FRnOG 39 - Table-Ronde - L'écosystème startup... avec Benjamin Schilz (Wire), Bruno Veluet (Netwo), Marie-Laure Cartier (Cartier Meyniel), Matthieu Lavergne (Serena)
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00:00 Eh bien bonjour à tous, merci d'être venus, je suis content de recevoir cette belle table ronde.
00:08 On va parler d'un sujet qui nous est cher à certains autour de la table, et peut-être moins à certains d'entre vous ici.
00:17 On me vante depuis longtemps, mais encore plus aujourd'hui, la qualité des développeurs, des techos français, des ingénieurs.
00:31 Mais souvent on me dit aussi qu'en particulier dans ces métiers-là, on n'est pas forcément très fort pour financer des entreprises, faire des champions français dans cet univers.
00:43 De la cyber, on y vient peut-être un peu en ce moment, vous allez me dire. Mais en tout cas les infras, les télécoms, on a vu en effet un OVH qui est très visible en dehors de cette communauté.
00:57 Mais dès qu'on va chercher d'autres noms, c'est plus compliqué, en tout cas de voir des indépendants qui ont été financés, qui ont grossi.
01:05 Alors est-ce qu'on dit qu'OVH a été financé quand même un peu ? Peut-être par des banques, peut-être moins par des fonds.
01:10 L'idée c'est de parler un peu de tout ça, d'essayer de comprendre pourquoi et comment on se finance, est-ce que c'est possible, quelles sont les issues et pourquoi on avance.
01:20 Pour ça, j'ai aujourd'hui quatre personnes avec moi. On a Marie-Laure, on va commencer par toi. Marie-Laure Cartier, tu es avocate, donc merci d'être là.
01:33 Tu fais pas mal de levées de fonds, je crois, tu accompagnes beaucoup de boîtes qui lèvent ou qui ont levé, c'est ça ?
01:38 Pour être tout à fait honnête, non. Moi j'interviens après. Je suis avocate en contentieux, donc on me saisit quand les choses se passent mal.
01:48 Je remercie Raphaël Monnier de m'avoir conviée, Benjamin, mais c'est vrai que je suis pas avocate MNA, moi je suis vraiment du "key to the resolution", quand ça se passe mal et ça arrive.
01:58 Donc t'es pas sur les contrats, t'es sur l'après, c'est ça ?
02:00 C'est ça, et parfois de plus en plus sur les contrats, parce qu'en fait les investisseurs comme les entrepreneurs réalisent que montrer un projet de contrat à un avocat contentieux, ça peut permettre d'éviter des déconvenues ensuite.
02:12 Bruno Vaillouet, est-ce qu'on dirait un SAS, un logiciel qui permet d'aider les opérateurs télécoms à différents niveaux en France, c'est ça ?
02:25 Oui, on adresse à travers ce SAS les besoins système d'information qui s'expriment dans le milieu des télécoms.
02:33 On a essayé déjà de normaliser un petit peu la complexité des interfaces entre les opérateurs d'infrastructures, les opérateurs de services,
02:41 et on vient apporter cette valeur soit en logique agrégative, et donc là on est très influx, mais aussi outillage d'une relation préexistante fournisseur-client.
02:50 Et donc on vient aider à automatiser les flux de commandes, de suivi, de déploiement, de SAV, enfin tous ces flux du quotidien qui souvent évoluent,
02:59 parce que chacun fait évoluer son système d'information de manière autonome, et nous on cherche à construire la glue et permettre une automatisation,
03:07 et en fait permettre aux opérateurs de se concentrer sur leur vrai job, produire de l'infra quand on est opérateur d'infra, produire des services quand on est opérateur de services.
03:15 En France ?
03:16 En France, à date.
03:18 À date, ok. Tu as levé de l'argent ?
03:20 Est-ce que j'avais de l'argent ? Oui j'avais un peu d'argent.
03:23 Est-ce que tu as levé de l'argent, pardon ?
03:24 Et ensuite j'ai voulu lever de l'argent, oui tout à fait. Et on en parlera peut-être un peu plus tard, mais on n'a fait pas forcément ce qu'on pensait au début,
03:34 mais finalement ce qui est arrivé est très intéressant, c'est un track plutôt industriel.
03:38 Benjamin, toi tu as rejoint une entreprise qui n'est pas la tienne, mais j'ai l'impression que ce n'était pas souvent le cas avant, en tout cas aujourd'hui tu es chez Wire, c'est bien ça ?
03:50 Exactement.
03:51 Une messagerie ?
03:52 Poutie de collaboration sécurisée. En fait on pense à un Slack ou un Microsoft Teams, mais en version très sécurisée.
03:58 Wire est une boîte qui a levé, c'est comme ça que tu t'es retrouvé là-bas ?
04:01 Une boîte allemande qui a levé plusieurs tours, qui est assez avancée, qui est au-delà de la série B aujourd'hui, qui est basée à Berlin.
04:08 Et avant, j'ai eu une carrière de start-upper et d'entrepreneur, j'étais cofondateur d'Akorus Networks, protection des doses,
04:16 pour le coup boîte française qui est devenue boîte franco-américaine après.
