• il y a 8 mois
C'est un sujet qui nous concerne tous : nos anciens, le grand âge. Alors que la proposition de loi "Bien vieillir" est examinée à l'Assemblée ce soir, nous nous interrogeons : est-elle suffisante ? Peut-elle changer la donne ? Pour en parler, Victor Castanet, journaliste, Prix Albert Londres, et auteur d'un livre qui a fait l'effet d'une bombe dans ce milieu des Ehpad il y a deux ans : "Les fossoyeurs", toujours en librairies en édition augmentée en poche chez "J'ai lu".
Regardez L'invité de RTL Soir du 19 mars 2024 avec Julien Sellier.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:03 Isabelle Choquet et Cyprien Signe
00:06 Rtl, bonsoir. Nous allons maintenant aborder un sujet qui nous concerne tous, nos anciens.
00:12 Ce que nous allons devenir, le grand âge, alors que la proposition de loi "Bien vieillir" doit être examinée à l'Assemblée dans les minutes, les heures qui viennent de nous.
00:21 Nous interrogeons est-ce qu'elle est suffisante, est-ce qu'elle peut changer la donne.
00:24 On va tout vous expliquer. On va accueillir maintenant notre invité événement.
00:27 Son livre, un best-seller, a fait l'effet d'une bombe dans ce milieu des Ehpad.
00:31 Bonsoir Victor Castanet.
00:32 Bonsoir, merci beaucoup pour votre invitation.
00:35 On est ravi de vous recevoir. Vous êtes journaliste, prix Albert Londres.
00:38 Les Fausse Soyeur est toujours d'ailleurs en librairie, en édition augmentée, en poche chez Gélu.
00:42 Il y a deux ans, dans ce livre en quête, vous révéliez la maltraitance de résidants, les dérives financières d'Orpea, le géant du secteur.
00:48 Deux ans plus tard, déjà le constat, Victor Castanet.
00:51 Je voudrais juste vous faire écouter en préambule le témoignage de Cécile.
00:55 C'est une auditrice du Calvados. Elle est infirmière en Ehpad et elle a appelé aujourd'hui au 30/10 pour nous raconter son quotidien au travail des dernières semaines.
01:03 Écoutez-la.
01:04 En tout, on a 84 résidents et on est deux infirmières le matin, deux infirmières l'après-midi.
01:09 Donc une infirmière pour 42 résidents.
01:11 Oui, ça ne fait pas beaucoup.
01:13 On en sort en se disant, là, là, j'ai pas pu faire mon travail comme il faut.
01:17 Le moral était très bas au niveau des soignants.
01:19 Autant il y en a beaucoup qui pleuraient en salle de pause parce que la charge de travail était lourde.
01:24 Autant cinq minutes avant, je les voyais avec les résidents et puis elles rigolaient avec.
01:29 Après, des infirmières, une de plus par jour, ce serait idéal.
01:33 Et des aides-soignantes, au moins une ou deux par étage, ce serait bien.
01:36 Victor Castaner, est-ce que vous recevez encore chaque jour des dizaines de mails de pensionnaires, d'employés, comme cette infirmière, qui vous racontent leurs difficultés ?
01:45 Oui, tous les jours. Vraiment tous les jours depuis maintenant un peu plus de deux ans.
01:50 Je reçois des témoignages, souvent des alertes, à la fois de familles qui me rendent compte, me racontent les dérives d'établissements dans lesquels ils ont mis leurs parents ou leurs grands-parents.
02:02 Et le plus souvent, je dois dire, des membres du personnel, des aides-soignants, des auxiliaires de vie, parfois des directeurs.
02:08 Et ce qu'il faut bien dire, quand même, c'est que ça touche tous les profits d'EHPAD, qu'ils soient privés, publics ou associatifs.
02:15 Il y a effectivement une crise qui perdure, et notamment une crise de l'attractivité et aussi une crise du taux d'occupation.
02:26 Je crois que vous l'avez constaté de vos yeux encore la semaine passée, il y a une vraie crise du personnel, mais les futurs personnels ont du mal à trouver un stage faute d'encadrants.
02:34 Oui, alors effectivement, je continue régulièrement à participer à des conférences, et j'étais il y a quelques jours dans un lycée professionnel à Nanterre,
02:44 qui forme la prochaine génération au métier du social et du médico-social, avec beaucoup d'étudiants qui vont rentrer dans quelques mois,
02:54 qui vont devenir aides-soignants, auxiliaires de vie, qui vont travailler en EHPAD.
02:57 Et ce qu'ils me racontaient, quand je leur posais la question de s'ils avaient confiance en l'avenir, si ça se passait bien, leur colarité, et comment ils voyaient le métier,
03:06 ils me disaient que le grand problème, c'est qu'effectivement, ils n'arrivaient pas à trouver de stage.
03:10 Parce qu'aujourd'hui, quand ils demandent à des établissements de les prendre en stage, on leur répond qu'il n'y a pas l'encadrement nécessaire pour les accompagner pendant leur stage.
