En 1994, Nathalie le Scrill tue son mari, Christophe, dont elle était séparée. Serge Bornstein décrit une personnalité fragile et sujette à des accès de violence. Simone Weber, surnommée la «diabolique de Nancy», a tué et découpé son amant en 1985. Francis Scherrer, expert psychologue, tentera de lever un coin du voile qui recouvre cette personnalité ô combien mystérieuse. Quant à Albert Millet, la liste de ses crimes débute en 1954, quand la tante de la belle Paulette refuse qu'ils se fréquentent. Vingt ans plus tard, il épouse Fernande, qu'il poignarde quand elle veut le quitter. Après 22 ans de prison, il tente de tuer Gisèle pour les mêmes raisons. Sept ans derrière les barreaux et il renouvelle son geste, à 78 ans passés. Le docteur Jean Bruter revient sur cette incroyable répétition de crimes passionnels.
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00:00Printemps 1954, dans les rues de Hyères.
00:04Paulette, une jeune domestique de 15 ans, sort les poubelles lorsque...
00:10Heureusement, Paulette est sauve.
00:12La poubelle a servi de bouclier.
00:16Mais quelques jours plus tard, une autre Hyéroise a moins de chance.
00:21J'ai vu quelqu'un traverser la route.
00:23Il est arrivé à hauteur de cette dame-là et il a donné un coup de revolver.
00:31Alors je me suis précipité parce que j'ai vu qu'elle vacillait.
00:35Élise, 27 ans, vient de se faire assassiner.
00:43L'amour leur a fait tourner la tête.
00:46Simone Weber, Albert Millet, Nathalie Leuz-Krill,
00:50ils ont tous les trois commis un crime passionnel.
00:54Ils ont tué leur mari, leur amant ou leur compagne.
00:58Par passion ou par jalousie.
01:01Sauf qu'aux yeux de la loi, le crime passionnel n'existe pas.
01:05Pourtant, c'est bien l'amour qui les a conduits à la mort.
01:13Docteur Bornstein, vous avez rencontré Nathalie Leuz-Krill en prison.
01:16Elle a été condamnée pour le meurtre de son mari.
01:19Quand vous l'avez rencontrée, quelle impression est-ce qu'elle vous a laissée ?
01:23Elle était assez déprimée par son statut de prisonnière.
01:33Mais elle conservait une certaine vigueur
01:37et elle s'est prêtée de bonnes grâces à l'examen.
01:40Elle vous parle sur quel ton ?
01:42Elle parle sur le ton d'une personne accablée
01:45et qui, évidemment, semble tout à fait imprégnée de remords et de regrets
01:52d'un acte dont elle mesure des conséquences dramatiques pour elle,
01:57sa famille et surtout sa petite-fille.
02:016 janvier 1994.
02:04Une femme entre à la gendarmerie de Chantilly, dans le sud de la Picardie.
02:09Elle est inquiète car son mari a disparu depuis la veille au soir.
02:14Elle va s'effondrer et elle va pleurer.
02:17Elle va se mettre à pleurer et là, elle va presque supplier de mettre tout en œuvre
02:22et de mettre tous les moyens en action pour retrouver son mari.
02:26Son mari, c'est Christophe Lescrylle,
02:29un joquet qui commence à se faire un nom dans le milieu hippique.
02:33Le même Christophe Lescrylle qui la veille à téléphoner deux fois aux gendarmes
02:38pour qu'ils viennent mettre un terme à une dispute conjugale.
02:42Les gendarmes avaient d'ailleurs fait le déplacement.
02:47On sonne, personne ne répond.
02:49On insiste un petit peu.
02:51Après avoir sonné, on clenche quand même la porte de l'habitation.
02:55La porte est verrouillée.
02:58A priori, le domicile est vide.
03:03Nathalie Lescrylle est interrogée sur cette coïncidence.
03:07Et elle raconte.
03:10Christophe et elle sont séparés depuis moins d'un an.
03:13La veille, elle est passée voir leur petite fille pour discuter avec lui.
03:19Mais vers 22h, ça a dégénéré.
03:22Christophe est soudain rentré dans une colère folle et il est devenu menaçant.
03:28Une version que Nathalie tient aussi aux journalistes
03:32qu'elle mobilise pour retrouver son mari.
03:35Elle nous raconte qu'il l'a poursuivie dans la maison, qu'il l'a menacée.
03:39Elle avait vraiment très très peur.
03:41Et donc elle a décidé de s'enfermer dans la cuisine.
03:45A un moment donné, Christophe est allé passer un coup de fil.
03:49Alors elle en a profité pour s'enfuir en voiture avec sa fille.
03:54Christophe a surgi, il a essayé de les poursuivre.
03:57Mais il n'a pas pu les rattraper.
04:00Ce qu'il a fait après, elle n'en a aucune idée.
04:03Elle ne l'a pas revu depuis.
04:06Lorsqu'elle est rentrée un peu plus tard dans la soirée, Christophe avait disparu.
04:11Une fugue ? Un suicide ?
04:13Pour Nathalie, rien n'est impossible.
04:18Cette femme qui va à la gendarmerie signaler la disparition de son mari
04:22alors qu'elle l'a tué, c'est fréquent ?
04:25Non. Elle est dépassée un petit peu par son passage à l'acte
04:29dont elle mesure pleinement les conséquences
04:32et dont elle ne veut pas s'attribuer la paternité.
04:38Dans un premier temps, elle part au plus pressé.
04:41Elle fait la femme inquiète dont le mari a disparu.
04:48Elle sollicite une aide qu'elle sait évidemment théorique
04:55puisqu'elle est parfaitement au courant de ses agissements
05:00qui ont été accomplis en toute clarté.
05:03Elle pleure, elle supplie.
05:05Elle ne se contente pas de déclarer une disparition.
05:08Oui, elle pleure, elle supplie.
05:11Elle est dans un état d'émoi apparent qu'elle transmet aux enquêteurs.
05:20Elle feint donc cette situation.
05:26Mais elle pleure aussi sur son propre sort
05:29puisqu'elle sait qu'on risque de le découvrir
05:33et que les conséquences pour elle à court terme vont être désastreuses.
05:41Dans l'entourage du couple, on ne croit pas beaucoup à la version de Nathalie.
05:47Christophe ne serait jamais parti en laissant sa fille.
05:50Donc c'est pour ça que quand il a disparu,
05:53pour nous, ce n'était pas une fuite ou une fue
05:56ou peu importe les hypothèses qui avaient pu être amenées
06:00puisque quoi qu'il arrive, il n'aurait pas laissé sa fille.