04:19 Et on a été racheté en 2021 par F5, basée à Seattle. Parcours vraiment entrepreneur pour le coup, de mon côté.
04:27 Très bien. Et Mathieu, toi tu es investisseur chez Serena, c'est ça ? C'est toi qui as choisi le lieu pour être pas loin du bureau, c'est ça ?
04:36 Effectivement, chez Serena, c'est une société d'investissement basée à Paris.
04:41 On existe depuis 2008, on a 750 millions d'euros sous gestion, enfin on a levé 750 millions d'euros sur plusieurs fonds depuis cette date.
04:48 Et moi spécifiquement j'investis dans le software sur les couches basses, donc pas applicatives, mais justement technologies software
04:55 qui permettent aux autres de créer de l'applicatif. Et j'interviens très tôt dans les sociétés puisque j'investis en précide et en cide.
05:02 Donc je suis souvent le premier investisseur institutionnel où on écrit des chèques qui vont entre 500 000 et 4 millions d'euros pour commencer.
05:10 Ça c'est le précide et le cide. Tu peux nous définir un peu ?
05:16 C'est une bonne question, surtout qu'il n'y a pas une définition extrêmement claire. Cide ou précide, ça veut dire très tôt.
05:23 Donc très tôt, ça veut dire entre deux fondateurs qui ont un powerpoint, qui n'ont pas de produit, pas de client.
05:29 Ça c'est vraiment le tout début. Et le cide, ça va jusqu'à un produit, quelques clients, une petite équipe de 10 personnes.
05:37 Et donc voilà, ce continuum de ce qu'on appelle l'early stage et qui sont constitués par ces deux phases,
05:43 c'est là que moi j'interviens en tant qu'investisseur.
05:48 Après vient la série A, tu peux juste me dire les valorisations actuellement, est-ce que c'est différent dans certains univers ?
05:56 Est-ce que quand on parle de cyber en ce moment c'est plus cher, de network c'est moins cher, de marketplace c'est moins cher ?
06:04 L'IA en ce moment ça s'emballe un peu ?
06:08 Alors le sujet des valorisations il est assez complexe parce qu'il y a des agrégats qui sont publiés,
06:14 donc vous trouvez assez facilement les valorisations de marché aujourd'hui sur différentes blagues géographiques.
06:20 Et après quand on regarde au niveau des secteurs, en effet ça va varier énormément.
06:25 Donc ce que tu mentionnes Mathieu, tout ce qui est software, globalement, on est tout de suite sur des plaies qui sont globaux,
06:32 avec une concurrence mondiale. L'intelligence artificielle, je n'en parle même pas, je crois qu'aujourd'hui c'est 60% des capitaux
06:38 qui sont fléchés vers l'intelligence artificielle. Donc là on voit des valorisations qui sont presque déraisonnables.
06:45 Mais je dirais que globalement ces segments de technologie, software, sont plus chers que les autres segments.
06:54 Bruno, Benjamin, avant d'aller peut-être un peu plus loin sur pourquoi on lève, sans rentrer dans une question très philosophique,
07:04 mais pourquoi vous avez entrepris, pourquoi on entreprend déjà ?
07:09 Pourquoi on entreprend ? Parce qu'on est face à un problème, on veut le résoudre, et on est probablement dans une attitude solution provider,
07:18 donc on a envie de trouver des solutions pour un client, pour un ensemble de prospects, et de ça va se dérouler une grande aventure.
07:27 Il ne faut jamais perdre un truc de tête, c'est qu'on a une idée, on a peut-être une idée de produit, et après il va falloir monter tout le autour,
07:37 pour que ça se réalise pour de vrai. Et en fait le autour c'est probablement des choses que vous n'avez pas envie de faire au début,
07:42 mais qui sont essentielles pour que vous puissiez le faire. On parle de juridique, on parle d'organisationnel, de RH,
07:47 de tas de choses comme ça, qui sont fondamentalement si vous avez l'énergie interne très forte, ça va glisser, vous allez le faire.
07:54 Il n'y a pas de sujet, si vous êtes très motivé sur l'enjeu initial, sur quoi atteindre, mais il ne faut pas oublier de s'entourer,
08:03 ou en tout cas de craquer plusieurs sujets autour du projet principal que vous voulez résoudre.
08:09 Complètement d'accord. Moi c'est un peu particulier, j'ai une carrière d'entrepreneur depuis que j'ai créé ma première boîte, j'avais 17 ans.
08:15 J'ai toujours fait ça, famille d'entrepreneur, j'ai commencé dans l'hébergement de sites web, donc infra dans les années 2000,
08:22 et après vers la cyber parce qu'il y avait un lien logique hébergement après DDoS, etc.
08:29 C'est un très bon point que tu as soulevé, c'est hyper important de s'entourer, surtout quand c'est des boîtes créées par des techs,
08:36 on a tendance à se focuser sur la tech et un peu oublier tout ce qui est autour, et ce qui est autour c'est ce qui fait un succès ou un échec souvent.
08:42 Il faut s'entourer d'avocats, il faut s'entourer de conseils.
08:45 C'est ce qu'il y a autour qui fait un succès ou un échec ?