03:19 Et ça, c'est un vrai problème, parce que du coup, vous retrouvez, avec même la future génération, qui est en mode dégradé, parce qu'il n'y a pas le personnel pour les accompagner.
03:29 Alors, parlons un peu de la proposition de loi du jour, qui ne passera peut-être pas, d'ailleurs, ça on va y revenir.
03:35 Elle prévoit, cette proposition, une cellule enquête maltraitance, plus de contrôle, plus de sanctions, la transparence des évaluations, de la prévention sur la perte d'autonomie.
03:44 Ce n'est pas une révolution, mais est-ce qu'on peut dire que c'est un petit pas nécessaire ?
03:50 Oui, toutes ces avancées, elles sont à saluer.
03:54 Effectivement, qu'on puisse avoir des remontées d'informations sur les alertes liées à la maltraitance au niveau départemental,
04:01 avec des actions du préfet, de l'ARS et des conseils départementaux, ça va être utile.
04:07 Ces partages d'informations entre la DGCCRF et les autorités de tutelle, pareil, c'est important.
04:14 Et puis, vous avez des mesures qui sont importantes, comme le droit de visite obligatoire.
04:19 Il faut bien se le dire, c'est que pendant la crise du Covid, on l'a vu notamment,
04:24 On ne pouvait pas aller visiter nos aînés.
04:26 C'est-à-dire nos EHPAD, les EHPAD, c'était des lieux de privation de liberté.
04:30 On ne pouvait pas se rendre comme on le voulait, aller voir nos parents, nos grands-parents.
04:35 C'est quand même un des drames de ce secteur, c'est que pendant des années,
04:39 on a considéré que c'était des lieux de privation de liberté.
04:41 Sauf que ce qu'il faut savoir, c'est que l'isolement, la solitude,
04:45 elles tuent autant que la vieillesse et que des maladies.
04:49 Victor Castaner, ce texte, il devait faire consensus, mais il pourrait être rejeté.
04:54 Parce que, on va l'expliquer à nos auditeurs, mais les socialistes en clair,
04:57 on a besoin des voix des socialistes dans la majorité pour faire passer ce texte,
05:00 ils disent "on votera uniquement si on obtient un calendrier sur une grande loi de programmation,
05:04 grand âge, pour revoir complètement le financement du système, aller plus loin".
05:08 Cette grande loi, Emmanuel Macron, il la promet depuis 2017.
05:11 Gabriel Attal n'en a pas parlé le Premier ministre dans son discours de politique générale.
05:15 Est-ce qu'elle est essentielle, Victor Castaner, cette grande loi ?
05:18 Parce qu'on a quand même l'impression qu'à un moment donné, il va falloir sortir le chéquier,
05:22 parce qu'il y a un mur démographique qui nous attend.
05:25 Alors déjà, oui, cette journée-là, elle est essentielle, et il va se jouer dans les prochaines heures,
05:32 beaucoup de choses, parce que Jérôme Guetz, notamment, du Parti Socialiste,
05:36 a décidé de jouer le bras de fer, c'est-à-dire qu'il dit "bon maintenant, très bien, vous avancez,
05:41 mais soit vous êtes ambitieux et vous confirmez cette promesse",
05:46 parce qu'il faut bien dire que c'est une promesse sur la loi grand âge,
05:50 qui est faite depuis 2018 de la part d'Emmanuel Macron, puis du ministre de l'Autonomie Jean-Christophe Comte,
05:57 puis de Madame Berger, il y a encore quelques mois, en novembre dernier,
06:01 qui se disait même prête à se tatouer sur le bras le fait que l'engagement était pris.
06:07 Donc il y a quand même en plus la question de la parole donnée.
06:10 Mais oui, c'est effectivement une loi grand âge qui est essentielle,
06:14 parce que toutes ces mesures-là, elles n'ont du sens que si vous avez des financements nouveaux
06:19 et une planification. Ce qu'il faut bien se dire, c'est qu'il y a de plus en plus de Français
06:24 qui vont vivre de plus en plus vieux, que le système aujourd'hui, déjà, actuellement,
06:29 il est en crise, on l'a dit, de l'attractivité, en crise de recrutement,
06:34 et que donc si vous n'investissez pas, et que vous ne faites pas un choc,
06:37 et de financement et de transparence, c'est un système qui va continuer à vivre
06:42 de manière dégradée, comme il l'est aujourd'hui, et ça va être de plus en plus dramatique.
06:47 Ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'il y a de plus en plus d'établissements qui sont déficitaires,
06:52 dans le privé comme dans le public. Aujourd'hui, c'est trois quarts des EHPAD publics
06:57 qui sont en déficit. Et déficit, c'est un mot, mais derrière, il y a des traductions concrètes.
07:02 C'est-à-dire que quand vous êtes en déficit, vous avez une pression financière accrue sur vos équipes,
07:07 et donc elles doivent rogner, vous devez rogner sur le personnel, sur un certain nombre d'investissements.
07:12 Donc aujourd'hui, c'est des établissements qui sont en crise, et donc qui sont en déficit.