06:04Très vite, une autre version circulait à la Morlaix
06:07où vit le couple Le Scril.
06:10La rumeur dans la Morlaix a commencé à gonfler.
06:13Tout le monde en a parlé.
06:15J'ai dit, il est mort, Nathalie l'a tué.
06:18S'il était arrivé quelque chose à Christophe,
06:21c'était forcément quelque chose qui venait de Nathalie.
06:24Donc ou Nathalie qui avait commis quelque chose
06:27ou Nathalie qui avait commandité quelque chose.
06:31Les langues se délient.
06:33Il se dit que Nathalie serait violente avec Christophe.
06:36On s'habillait ensemble dans le vestiaire, on était l'un à côté de l'autre,
06:39donc on se déshabillait l'un à côté de l'autre.
06:41Donc de temps en temps, je voyais des traces
06:43et à chaque fois je lui disais, mais tiens, qu'est-ce que tu t'es fait ?
06:46Ah là là, c'est en bricolant, c'est dans la maison.
06:49Il se cachait derrière un objet, une porte, un truc.
06:56Il avait une atteinte là, il était greffé là comme ça en travers
06:59et puis deux, trois balafres tout le long du corps.
07:02Il n'y a qu'une femme qui a des ongles longs
07:05qui puisse faire une chose pareille.
07:08Depuis la naissance de leur fille,
07:10les relations du couple se sont dramatiquement détériorées.
07:14Christophe a entamé le divorce et depuis trois mois,
07:17il voit une autre femme.
07:20Nathalie pourrait donc avoir un mobile.
07:22La jalousie.
07:24Mais sans preuve, ça n'est qu'une rumeur.
07:28Pendant un mois, personne n'a de nouvelles de Christophe.
07:32Jusqu'au jour où un proche de Nathalie se présente à la gendarmerie.
07:36Il a une histoire à raconter.
07:38Une histoire que Nathalie lui a demandé de garder secrète.
07:45Là, ils nous disent ces termes, je ne peux plus vivre avec ça, je vais vous le dire.
07:48En fait, le lendemain de la disparition de l'escrime,
07:51il a été contacté par Nathalie, Nathalie l'escrime,
07:55qui lui a demandé de l'emmener dans un bois.
08:00Alors, réduit au bois, Nathalie lui a demandé de s'arrêter.
08:03Et elle, elle est rentrée seule dans ce bois.
08:08Nathalie lui dit qu'elle va faire un jogging pour se défouler.
08:12Mais lorsque les gendarmes se rendent sur place,
08:14ils trouvent le corps de Christophe.
08:18Ce qui nous a frappés, c'est la présence d'un lien vert noué autour du cou,
08:21noué assez fort, très serré.
08:24Ce qui nous laissait supposer que le corps découvert là sur place
08:27avait été étranglé avant d'être déposé dans le bois.
08:31Les gendarmes convoquent aussitôt Nathalie l'escrime.
08:35On ne la sentait pas du tout ni gênée, ni inquiète.
08:39Elle nous donnait sa version et elle parlait tout à fait normalement,
08:42comme une audition de témoin, comme la première audition le lendemain des faits.
08:46Elle nous demandait régulièrement ce que vous l'avez retrouvé,
08:48vous savez où il se trouve.
08:49On parlait de lui au présent comme s'il était encore là, comme s'il allait revenir.
08:52Et ça, c'était assez impressionnant.
08:55Mais après plusieurs heures d'audition, Nathalie se met à table.
08:59Et elle raconte.
09:01Ce soir-là, elle est venue voir son mari avec un drapeau blanc.
09:05Elle voulait tirer un trait sur le passé et reprendre la vie commune.
09:10Mais Christophe n'a rien voulu savoir.
09:13Ça a dégénéré. Le bébé s'est mis à pleurer.
09:16Elle a voulu s'en occuper.
09:17Lui, il l'a empêché en lui disant que depuis sept mois, elle ne s'en occupait pas.
09:21Donc, ce n'était pas maintenant pour une soirée qu'elle pourrait s'en occuper.
09:25Donc, il fallait laisser le bébé pleurer.
09:27Elle le dit elle-même.
09:29Il n'appelait pas papa, il n'appelait pas maman.
09:33La scène de ménage prend de telles proportions que Christophe appelle les gendarmes.
09:38Là, Christophe rejoint Nathalie en lui disant, il faut que tu partes maintenant.
09:42Les gendarmes arrivent de toute façon.
09:44Nathalie lui répond, personne ne déloge rien.
09:47Folle de rage, Nathalie s'empare d'une ceinture de peignoir.
09:51Elle fait deux nœuds en s'y rentrant très fort.
09:53Et d'ailleurs, à ce moment-là, elle déclare qu'à un moment,
09:56elle croit apercevoir un filet de sang qui sort de la bouche de Christophe.
10:01Ensuite, Nathalie raconte qu'elle a pris sa fille sous le bras
10:04et qu'elle est allée se débarrasser du cadavre.
10:08Elle l'a recouverte de branchages,
10:10elle l'a emprisonnée,
10:12puis elle est rentrée à la Morlaix.
10:15Elle raconte cela en donnant énormément de détails.
10:18Elle raconte son histoire comme un comédien pourrait le faire.
10:22Elle allait presque animer les différents mouvements
10:25sans vraiment se rendre compte de la gravité de ce qu'elle refaisait devant nous.
10:30Qu'est-ce qui s'est passé dans sa tête au moment où elle a saisi cette ceinture de peignoir
10:35et où elle a saisi cette ceinture de peignoir ?
10:38Je pense que c'était dans un corps-à-corps, dans un échange.
10:43Dans ces affrontements, il y a une espèce de rage
10:48destructrice.
10:52Et puis, où on est dépassé, c'est comme dans les colères
10:57classiques où on casse des objets.
10:59Donc, je pense que c'est un peu ce qui s'est passé dans sa tête.
11:03C'est comme dans les colères classiques où on casse des objets.
11:07Donc, il y a un détournement de la violence sur un médiateur, en quelque sorte.
11:14L'objet.
11:15L'objet.
11:17Donc, là, il n'y a pas eu un vase à briser.
11:23Elle emproie une certaine frénésie dans l'échange de coups, dans la brutalité.
11:29Et elle, plus forte que son mari, petit, joqué, frêle,
11:35elle a pris la ceinture, elle a plus serré qu'il ne le fallait.
11:41Mais la volonté meurtrière n'est pas totalement évidente.
11:45Visiblement, Nathalie était violente, quand même.
