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Patrick Hetzel, député LR du Bas-Rhin et membre de la Commission des Finances, rapporteur du budget de la Justice, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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NewsTranscription
00:00 7h-9h, Europe 1 Matin. 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le député Les Républicains du Barin, Patrick Edzel.
00:09 Bonjour Patrick Edzel.
00:11 Bonjour Dimitri Pavlenko.
00:12 Bienvenue sur Europe 1, vous êtes en direct depuis votre circonscription en cette fin de semaine Patrick Edzel.
00:18 A l'Assemblée Nationale, vous êtes membre de la Commission des Finances et rapporteur du budget de la justice.
00:23 Mercredi matin, en vertu des pouvoirs spéciaux que vous confèrent vos fonctions, vous avez fait une descente au ministère de la Justice, donc place Vendôme, pour ce qu'on appelle un contrôle sur pièce concernant les émeutes de l'été dernier.
00:36 Alors Patrick Edzel, est-ce que vous pouvez d'abord nous expliquer ce qu'est un contrôle sur pièce et ce qui vous a poussé à le mener ?
00:42 Alors un contrôle sur pièce, ça consiste à se rendre sur place dans le ministère en question, en l'occurrence là le ministère de la Justice, et de demander à pouvoir avoir accès à un certain nombre de documents,
00:56 ou en l'occurrence ici la plateforme Cassiopée, qui permet les remonter au ministère de la Justice de la part des parquets.
01:06 Donc le contrôle sur pièce et sur place consiste à avoir communication d'informations qu'on a parfois du mal à obtenir.
01:14 C'est ça, c'est même pouvoir, je précise pour les auditeurs d'Europe 1, ce sont ces mêmes pouvoirs de contrôle sur pièce qui avaient permis à votre collègue du Sénat, Jean-François Husson, d'aller déterrer des prévisions de déficit du Trésor,
01:25 que Bercy avait, disons peut-être, été tenté de mettre sous le boisseau au début de cette année. C'est un peu une sorte d'arme nucléaire des parlementaires que vous avez donc choisi d'activer.
01:34 Oui, oui, oui, et j'ai choisi de l'activer parce que nous avions demandé des informations en septembre, puis en octobre, toujours rien.
01:44 En janvier, rebelote avec un courrier aussi au Premier ministre, et puis face à cela, toujours pas de réponse, donc cette semaine,
01:53 et donc là j'ai décidé effectivement de sortir cet outil du contrôle sur pièce et sur place.
02:01 Je vais rappeler quelques éléments de situation. Il y a dix jours de cela, le Sénat a publié un rapport justement sur ce qui s'est passé pendant les émeutes.
02:09 Alors il y a notamment ce chiffre qui a retenu l'attention de 50 000 émeutiers recensés par les émeutes de l'été dernier.
02:17 On se rappelle que Gérald Darmanin à l'époque disait "8 à 12 000, pas plus". Sur ces 50 000 émeutiers, il y a eu aux alentours de 4 300 gardes à vue,
02:25 et là on en vient au cœur de notre sujet, c'est-à-dire que vous soupçonniez que l'appareil judiciaire français ait sous-traité la réponse pénale aux émeutes ?
02:35 Patrick Hetzel, pour dire les choses très clairement ?
02:38 Oui, on le soupçonnait. Alors en fait, quand je me suis rendu sur place, j'ai pu me rendre compte de deux choses d'abord,
02:47 et on pourra je pense revenir dans quelques instants sur des chiffres, mais surtout ce que j'ai constaté aussi,
02:53 c'est que le ministère de la Justice est très en retrait. Vous voyez, en fait, il y a un décalage énorme entre le nombre d'émeutiers,
03:02 et puis le nombre de traitements judiciaires, et puis in fine, le nombre de condamnations. Il y a un vrai sujet.
03:09 Monsieur Dupont-Moretti communique beaucoup, il montre souvent les muscles, mais ce que j'ai constaté, c'est que c'était un colosse au pied d'argile.
03:17 Mais justement, détaillez-nous la réponse pénale de la justice française aux émeutes de l'été 2023.
03:24 Qu'est-ce que ça a été ? Qu'est-ce que vous avez découvert, Patrick Hetzel ? Partagez ça avec nous, s'il vous plaît.
03:28 Alors déjà, la première chose, c'est que, comme vous l'indiquez à l'instant, le rapport du Sénat indique 50 000 émeutiers.
03:36 Moi, j'ai essayé de me focaliser sur ce qui se passait du côté des mineurs.
03:40 Et en fait, on s'aperçoit qu'au moment où on se parle, il y a 1660 mineurs qui ont été condamnés.
03:49 Et souvenez-vous, la grande réponse de Monsieur Dupont-Moretti, c'était de dire, nous allons engager la responsabilité des parents,
03:58 il y aura des sanctions contre les responsables légaux.
