et qui exigent de l'argent.
02:04 Et là, il y aura même pendant 20 ans, dans les années 1910-1920,
02:08 une occupation militaire d'Haïti par les Américains.
02:11 Et après ça, il y aura toujours de l'instabilité politique.
02:14 Deuxième partie, l'instabilité politique, la corruption, la violence.
02:18 Après le départ des États-Unis, Haïti revient à l'instabilité politique caractérisée, sauf à un moment.
02:23 En 1957, il y a un homme qui prend le pouvoir qui s'appelle François Duvalier.
02:27 C'est un ancien médecin.
02:28 On l'appelle Papa Doc.
02:29 Lui, il établit une dictature atroce.
02:32 Papa Doc, il règne avec des escadrons de la mort qu'on appelle les tontons Makout,
02:36 qui sèment la terreur parmi les opposants, qui organisent des grands massacres.
02:39 Après la mort de Papa Doc, c'est son fils qui arrive au pouvoir, Jean-Claude Duvalier, Baby Doc,
02:44 qui est encore plus terrible que le père.
02:46 Et lui, finalement, il est enfin chassé du pouvoir en 1986.
02:49 Mais malheureusement, Haïti revient à sa maladie chronique de l'instabilité,
02:53 des présidents qui succèdent et qui n'arrivent pas à stabiliser le pouvoir.
02:57 Il y a beaucoup de Haïtiens qui émigrent au Canada, qui essaient d'aller aux États-Unis,
03:00 et puis énormément, les plus pauvres, qui se ruent sur la frontière pour aller vers l'Est,
03:04 là où il y a la République dominicaine, qui est beaucoup plus riche.
03:07 Malheureusement, la République dominicaine ne veut pas accueillir des Haïtiens
03:11 ou bien les soumet à un quasi-esclavage, les fait travailler pour très peu d'argent.
03:15 Donc c'est une situation catastrophique.
03:16 Et à l'intérieur du pays, eh bien là, c'est les gangs qui, de plus en plus, se déchaînent,
03:21 qui font de Haïti une plaque tournante du narcotrafic,
03:23 et puis, par ailleurs, qui organisent aussi des kidnappings.
03:27 Ils kidnappent des gens dans les rues et ensuite, ils exigent auprès des familles des énormes rançons.
03:31 Et à tous ces malheurs humains, ces malheurs politiques,
03:34 s'ajoutent des catastrophes, des calamités naturelles.
03:37 La plus célèbre, c'est le terrible tremblement de terre de 2010.
03:40 Un tremblement de terre qui a été dévastateur.
03:42 Il a fait 300 000 morts, 300 000 blessés et un million de déplacés
03:47 sur un pays dans la misère qui n'avait pas besoin de ça en plus.
03:49 Partie 3, la situation actuelle.
03:51 En 2016, il y a un président qui est élu qui s'appelle Jovenel Moïsi.
03:55 C'est un ancien homme d'affaires un peu affairiste et qui est très soutenu par les États-Unis.
04:00 Alors, il essaie de faire ce qu'il peut pour stabiliser le pays.
04:03 Mais en 2021, il est assassiné.
04:05 À la suite de ça, il y a quelqu'un qui acappare le pouvoir,
04:08 qui est le Premier ministre, qui s'appelle Ariel Henry.
04:10 Il prétend lui aussi stabiliser le pays.
04:12 Et c'est comme ça que, début 2024, il va au Kenya
04:15 pour ramener une force d'interposition des policiers kényans
04:18 qui vont venir s'occuper d'Haïti.
04:19 Alors, pourquoi des Kényans vont venir s'occuper d'Haïti ?
04:21 En tout cas, il joue cette carte-là.
04:23 Mais au retour, il est bloqué dans un pays voisin, à Puerto Rico.
04:26 Parce qu'à l'interrupt d'Haïti, on est en mars 2024,
04:29 les gangs ont vraiment pris le pouvoir.
04:31 Et il y a un gangster atroce qui s'appelle Barbecue, c'est son surnom,
04:35 parce qu'on dit qu'il peut griller les gens tellement il est cruel.
04:38 Et bien Barbecue, il dit…
04:39 Si Ariel Henry va démissionner, il va avoir les droits de…
04:43 Non, il va avoir un génocide.
04:44 Début 2024, Ariel Henry accepte de démissionner en disant
04:48 "on va organiser des élections".
04:49 Mais organiser des élections sur le chaos, ça paraît extrêmement compliqué.
04:52 La solution qui vient à l'esprit, c'est que c'est à l'ONU de s'occuper de tout ça.
04:56 Mais l'ONU a déjà beaucoup essayé de s'occuper d'Haïti.
04:59 Et à chaque fois, ça a été des catastrophes.
05:01 L'ONU part deux fois récemment envoyer des casques bleus en Haïti.
05:04 Une fois, on a accusé ces casques bleus d'avoir amené le choléra en Haïti.
05:08 Ça a créé une épidémie dévastatrice.
05:09 Et puis une autre fois, ces casques bleus ont été accusés de viols de femmes et même de fillettes.
05:15 Donc c'était terrible.
05:16 Alors aujourd'hui, c'est la communauté des États Caraïbes,
05:19 une organisation régionale qui essaie de régler la situation à Haïti.
05:22 Que pourra-t-elle faire ? On ne le sait pas.
05:25 Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'en Haïti, il y a 11 millions de personnes qui vivent en enfer.
05:30 Le monde entier ne peut pas laisser 11 millions de personnes vivre en enfer.
05:33 [musique]

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