Une entreprise ne se réduit pas à des problèmes à résoudre ! [Ibrahima Fall]

  • il y a 5 mois
Si nous nous fions au philosophe Gabriel Marcel, un problème, « c'est quelque chose qu'on rencontre, qui barre la route. Il est tout entier devant moi. » La solution est souvent technique ou mathématique. Il l'oppose au myste`re qui « est quelque chose ou` je me trouve engage´, dont l'essence est par conséquent de n'être pas tout entier devant moi», ici point de solution technique mais des arrangements non définitifs. [...]

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00:08 Si nous nous fions au philosophe Gabriel Marcel,
00:11 un problème, c'est quelque chose qu'on rencontre, qui barre la route.
00:15 Il est tout entier devant moi.
00:17 La solution est souvent technique ou mathématique.
00:20 Il l'oppose au mystère, qui est quelque chose où je me trouve engagé,
00:24 dont l'essence est par conséquent de n'être pas tout entier devant moi.
00:28 Ici, point de solution technique, mais des arrangements non définitifs.
00:32 Si nous faisons nôtre ces définitions,
00:35 penser que l'entreprise serait un ensemble de problèmes à résoudre est un crime contre le réel.
00:40 Faire du problème-solving la tâche indépassable du manager en lieu et place de la formulation de problème
00:45 est un crime contre l'esprit.
00:47 En effet, la romantisation des problèmes est très vivace dans les organisations,
00:52 car le problème y est perçu comme évident dans le sens étymologique du terme,
00:56 c'est-à-dire qu'il se laisse voir partout et tout le temps.
00:59 Au prix de confusion conceptuelle,
01:02 nous réduisons ainsi le réel, au visible, voire au palpable, et pire, au chiffrable.
01:07 Nous nions son caractère multidimensionnel et par voie de conséquence,
01:11 le caractère essentiel de l'inutile.
01:13 Ce réalisme irréaliste repose sur un savoir paresseux,
01:17 amputé de l'essentiel et pour lequel savoir, c'est pouvoir,
01:20 réussir, c'est comprendre, comprendre, c'est être capable de refaire.
01:24 Le réel, c'est ce qui se répète.
01:26 Cette conception étriquée de l'action n'en est pas moins performative.
01:30 Si l'efficacité est à la fois un moyen et une finalité, plus rien n'arrête la force.
01:35 Dès lors, l'état technique dont parlait Bernanos
01:38 et l'entreprise qui nie la complexité du réel partagent le même ennemi.
01:43 L'homme qui ne fait pas comme tout le monde,
01:45 l'homme qui a du temps à perdre
01:47 ou encore l'homme qui croit à autre chose qu'à la technique.
01:50 La singularité ainsi devenue anomalie, il faut la débusquer,
01:55 même dans les subjectivités, la procédure aidant.
01:58 Les conséquences d'une telle romantisation du problème sont donc bien réelles.
02:03 Ainsi, le travailleur est érigé au rang d'abstraction
02:06 car transformé en matériel humain répondant à des influx externes.
02:10 En niant la dimension ontologique et sociale de l'homme,
02:13 on fait comme si la rationalité des réponses aux enjeux,
02:16 réduit en problèmes, règle définitivement toutes les questions existentielles,
02:21 sociales, sociétales.
02:23 Et d'autre part, cette pratique abstraite du management
02:26 fait émerger un discours managérial absco, comique, pédant,
02:31 qui engendre à son tour des pratiques managériales hors sol.
02:35 À défaut de revenir à une conception politique de l'entreprise,
02:39 apte à préserver le sens des ensembles,
02:41 l'homme, le travailleur, le citoyen,
02:43 en nous ancrant dans un réel situé,
02:46 nous serons définitivement condamnés à bricoler dans l'incurable,
02:49 c'est-à-dire à nous satisfaire de l'humanisme verbal et des vieux pieux
02:53 au prix d'une entreprise qui divorce de l'homme et de la société.
02:58 [Musique]

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