Le patron de Michelin a annoncé la mise en place d'un salaire décent pour ses 132 000 salariés dans le monde. Un salaire qui selon lui doit permettre à chacun de subvenir à ses besoins essentiels et ceux de son foyer. Des revenus qui s'adaptent en fonction du lieu. Emmanuelle Auriol, économiste et professeure à la Toulouse School of Econimcs, est l'invitée de RTL Midi.
Regardez L'invité de RTL Midi avec Eric Brunet et Céline Landreau du 18 avril 2024
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00:00 RTL midi, Agnès Bonfillon, Eric Brunet.
00:04 Un salaire décent, cela d'autant plus de poids lorsque c'est un patron qui en parle,
00:10 qui le réclame justement le patron du groupe Michelin, annonce la mise en place d'un salaire décent
00:17 pour ses 132 000 salariés dans le monde.
00:20 Alors il le dit très simplement, c'est un salaire qui, selon lui, doit permettre à chacun de subvenir à ses besoins
00:26 essentiels et à ceux du foyer des revenus qui s'adaptent en fonction du lieu.
00:32 Par exemple, plus de 39 000 euros bruts par an à Paris, alors que pour le même poste, c'est 25 000 à Clermont-Ferrand.
00:40 Le SMIC, on le rappelle, lui, est à un peu plus de 21 200 euros bruts par an en France.
00:46 Avec nous, Emmanuel...
00:47 - Mais ça c'est important, ça veut dire que vous dites, un salarié à Paris, par exemple, ne gagnera pas moins de 39 000 euros,
00:54 le SMIC c'est 21 200, c'est ça ? - Exactement.
00:56 - Ça c'est Paris, il adapte et il dit, bon, à Clermont-Ferrand, la vie est un peu moins chère, donc ça sera 25 000 euros.
01:02 - Exactement. - C'est une politique de salaire assez intelligente.
01:04 - Eh bien, nous allons en parler avec Emmanuel Oriol, bonjour. - Bonjour Agnès.
01:08 - Vous êtes économiste et professeur à la Toulouse School of Economics,
01:13 un patron très attentif aux besoins financiers de ses salariés, ça existe vraiment donc ?
01:18 - Oui, et puis alors, il faut savoir que dans l'automobile, c'est une longue tradition.
01:23 Michel Horde était le premier à avoir mensualisé ses salariés, qui étaient à l'époque payés à la pièce,
01:29 on avait dit qu'il était fou de faire ça, et par ailleurs, il les payait le double du salaire minimum de l'époque,
01:34 qui est un salaire non réglementé, et la raison en était évidemment que la productivité de la chaîne de montage
01:40 était bien plus forte quand les ouvriers s'entraidaient, et surtout pour lutter contre le turnover.
01:46 Donc Michelin est dans cette tradition, suite au Covid, ils ont eu une grosse augmentation du turnover
01:52 dans leur entreprise, comme partout, il y a des tensions sur le marché du travail,
01:56 et donc ils ont une tradition très longue, ce groupe de paternalisme social, au sens noble du terme,
02:02 mais en plus, dans ce cas bien précis, c'est de l'intérêt bien compris, ils auront des salariés plus fidèles.
02:08 - C'est très important ce que vous dites, parce que quand on a préparé cette émission, on se disait
02:12 "c'est du paternalisme, qu'est-ce que ça cache ?" mais vous le dites très bien, en réalité c'est une façon
02:18 de fidéliser des salariés dans un monde, l'industrie automobile, où ça bouge un peu trop,
02:23 et où on n'a pas envie de perdre ses salariés.
02:26 - Tout à fait, c'est très coûteux, parce qu'il faut les former, donc voilà, il faut qu'on en trouve des nouveaux.
02:32 En ce moment c'est très compliqué, on se souvient qu'il y a 61% des recrutements
02:37 qui sont jugés difficiles par les entreprises en France, d'ailleurs ça freine notre croissance,
02:42 et donc Michelin a bien raison de faire ça. Il y a une deuxième raison qui est tout aussi bien comprise
02:49 sur le sens de son intérêt, c'est qu'on a en Europe et de par le monde, une augmentation des critères
02:55 qu'on appelle RSE, c'est-à-dire responsabilité sociale des entreprises.
02:59 Vous savez que depuis janvier 2023, les entreprises qui sont d'une certaine taille, Michelin en fait partie,
03:06 ont une obligation au niveau européen de faire ce qu'on appelle du "reporting extra-financier",
03:11 et donc ils doivent reporter sur leur politique environnementale, sociale et de gouvernance.