08:47 Ce n'est pas que ce qu'il y a autour, mais ce qu'il y a autour peut faire un bon projet un échec.
08:52 Tu peux avoir une super idée, un bon projet, et finalement te planter parce que tu n'as pas géré ce qu'il y avait autour.
08:59 Et ça c'est ce que j'ai appris avec les années, c'est de s'entourer de partenaires qui sont bons,
09:05 qu'ils soient des investisseurs, des avocats, des conseils financiers, etc. ça c'est hyper important dans une boîte.
09:11 On a invité Marie-Laure en compte ensuite, ça peut paraître un peu pas forcément logique plutôt à mener du M&A.
09:16 M&A, toi tu représentes un peu plus ce côté-là avec Serena, mais compte ensuite ça arrive beaucoup plus vite qu'on le croit.
09:23 Et ça nous est arrivé quelques fois avec Raphaël notamment, on a eu quelques conflits.
09:28 Parce que dès que tu as du succès, tu attires le conflit en fait.
09:30 Donc il faut se faire entourer, il faut gérer tes contrats correctement, choisir la bonne structure d'entreprise, le bon format, les bons actionnaires, etc.
09:39 Et ouais, je pense que c'est important si tu veux aller à l'international et faire gros sur ta boîte.
09:44 Même sans avoir forcément du succès comme elle a eu avec Aorus, les conflits peuvent vite arriver.
09:50 Vous fondez la boîte dans l'euphorie avec votre ami, vous avez la même vision, mais le temps passe, c'est un peu comme le mariage.
09:57 Les visions peuvent différer, ça il vaut mieux l'avoir anticipé dans un contrat.
10:02 Et en fait nous ce qu'on voit dans la typologie des dossiers qu'on a, c'est qu'il y a un peu deux temps dans vos sociétés.
10:08 Il y a la première étape où vous êtes vraiment start-upper seul, vous êtes juste entre amis et vous voulez éviter les avocats.
10:14 Et vous pouvez le faire, vous pouvez trouver des statuts sur internet, un pacte sur internet.
10:18 Moi je vous le déconseille formellement, mais vous pouvez trouver de la doc.
10:22 Mais après, une fois que vous allez avoir des investisseurs, des fonds qui vont venir vous financer, là on va vous proposer un autre type de documentation.
10:29 Eux auront des avocats anglais, américains.
10:32 Et là vous allez être soumis à de la documentation de marché, à des pactes hyper structurés.
10:37 Là, évidemment, il faut que vous ayez vos conseils pour relire la doc.
10:41 Surtout si c'est en anglais, s'il y a des clauses de règlement de vos conflits dans l'état du Delaware.
10:45 Bon, il vaut mieux quand même que tout ça se soit refusé par un avocat.
10:48 Idéalement, je dirais même au tout début de l'histoire, même quand l'histoire est très très belle, il faut savoir quelle forme sociale choisir.
10:55 Qu'est-ce que vous allez faire de vos droits de propriété intellectuelle.
10:58 Et vous, vous êtes tous dans la tech, donc il y a des marques, il y a des noms de domaine, il y a du logiciel, il y a du droit d'auteur.
11:04 Tout ça, ça s'anticipe un peu, donc en fait, il faut y penser.
11:08 J'ai l'impression qu'il y a deux grands modes de croissance dans des entreprises.
11:14 Il y a des entreprises avec des gens qui sont experts, qui vont être dans certains métiers des créatifs, dans d'autres métiers des développeurs.
11:21 Des gens qui sont métiers et qui vont développer un produit qui est beau et qui vont réussir à grossir par le produit.
11:30 Et puis, il y a une autre approche qu'on pourrait définir de plus américaine, qui est de dire je vais faire un beau PowerPoint,
11:36 je vais lever 40 millions alors que je n'ai pas fait une ligne de code, et puis je vais recruter des bonnes personnes et développer un projet avec des bons sales.
11:47 Je pourrais me dire que dans cette salon, on aurait plutôt une partie de cette politique.
11:53 40 millions à Paris, bon courage.
11:55 J'en connais qui ont levé 40 millions, c'est possible.
12:00 Je ne parle pas que de Paris, mais c'est possible aussi. Il y en a qui le font, je pense que tu le sais.
12:06 Il y en a qui y arrivent, généralement, c'est des repeat entrepreneurs.
12:08 J'en connais en Californie qui peuvent lever 50 millions en heure lycée sans aucun problème.
12:12 Nonobstant, les montants, c'est un peu deux visions qui s'affrontent par moments.
12:20 Ma question est, est-ce qu'on peut les réunir ?
12:24 Souvent, on arrive dans quoi ? Des entreprises qui ont une sorte de vraie stigmatisation des métiers commerciaux.
12:31 On déteste les commerciaux dans certains métiers.
12:33 Dans la tech, oui, clairement.
12:35 Oui, c'est vrai, mais est-ce que c'est une fatalité ?
12:39 Pour répondre à ta question, ça dépend de l'ambition de ton projet.
12:43 Si tu as vocation à faire un soft ou de l'infra, ou peu importe le sujet, qui a vocation à aller jouer à l'international,
12:50 tu ne peux pas faire de la croissance linéaire, aller réinvestir tes bénéfices tous les ans, etc.