11:48Oui, elle était violente, sujette à des explosions de violence.
11:53Et dans ces moments-là, il y a une petite dissolution de la conscience.
11:58Je parlais tout à l'heure des colères classiques où on brise des objets.
12:02Certaines personnes sont sujettes à ces emportements qui sont susceptibles de regretter par la suite.
12:08Ils sont dépassés dans un état un peu second lorsqu'ils agissent.
12:13A votre avis, c'est dans leur histoire commune qu'on peut trouver une explication à ce geste ?
12:17Ou dans la sienne, celle de Nathalie ?
12:20C'est plutôt dans la sienne.
12:23Lorsque Nathalie rencontre Christophe, il a 21 ans, elle 24,
12:28et une passion commune, le cheval.
12:32Il est l'une des étoiles montantes du circuit, elle,
12:35et cavalière d'entraînement dans les écuries de Maison Lafitte.
12:40Ils tombent éperdument amoureux et ne se quittent plus.
12:44Nathalie était tous les jours aux courses.
12:46Et d'ailleurs, je les voyais, ils étaient dans les balances, toujours ensemble,
12:49ils s'embrassaient et tout ça.
12:51Et je chariais un peu Christophe, je lui disais, tu vas pas la perdre.
12:58Trois mois plus tard, les amoureux convolent.
13:01Nathalie, qui avait une réputation de croqueuse d'hommes,
13:04ne vit désormais plus pour le sien.
13:08C'était elle qui commandait.
13:10Et elle l'emmenait où elle voulait, comme elle voulait, et lui suivait.
13:14Donc, il disait rien, donc c'est que tout allait bien.
13:20C'est à la naissance de leur fille, deux ans plus tard,
13:24que les choses se dégradent.
13:26Nathalie a le blues.
13:28Elle se sent malheureuse et délaissée.
13:31Son mari ne s'occupe plus que de sa carrière et de leur petite-fille.
13:39Alors Nathalie multiplie les tentatives de suicide
13:42et tente de s'étourdir aux bras d'autres hommes.
13:45Des conquêtes d'un soir.
13:48Ceux qui la connaissaient disaient qu'ils avaient eu, malheureusement,
13:51une aventure avec elle.
13:53Donc, plein de joqués, jeunes joqués,
13:56je ne vais pas dire s'en vantaient,
13:58mais on le savait, on parle entre nous.
14:02Mais Christophe ne réagit pas.
14:05Et la vie suit son cours.
14:07Jusqu'au jour où, lors d'une énième dispute,
14:10Nathalie lui porte un coup fatal.
14:13Christophe est arrivé sur le champ de course, il m'a dit
14:15il faut qu'on parle, on est partis dans un coin tranquille.
14:17Il m'a dit voilà, Nathalie hier soir m'a balancé
14:21qu'elle couchait avec un tel, un tel, un tel, un tel.
14:26Nathalie va loin, très loin.
14:28Elle lui crache au visage qu'il n'est peut-être pas
14:31le père de sa fille.
14:33Il a dit pour moi c'est ma fille, ça sera ma fille,
14:35je ne saurais pas te savoir si elle est d'un tel ou d'un tel,
14:39pour moi c'est la mienne, je suis sûr que c'est la mienne
14:43et je vais continuer à élever ma fille, voilà.
14:50Mais le divorce est en marche.
14:52Christophe ne peut plus pardonner à Nathalie.
14:55Et Nathalie, elle, se sent abandonnée.
14:58Un sentiment qu'elle ne supporte pas car elle l'a déjà vécue.
15:04Même si elle a été élevée dans l'opulence
15:07et que son enfance a d'abord été heureuse.
15:10Je pense qu'ils étaient totalement dans l'apparence,
15:14voulant montrer qu'ils avaient de l'argent,
15:16voulant montrer qu'ils faisaient partie peut-être d'une espèce d'élite.
15:23Mais à l'adolescence, tout bascule.
15:26Un jour, son père adoré, l'avocat qui roulait en Rolls
15:30dans les quartiers chics de la capitale,
15:32s'enfuit à l'autre bout du monde.
15:35Car c'est en réalité un conseiller juridique véreux
15:39aux casiers judiciaires bien fournis.
15:42Nous sommes aperçus que c'était une personne qui était recherchée.
15:45Nous avons pu l'interpeller.
15:47Et ensuite, il était remis au service compétent
15:50pour être écroué et purger la peine qu'il devait subir.
15:57C'est peut-être de là qu'est venue son angoisse d'abandon,
16:00son besoin de plaire, son comportement théâtral aussi.
16:04Un comportement dont Nathalie n'a pas pu se défaire
16:08lors de son procès.
16:10Elle avait une façon de déclamer ses phrases
16:13en levant les yeux vers le ciel, en faisant des grands gestes,
16:17comme si elle était en pleine représentation d'un jeu de rôle.
16:24À son procès, Nathalie Lescry l'a finalement émise des regrets.
16:29Pour son crime, la justice l'a punie de 20 ans de prison.
16:34Depuis le drame, c'est la mère de Christophe
16:37qui s'occupe de leur petite fille.
16:40Quant à Nathalie, elle est aujourd'hui libre
16:43après avoir purgé huit ans de détention.
16:49Qu'est-ce que Nathalie Lescry n'a pas supporté ?
16:52Que son mari refuse de se remettre avec elle
16:55ou qu'il voit une autre femme ?
16:57Je pense que c'est les deux éléments qu'elle n'a pas supportés.
17:01Il s'entend que son mari lui échappait,
17:04qu'il avait peut-être rencontré quelqu'un.
17:07Elle s'est sentie un petit peu dépassée,
17:12avec un risque de rejeter.
17:14C'était l'effondrement d'une famille modèle
17:17avec un père, une mère et une petite fille radieuses.
17:21Elle avait beaucoup à perdre.
17:24C'était insupportable.
17:26Cette surtention émotionnelle et affective
17:29provoquait le passage à l'acte.
17:31Elle, de son côté, le trompait ardemment.
17:34Oui.
17:35Même si elle pouvait avoir une vie légère et agitée,
17:40elle ne supporte pas, finalement,
17:43de perdre cette référence familiale de qualité
17:47qu'elle avait avec son mari joqué.
17:50C'est une question d'égo ?
17:53Oui, il y a certainement une question d'égo-centrisme.
17:58Elle est habituée à être une espèce de princesse,
18:02un peu adulée.
18:04Ce mari, lassé, probablement, par son comportement,
18:11décide de briser leur union
18:14et de reprendre son indépendance.
