7-à-dire | Avec Serge Vidah, coordinateur pays de l'Organisation mondiale de la filière café-cacao

  • il y a 7 mois
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Transcription
00:00 Plusieurs producteurs ivoiriens exerçant en Côte d'Ivoire dans la filière cacao se
00:16 sentent obligés de vendre leurs produits à l'extérieur du pays, notamment en Guinée-Conakry,
00:22 au Liberia et au Ghana.
00:24 Vous l'aurez compris, la fuite du cacao ivoirien est le sujet que nous allons aborder au cours
00:29 de ce nouveau numéro de CETECO.
00:30 Quelles sont les motivations réelles de ces producteurs?
00:33 Quelles solutions faut-il pour éviter cette fuite?
00:36 Que faut-il finalement à l'ensemble de ces acteurs de la filière pour vivre aisément?
00:41 Voici les questions que nous allons aborder en compagnie de notre invité Serge Vida,
00:46 coordinateur PI de l'Organisation Mondiale de la Filière Cacao.
00:49 Merci d'être sur ce plateau.
00:51 Merci à vous, plaisir partagé.
00:53 Alors, en Côte d'Ivoire, trois camions transportant 1500 sacs de cacao ont été interceptés
00:59 à la frontière de la Guinée.
01:00 D'après les informations que nous avons, c'est à partir de la collaboration entre
01:04 le Conseil Café-Cacao et la police municipale que cette saisie a pu se faire.
01:09 J'ai envie de savoir comment on en arrive là.
01:12 Ok, déjà, merci de me recevoir sur le plateau.
01:15 En tant qu'organisation de producteurs, il est important de noter que les difficultés
01:23 financières, la pauvreté, le manque de ressources sont les motivations qui emmènent un producteur
01:30 à prendre le risque de s'exposer à la rigueur de la loi en permettant cette fuite
01:38 du cacao vers les pays frontaliers.
01:40 Ceci étant dit, il faut savoir que le cacao est un produit qui est régulé au niveau
01:46 de la Côte d'Ivoire.
01:47 La réglementation interdit toute exploitation sans un agrément au prix adapté.
01:52 Le producteur en lui-même n'a pas le droit d'exporter sa production.
01:56 Il est tenu de vendre son cacao au coopératif et ces derniers sont tenus de vendre leur
02:02 cacao aux exportateurs.
02:04 Donc, s'il y a une fuite de cacao, c'est justement pour des raisons.
02:11 Les motivations dont on parle sont des raisons purement économiques, des raisons de pauvreté
02:16 et de manque de ressources.
02:18 Alors vous qui représentez une organisation internationale des producteurs de cacao,
02:22 comment vous expliquez la pauvreté des producteurs dont vous parlez quand on sait que la Côte
02:27 d'Ivoire est quand même le premier pays producteur de cacao ?
02:30 C'est un paradoxe, c'est un gros paradoxe que nous-mêmes nous essayons de comprendre
02:37 et nous essayons à notre niveau en tant qu'organisation internationale, ONG, de sensibiliser nos producteurs
02:45 afin de comprendre le système de vente, le système de gestion de la filière Café Cacao
02:51 que nos gouvernants ont choisi.
02:52 Donc c'est un système qui permet aux producteurs d'avoir un prix qui est garanti, mais ce
02:59 prix est maintenu, c'est un prix fixe, qui ne varie pas, qui ne bénéficie pas des avantages
03:06 des variations au niveau international, mais en même temps qui ne subit pas les inconvénients
03:11 de ces mêmes variations au niveau international.
03:13 Donc quelque part il y a un avantage et un inconvénient.
03:15 Avantage et inconvénient.
03:16 Alors pour la campagne 2023-2024, le kilogramme du cacao est fixé en Côte d'Ivoire à 1000
03:25 francs CFA, quand on sait que ce même kilogramme est fixé entre 1600 et 1700 en Guinée et
03:31 au Libéria, au Cameroun le kilogramme du cacao est vendu à 2730 francs CFA, comment justifier
03:40 le coût de 1000 francs Côte d'Ivoire ?