12:55 Ça ne marche pas. Tu vas beaucoup trop lentement.
12:57 Et tu vas te faire dépasser dans six mois, un an, deux ans, par un acteur américain ou n'importe quel pays,
13:02 qui pourra aller beaucoup plus vite. Donc, tu es obligé d'aller lever de l'argent.
13:05 Ça dépend vraiment du scale de ton projet, j'aurais tendance à dire.
13:08 Et je pense que le tort qu'on a en France et en Europe en général, c'est qu'on voit trop petit.
13:14 On va lancer la boîte. Au début, tu vas auto-investir, etc.
13:19 Ou tu vas faire des petits tours d'investisseurs. Tu vas aller lentement.
13:23 Tu vas regarder ton marché national, aller peut-être un peu les pays limitrophes.
13:26 Il s'est passé trois à quatre ans. Ta vague, elle est passée, en fait.
13:30 Alors que tu devrais aller à l'international tout de suite, lever plus, plus vite, t'entourer,
13:34 et aller tout de suite à l'international.
13:36 C'est le tort qu'on a, je pense, beaucoup en France.
13:38 Après, je ne sais pas, Mathieu, si tu es sur la même ligne.
13:41 Je pense que c'est assez illusoire de se dire qu'on peut créer une compagnie
13:46 de taille significative sans s'adjoindre des talents commerciaux, une équipe de marketing.
13:52 Donc, ça, c'est le premier point.
13:54 Oui, on peut faire un super produit. Oui, on peut avoir un certain génie.
13:57 Mais aller créer une société qui va aller dépasser les 5, 10 millions d'euros
14:02 de chiffre d'affaires sans s'adjoindre une force commerciale, ça me semble totalement illusoire.
14:07 Après, si on regarde lever versus s'auto-financer, en fait, le premier point,
14:12 c'est que si on regarde tous les leaders mondiaux de technologie qui ont transformé
14:16 l'économie et la manière dont on interagit avec la technologie,
14:20 toutes ces sociétés ont levé de l'argent.
14:23 Donc, c'est déjà une forme de réponse.
14:25 Donc, si on est dans cette logique de vouloir transformer, avoir un impact très fort
14:29 sur le contexte technologique dans lequel on est, sans capitaux externes, c'est impossible.
14:33 Il y a un autre chemin qui est de dire, oui, on n'est pas obligé de lever de l'argent pour réussir.
14:40 Mais dans ce cas-là, ce qui va se passer, c'est que la trajectoire de ces compagnies,
14:43 c'est qu'elles vont grossir de manière organique à un rythme moins important
14:47 que les concurrents ou que les autres sociétés qui sont financées.
14:51 Et leur destin, c'est de se faire racheter par un player qui, lui, va être très bien financé
14:55 et va aller se coter, se lister sur des marchés publics.
14:58 En soi, c'est très bien parce qu'on peut gagner beaucoup d'argent en tant qu'entrepreneur
15:02 en faisant ce chemin, mais ce n'est vraiment pas la même chose.
15:06 Et donc, c'est vraiment confaire ce que disait Benjamin sur l'ambition,
15:10 c'est-à-dire qu'est-ce que vous voulez faire, quel est votre projet en tant qu'entrepreneur.
15:14 Est-ce que vous voulez aller sur la Lune, vous lister au Nasdaq,
15:18 gagner énormément d'argent et changer votre univers,
15:21 ou est-ce que vous vous inscrivez plutôt dans un projet plus organique
15:26 avec l'objectif de se faire racheter à moyen terme par un player du marché.
15:30 Tout en gardant à l'esprit ce que disait aussi Benjamin, qui est très vrai,
15:33 c'est de dire que les industries dans lesquelles vous évoluez, on évolue,
15:38 sont des industries qui sont mondiales, globalisées, extrêmement financées,
15:42 extrêmement concurrentielles.
15:44 Donc, si vous avez un produit génial et que vous êtes à Bordeaux,
15:48 vous pouvez être sûr qu'il y a une équipe en Inde, en Malaisie, aux USA,
15:52 qui est en train de construire exactement la même chose que vous
15:55 et qui va probablement lever 100 millions pour faire la même chose.
15:58 Donc, en fait, même si vous avez le meilleur produit,
16:01 vous êtes le mec ou la femme la plus intelligente de la Terre,
16:05 mécaniquement, vous ne pouvez pas lutter contre des sociétés
16:09 qui sont surfinancées et qui font la même chose que vous.
16:12 Est-ce que ce n'est pas une question de taille de marché ?
16:15 Je veux dire, finalement, les Américains, les Chinois, les Indiens,
16:19 ils ont des très gros marchés.
16:21 Tu as des marchés qui sont tout petits, où ils n'ont pas le choix,
16:25 la Suède, l'Israël ou des pays comme ça,
16:28 qui, finalement, tout de suite voient un plaid international.
16:31 Est-ce que nous, on n'est pas juste dans un ventre mou
16:34 qui fait que finalement, tu es collé dans un marché
16:36 qui est suffisamment gros pour faire du business ?
16:38 - Tu as le plus gros marché du monde, tu es en Europe.
