• il y a 8 mois
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Dr Sandrine Gignoux, médecin généraliste, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Après avoir exercé pendant 17 ans au sein de son cabinet à Saint-Martin-d'Hères, elle a décidé de cesser son activité de généraliste et de fermer son cabinet.

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Transcription
00:00 7h-9h, Europe 1 matin. Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le docteur Sandrine Gignoux.
00:08 Bonjour docteur. Bonjour. Bienvenue sur Europe 1. Alors il y a quatre ans, juste avant la crise du Covid,
00:14 1200 médecins avaient démissionné en bloc de l'hôpital public pour dire leur ras-le-bol face à la dégradation de leurs conditions de travail.
00:21 Cet automne, encore, une vingtaine de chefs de service de l'hôpital Robert Debré à Paris ont claqué la porte avec fracas.
00:27 Alors il y a ces grands coups d'éclat à l'hôpital et puis il y a cette vague encore plus massive de démissions silencieuses dans la médecine de ville.
00:35 Partout dans le pays, des généralistes arrêtent d'exercer rideau. Selon l'ordre des médecins, ce sont 5400 professionnels qui ont ainsi arrêté d'exercer l'an dernier hors retraite.
00:45 Et c'est votre cas Sandrine Gignoux, vous êtes à Saint-Martin-d'Erre près de Grenoble, vous avez fermé votre cabinet au début du mois. Pourquoi docteur Gignoux ? Expliquez-nous.
00:55 Pourquoi ? Parce que j'étais en train d'être en souffrance au travail et donc il fallait que je prenne une décision.
01:05 C'était plus possible de continuer à travailler dans ces conditions-là, la souffrance au travail.
01:12 C'était quoi ces conditions-là docteur Gignoux ? Racontez-nous votre quotidien, ce qui vous a poussé à fermer votre cabinet.
01:17 Je précise que vous n'êtes pourtant pas près de la retraite.
01:19 Non, je viens d'avoir 50 ans, je voulais faire ce métier depuis que j'ai 6 ans, malgré dans les années 90, nos enseignants qui ont essayé de nous décourager
01:32 parce que c'était un métier qui n'était pas du tout à la mode de faire la médecine générale dans les années 90.
01:37 Et j'ai eu beaucoup beaucoup de plaisir à faire ce métier pendant 17 ans à Saint-Martin-d'Erre.
01:42 Et là j'étais tout le temps en colère, même les patients me le disaient.
01:48 Je crois que ce qui nous met en difficulté, donc déjà des injonctions contradictoires des politiques avec d'un côté on nous demande de revoir plus de monde
01:59 mais on ne nous aide pas à avoir plus d'espace, il y a vraiment le problème du local.
02:05 On n'est pas du tout aidé, on avait 56 mètres carrés pour 3 médecins, donc on ne peut pas prendre d'assistant médicaux, d'infirmière IPA ou d'infirmière Azalée.
02:15 Mais alors vous étiez 3 médecins dans 56 mètres carrés, vous êtes la seule à avoir arrêté, les deux autres continuent d'exercer ou bien ont suivi votre chemin, sont partis faire autre chose ?
02:29 Alors une autre de mes collègues est partie travailler aux urgences pédiatriques, donc c'est bien l'hôpital public a gagné un nouveau médecin.
02:38 Et puis la troisième est restée et j'ai eu la chance au mois de décembre d'avoir une personne pour me remplacer au cabinet.
02:47 Donc finalement là elles sont deux.
02:50 Alors votre patientèle, qu'est-ce qu'elle est devenue docteur Gignoux ? Vous aviez combien de patients d'ailleurs ? Vous vous en occupez de combien ?
02:57 J'avais environ 1000 patients. Là du coup comme une personne a pris ma place, à priori cette personne va pouvoir s'occuper des patients.
03:09 C'est-à-dire quand même de 3 médecins généralistes, il n'y en a plus que 2 dans le cabinet que vous avez choisi de quitter.
03:17 Oui, alors là en ce moment on a la chance d'être près de Grenoble, c'est qu'on arrive à trouver aussi des remplaçants, des jeunes étudiants qui finissent leurs études.
03:26 Et donc du coup là il y a un remplaçant en attendant de trouver quelqu'un qui pourra assurer la suite, on espère.
03:33 Vous dites, il y a un cocktail de choses qui vous ont conduit à la décision de faire autre chose.
03:42 Vous faites quoi d'ailleurs aujourd'hui ? Vous êtes reconvertie ? Vous êtes passée à toute autre chose ?
03:46 Non pas du tout, j'ai vraiment envie de continuer à faire de la médecine parce que j'adore ce métier.
03:50 Non, je fais de la médecine scolaire à la ville de Grenoble, donc ça me permet de soigner tous les enfants.
03:57 Vous avez retrouvé le plaisir d'exercer dans ces nouvelles fonctions ?
04:01 Oui, vraiment.
04:03 Et pourquoi ? Quelle est la différence avec l'activité en cabinet, en libéral ?
04:08 Là les conditions de travail deviennent trop difficiles, on n'arrive pas à adresser nos patients vers les spécialistes.
04:16 Comme vous l'avez dit, l'hôpital est en train de péristiquer, ça ne va pas du tout.
04:24 Les spécialistes, il y en a de moins en moins et en fait on demande aux médecins généralistes d'assumer à peu près le soin de tout,
04:31 à la fois sur le plan médical, donc ça on sait à peu près faire même si on n'est pas des spécialistes,
04:37 mais également sur le plan psychosocial où là on n'a plus de relais auprès des CMT, plus de relais auprès des centres sociaux.
04:46 Et on doit à peu près tout faire et ça c'est beaucoup trop apporté sur nos épaules.
04:52 Mais vous n'avez pas l'impression aussi quelque part par votre décision,
04:57 vous allez contribuer finalement à cette aggravation de la situation médicale globale pour les patients, pour les malades, Dr Gignoux ?
05:06 Je ne sais pas dans le but de vous culpabiliser, mais je vous pose la question, est-ce que ça vous a traversé l'esprit de vous dire finalement
05:11 "ma décision individuelle a des conséquences sur le système" ?
05:14 Bien sûr, effectivement, le sentiment de culpabilité était là, il est encore là, j'ai travaillé là-dessus, je me suis fait accompagner.
05:21 Mais continuer à travailler en colère, en souffrance, ce n'est pas possible.
05:28 Les patients me faisaient remarquer, prendre soin de soi c'est aussi pouvoir prendre soin des autres après.
05:35 Et je crois que c'est ça qui est important et je vois tellement de concrètes qui vont très loin
05:40 et qui deviennent des fois même...
05:46 Mais vous en parlez avec vos confrères...
05:48 ...qui habituent à soigner des patients en fait.
05:50 Et vous en parlez avec vos confrères, Dr Gignoux, de ce mal-être dans la profession de médecin généraliste ?
05:57 Oui, bien sûr, on en parle quotidiennement et c'est vraiment, comme vous avez dit au début, je crois une hémorragie silencieuse.
06:06 Merci beaucoup de votre témoignage, Dr Sandrine Gignoux, en ligne avec nous depuis Saint-Martin-d'Erve,
06:12 depuis Grenoble où désormais vous avez quitté votre cabinet médical pour faire de la médecine scolaire.
06:18 On a besoin aussi de médecins scolaires, on en manque aussi cruellement.
06:22 Merci de votre témoignage, bonne journée à vous.

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