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Arnaud Benedetti, politologue et rédacteur en chef de la "Revue politique et parlementaire répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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00:00Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le politologue Arnaud Benedetti.
00:08Bonjour Arnaud Benedetti, bienvenue sur Europe 1, rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire.
00:13Alors le cycle des consultations a donc pris fin hier, un peu après 13h, ça y est, Emmanuel Macron a trouvé son premier ministre, Michel Barnier.
00:22C'est un vieux briscard de la Ve République, Michel Barnier, est-ce que vous pouvez, pour commencer pour les auditeurs d'Europe 1, nous endresser rapidement le CV ?
00:29Il coche toutes les cases de l'expérience politique des hommes politiques de l'ancien monde, si je puis dire, ça a été un élu local, il a été, il faut le rappeler, président du Conseil Général à l'époque de Savoie.
00:42Ce qu'il a propulsé sur la scène médiatique, nationale et politique, c'est le fait qu'il a organisé les Jeux Olympiques d'Alberville à l'époque, avec Jean-Claude Killy, 92 oui, c'est les souvenirs sont bons.
00:54Et il a déjà 20 ans de carrière, parce que la première fois qu'il a été élu à l'Assemblée Nationale, c'est 1978, lors des élections législatives de 1978, il a été plusieurs fois ministre, la première fois dans un gouvernement de cohabitation,
01:05le gouvernement d'Edouard Balladur, il était ministre de l'Environnement, ensuite il a été ministre des Affaires Européennes, des Affaires Étrangères, sous Raffarin, et aussi de l'Agriculture,
01:17et puis ensuite il a une expérience internationale, enfin européenne en tout cas, puisqu'il a été très longtemps commissaire et qu'il a négocié le Brexit,
01:25donc c'est quelqu'un qui a en effet une expérience très épaisse dans différentes échelles, locale, nationale et internationale.
01:33Qu'est-ce qui fait de lui finalement l'homme qui tombe à pic, d'une certaine manière pour Emmanuel Macron selon vous, Arnaud Benedetti, parce qu'à bien y regarder,
01:41il est assez loin du profil que recherchait initialement le Président, il voulait un homme plutôt du centre, il choisit avec Michel Barnier un homme de la vraie droite quand même.
01:49Oui, c'est un homme de droite, mais parce qu'il y a plusieurs éléments, le premier élément c'est que Emmanuel Macron analyse la situation électorale,
01:58et voit quand même que le barycentre de cette situation électorale, après les élections législatives, est plutôt à droite.
02:04Quoi qu'en dise la gauche.
02:05Oui, quoi qu'on pense une partie de la gauche.
02:08Ensuite, l'autre aspect, c'est l'aspect parlementaire.
02:10Clairement, on a vu ces derniers jours que, au regard de la physique des forces parlementaires, si je puis dire,
02:17un certain nombre de groupes parlementaires, notamment le groupe du RN, tenaient quand même les clés, d'une certaine manière, de la désignation de ce Premier ministre.
02:26Madame Le Pen a mis un veto sur, évidemment, le Nouveau Front Populaire, elle a mis un veto également sur M. Cazeneuve, elle a mis un veto sur M. Bertrand.
02:36Finalement, pour éviter une motion de censure couprée immédiate, le Président de la République a fait ce choix,
02:42ce choix qui est un choix, finalement, de raison sur le fond, parce que c'est vrai que, de ce point de vue,
02:48M. Barnier est un peu, j'allais dire, au centre de toutes les droites, c'est-à-dire qu'il peut plaire, d'une certaine manière, à la droite sociale,
02:55il peut plaire à la droite libérale, et il peut jouir d'une relative neutralité de la droite nationale.
03:05C'est, en quelque sorte, le plus petit dénominateur commun.
03:07C'est le plus petit dénominateur commun qui, surtout, permet, dans l'agenda politique immédiat, encore une fois, une censure immédiate.
03:15Bien que, quand même, le RN a été prudent en disant qu'il jugerait sur acte en fonction des attentions gouvernementales de M. Barnier.
03:23Est-ce que, alors, il se dit, Arnaud Bénédetti, qu'il y aurait un deal passé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen,
03:29justement, autour du nom de Michel Barnier, le RN lui accordant une relative tolérance, demandant à voir,
03:35l'objet de l'échange serait l'introduction de la proportionnelle dans le mode de scrutin aux législatives.
03:41Ça fait sept ans qu'Emmanuel Macron l'avait promis, ça n'a jamais été fait, c'est une revendication de longue date du Rassemblement National.
03:47On n'y est pas encore, mais, très rapidement, ça changerait quoi, cette proportionnelle, Arnaud Bénédetti ?
03:51Tout dépend, d'abord, le mode de proportionnelle. Vous savez qu'il y a différents modes de scrutin proportionnels.
03:56C'est une vieille revendication du RN, mais le RN n'est pas le seul à porter cette revendication.