16:41 Et en fait, on a tendance à l'oublier.
16:43 - En Europe, tu as combien de langues ?
16:45 - Oui, mais regarde les États-Unis.
16:47 C'est un pays avec un marché domestique qui est énorme,
16:49 mais entre les États, tu as des différences de régulation
16:51 qui sont phénoménales également.
16:53 Donc, ils ont des défis aussi à leur niveau.
16:55 Alors oui, nous, on a le problème de la langue.
16:57 Après, en anglais, tu adresses tous les marchés européens.
17:00 Et on a trop tendance à vouloir voir national
17:02 quand on devrait voir européen.
17:04 - Et toi, dans ta boîte qui est allemande,
17:06 vous parlez anglais, tout le monde parle anglais.
17:09 - Je ne parle pas allemand.
17:11 - Et depuis le jour 1, tout le monde parle anglais dans cette boîte ?
17:13 - Quasiment depuis le jour 1.
17:15 Après, maintenant, on est à...
17:17 C'est Ribé, donc c'est déjà assez gros.
17:19 Mais depuis le jour 1, tout le monde parle anglais.
17:21 Parce que tout le monde n'est pas allemand dans la boîte.
17:23 Et dans chaque équipe, tu as des gens
17:25 qui sont d'autres nationalités qui ne parlent pas allemand.
17:27 Mais ouais.
17:29 - Bruno, vous parlez français dans ta boîte ?
17:31 - We speak French, yes.
17:33 - C'est bien aussi.
17:35 C'est toujours un peu chelou, ces boîtes où tu es avec plein de français
17:37 et que tout le monde se parle en anglais.
17:39 - On parle français, mais on a beaucoup d'anglicisme.
17:41 L'espèce d'environnement un peu startup, culture, machin,
17:43 a emmené beaucoup plus d'anglicisme
17:45 que dans mes expériences entrepreneuriales précédentes.
17:47 - Par contre, tu produis de la doc en anglais, par exemple.
17:49 - On est tout de suite bilingue
17:51 sur beaucoup de sujets,
17:53 sur les supports de marketing.
17:55 Il y a beaucoup de sujets.
17:57 - C'est quelque chose qu'on recommande aux boîtes
17:59 d'essayer de commencer en anglais jour 1 ?
18:01 - Ce qu'on leur recommande, tout de suite,
18:05 c'est qu'il faut une ambition internationale.
18:07 Parce que, de toute façon, si on parle du software,
18:09 pour moi, la notion d'Etat
18:11 ou même de plaque géographique,
18:13 elle est assez passéiste.
18:15 Aujourd'hui, le marché
18:17 du software
18:19 est mondial.
18:21 En fait,
18:23 il est mondial, mais il est aussi très américain.
18:25 Si on regarde juste
18:27 la taille de marché du software,
18:29 50% du marché est aux US.
18:31 Pourquoi ?
18:33 Parce que, un, les acheteurs,
18:35 les clients, les acheteurs IT,
18:37 sont beaucoup plus modernes
18:39 aux US que dans le reste du monde.
18:41 Si je vous donne juste un chiffre,
18:43 le pourcentage de workloads qui sont hébergés
18:45 dans le public cloud aux US, c'est 50%.
18:47 En Europe, c'est 15%.
18:49 Donc déjà, vous avez un énorme
18:51 écart en termes de maturité des acheteurs.
18:53 L'autre chose, c'est qu'en fait,
18:55 les gros faiseurs de l'infrastructure
18:57 IT sont basés aux Etats-Unis
18:59 et, a priori,
19:01 en Californie.
19:03 Donc, en fait, le centre
19:05 de gravité de cette industrie,
19:07 que ce soit en termes d'acquéreurs M&A
19:09 ou de partenaires technologiques, est aux Etats-Unis.
19:11 Donc,
19:13 dès le premier jour, si vous montez
19:15 une boîte dans le software,
19:17 selon moi, et en tant qu'investisseur
19:19 en capital, vous n'avez pas le choix que de penser
19:21 votre marché global dès le premier jour.
19:23 Même en infra. Enfin, c'est exactement
19:25 la même chose en infra. Moi, je viens du marché
19:27 du DDoS. On a, pendant les premières années,
19:29 on s'est focus sur le marché français et pays limitrophe.
19:31 Tu vas te battre pendant
19:33 deux ans avec une boîte du CAC 40
19:35 pour un contrat à 200 000 balles.
19:37 Tu arrives aux Etats-Unis. En six mois,
19:39 tu as signé un contrat à 2 millions.
19:41 Et aux Etats-Unis, on ne te dit pas "oui, mais t'es une startup,
19:43 on ne sait pas où tu seras demain". Non, ils te signent.
19:45 - Mais, à la fois, tu vois,
19:47 je reviens sur le français et l'anglais,
19:49 parce que c'est un détail, mais qui peut être important.
19:51 Toi, si dans la boîte allemande dans laquelle
19:53 tu es, ils avaient décidé de parler toujours allemand,
19:55 en fait, tu n'y serais pas. - Ils ne seraient pas
19:57 financés non plus, en fait. - Ils ne seraient pas financés.