03:42 Bon, écoutez, ce coût se justifie par le système de vente par anticipation que le
03:48 conseil café-cacao a mis en place grâce à sa réforme.
03:52 Ce système permet, comme je l'ai dit tantôt, de stabiliser le prix au niveau du producteur.
03:59 Il faut rappeler que ce prix-là, il représente 70%, 60 à 70% du prix CAF.
04:05 Sur les trois dernières années, c'était 60% du prix CAF qui était reversé au producteur
04:11 et depuis l'année dernière c'est 70%, c'est pour ça qu'on a 1000 francs au kilo.
04:15 Vous verrez qu'il y a un bond qui a été fait entre les 750.
04:19 En effet, je pense qu'il y a beaucoup de producteurs qui ont salué ce nouveau prix-là.
04:23 Donc pour le gouvernement c'est une satisfaction parce qu'il y a quand même une évolution
04:28 au niveau du prix.
04:29 Mais quand on regarde les cours actuellement, au niveau international, le gap est énorme.
04:33 Donc les retombées se feront sur la vente prochaine.
04:39 C'est-à-dire que pour le prochain prix de la campagne 2024-2025, le prix sera nettement
04:44 meilleur par rapport au prix actuel.
04:47 D'accord, à cause du cours qui est en train d'évoluer au niveau international.
04:49 C'est ça.
04:50 Vous avez parlé de vente par anticipation au temps pour moi.
04:52 En gros, il y a deux systèmes de vente que les gouvernants ont entérinés.
04:57 Chaque gouvernement choisit un système de vente et l'implémente sous forme de réforme
05:03 à son niveau.
05:04 Nous, au niveau de la Côte d'Ivoire, au niveau du conseil café-cacao, le régulateur,
05:08 on a décidé d'utiliser les systèmes de vente par anticipation, des ventes aux enchères
05:12 si vous voulez.
05:13 Donc le cacao est vendu en avance.
05:15 C'est-à-dire que la production de cette année est déjà vendue.
05:20 Elle a déjà été achetée par rapport au cours de l'année précédente.
05:23 Elle a été achetée par qui ?
05:24 Par les majors.
05:25 D'accord, donc au niveau local ?
05:28 Au niveau local.
05:29 Mais ces majors-là, ce sont les exportateurs, ce sont les négociants, ce sont les industriels
05:34 qui eux agissent au niveau industriel, au niveau du chocolat.
05:39 Donc ils ont comme point de référence la bourse de Londres et on sait tous à la bourse
05:47 de Londres que quand ça baisse, ça baisse et ça se répercute directement sur les coûts
05:51 au niveau du prix du producteur.
05:53 Alors que le producteur est censé être l'ovage principal, c'est-à-dire l'acteur principal
06:01 de toute la chaîne de valeur.
06:03 Donc il est celui qui est censé être protégé, il est celui qui est censé bénéficier le
06:07 plus et il est celui qui est censé être le plus écouté.
06:10 D'accord.
06:11 Et ce qui n'est pas le cas malheureusement.
06:12 Alors pour que le cacao fuite, il faut bien passer des frontières généralement sécurisées
06:18 par nos postes de douane.
06:19 À propos, quelles sont les mesures qui sont prises au niveau des contrôles douaniers
06:23 et de la sécurité des frontières pour prévenir la fuite du cacao ?
06:27 Au cours des différentes réunions qu'on a pu avoir avec les autorités, le conseil,
06:33 au sein de la plateforme de partenariat public-privé, des mesures avaient été prises pour sécuriser
06:39 les frontières.
06:40 Le renforcement de la sécurité était une priorité pour le gouvernement, de sorte à
06:45 faire en sorte qu'il y ait des contrôles qui soient accrus, qu'il y ait plus de sensibilisation,
06:55 d'information du producteur afin de les informer des différentes menaces, des différentes
07:02 sanctions qu'ils encourent au cas où ils s'aventuraient éventuellement à faire sortir
07:09 le cacao.
