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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à tous, la France va-t-elle être dégradée à nouveau après Fitch ?
00:09 C'est l'agence de notation Standard & Poor's qui doit se prononcer demain.
00:13 Décision attendue tard dans la soirée après la fermeture des bourses européennes et américaines, après 22h.
00:20 Bonsoir François Eccal.
00:21 Bonsoir.
00:22 Vous êtes spécialiste des finances publiques anciens, magistrat à la Cour des comptes.
00:26 Tu regardes objectivement les différents indicateurs de l'économie française. Faut-il, oui ou non, dégrader la note de la France ?
00:33 Alors il faut comprendre que cette note qui est attribuée par les agences de notation,
00:39 elle repose pour partie sur des critères qui sont très qualitatifs, voire subjectifs,
00:45 comme la solidité des institutions, la transparence des données financières, la crédibilité de la politique économique.
00:53 Et par exemple, Fitch en avait parlé, la capacité à faire des réformes.
00:57 Mais si on regarde la dette, le déficit, la croissance, les prévisions de croissance, les agences de notation regardent cela également ?
01:03 Elles regardent bien sûr.
01:04 Des indicateurs objectifs ?
01:05 Bien sûr, elles regardent aussi des indicateurs objectifs.
01:07 Et ces indicateurs objectifs, certains ne sont pas bons.
01:11 La France a une dette publique qui est parmi les plus élevées de la zone euro.
01:16 3000 milliards d'euros.
01:18 Oui, on a probablement dépassé les 3000 milliards d'euros, en effet, ce qui fait à peu près 111% du PIB, à la fin de l'année dernière.
01:26 Et on a un déficit public qui est aussi encore parmi les plus élevés de la zone euro.
01:31 Donc en fait, c'est un signal d'alerte que risque de nous envoyer demain Standard & Poor's,
01:35 comme l'a fait d'ailleurs l'agence Fitch il y a quelques semaines.
01:39 Un signal d'alerte parmi ceux qui sont envoyés aussi par la Cour des comptes, au Conseil des finances publiques, le FMI, le CDE.
01:46 Donc il y a beaucoup de gens qui alertent en effet sur la situation des finances publiques.
01:50 Et vous avez mentionné le fait que Fitch a dégradé déjà une première fois la note de la France il y a un mois.
01:57 Et elle a effectivement mentionné l'impasse politique et des mouvements sociaux parfois violents
02:02 qui reflètent les doutes des marchés quant à la capacité de l'exécutif à faire passer dans les quatre années à venir d'autres réformes structurelles.
02:10 C'est terrible.
02:11 Oui, c'est le constat que fait Fitch.
02:14 Après, le gouvernement va essayer probablement, c'est ce qu'il est en train de faire,
02:18 de démontrer qu'il est capable de faire des réformes, qu'il a réussi à faire la réforme des retraites.
02:23 Maintenant, ce qu'il faut aussi avoir en tête, c'est que pour simplement arriver à stabiliser la dette publique au niveau où elle se trouve aujourd'hui,
02:30 ce que prévoit le gouvernement, il faut faire des économies budgétaires.
02:34 Ça ne veut pas augmenter les impôts.
02:36 Il faut faire des économies qui sont très importantes et qui vont au-delà de ce qui a été décidé avec la réforme des retraites.
02:42 Et on voit depuis un mois le gouvernement qui s'active, qui va sur les différents plateaux de télé pour dire justement qu'il veut assainir les finances publiques,
02:50 que le quoi qu'il en coûte s'est terminé, qu'il va faire des économies, 7 milliards d'économies dans le projet budgé pour 2024,
02:58 avec également 1% de PIB en plus qui a été mis de côté.
03:01 En gros, il s'active. Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui le doute est levé ?
03:05 Non, le doute n'est pas levé parce qu'en fait il s'active, mais tous les gouvernements précédents de la France depuis des dizaines d'années
03:13 ont notamment présenté à la Commission européenne ce qu'on appelle un programme de stabilité,
03:19 ce qu'a fait le gouvernement actuel à la fin du mois d'avril, dans lequel il prévoit en effet une baisse du déficit public,
03:26 une stabilisation de la dette, grâce en particulier à des économies très importantes.
03:32 Mais la réalité c'est que ces programmes de stabilité ne sont jamais respectés,
03:36 les économies ne sont jamais à la hauteur de ce qui était prévu,
03:40 et en général la croissance est un peu plus faible que ce qui était escompté.
03:43 Donc si vous, François Aikel, vous étiez dans une agence de notation,
03:47 demain, chez Standard & Tour, vous dégraderiez la note de la France ?
03:51 Je dégraderais la note de la France parce qu'en effet la France est très bien notée par rapport à ses performances.