07:16 On comprend, Victor Castaner, que le financement du secteur, c'est la clé.
07:20 Justement, chez Orpea, le géant que votre livre a ébranlé, le patron a dit aujourd'hui
07:24 « On a remis le soin au centre de l'entreprise ». L'actionnariat a changé, c'est un petit peu moins
07:30 la quête à la rentabilité ? La course à la rentabilité ?
07:34 Alors, ce n'est pas moi qui vais donner les bons points et les mauvais points à Orpea.
07:37 Ce qui est sûr, c'est qu'il y a eu des transformations massives. L'ensemble de la direction générale
07:43 a changé, vous avez des nouveaux visages aujourd'hui. Il y a eu des investissements très forts
07:48 sur la masse salariale, avec certains mois plusieurs centaines d'embauches.
07:52 Il y a eu des investissements sur le court repas journalier, c'est-à-dire l'investissement sur les repas
07:58 qui est essentiel, qui a augmenté de plus de 40%. Et surtout, moi ce qui me marque,
08:02 c'est effectivement le changement d'actionnaire. Parce que ce qui est fondamental, en fait,
08:06 dans tout ce secteur et dans la partie lucrative, c'est la pression financière que vous mettez
08:11 sur votre établissement et donc sur vos équipes. Et effectivement, aujourd'hui, le fait que ça
08:17 appartienne à la Caisse des dépôts et à la Maïf de manière majoritaire, ça a changé totalement
08:23 le rapport à la rentabilité. Et donc, ils sont en train de redéfinir, d'inventer la notion
08:31 de bénéfice raisonnable, qui est en fait le fait de dire que, ok, on est sur un secteur marchand,
08:37 lucratif, mais sur un segment très particulier qui a trait à des personnes âgées, dépendantes
08:45 et vulnérables. Et que donc, il ne faut à la fois pas être déficitaire, parce que quand vous êtes
08:49 déficitaire, vous ne pouvez pas faire d'investissement sur la qualité, vous ne pouvez pas embaucher,
08:53 vous ne pouvez pas grossir. Et quand vous êtes excédentaire à excès, comme c'était le cas
08:59 dans l'ancienne Orpea, avec des taux de rentabilité supérieurs à 30%, là aussi, la pression financière
09:05 est trop forte sur vos équipes. Donc, il faut trouver ce bon équilibre, et je trouve ça, moi,
09:09 très intéressant, je dois dire, même en tant que citoyen, qu'on arrive à inventer, dans certains
09:14 segments du marché, un nouveau rapport à la rentabilité.
09:18 Victor Castaner, il nous reste quelques secondes. Je voudrais juste évoquer avec vous un petit point,
09:22 qui peut faire sourire, on en a beaucoup parlé ces derniers jours, mais qui semble si important
09:26 aussi pour nos aînés. Parce que dans la proposition de loi pour aujourd'hui, il y a la volonté
09:31 de permettre aux résidents de venir en Ehpad avec leur chien ou leur chat. Alors, ça peut paraître très
09:35 anodin, alors qu'on vient de parler de manque de personnel, de manque de fonds, mais ça ne l'est pas
09:40 tant que ça, en fait ?
09:41 Non, évidemment, ça ne l'est pas, parce que c'est ce qu'on se disait tout à l'heure, c'est-à-dire que
09:45 le grand sujet au milieu de tout ça, c'est le sujet de la solitude. Les personnes âgées, qu'elles soient
09:50 chez elles ou parfois en Ehpad, elles souffrent et elles meurent de solitude. Il y a des personnes âgées
09:55 qui restent dans leur chambre en Ehpad pendant des jours, et donc, qui se retrouvent seules.
09:59 Et je pense qu'à un moment, ils ne trouvent pas le sens à leur vie. Effectivement, quand vous avez une
10:04 compagnie en permanence autour de vous, c'est effectivement un élément d'amélioration de votre bien-être
10:11 au quotidien.
10:12 Merci beaucoup, Victor Castaner. Merci d'avoir été notre invité.
10:15 Merci à vous.
10:16 Événement ce jour de proposition de loi, bien vieillir à l'Assemblée, les Fossoyeurs. Votre livre
10:20 "Enquête" est en librairie en édition enrichie chez Gélu. Merci d'avoir échangé avec nous autour de ce sujet
10:25 qui nous concerne tous et qui nous concernera tous un jour. Ne bougez pas, RTL. Bonsoir.
10:30 On se poursuit avec RTL Insignes.
10:33 RTL au cœur de la lutte anti-drogue. Le gouvernement annonce des opérations Plasnet XXL. Alors, qu'est-ce
10:38 que ça veut dire ? Et surtout, est-ce que ce sera vraiment efficace ? On vous dit tout.
10:41 Et la visoconférence d'Alex Vizorek, quel est le menu ce soir, Alex ?
10:44 Il y aura Vladimir Poutine, il y aura Olivier Véran et il y aura Michel Sardou.
10:47 Allez, à tout de suite.
10:48 C'est super.
10:49 RTL
10:50 [SILENCE]

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