07:10 Voilà, donc je pense que ces mesures ont été plus ou moins suivies puisqu'on voit
07:14 que la fuite continue et il faut aussi de constater qu'il y a quand même un manquement
07:19 au niveau ici de nos forces de sécurité.
07:22 Il y a peut-être un laissé-aller, je ne sais pas, je ne dirais pas forcément un laissé-aller
07:27 mais il faut constater qu'il y a des failles.
07:30 Alors d'un côté les producteurs sont sensibilisés sur le fait de ne pas vendre le cacao à l'extérieur,
07:37 d'un autre ils font quand même face à une injustice quand le coût de la tonne augmente
07:41 au niveau international alors qu'ils n'en bénéficient pas.
07:43 Votre point de vue là-dessus ?
07:44 Mon point de vue là-dessus est qu'on peut parler d'injustice mais compte tenu du système
07:52 qui a été obtenu par nos gouvernants ou par les régulateurs, je dirais que c'est
07:58 plus ou moins une question de répercussion des avantages à terme, à moyen terme.
08:04 Mais est-ce que ça les producteurs au niveau local le comprennent ?
08:06 Difficile à dire.
08:07 Voilà parce que c'est eux qui parlent d'injustice, c'est pas moi.
08:11 Difficile à dire parce que vous savez que la plupart de nos producteurs sont désillettrés,
08:17 c'est une classe vieillissante.
08:19 D'accord.
08:20 Les jeunes c'est difficile de les maintenir dans la cacaoculture parce que beaucoup viennent
08:26 sur Abidjan, ils vont vers les grandes villes, vous pouvez faire l'exo rural.
08:31 C'est difficile de faire passer le message à une vaste partie de l'ensemble des producteurs.
08:39 Donc on dira que peut-être 30% sont réceptifs mais 70% ne reçoivent pas le message, ne
08:45 comprennent pas le message.
08:46 Et donc je pense qu'il y a encore du travail à faire à ce niveau pour qu'ils comprennent
08:51 que le prix qui est fixé est un prix qui est garanti, qui est stable.
08:56 Vous l'avez dit sur toute la campagne, c'est sûr que ça sera acheté à Mifor.
09:00 A Mifor, c'est un prix garanti.
09:02 Après, le gouvernement a la possibilité en tant que régulateur de se pencher de façon
09:10 émotionnelle sur les cas, par exemple, des producteurs qui, malgré les Mifor, n'arrivent
09:18 pas à joindre les deux bouts, qui ont des difficultés pour mettre leurs enfants à
09:21 l'école, qui ont même des difficultés pour se nourrir.
09:24 Parce que Mifor, pour quelqu'un qui a un hectare, deux hectares, c'est rien du tout.
09:29 Justement, vous m'emmenez à poser la prochaine question.
09:32 C'est que la campagne de la vente de cacao m'a-t-on signalé, elle a été divisée
09:36 en deux parties.
09:37 C'est ça.
09:38 Et ça explique que le prix Borchon ne varie pas sur les deux campagnes ?
09:42 Il y a eu des cas où ça a varié à partir de la petite traite.
09:46 Parce qu'il y a la grande traite qui part d'octobre jusqu'à décembre, la période
09:51 OD.
09:52 Et il y a de mars jusqu'à juin, normalement.
09:56 Là, c'est la période de la cajonnée.
09:57 C'est ce qu'on appelle la petite traite, qui commence bientôt.
10:00 Le coup d'envoi, c'est ça, à partir de fin mars, ce sera l'ouverture de la petite
10:06 traite de campagne.
10:07 Généralement, ce qui se fait, c'est que le prix qui a été communiqué dans la grande
10:14 traite est parfois maintenu.
10:16 Il n'est jamais vu en dessous ?
10:18 Si, il y a eu une fois où il a été revu à la hausse, et il y a aussi des fois où
10:22 il a été revu en fonction des tendances.
10:25 Voilà, puisque comme je vous l'ai dit, le cacao est vendu à terme.
10:28 Donc, ce ne sont pas des ventes sur un marché libéral, c'est un marché de vente par anticipation,
10:35 où une bonne partie de la quantité de la production est déjà vendue par anticipation.