18:18Elle se sent bafouée.
18:21Quels que soient les greffes qu'on pourrait lui opposer,
18:25il n'en demeure pas moins qu'elle réagit
18:29comme si elle était la femme idéale
18:33qu'on ne saurait abandonner.
18:36Cela renvoie à l'abandon de son père ?
18:39Oui.
18:40Il est certain que, dans sa propre histoire,
18:44le fait que son père se soit éloigné
18:48a laissé des traces psychotraumatiques.
18:54Le fait que son mari se détourne,
18:58c'est une nouvelle blessure.
19:01Elle a des pathologies ou des troubles de la personnalité ?
19:05Non, elle a des éléments
19:08qui procèdent d'une structuration névrotique.
19:12Une personnalité qui reste fragile,
19:16habile, changeant souvent d'attitude.
19:22Elle est très sensible
19:26à l'impression qu'elle peut faire.
19:32Il n'y a pas d'âge pour aimer, ni pour tuer.
19:36Comme Nathalie Lescrille, Simone Weber a basculé dans le crime.
19:40Elle a tué et découpé en morceaux son amant.
19:45Francis Scherer, Simone Weber a été surnommée
19:49la diabolique de Nancy.
19:52Vous la rencontrez où ?
19:55Je la rencontre à la prison Charles III de Nancy,
19:59une prison vétuste, un ancien couvent.
20:03Elle arrive et tout de suite,
20:07elle définit le cadre de l'échange, la situation.
20:11Elle est très à l'aise.
20:15J'ai l'impression d'être reçue par une châtelaine,
20:19évidemment pas dans un château.
20:23Mais si je refuse de rentrer dans cette définition
20:27qu'elle a de la situation et de notre relation,
20:31l'examen psychologique ne va pas pouvoir se réaliser.
20:35Elle pose ses conditions et c'est à prendre ou à laisser.
20:39Elle se comporte un peu comme une reine, c'est sa majesté Simone.
20:43Elle sait qu'elle est un personnage médiatique
20:47dont on parle un peu partout et elle l'incarne.
20:51Je ne dirais pas qu'elle le joue, elle l'incarne réellement.
20:55C'est-à-dire qu'elle est devenue ce personnage
20:59dont on parle et elle l'incarne en se posant comme victime.
21:03Vous avez l'impression d'être face à Simone Weber
21:07ou à la diabolique de Nancy ?
21:09La question est là.
21:11Effectivement, on se dit qui est là, derrière ?
21:15Fin juin 1985.
21:19Bernard Etier, le compagnon de Simone Weber,
21:23ne donne plus aucune nouvelle depuis plusieurs jours.
21:27Sa fille, qui connaît bien Simone, est inquiète.
21:31Je savais le harcèlement qu'elle avait sur lui.
21:35Elle savait si Moine Rosalie est venue, elle notait sur un cahier,
21:39à quelle heure il partait, à quelle heure il est rentré.
21:43Quand j'ai su qu'il était parti avec elle, j'ai eu peur.
21:47Elle avait tenté de le droguer plusieurs fois.
21:51Alors la famille décide de mener l'enquête.
21:55Et ils commencent par une petite visite à Simone.
21:59Nous sommes rentrés chez Simone Weber, rue de Strasbourg.
22:03A notre grande surprise, la lumière...
22:07On a eu très peu de lumière.
22:11Dans cet appartement, sa cuisine était inondée.
22:15Simone explique qu'elle a une fuite.
22:19Mais les proches de Bernard Etier ne sont pas convaincus.
22:23Ils soupçonnent plutôt un grand lessivage.
22:27Nous on pensait qu'elle l'avait droguée et qu'il était dans un coin de l'appartement.
22:31On passe dans la salle à manger, on regarde dans les coins,
22:35on ne voit personne. On ouvre un placard, un cagibi plutôt.
22:39C'était rempli de sacs poubelles.
22:43Un monceau de sacs poubelles.
22:47D'emblée, il y a une assez forte pression de la part de la famille
22:51pour obtenir l'interpellation immédiate de Simone Weber.
22:55Ce à quoi on va opposer une fin de non-recevoir,
22:59c'est-à-dire une perquisition dans les différents domiciles de Simone Weber,
23:03n'était pas évident.
23:07Alors que le temps nous permettait d'essayer de cerner sa personnalité
23:11et de voir un peu quelles étaient ses allées et venues.
23:15Le juge met en place une surveillance discrète
23:19de Simone Weber. Seulement voilà...
23:23Elle nous avait bien repérées. Elle jouait au chat-la-souris avec nous.
23:27On était effectivement très surpris.
23:31C'est pas le comportement, déjà, de quelqu'un qui est honnête.
23:35Et en plus, de la part d'une femme
23:39style mamie Nova, style grand-mère,
23:43ça nous a quand même particulièrement frappés.
23:47Il en faut beaucoup plus pour déstabiliser Simone.
23:51Pendant 5 ans, elle va nier avoir tué son amant
23:55malgré les éléments à charge rassemblés par les enquêteurs.
23:59Comme le témoignage des voisins qui, ce jour-là,
24:03ont vu un homme monter chez elle puis entendu de drôles de bruits
24:07et qui, quelques jours plus tard, ont vu des sacs suspects
24:11sur le trottoir. Ou la découverte
24:15de la voiture de Bernard Etier chez la sœur de Simone,
24:19sans aucune raison valable. Malgré encore la saisie,
24:23celle d'une meuleuse à béton de location qu'elle avait déclarée voler.
24:27Et Simone continue de nier
24:31quand on repêche une valise lestée d'un parpaing dans la marne.
24:35A l'intérieur, un tronc humain.
24:39Pour les experts, c'est très probablement celui de Bernard
24:43et le parpaing, ils sont formels, vient de chez Simone.
24:47Mais Simone ne se laisse jamais démonter.
24:51J'avais quand même une expérience en matière
24:55de truand moyennement chevronné.
24:59Je dois dire que jamais aucun
25:03ne m'a mis aussi mal à l'aise que Simone Weber
25:07à certains moments des auditions.
25:11Un regard foudroyant
25:15qui indique bien qu'elle n'est pas contente.
25:19Quand on la gêne, elle manifeste tout à fait
25:23son mécontentement.
25:27Simone Weber se dit innocente. A vous aussi, elle l'affirme ?
25:31Oui. Elle réfute toutes les accusations.
25:35Elle compare
25:39cette façon d'agir des autres à son égard à Barmary
25:43ou même aux nazis.
25:47On la persécute.
25:51Et qui la persécute ?
