L'obstacle, le moteur caché de l'excellence [Benoît Heilbrunn]

  • l’année dernière
Quand on se lance dans une activité, qu'il s'agisse de grimper, de créer une entreprise, ou tout simplement de réfléchir, mieux vaut ne pas penser à tous les obstacles que l'on va rencontrer en chemin. Il est difficile en effet d'anticiper sa propre avancée en se figurant les moments où elle sera arrêtée ; prévoir ces arrêts, c'est en quelque sorte risquer de s'arrêter avant d'avoir commencé. C'est bien ce que l'on insinue lorsque l'on dit « se faire une montagne» de quelque chose ». L'esprit s'arrête alors devant lui-même, devient son propre problème, problema en grec signifiant justement « obstacle ». [...]

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00:00 Quand on se lance dans une activité, qu'il s'agisse de grimper, de créer une entreprise
00:12 ou tout simplement de réfléchir, mieux vaut ne pas penser à tous les obstacles que l'on
00:16 va rencontrer en chemin.
00:17 Il est difficile en effet d'anticiper sa propre avancée en se figurant les moments
00:23 où elle sera arrêtée.
00:24 Prévoir ses arrêts, c'est en quelque sorte risquer de s'arrêter avant d'avoir commencé.
00:30 C'est bien ce que l'on insinue lorsque l'on dit se faire une montagne de quelque
00:35 chose.
00:36 L'esprit s'arrête alors devant lui-même, devient son propre problème, « problema
00:42 » en grec signifiant justement « obstacle ».
00:44 Les entrepreneurs savent fort bien que celui qui réfléchit trop, qui hésite, ferait
00:50 mieux de se dire « on verra bien ».
00:52 Tout comme l'échec, l'obstacle, ce contre quoi on se heurte, est une dimension constitutive
00:59 du capitalisme car c'est une sorte de stimulus qui permet de faire mieux et de se dépasser
01:05 soi-même.
01:06 Et s'il n'y avait jamais rien qui nous mette dans les conditions de devoir résister
01:10 ou réagir, nous n'aurions aucune possibilité de progrès.
01:14 Pourtant, avoir atteint un certain niveau de maîtrise technique ou être enivré de
01:20 confiance en soi ne signifie pas que nous puissions dominer le monde.
01:25 Il nous faut accepter que ramener à soi ce qui ne dépend pas de nous est littéralement
01:30 insensé tant la réalité excède indéfiniment nos capacités.
01:34 Pourtant, cette perspective a été bouleversée par les monothéismes affirmant à la fois
01:41 la domination infinie de Dieu sur le monde et la domination de l'homme sur les autres
01:46 êtres.
01:47 La mer rouge pouvait ainsi s'ouvrir pour offrir un passage au peuple hébreu et la
01:53 foi pouvait soulever des montagnes autant de miracles qui dépassent aujourd'hui encore
01:58 et de loin nos capacités techniques mais qui ne se produisent plus.
02:02 Notre matrice culturelle a toujours fait de l'obstacle un scandale, toujours présent
02:09 et néanmoins toujours surmontable.
02:11 Pour autant, l'obstacle ne peut être pensé comme ce qui devrait systématiquement être
02:17 éliminé.
02:18 Il faut à l'inverse le considérer comme une composante essentielle du mouvement et
02:23 cela d'autant plus que le mouvement génère l'obstacle comme le montrent les végétaux
02:28 qui croissent sous son chevêtre ou l'araignée tissant sa toile.
02:32 L'obstacle est alors composante de la vie, de l'existence.
02:37 Il y a toujours quelque chose ou quelqu'un qui se tient là, debout et devant, qui se
02:42 présente et qu'on ne peut effacer.
02:44 Tous les obstacles sont-ils pour autant surmontables ?
02:48 À cette question inévitable, la réponse est clairement non.
02:52 Mais comment franchir ou aborder autrement les obstacles ?
02:56 C'est à cette question que répond fort habilement Jérôme Lèbre dans son ouvrage
03:02 sobrement intitulé « Repartir ».
03:05 Que faire devant ces obstacles qui obstruent notre chemin ? Faut-il traverser, transpercer,
03:11 s'insinuer, ou bien contourner-éviter, ou encore sauter-surmonter ? À moins qu'il
03:18 ne s'agisse tout simplement d'attendre.
03:20 Et puis face à ces actes négateurs que sont le doute ou la destruction, quelle est la
03:25 voie possible si ce n'est celle du contournement ou bien du polissage qui, autant toute forme
03:32 de résistance, crée des surfaces lisses, régulières et rassurantes ?
03:36 Et si la notion d'obstacle est féconde, c'est parce qu'elle dégrise nos rêves
03:41 de toute puissance et ridiculise notre propension à vouloir tout expliquer et expliquer le
03:47 tout.
03:48 Comme le disait Paul Valéry, les obstacles sont les signes ambigus devant lesquels les
03:53 uns désespèrent, les autres comprennent qu'il y a quelque chose à comprendre,
03:58 même s'il en est qui ne les voit même pas.
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