19:59 Quand on est, nous, ici, entre Français, à se poser
20:01 cette question, finalement, quand tu vois
20:03 une boîte étrangère et que tu dis "ils partent tous dans leur langue",
20:05 toi, tu n'y irais jamais, parce qu'en fait,
20:07 tu ne te sentirais pas... - Ouais, ouais, exactement.
20:09 - Tu disais tout à l'heure, Bruno,
20:11 que tu avais...
20:13 Tu voulais ajouter un truc, pardon.
20:15 - Rapidement, l'anglais est aussi dans la document contractuel
20:17 énormément, et les concepts
20:19 juridiques, les clauses de
20:21 transfert de capital, c'est que
20:23 des termes horribles, drague longue, tague longue,
20:25 tout ça, ça vient des Etats-Unis.
20:27 - Et tu peux avoir des contrats
20:29 en anglais en France, qui font foi ?
20:31 - Ah, bien sûr.
20:33 Oui, oui, complètement. - Donc, des contrats de droit
20:35 français en anglais. - Tu peux choisir
20:37 une langue du contrat qui ne sera pas celle du
20:39 droit applicable, absolument. Oui, oui, tout à fait.
20:41 - Dans cet esprit-là,
20:43 on a... Enfin, moi, dans mon expérience
20:45 entreprenariale, en vendant une entreprise,
20:47 tu réfléchis aussi qui peut
20:49 t'acheter ton entreprise, et en fait,
20:51 très vite, tu construis ton info-mémo qui présente
20:53 l'entreprise en anglais,
20:55 principalement. Il y a beaucoup d'échanges
20:57 qui se font parce que tu veux organiser
20:59 un tour de table
21:01 où plusieurs acquéreurs vont se présenter
21:03 toute ta documentation, tu vas la préparer
21:05 en anglais, en pensant potentiellement
21:07 qu'un acquéreur sera anglais, enfin, parlera
21:09 anglais ou sera étranger. Et donc, en fait,
21:11 beaucoup du juridique, beaucoup
21:13 des efforts autour du M&A
21:15 sont déjà dans la langue anglaise.
21:17 - Tu m'as dit tout à l'heure que tu avais
21:19 pas levé, mais presque,
21:21 ou quelque chose comme ça.
21:23 - Oui. Alors, quand on a
21:25 créé Netwo, donc, en 2020,
21:27 l'ambition, c'était
21:29 "OK, je commence à financer des choses",
21:31 mais on sait que le projet tel qu'on
21:33 l'a ambitionné ne permettra
21:35 pas, en tout cas, de se porter seul.
21:37 Et donc, il va falloir à un moment aller chercher
21:39 de l'argent ailleurs.
21:41 Et donc, un des premiers,
21:43 une des premières visions
21:45 de comment financer Netwo plus tard,
21:47 ça a été "Bon, on ira chercher des fonds auprès
21:49 des Vici". Bon, au moment où
21:51 on a voulu le faire, c'était pas forcément le meilleur
21:53 moment, il y a eu un petit trou. - 2020 ?
21:55 - 2020, on a
21:57 créé en 2020, donc on a démarré Covid,
21:59 on a fait du full remote.
22:01 Netwo fonctionne avec 45 personnes
22:03 en full remote, c'est super. On a construit la boîte
22:05 dans cette direction, donc ça c'est une première,
22:07 un petit écueil. Mais le deuxième écueil, c'était en
22:09 2022, avec l'Ukraine,
22:11 la montée des taux d'intérêt
22:13 subséquents à la guerre en Ukraine,
22:15 et un retournement un peu,
22:17 quand même, on est d'accord ?
22:19 On est d'accord ?
22:21 Des Vici qui voulaient financer
22:23 différemment, on va dire, ou en tout cas plutôt aller financer
22:25 des boîtes qui produisaient de la valeur
22:27 économique tout de suite, plus tôt.
22:29 Et donc,
22:31 c'était pas à ce moment-là le rythme de Netwo,
22:33 et on a contacté beaucoup
22:35 de fonds d'investissement,
22:37 et c'était pas la doctrine à ce
22:39 moment-là, et on avait aussi
22:41 pensé qu'un double track avec une recherche
22:43 plutôt sur une logique industrielle avait du sens,
22:45 et, ben,
22:47 voilà, on est allé dans cette piste in fine,
22:49 et aucun regret pour l'avoir fait,
22:51 pour le coup, parce que ça a beaucoup de sens
22:53 dans ce qu'est Netwo, et ce qu'était Netwo,
22:55 et ce qu'il va devenir.
22:57 - Donc, tu as déjà revendu ?
22:59 - Oui. Donc, un groupe qui s'appelle
23:01 le groupe Altitude, qui est un gros
23:03 alternatif français, dans lequel on retrouve
23:05 différentes filiales,
23:07 et l'activité de Netwo
23:09 est bien soutenue par cet actionnaire.
23:11 Donc, on en est très contents, ça aurait pu très bien
23:13 mal se passer, mais là, ça se passe très très bien.
23:15 - Alors, t'as pas eu besoin
23:17 d'avocats contentieux cette fois ?
23:19 - Ça peut venir.
23:21 - Elle cherche des clients ?