25:55La justice en premier lieu.
25:59Les personnes qui ont témoigné contre elle.
26:03C'est un complot ?
26:07Oui.
26:11Elle est dans un délire de persécution ?
26:15Non.
26:19J'existe contre les autres.
26:23Et si les autres ne vont pas dans le sens où je vais,
26:27c'est qu'ils sont contre moi.
26:31Mais ça en reste dans une logique de l'affrontement,
26:35de l'antagonisme du duel.
26:39On ne dérape pas dans le délire.
26:43C'est une mauvaise idée.
26:47Mais on ne peut pas dire qu'elle n'est pas,
26:51à son coup d'essai.
26:55En creusant un peu, il découvre que son précédent mari,
26:59Marcel Fixard, est mort soudainement d'une crise cardiaque.
27:03On soupçonnait Simone Weber d'avoir empoisonné son mari,
27:07Marcel Fixard, décédé très peu de temps
27:11de digitaline sous une fausse identité de fait à l'aide d'une ordonnance falsifiée.
27:16La digitaline, un médicament pour booster le coeur, mortel en cas de surdose. Le corps de
27:29Marcel Fixard est exhumé, mais six ans après sa mort, ça ne donne rien. Aucune preuve,
27:37mais peut-être immobile pour les enquêteurs.
27:40Je pense qu'elle a dû flairer aussi la bonne affaire, en plus il ne faut pas oublier qu'elle
27:44n'avait pas beaucoup de revenus à l'époque, elle ne travaillait pas, elle n'avait pas
27:48beaucoup d'argent, donc c'est vrai qu'elle a dû se dire je vais peut-être essayer de
27:54mettre le grappin sur le pépère. Pour la deuxième fois donc, Simone est inculpée
28:01pour l'empoisonnement de Marcel.
28:03Si on n'avait pas eu à enquêter sur l'affaire Bernard Etier, Simone Weber aurait pu encore
28:11couler des jours heureux dans sa petite maison de rosiers Roussaline, en profitant des biens
28:16de Marcel Fixard et puis même de bénéficier de sa pension de retraite.
28:22L'affaire Fixard qui est venue s'ajouter ou dans le prolongement même d'Etier contribuait
28:30à la diaboliser, puisqu'en fait on disait mais c'est une femme qui fait disparaître
28:34les gens, alors voilà Etier on ne le trouve plus, probablement est-il décédé et puis
28:40on inculpe, à l'époque c'était des inculpations, du chef de le Média de la Mort de Fixard
28:44cette fois-ci. Donc les médias se disent, vous voyez que personne ne se trompe, c'est
28:50vraiment quelqu'un qui est nocif, qui tue les gens de son environnement quand ils ne
28:59correspondent plus à ce qu'elle en veut, j'en sais rien, en tout cas c'était de la
29:02diabolisation.
29:03Pour l'empoisonnement de Marcel Fixard, Simone a été acquittée, mais pour le meurtre de
29:09Bernard Etier, elle a été condamnée à 20 ans de prison, là où elle risquait la perpétuité.
29:15Mais les jurés ont retenu des circonstances atténuantes. Pour eux, Simone a agi par amour.
29:24C'est un verdict qui la rend beaucoup plus humaine, femme de passion, femme de passion
29:31incontestablement meurtrière, puisqu'elle est condamnée pour ça, mais moins calculatrice
29:41et donc moins diabolique qu'on avait bien voulu la voir.
29:46Simone, elle, continue de se dire innocente, victime d'une erreur judiciaire.
29:54Il ne pouvait pas m'acquitter pour les deux.
29:57Vous voyez, je suis quand même large d'esprit.
30:00Simone Weber est sortie de prison en 1999, après 14 ans de détention.
30:10Simone Weber a été condamnée à 20 ans de prison, là où elle risquait la perpétuité.
30:14On peut dire que c'est un verdict assez clément.
30:16À votre avis, qu'est-ce qui a emporté la conviction des jurés ?
30:20Je pense qu'elle était son propre défenseur, son premier défenseur, je crois.
30:24Peut-être qu'elle a fait passer quelque chose d'autre aussi que l'image de la diabolique.
30:30Je pense qu'elle a pu faire passer quelque chose d'autre.
30:34Vous pensez que c'est la dimension passionnelle de ce crime qui a emporté la conviction des jurés ?
30:39C'est fort possible, parce que je crois qu'en général, les jurés sont sensibles à cette dimension-là.
30:45Ce n'est pas une dimension d'intérêt pulvépuleux, etc.
30:52D'ailleurs, quand elle parlait de Bernard Hétier, à certains moments, elle le nommait par son prénom,
30:58de façon affectueuse.
31:01Et puis, quelques secondes plus tard, elle pouvait en parler sur un ton tout à fait différent,
31:06soit de mépris ou de rejet, lorsqu'il était considéré comme cause de sa situation de personne incarcérée.
31:14C'est une femme passionnée, Simone ?
31:16Je pense.
31:17Ses relations avec les autres, tout en étant maîtrisées, sont aussi de l'ordre de la passion.
31:26Ce n'est pas quelqu'un qui a une vie tranquille jusque-là.
31:29Ce n'est pas une dame ordinaire, Simone Weber.
31:34Elle a des histoires derrière elle, elle a des mystères, elle a des secrets.
31:41Personnellement, j'ajouterais qu'elle a eu quand même un certain nombre de difficultés dans sa vie.
31:47On pourrait dire simplement qu'elle a mangé de la vache enragée.
31:51Et les difficultés de Simone commencent tôt, par le divorce de ses parents.
31:57J'ai eu une enfance assez heureuse.
32:01Mes parents se sont séparés.
32:03J'étais très petite.
32:05Ils se sont partagé les meubles, les enfants.
32:08Moi et ma sœur étions avec papa, car elle refait sa vie, les deux autres avec maman.
32:14Simone et sa sœur Madeleine seront désormais inséparables.
32:19Étant jeunes filles, elles étaient encore ensemble.
32:22Et ensuite, les deux sœurs ont épousé les deux frères.
32:26Les deux sœurs Weber ont épousé les deux frères Thiau.
32:29Donc c'est marrant ce parallélisme, mais c'est vrai qu'elles ont toujours été ensemble.
32:34Mais Simone ne s'épanouit pas dans son mariage et finit par se séparer de son époux.
32:39Ses cinq enfants, elle les élèvera seules.
32:43Une situation difficile, mais Simone ne manque pas de ressources.