04:03À gauche, on est plutôt favorable à la proportionnelle. M. Bayrou, depuis très longtemps, lui aussi, préconise la proportionnelle.
04:10Donc, si vous voulez, c'est une mesure qui pourrait, au moins, faire consensus à l'Assemblée Nationale.
04:16Alors, ça va peut-être poser un petit problème à Michel Barnier, parce qu'il appartient à une famille politique qui n'a jamais été très favorable à la proportionnelle.
04:23Je rappelle quand même que Jacques Chirac, alors que François Mitterrand avait mis en place le scrutin proportionnel,
04:30et qui avait d'ailleurs opéré lors des élections législatives de 1986-88, avait rétabli le mode de scrutin majoritaire union nominale à deux tours.
04:39Est-ce que c'est un moyen, en tout cas, de pouvoir présenter un texte qui permette assez rapidement d'obtenir une convergence, un consensus à l'Assemblée Nationale ?
04:48Peut-être. Mais la vérité, c'est que l'agenda politique va d'abord, et l'agenda parlementaire, va d'abord être marqué par un élément essentiel,
04:55c'est la discussion du projet de loi de finances pour l'automne.
04:58Alors, l'Élysée refuse le terme de cohabitation.
05:02Ils disent non, non, non, ce n'est pas une cohabitation, c'est une coexistence exigeante.
05:06Est-ce que c'est une cohabitation, Arnaud Bénédetti ?
05:09Ce qui est manifestement, l'Élysée vient de donner un certain nombre de signaux qui concourent à l'indépendance du Premier ministre.
05:17Apparemment, il n'y aura plus de conseillers communs entre l'Élysée et Matignon,
05:24il n'y aura plus de participation de l'Élysée aux réunions interministérielles,
05:29donc tout ça, ce sont, si vous voulez, quand même des gages du côté de l'Élysée,
05:33qui veulent démontrer que l'Élysée n'entend pas, en tout cas, empiéter sur les prérogatives du nouveau Premier ministre.
05:38On n'est pas véritablement dans un exercice de cohabitation tel qu'on les a connus par le passé lors des trois cohabitations précédentes,
05:44parce que les cohabitations précédentes avaient été finalement le résultat de choix électoraux de véritable alternance.
05:51Là, en l'occurrence, c'est vrai que c'est très difficile de faire une lecture qui soit une lecture très lisible du résultat des élections législatives du mois de juillet dernier,
06:01mais il n'en demeure pas moins que pour M. Barnier, sa crédibilité dépendra beaucoup de sa capacité à être indépendant du Président de la République.
06:12Et d'ailleurs, quand même, on voit que le style Barnier est très différent des sept années de style que nous avons connus sous Emmanuel Macron.
06:20C'est beaucoup de sobriété, c'est beaucoup d'humilité, ça sera certainement une communication beaucoup plus écolante,
06:26mais il a dit lors du discours de passation de pouvoir avec Gabriel Attal qu'il préférait agir que parler.
06:32Envoyons quelque part une pierre dans le jardin des macronistes, mais il sera quand même obligé,
06:37compte tenu des rapports de force parlementaires, de faire avec ce que l'on appelle le bloc central.
06:42Alors Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a mis un peu plus de deux heures hier à saluer la nomination de Michel Barnier à Matignon.
06:49Michel Barnier et Bruxelles, c'est une longue histoire. Quel européen est-il aujourd'hui Arnaud Bénédetti ?
06:55Il a envoyé des signaux assez contradictoires, Michel Barnier.
06:58Oui, alors c'est un européen convaincu.
07:01Est-ce que c'est un européiste ?
07:02Il a quand même voté le traité de Bastricht en 92.
07:07Il était en pleine campagne au moment du référendum de 2005, puisqu'il était à cette époque ministre des affaires étrangères.
07:17Donc c'est un européen, mais c'est un européen qui a envoyé des signaux ces dernières années,
07:21notamment lors de la primaire des LR en 2001,
07:25qui sont des signaux où il montre une certaine réserve quant à un certain nombre de sujets.
07:30Le projet fédéraliste européen ne lui convient plus tant que ça.
07:32Le projet fédéraliste, il est plutôt critique sur les évolutions récentes, en effet, de l'Union européenne,
07:37notamment sur la question migratoire.
07:38Je rappelle quand même que sur le sujet migratoire, il a pris des positions lors de ses primaires
07:44qui sont des positions qui peuvent en effet en tout cas parler à l'électorat du Rassemblement national,
07:49entre autres, et notamment aux responsables du RN.
07:51Donc il est sur une position qui est certes une position, j'allais dire, plutôt favorable à la construction européenne,
07:58plutôt favorable à l'Union européenne, mais il a pris un certain nombre de distance ces dernières années.
08:03Merci beaucoup Arnaud Benedetti pour ces premiers mots autour de la nomination de Michel Barnier,
08:07donc notre nouveau Premier ministre.
08:09Bonne journée à vous, je rappelle que vous êtes le rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire.
08:137h20 sur Europe.