23:25 - Ça va venir.
23:27 - Winter is coming.
23:29 On a un peu abordé le "pourquoi lever",
23:31 j'aimerais aborder
23:33 le "comment lever".
23:35 Est-ce que c'est offert à tout le monde ?
23:37 Je reviens un peu sur mon...
23:39 ma dualité tout à l'heure,
23:41 entre le métier, peut-être,
23:43 et quelque part, les gens qui sont plus business
23:45 et/ou commerciaux.
23:47 Est-ce que
23:49 quelqu'un qui est méga
23:51 à fond métier,
23:53 est compatible avec une levée,
23:55 est-ce qu'il faut avoir
23:57 un deck, un powerpoint,
23:59 sur lequel moi, je suis assez allergique
24:01 au powerpoint,
24:03 est-ce que tu peux convaincre, juste par
24:05 la beauté de ton produit,
24:07 et ta vision, selon vos expériences ?
24:09 - Le retour entrepreneur ou le retour VC,
24:15 je pense que tu déranges le tiens tout à l'heure.
24:17 - Est-ce qu'on est obligé de produire du bullshit ?
24:19 - Non, c'est pas du bullshit.
24:21 Je pense que 99,9% des business plans
24:23 qui ont été soumis à des VC,
24:25 je pense qu'il n'y en a aucun qui s'est réalisé dans la vraie vie.
24:27 - Bullshit.
24:29 - Mais en dehors du business plan,
24:31 ta vision produit, la réflexion que tu as eu
24:33 dans monter ton projet, comment tu vas le présenter
24:35 à des fonds, etc., je pense que c'est important.
24:37 À un moment, il faut que tu le formalises.
24:39 Il faut que tu formalises ton plan, ce que tu veux construire.
24:41 Que ce soit un powerpoint, ou n'importe quoi,
24:43 n'importe quel type de document.
24:45 C'est aussi la conséquence de cette réflexion
24:47 et de cette démarche.
24:49 Après, les business plans, c'est tout ce que c'est du bullshit.
24:51 - C'est pas du bullshit,
24:53 c'est du risque.
24:55 - C'est une vision.
24:57 - T'as déjà vu un business plan qui s'est réalisé ?
24:59 - Zéro.
25:01 Mais c'est pas l'enjeu.
25:03 L'enjeu, je pense, c'est de dire,
25:05 le business plan, c'est l'hypothèse de travail.
25:07 Après, on sait tous que le chemin
25:09 n'est pas linéaire,
25:11 ça évolue en permanence.
25:13 Peut-être pour revenir sur ta question...
25:15 - Est-ce que Mistral a un business plan ?
25:17 - Je peux pas te dire, je suis pas assez produit de dossier pour te répondre.
25:19 Ce qui est sûr, c'est que,
25:21 pour revenir dans le fond de la question,
25:23 si on regarde en synthèse
25:25 ce que fait un fonds d'investissement,
25:27 un fonds d'investissement, schématiquement,
25:29 ça récupère, on va dire, 100 millions d'euros
25:31 et ça doit rendre au moins
25:33 300 millions d'euros à ses clients,
25:35 qui sont des investisseurs, qui investissent eux-mêmes dans des fonds.
25:37 Pour faire ça,
25:39 on investit dans des sociétés
25:41 et 80% de ces sociétés...
25:43 - Je réexplique, pardon. Toi, en tant que fonds d'investissement,
25:45 tu vas lever 100 millions auprès de ce qu'on appelle
25:47 des LP, des gens qui vont investir
25:49 dans ton fonds. Tu vas investir
25:51 ces 100 millions dans plein de sociétés
25:53 et à horizon 7, 8,
25:55 10, 12 ans,
25:57 tu vas rendre 300 millions.
25:59 C'est ça ? C'est l'objectif ?
26:01 - C'est exactement ça. Au moins.
26:03 Et en fait,
26:05 comme on prend du risque, on arrive très tôt,
26:07 80% de ces sociétés
26:09 et de nos investissements vont
26:11 soit partir au tapis,
26:13 soit, globalement, rembourser la mise initiale.
26:15 Donc ça veut dire quoi ? Vous êtes tous bons en maths ici.
26:17 Il faut retrouver 200 millions d'euros
26:19 qu'il faut aller chercher
26:21 sur les 20% de sociétés qui restent.
26:23 Donc je vous passe le calcul.
26:25 En gros, il faut trouver
26:27 3, 4 sociétés dans le portefeuille
26:29 qui vont déplacer les 500 millions d'euros de valeur d'entreprise.
26:31 Et ça, dans la vie du fonds,
26:33 c'est-à-dire entre 7 et 10 ans.
26:35 Donc là, il y a deux composantes
26:37 qui sont fondamentales quand on se pose la question
26:39 "Est-ce qu'on peut, est-ce qu'on veut lever des fonds ?"
26:41 C'est 1) 500 millions d'euros de valeur d'entreprise
26:43 et 2) dans les 5-7 ans.
26:45 Ou dans les 7-10 ans.
26:47 500 millions d'euros de valeur d'entreprise,
26:49 ça veut dire quoi ? Ça veut dire entre 50 millions d'euros
26:51 et 70 millions d'euros de chiffre d'affaires récurrent.