32:49Elle avait sans doute des capacités intellectuelles
32:53un petit peu au-dessus de la moyenne des gens qu'elle fréquentait ou qui étaient dans son entourage immédiat.
32:58Mais le problème, c'est qu'elle n'a pas pu faire d'études, vraiment pousser.
33:01Elle a été un peu blackboulée par l'existence, avec des petits boulots, des choses instables.
33:09Simone se débrouille à coups de mensonges et de petites combines.
33:14Mais le destin la frappe, durement.
33:18En 1968, sa fille Catherine meurt d'une intoxication au sirop pour la toux à l'infirmerie du lycée.
33:26La mort de sa fille, c'est un des éléments déterminants de la suite des choses, des événements.
33:33D'abord parce qu'elle en conçoit une immense désespoir personnel, bien compréhensible, bien évidemment.
33:42Et puis parce qu'à ce moment-là, elle pense que l'institution, que les institutions scolaires, judiciaires se sont liées contre elle.
33:52C'est le début, quelque part, de sa paranoïa.
33:55Négligeant son suicide, Simone ne le saura jamais.
34:01Et à peine remise de ce drame, en survient un autre, tout aussi terrible.
34:07Elle a un fils qui s'est suicidé d'une balle en plein cœur pendant son service militaire.
34:13Donc si vous voulez, c'est une personne dont on peut dire qu'elle a eu des malheurs.
34:18Ça a été une deuxième catastrophe, n'est pas le mot, un déchirement.
34:27Vous savez, quand on vous dit des choses pareilles, je crois que les mots ne peuvent pas dire.
34:33La vie continue et à la fin des années 70, Simone travaille comme dame de compagnie chez Marcel Fixard, un veuf de 80 ans.
34:45Rapidement, elle devient Madame Fixard.
34:48Mais trois semaines après le mariage, Marcel meurt d'une crise cardiaque.
34:54Simone refait sa vie quelques années plus tard, avec Bernard Etier.
34:58Une histoire qui ne dure pas non plus.
35:02Lorsqu'il la quitte, Simone ne le supporte pas.
35:09On est vraiment dans le crime passionnel ?
35:11Oui.
35:13Passionnel, pourquoi ?
35:15Parce que c'est quand même les émotions qui sont là, qui commandent.
35:19Tout ça n'est pas parfaitement...
35:22Même si c'est organisé, même si c'est un comportement organisé, tout ça n'est pas rationnel.
35:27Donc c'est bien le sentiment, l'émotion qui est le moteur.
35:33Alors vous nous avez parlé du mur, le mur Simone Weber, que vous avez réussi à contourner.
35:38Qu'est-ce que vous avez perçu derrière ce mur ?
35:42Ce que j'ai perçu, c'est quelqu'un qui a dû aimer très fort, haïr beaucoup aussi.
35:48Éprouver des sentiments de détresse, d'attachement certainement chaotique.
35:54Et qui certainement, dans un deuxième temps, a essayé de sortir de ce chaos émotionnel
36:00et de construire quelque chose, de ne pas couler.
36:05Le crime passionnel n'est pas l'apanage des femmes.
36:09De nombreux hommes tuent eux aussi par amour ou par passion.
36:13Mais rares sont ceux qui tuent plusieurs fois.
36:16Albert Millet s'en est pris quatre fois à ses compagnes.
36:20C'est en ce sens qu'il fait figure d'exception dans les annales judiciaires.
36:26Docteur Brutter, vous avez rencontré Albert Millet en 2002.
36:30Quel souvenir vous gardez de cet homme ?
36:32Je garde le souvenir d'un monsieur qui avait une belle prestance,
36:38plutôt bel homme pour son âge, bien habillé, bonne présentation,
36:42mais en même temps qui dans le premier contact s'est montré très obséquieux
36:46et puis un petit peu avec une volonté de manipulation
36:51puisque d'emblée il m'a demandé de faire un rapport favorable pour lui,
36:56ce qui n'est pas l'habitude lorsqu'un expert se présente pour faire une expertise.
37:02Il vous le demande comme ça, de but en blanc ?
37:04Il m'a demandé comme ça, de but en blanc, faites-moi un rapport favorable s'il vous plaît.
37:08Alors j'ai demandé un petit peu ce que c'était un rapport favorable,
37:11mais il n'a pas été capable de m'expliquer.
37:15Printemps 1954, dans les rues de Hyères.
37:18Paulette, une jeune domestique de 15 ans, sort les poubelles lorsque...
37:24Heureusement, Paulette est sauve.
37:26La poubelle a servi de bouclier.
37:30Mais quelques jours plus tard, une autre Hyéroise a moins de chance.
37:35J'ai vu quelqu'un traverser la route.
37:37Il est arrivé à hauteur de cette dame-là et il a donné un coup de revolver.
37:43Alors je me suis précipité parce que j'ai vu qu'elle vacillait.
37:47Élise, 27 ans, vient de se faire assassiner.
37:51C'était la tante de Paulette.
37:54Et pour tout le monde, l'homme qui se cache derrière ce crime,
37:57c'est l'ex-petite amie de Paulette, Albert Millet.
38:02Cette tante, elle n'était pas d'accord pour qu'il la fréquente.
38:07Elle le disait non, non, moi je ne veux pas, il n'y a rien à faire,
38:10vous la laissez tranquille, elle est trop jeune pour nous, et patatine, et patatine.
38:16Alors plutôt que de voir Paulette lui échapper,
38:19le jeune homme de 25 ans a décidé de tuer les deux femmes.
38:24Et depuis le drame, Albert Millet s'est volatilisé.
38:30Quelques jours plus tard, il est arrêté après une violente fusillade avec les policiers.
38:35Il en réchappe de justesse.
38:38Finalement, il est condamné à la peine de mort.
38:43Mais grâce à un recours en cassation, l'homme sauve sa tête.
38:47Il écope des travaux forcés à perpétuité.
38:52Une peine que l'histoire va encore alléger.
38:55En 1968, la loi transforme les travaux forcés en 20 ans de réclusion criminelle.
39:01En 1973, Albert Millet a payé sa dette à la société.
39:05Il est donc libre.
39:07Libre et prêt à repartir à zéro avec la nouvelle femme de sa vie,
39:13Fernande.
39:16Il a connu Fernande parce que Fernande était mariée avec son meilleur ami.
39:22Et il s'est rendu amoureux d'elle.
39:25Il a connu Fernande parce que Fernande était mariée avec son meilleur ami.
39:31Donc ils ont commencé à communiquer par courrier.
39:36Après, elle réussit à avoir un parloir.
39:39Donc elle va le voir une fois par mois à Clervaux.