04:01 Eh bien, voyez-vous, sur 1660 mineurs qui ont été condamnés, en fait, 174 parents ont été condamnés.
04:10 C'est-à-dire qu'en réalité, on est dans une situation où il y a beaucoup de communication de la part du Garde-des-Sceaux.
04:16 Et quand on gratte les chiffres, on se rend compte que, en fait, en tout et pour tout, 174 parents ont été condamnés.
04:25 Je vous laisse simplement faire ce ratio, 174 parents d'un côté, 1660 mineurs de l'autre.
04:31 Eh bien, seulement un parent sur dix a été condamné en lien avec ces émeutes.
04:36 Et donc, qu'un seul parent sur dix a été sanctionné pour, je dirais, non-respect de son autorité parentale.
04:44 Alors, ce qui est frappant, c'est, je redonne les chiffres parce qu'ils sont marquants, sur 1660 mineurs condamnés.
04:50 Donc, 174 parents l'ont été également. C'est quand même très faible.
04:55 Alors que le Sénat avait établi quand même très clairement, Patrick Hetzel, que dans ces émeutes,
04:59 il y avait eu à la fois une violence décomplexée et une volonté de contester l'ordre établi.
05:04 Je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle avec ce qu'a annoncé Gabriel Attal hier en ce qui concerne les violences des mineurs.
05:10 Le sursaut, le vrai sursaut d'autorité, ça y est, il serait enfin là.
05:15 Ce que vous nous dites sur la réponse judiciaire semble infirmer un petit peu les volontés du Premier ministre.
05:21 Tout à fait. Et d'ailleurs, ce que j'ai noté aussi, c'est que le fameux système d'information Cassiopée
05:28 qui existe au ministère de la Justice, il est très largement incomplet.
05:33 Qu'est-ce que c'est, ce système ? Qu'est-ce que c'est, Cassiopée ?
05:35 Cassiopée, c'est un logiciel qui permet aux procureurs de la République, sur la France entière,
05:42 de remonter des informations sur les poursuites, sur les dossiers en cours auprès du ministère de la Justice.
05:50 Et là, c'est pareil, j'ai constaté qu'il y avait des informations qui sont essentielles pour mener une vraie politique judiciaire
05:57 qui ne sont pas présentes. Par exemple, les informations que je n'ai pas pu obtenir, c'est quelle est la nature des poursuites suite à ces émeutes ?
06:06 Impossible à qualifier. Quelle est la nature des condamnations ? Parce qu'on a les données sur les condamnations,
06:12 mais la nature précise des condamnations, nous ne l'avons pas. Et puis, nous n'avons pas l'exécution des peines.
06:18 Nous ne savons pas, parce qu'il ne s'agit pas simplement de prononcer les peines. Après, il faut qu'elles soient exécutées.
06:23 Et voilà, trois informations, par exemple, qu'on n'a pas.
06:26 Mais donc, ça veut dire que ce qui se passe dans les tribunaux, le ministère de la Justice n'a pas de remontée précise,
06:32 il ne tient pas la comptabilité de l'activité judiciaire et de la réponse pénale.
06:37 Exactement. Et d'ailleurs, ce sera l'objet de mon rapport, puisque je suis membre de la Commission des finances,
06:44 et ce sera mon rapport dans quelques semaines.
06:48 Mais pourquoi, comment ça se fait ? Est-ce que c'est par volonté de dissimuler ces informations, ou bien c'est parce qu'il y a un manque de moyens ?
06:56 Avez-vous un début d'explication, finalement, à ce manque de chiffres ?
07:02 Alors, j'ai un début d'explication. Je ne pense pas qu'il y ait de volonté de cacher les chiffres.
07:07 Ce n'est pas ce que j'ai noté, ce n'est pas ça aujourd'hui. Je le pensais, et c'est pour ça que je suis allé sur place.
07:14 Je me suis rendu compte que, d'une certaine manière, le problème était ailleurs.
07:18 C'est qu'ils n'ont pas les outils de pilotage.
07:21 En fait, aujourd'hui, le ministère de la Justice, il pilote dans le brouillard, parce que les logiciels et les outils dont il dispose
07:28 ne permettent pas de donner une vision claire de l'état des lieux.
07:32 Ils ont indiqué qu'ils allaient faire évoluer les choses, mais je l'espère, effectivement.
07:37 Encore à titre d'illustration, je demandais quel était le profil des émeutiers.
07:41 Savoir si ce sont des primo-délinquants, si ils sont récidivistes, si ils sont éventuellement multi-récidivistes.
07:47 Eh bien, silence du ministère de la Justice, cette information, ils ne l'ont pas.
07:51 Très intéressant. Merci d'avoir pris le temps, en tout cas, de nous expliquer tout cela au micro d'Europe 1 ce matin.
07:57 Patrick Etzel, je rappelle que vous êtes député Les Républicains du Barin.
08:01 Merci d'avoir été l'invité d'Europe 1 ce matin.