10:40 Alors, ça peut être quoi les mécanismes de traçabilité et de certification qui peuvent
10:46 être mis en place pour assurer la transparence et l'égalité dans la chaîne d'approvisionnement
10:52 du cacao en Côte d'Ivoire ?
10:53 Déjà, à ce niveau, on a des organismes certificateurs, comme Rainforest Alliance,
10:59 UTZ et autres fair trade, qui ont pour principe d'améliorer les conditions de vie du producteur
11:08 et le revenu du producteur.
11:10 Malheureusement encore, ces certifications-là ne sont valables que pour peut-être 30% des
11:18 producteurs ou peut-être encore beaucoup moins.
11:20 D'ailleurs, le directeur général du CCC disait que c'est plus de la communication,
11:25 parce que sur le terrain, on voit l'impact est bien moins visible par rapport à ce qui
11:32 est prôné au niveau de ces certifications-là.
11:35 Mais aujourd'hui, il existe un cacao qu'on appelle cacao durable, qui est une certification
11:40 qui vient d'être implémentée par le Conseil Café Cacao, avec bien sûr tous les autres
11:44 acteurs de la filière, pour permettre à ce que la traçabilité soit une réalité complète.
11:51 Aujourd'hui, la traçabilité, elle couvre l'achat du produit banchant, la logistique
11:57 jusqu'au port et où est-ce que le cacao part à la destination à l'extérieur.
12:03 Mais la traçabilité ne couvre pas tous les aspects du produit et du producteur.
12:11 Sinon d'ailleurs, les fuites, on pourrait facilement les arrêter.
12:14 Voilà, donc pour dire qu'il y a encore du boulot à faire et aussi quand même une
12:19 bonne partie du chemin a quand même été réalisé.
12:23 Alors, on va terminer avec ça.
12:24 On va supposer que je suis M.
12:26 Giao, je suis producteur de cacao.
12:28 Je suis tenté de vendre mon produit au Liberia où le kilogramme fait 1 400.
12:35 La tonne va me donner 1 400 000 francs CFA.
12:38 Pourtant, l'État de Côte d'Ivoire me demande de vendre mon produit sur le sol ivoirien
12:43 où le kilogramme vaut 1 000 francs, d'où la tonne me fera la somme de 1 million.
12:48 J'ai des urgences, j'ai des enfants, je dois les scolariser.
12:51 Je calcule, je vois que les 1 400 000 peuvent mieux m'arranger.
13:00 Vous faites partie des acteurs de la filière cacao.
13:03 Vous représentez l'organisation mondiale des producteurs de cacao.
13:07 A M.
13:08 Giao, qu'est-ce que vous dites ?
13:09 A M.
13:10 Giao, je dirais de prendre son mal en patience parce que nous luttons, nous nous battons
13:15 pour qu'il y ait un système un peu plus juste, un peu plus libéral.
13:19 D'accord, la vente d'anticipation permet de garantir un prix au producteur qui est
13:23 de 60-70%, mais ce n'est pas effectif puisque c'est dans le temps, c'est à terme.
13:29 Donc si M.
13:30 Giao a des problèmes, qu'il nécessite une intervention dans l'immédiat, il ne peut
13:36 pas se défendre.
13:37 Donc nous, nous plaidons, nous luttons et nous faisons en sorte qu'il y ait un système
13:43 qui soit un peu plus juste, qui prenne en compte les besoins réels du producteur et
13:48 ses aspirations.
13:49 Et on espère que vous serez entendu par qui de droit.
13:52 On espère aussi.
13:53 M.
13:54 Serge Vida, vous êtes coordinateur pays de l'Organisation mondiale des producteurs
13:58 de cacao.
13:59 Je tiens à vous dire merci d'avoir été sur ce plateau.
14:00 Merci à vous de nous avoir reçu.
14:02 C'est un plaisir.
14:03 Mesdames et messieurs, cette émission est terminée.
14:05 Merci de nous avoir suivi.
14:06 Restez sur cetteinfo et sur cetteinfo.ci.
14:08 Le programme se poursuit.
14:10 [Musique]

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