39:43De là, il se crée une histoire d'amour.
39:47Fernande quitte son mari et épouse Albert un mois après sa sortie de prison.
39:53Albert, que tout le monde ailleurs continue d'appeler Pierrot comme Pierrot le fou,
39:58semble enfin avoir trouvé l'amour et le bonheur.
40:03Il était toujours propre, bien tenu et tout.
40:06Parce que Fernande le tenait bien.
40:08Mais il était brave.
40:10Brave femme, c'est innocent.
40:12Il appelait Nande.
40:15Nande, passe-moi ça.
40:17Nande, fais-moi ça.
40:18Et elle le faisait.
40:21Franchement, c'était nickel. Ils étaient heureux.
40:26Mais après cinq ans de mariage, le bonheur s'estompe.
40:31Fernande est fatiguée de subvenir seule aux besoins du couple.
40:36Elle rêve d'un Albert moins possessif et enfin décide à faire bouillir la marmite.
40:43Elle s'est dit, on va vivre comme ça toute notre vie.
40:47C'est-à-dire, on va travailler deux journées dans une.
40:50Un gars qui est à la maison, qui m'attend, qui sait pas faire une omelette,
40:56qui sait pas donner un coup de balai.
40:59C'est sûr que, je pense que quand elle est arrivée au bout,
41:03elle a eu peut-être une réaction.
41:05Elle voulait peut-être vivre autre chose.
41:09Albert sent bien qu'il y a un malaise avec Fernande.
41:13Mais il ne comprend pas ce qui se passe.
41:16Il s'était fait un film. Elle a quelqu'un. Elle m'aime plus.
41:20C'est pas normal. Il se passe quelque chose.
41:24Et puis, tu comprends bien. Elle se colore les cheveux.
41:27Elle met un maillot à deux pièces.
41:29J'ai dit, mais aujourd'hui, toutes les femmes, elles ont des maillots à deux pièces.
41:32Il y en a qui ont même pas de maillot.
41:34C'est pas pour moi, tout ça.
41:37Il devenait méfiant. Il devenait espion. Il devenait agressif.
41:43Mais Fernande est résolue à rompre.
41:46Et le 12 juin 79, au soir...
41:49Elle a eu du courage pour affronter un gars comme ça,
41:52lui dire, je t'aime plus, je vais te quitter.
41:56Dire à quelqu'un qui a passé 20 ans de sa vie,
41:59qui a déjà tué une femme, je vais te quitter.
42:03C'est pas du courage qu'il faut.
42:07Pour Albert, c'est insupportable.
42:14Pendant des heures et des heures, il a essayé de discuter avec Fernande.
42:19Puis, à bout d'arguments, il s'est emparé d'une dague et l'a poignardée.
42:26Ensuite, il voulait mourir, se suicider.
42:28Mais finalement, il s'est saoulé à mort jusqu'au petit matin,
42:32avant de faire le siège de son appartement,
42:35hurlant et tirant sur tout ce qui bouge.
42:39Il disait, j'ai tué une sainte, j'ai tué une sainte.
42:42Au bout de 4 heures, les groupes d'élite de la police interviennent
42:46et le forcené est maîtrisé.
42:49Mais pour Fernande, il n'y a plus rien à faire.
42:54Docteur Brutter, les crimes d'Albert Millet, qu'est-ce qu'ils disent de l'homme ?
43:00Les crimes d'Albert Millet disent de l'homme qu'il est d'abord centré sur lui-même,
43:05et qu'il a tenté à plusieurs reprises de s'attacher des femmes dans son existence.
43:13Son parcours est assez extraordinaire.
43:16Son parcours est assez extraordinaire.
43:18Il recommençait des gestes criminels,
43:22et au cours de l'expertise, lorsque je lui ai demandé, par exemple,
43:26s'il n'y avait pas une certaine similarité dans toutes les affaires dont il a fait l'objet,
43:30lui ne voyait pas le rapport entre ces différentes victimes.
43:33Il disait, non, pour moi, c'est quelque chose de tout à fait différent.
43:36Il ne se rend pas compte qu'à chaque fois, il commet les mêmes gestes ?
43:41Je ne sais pas s'il ne se rendait pas compte ou s'il ne voulait pas se rendre compte,
43:44parce qu'il était malgré tout suffisamment intelligent
43:47pour être tenté de présenter les choses de manière utilitaire
43:51sous le jour le moins défavorable pour lui.
43:55Je crois qu'il avait malgré tout conscience, dans une certaine mesure,
43:58du côté répréhensible de ce qu'il faisait,
44:01puisqu'il tentait de minimiser sa responsabilité,
44:06ou parfois même, spontanément, il ne parlait pas
44:09des crimes pour lesquels il avait été condamné.
44:14Une fois encore, la justice doit décider du sort d'Albert Millet.
44:18Et une fois encore, il passe à deux doigts de l'échafaud.
44:22François Mitterrand vient d'être élu et la peine de mort abolie.
44:27Ce sera donc la perpétuité pour Millet.
44:33Au bout de 22 ans de détention, Albert est libre.
44:36Mais l'homme n'a pas beaucoup changé.
44:39La seule idée qu'il en avait, c'était de lui donner la parole.
44:43Il a été élu, il a été élu, il a été élu,
44:46mais il n'a pas beaucoup changé.
44:48La seule idée qu'il a en tête, c'est encore et toujours l'amour.
44:53D'autant qu'à 72 ans, Albert n'a rien perdu de sa superbe.
44:58Sa première conquête s'appelle Gisèle,
45:01une quinca rencontrée à Nice.
45:06Ça le surprend un peu, d'ailleurs.
45:08Il dit, bon, elle était un peu facile quand même,
45:10parce qu'à première rencontre,
45:12parce que lui, il faut toujours revoir ça 50 ans en arrière.
45:15Mais bon, il prend.
45:17Il a fait 40 ans de prison, il ne va pas se priver d'une occasion.
45:21Et pendant toutes ces années de prison,
45:23Albert a eu le temps de se constituer un petit pactole,
45:26dont il fait profiter sa dulcinée.
45:29Vraiment, c'est quelqu'un de très généreux avec les femmes,
45:32qui prend apparemment bien soin d'elles, s'occupe bien d'elles.
45:37Mais rapidement, Gisèle entrevoit le revers de la médaille.
45:42Albert est très pressant.
45:45Gisèle le ressent comme étant vraiment très possessif.
45:50Il s'impose, il veut absolument aller dormir chez elle,
45:53plutôt qu'ils aillent à l'hôtel.