03:57 Maintenant il faut voir aussi que si la France est très bien notée,
04:01 c'est parce que les agences de notation comme les marchés pensent que si jamais la France avait un problème pour rembourser sa dette,
04:08 la Banque Centrale Européenne serait là pour la soutenir.
04:11 En fait la grande question aujourd'hui pour un pays comme la France ou comme l'Italie,
04:15 c'est que ferait la BCE si les marchés tout d'un coup s'inquiétaient et demandaient des taux d'intérêt beaucoup plus élevés ?
04:22 Que ferait la BCE ? Est-ce qu'elle nous obligerait à faire des réformes que pour le moment nous ne faisons pas ?
04:27 Ou est-ce qu'elle soutiendrait la France de toute façon parce que la France est un pays "too big to fail" comme disent les banquiers ?
04:35 Trop important, trop gros pour que la BCE la laisse tomber.
04:38 En fait toute la question est là et les agences de notation le savent bien.
04:41 C'est pour ça que la France est bien notée. Quelque part ils se disent que la BCE sera toujours là.
04:46 Alors justement, Fitch a dégradé la note de la France de AA à AA-. C'est ce qui risque d'arriver demain avec Standard & Poor's.
04:55 Avec quel effet, à votre avis, François Eccle ?
04:58 Quasiment aucun effet. La dégradation par Fitch n'a eu quasiment aucun effet.
05:05 Mais c'est une agence de notation plus petite ?
05:06 Plus petite. Mais même Standard & Poor's ont s'inquiété beaucoup lorsque la France a perdu son triple A il y a une dizaine d'années.
05:12 A l'époque je disais déjà "mais ne vous inquiétez pas, il ne se passera rien". Il ne s'est rien passé.
05:16 En théorie, il peut se passer des choses.
05:18 Et l'argent peut coûter plus cher ? C'est quand même le risque principal.
05:21 Ça peut parce que par exemple les établissements financiers sont obligés de détenir des titres, des obligations d'une certaine qualité au-dessus d'une certaine note.
05:30 Les gestionnaires de portefeuille aussi pour leurs clients se sentent obligés aussi d'avoir des obligations d'une certaine qualité dans leur portefeuille.
05:39 Donc oui, en théorie, ça peut conduire à ce qu'ils achètent moins de titres français et donc que les taux d'intérêt montent.
05:46 Mais là, on va passer d'une note qui est A, A, A, A, A moins.
05:50 C'est-à-dire qu'on va baisser d'un cran sur une échelle qui doit avoir une dizaine de crans avant d'arriver à la catégorie spéculative.
05:57 Donc en fait, le résultat est quasiment imperceptible.
06:00 Sauf qu'on passe du côté des mauvais élèves.
06:02 On y est déjà.
06:04 Les marchés le savent et je pense qu'ils anticipent cette dégradation.
06:08 Et pour le moment, il ne s'est rien passé sur les marchés.
06:11 Le taux d'intérêt, ce qui est le juge de paix, c'est l'écart entre le taux d'intérêt de la France et celui de l'Allemagne.
06:18 Ce qu'on appelle le spread.
06:19 Le spread, il est entre 50 et 60 points de base depuis très, très longtemps.
06:24 Il n'a pas bougé ces derniers temps.
06:26 L'Allemagne qui est entrée de son côté en récession.
06:28 Pourquoi alors le gouvernement s'active autant si finalement les marchés financiers, à votre avis, ne vont pas vraiment...
06:37 Enfin, il ne va pas y avoir de conséquences pour les marchés financiers.
06:41 Est-ce que ce n'est pas finalement parce que le risque politique est presque plus important que le risque économique ?
06:46 Oui, bien sûr.
06:47 En fait, le risque pour le gouvernement, c'est un risque de communication.
06:50 C'est un risque politique.
06:51 Le risque, c'est qu'un observateur extérieur indépendant qui a une certaine expertise va dire que les finances publiques françaises ne sont pas bien tenues.
07:02 Et ça va s'ajouter à des messages du même genre qui sont envoyés par des tas d'autres observateurs.
07:07 Mais c'est toujours un mauvais point pour un gouvernement, même si la situation actuelle n'est pas uniquement de sa faute.
07:15 Elle résulte de ce que nous faisons depuis 50 ans.
07:17 Nous n'avons jamais équilibré notre budget depuis 50 ans.
07:20 Ce n'est pas nouveau.
07:21 Mais pour le gouvernement, en effet, c'est quand même un mauvais point.
07:25 C'est pour ça qu'il s'inquiète.
07:27 Et ça peut jouer également sur la confiance.
07:29 Merci beaucoup François Eccal, fondateur du site internet Fipeco, spécialisé dans les finances publiques, avant donc la décision de Stendhal-Denpors.
07:38 Demain, de dégrader ou pas la note de la dette souveraine française.
07:41 Merci à vous.

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