03:17 Pas qu'en Europe, aussi à l'extérieur de l'Europe.
03:20 Et donc en fait, ils se plient à leurs obligations en étant, de ce point de vue,
03:25 exemplaires vis-à-vis du traitement de leurs salariés.
03:27 - C'est ça qu'on appelle aujourd'hui les entreprises vertueuses ?
03:30 - Tout à fait, donc des entreprises vertueuses, elles font partie de pratiques
03:36 où on respecte les salariés, on respecte l'environnement, on a une gouvernance propre,
03:41 on ne fait pas de la corruption, on ne détourne pas des fonds.
03:44 Et donc cet ensemble-là, qui grâce à l'Union Européenne, va être mesuré de manière beaucoup plus propre,
03:50 Michelin a l'intelligence d'anticiper, je pense que ça fait partie de leur culture,
03:55 mais d'anticiper ces besoins, et donc de le faire tout à fait volontairement avant.
03:59 Donc d'un côté, ils vont fidéliser leurs salariés, de l'autre, ils se plient à des obligations légales,
04:05 ils seront bien notés, et donc ils pourront emprunter plus facilement.
04:09 - Au-delà de la rémunération, le PDG de Michelin a aussi annoncé la mise en place d'un socle de protection sociale universel.
04:16 Alors là, on parle de congés, on parle de couverture de santé, de versement d'un capital d'essai,
04:21 tout ça c'est la garantie d'un engagement total des salariés, et encore une fois c'est la même stratégie.
04:27 J'ai besoin de mes salariés, je ne veux pas qu'ils aillent à la concurrence,
04:31 je les fidélise avec un package social attractif.
04:36 - Tout à fait, et le fait qu'ils le déploient au niveau mondial,
04:40 c'est aussi pour répondre à ces obligations de reporting RSE,
04:44 c'est-à-dire que vous ne pouvez pas faire quelque chose de décent en France,
04:46 et exploiter des Ouïghours en Chine, ça ne va pas.
04:49 Donc ils sont obligés, on va obliger de plus en plus ces entreprises à de la transparence
04:54 sur ce qu'ils font en Europe et à l'extérieur.
04:57 Je ne veux pas minimiser leur engagement moraux réel,
05:03 mais le groupe a bien compris que c'était dans son intérêt aussi de bien traiter ses salariés.
05:08 - Dernière petite question, n'est-ce pas risqué pour un patron de faire ce genre de déclaration ?
05:12 Parce que là concernant Michelin justement, garantir un salaire ok,
05:16 mais le groupe à côté de ça dit "moi je ne peux pas garantir la pérennité de mes sites".
05:21 Est-ce que ça risque pas d'être un peu l'effet boomerang qu'on lui reproche aussi
05:26 de ne pas maintenir l'emploi partout pour ses salariés ?
05:29 - Alors attention, une entreprise ne peut pas maintenir l'emploi partout,
05:33 ça dépend bien évidemment de la rentabilité des usines, c'est des entreprises.
05:38 On voit bien qu'il y a eu depuis les années 50 une évolution.
05:42 Dans les années 50, une entreprise doit faire des profits,
05:44 aujourd'hui elle doit faire des profits et être vertueuse,
05:47 donc c'est un peu plus de critères, mais elle doit quand même toujours faire des profits,
05:50 elle a des actionnaires, donc voilà.
05:52 Donc si un site n'est pas rentable, bien sûr que Michelin le fermera,
05:55 mais je pense qu'ils le feront, là encore avec un plan social,
05:58 de reconvertir les emplois, de trouver des solutions,
06:02 de mettre des gens à la retraite, etc. Je suis convaincue qu'ils le feront dans cette logique-là.
06:06 - Merci Emmanuelle Auriol, économiste et professeure à la Toulouse School of Economics.
06:12 - Dans un instant on va parler d'un truc assez incroyable.
06:15 - L'hirsutisme, vous avez vu Rosalie, le film "A économie imaginaire" ?
06:17 - Non je ne l'ai pas vu, mais j'en ai entendu parler.
06:19 - Il faut absolument que vous le voyez, et aujourd'hui l'hirsutisme ça existe toujours.
06:22 - Donc ce sont les... - Femmes à barbe.
06:24 - Par exemple. - Très bien.
06:27 Jusqu'à 13h, RTL Midi. Agnès Bonfillon, Éric Brunet.