45:56Si jamais elle sort parce que c'est une férue d'échec,
45:58elle a un club d'échec,
46:00il va la chercher à la sortie du club d'échec.
46:03Et petit à petit,
46:05la relation qui avait trouvé un équilibre pour Gisèle
46:08dans le mode de fonctionnement qui était le leur,
46:10devient de plus en plus pesante.
46:14Alors Gisèle décide de quitter Albert
46:16et le lui fait bien comprendre.
46:19Ce soir-là, elle n'est pas d'accord pour qu'ils aient des relations intimes
46:23et elle va se refuser à lui.
46:27La réaction d'Albert est immédiate.
46:30Gisèle va sentir l'assaut d'Albert
46:33qui lui assène un coup de couteau au niveau de la gorge.
46:39Elle va essayer de se débattre,
46:41elle va tomber du lit, elle va la pousser.
46:43On ne sait pas très bien, effectivement,
46:45comment se passe cette bagarre.
46:47Elle sent que le sang coule auprès de sa gorge
46:50et manifestement, Albert ne s'acharne pas.
46:55Evidemment, Gisèle est terrorisée,
46:57elle lui crie de s'en aller,
46:59elle lui jure qu'elle n'appellera pas la police,
47:01il s'en va immédiatement.
47:03Mais bien sûr, Gisèle appelle la police.
47:06Retour à la casse-prison pour Albert.
47:08Il prend 7 ans pour cette nouvelle agression.
47:14Docteur Brutter, pourquoi il ne l'a pas achevé, cette femme ?
47:19C'est une question qui est excellente
47:22et je ne sais pas si je peux y répondre.
47:24Quitte à risquer de le noircir un petit peu,
47:26je crois que compte tenu de l'expérience qu'il a eue
47:29de ses précédentes condamnations,
47:32il a choisi de ne pas aller jusqu'au bout,
47:37mais il ne donne pas véritablement d'explication.
47:41Et de la même manière,
47:43s'il reconnaît qu'il n'a pas voulu la tuer,
47:46ce qui peut être une stratégie de défense,
47:48ou ce qui peut être quelque chose de réel, ma foi, pourquoi pas ?
47:53Pas plus pour cette femme que pour les précédentes victimes,
47:57il a manifesté d'empathie,
47:59c'est-à-dire qu'à aucun moment,
48:01il n'a verbalisé ou traduit de la pitié pour ces femmes,
48:06pour s'inquiéter de ce qui s'était passé,
48:08de dire que c'était triste, que c'était malheureux,
48:11de les considérer véritablement comme victimes.
48:15Plutôt bien souvent, il se dépeignait lui
48:18comme victime dans les situations
48:20et le fait d'être victime,
48:22c'est-à-dire pour lui, dans son discours
48:24d'être un homme en place d'être abandonné,
48:26expliquait qu'il puisse passer à l'acte de manière agressive.
48:31Lorsqu'il sort de prison, Albert a 78 ans.
48:35Et très vite, il retombe amoureux.
48:38Mais avec Chantal, ça cloche encore.
48:41Cette fois-ci, c'est l'amitié qu'il allie à un certain Christian
48:45qu'Albert n'accepte pas.
48:47Il dit à Chantal, ça va mal finir,
48:49je vais revenir avec une arme.
48:51Et il part.
48:53Christian essaie de rassurer Chantal,
48:55il lui dit non, ne t'inquiète pas, il n'a pas d'arme,
48:58ça paraît quand même peu probable.
49:02Chantal se méfie quand même un petit peu,
49:04elle connaît son passé judiciaire,
49:06donc elle lui demande à travers la porte,
49:08c'est bon, tu es calmé, ça va ?
49:10Il lui répond très calmement, oui, ça va, c'est bon, je suis calmé.
49:13Elle lui ouvre la porte et dès que la porte s'entrouvre,
49:15il ouvre le feu sur elle.
49:17Christian s'interpose et est touché lui aussi par trois balles.
49:24Chantal est blessée,
49:26Christian est mort.
49:29Après quelques heures de cavale dans les collines de Yer,
49:31Albert Millet ne sait plus quoi faire,
49:33il ne veut pas retourner en prison.
49:37Alors il retourne son arme contre lui
49:40et se suicide.
49:45Est-ce qu'on sait d'où lui vient ce besoin absolu d'être aimé ?
49:49Albert Millet, d'après ce qu'il a dit,
49:51a eu un père qui a abandonné sa famille très tôt,
49:55dont il a dit pique-pendre,
49:57donc une image paternelle absente.
50:00Après ça, sa mère l'aurait également rejetée
50:04et un petit peu...
50:06l'aurait également abandonnée et rejetée.
50:10Je crois ça vers l'âge de 13 ans,
50:12il se serait retrouvé à la rue.
50:14Une fois où il serait revenu,
50:16il aurait retrouvé sa mère avec deux hommes,
50:18tirant comme conséquence que sa mère
50:21avait véritablement une vie de prostituée.
50:25Donc on peut imaginer que
50:27cette absence d'ancrage dans une parole paternelle
50:31qui l'aurait ramenée à une loi supportable,
50:35qui ne soit pas sadique,
50:36qui soit une loi saine,
50:37où on dit ce qui est permis, ce qui est interdit,
50:39d'une manière qui rassure et non pas d'une manière qui inquiète.
50:42C'est quelque chose qui lui a manqué.
50:44Ça n'a pas abouti à un rejet de la femme,
50:46ça a abouti à l'impossibilité d'accepter
50:50d'être rejetée par la femme.
50:51Comment est-ce qu'on peut l'expliquer ça ?
50:53Quand on est rejeté par une femme,
50:55on essaye de ne pas l'être par les autres.
50:57Sa mère était une femme,
50:59il s'est senti abandonné par elle,
51:01donc on peut penser qu'il y avait quelque chose,
51:05une tentative extrêmement maladroite
51:08et certainement tout à fait infructueuse
51:10de réparation à travers toutes ces conquêtes féminines.
51:13Donc en fait Albert Millet n'aime pas,
51:15il aime être aimé.
51:18C'est peut-être un petit peu simpliste de le lire comme ça,
51:21mais je pense qu'il y a une grande part de vérité.
51:26Albert Millet ne regrettait rien.
51:28Simone Weber ne reconnaît rien.
51:31Quant à Nathalie Lescrille,
51:33elle semble regretter davantage les conséquences de son acte
51:36que son geste en lui-même.
51:38Le crime passionnel a ses raisons,
51:41que la raison ne peut pas toujours comprendre.