26:53 Ou ARR,
26:55 puisque c'est la métrique globale du software.
26:57 Première question,
26:59 est-ce que votre projet a le potentiel d'aller taper
27:01 ces 50-70 millions d'ARR ?
27:03 Et la deuxième question
27:05 qui est un "et" et pas un "où",
27:07 c'est dans les 7-10 ans.
27:09 Et donc, là c'est pareil.
27:11 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que sur les 2-3
27:13 premières années de la vie d'entreprise, il faut
27:15 atteindre le million d'euros de chiffre d'affaires
27:17 et après, il faut doubler ou tripler tous les ans
27:19 pendant 7 ans pour aller
27:21 atteindre les valeurs d'entreprise
27:23 que je vous mentionne.
27:25 Donc, la question
27:27 qu'il faut se poser quand on veut lever des fonds,
27:29 est-ce qu'on est compatible avec un fonds d'investissement ?
27:31 Est-ce qu'on peut atteindre ce niveau de chiffre d'affaires ?
27:33 Et est-ce qu'on est suffisamment scalable
27:35 dans le modèle pour l'atteindre dans le temps
27:37 imparti ? - Et est-ce que ton marché est assez grand ?
27:39 - Oui, tout à fait.
27:41 - Et là, il y a un
27:43 projet, on va dire,
27:45 ou une objection peut-être plutôt culturelle
27:47 sur le fait de ce que tu dis là
27:49 quand quelqu'un arrive, débarque ici,
27:51 dit "moi, en 1 an, je vais, en 2 ans,
27:53 je vais faire 1 million et puis je vais doubler, tripler, etc.
27:55 puis dans 5 ans, je ferai 60 millions".
27:57 T'as votre voisin
27:59 qui va vous regarder et qui va vous dire
28:01 "mais mec, t'as fumé, en fait, même pas en rêve".
28:03 Je veux dire, il y a un truc culturel
28:05 français sur lequel on...
28:07 Enfin, c'est un peu vrai
28:09 ce que je dis, tu te dis "non, attends,
28:11 je vais bootstraper, je vais faire mon petit truc,
28:13 déjà je fais 100 000 euros par an, c'est vachement bien".
28:15 Et c'est vachement bien, je veux dire.
28:17 - C'est là où t'as une différence culturelle entre la France et les US,
28:19 c'est que ça se pose moins ces questions-là aux US.
28:21 Les gens pensent que
28:23 tu peux y arriver, même si c'est dur,
28:25 mais les gens ont...
28:27 Ils pensent vraiment que tu peux y arriver,
28:29 ils vont y aller, ils vont foncer.
28:31 Ici, on réfléchit toujours
28:33 3 fois avant de se lancer,
28:35 3 fois avant de dire "est-ce qu'on va prendre un investisseur ou pas ?".
28:37 Être un peu trop prudent.
28:39 Alors, il faut toujours être prudent, évidemment, mais un peu trop prudent.
28:41 Et, comme je disais tout à l'heure,
28:43 trop une dimension peut-être nationale
28:45 dans la taille du marché.
28:47 Du coup, le marché est beaucoup trop petit, donc tu grossis
28:49 beaucoup moins vite et beaucoup moins...
28:51 - Ça évolue quand même pas mal, ça, je trouve.
28:53 Parce que les gens...
28:55 C'est un facteur générationnel,
28:57 mais aujourd'hui, les entrepreneurs qu'on voit sur le marché ont été quand même
28:59 pas mal biberonnés aux histoires
29:01 "Way Combinator", aux podcasts sur l'entreprenariat.
29:03 Donc, on voit de moins en moins
29:05 d'humilité
29:07 qui peut être une barrière
29:09 à ce plan qui peut paraître
29:11 un peu fou, mais qui est quand même...
29:13 qui est, selon moi, important
29:15 pour le chemin de création de valeur.
29:17 - Ce que j'appelais du "bullshit" tout à l'heure,
29:19 finalement, de temps en temps, c'est un peu de la folie.
29:21 C'est qu'il faut avoir aussi ce grain de folie
29:23 où tu es capable de regarder quelqu'un droit dans les yeux et de lui dire
29:25 "Mais en fait, je vais envoyer ce machin dans l'espace".
29:27 - Après, tu l'as encore dans l'infra, ce frein.
29:29 Moins dans le software, mais tu l'as encore
29:31 beaucoup dans l'infra.
29:33 - Parce que dans le software, il y a plus de gens
29:35 qui ont réussi à le faire ? - Bah, t'as beaucoup plus d'exemples,
29:37 en fait, de succès story américaine
29:39 ou peu importe le pays,
29:41 où t'arrives à des valeurs énormes, avec des rachats énormes.
29:43 Donc, t'as peut-être plus la confiance
29:45 que ça peut se passer dans l'infra,
29:47 t'as moins d'exemples.
29:49 - Et ce qui est assez fou dans ce que tu dis, c'est que
29:51 le méta exemple français, presque,
29:53 qu'est Xavier Niel, quand même,
29:55 c'est de l'infra. - Ah, complètement.
29:57 Après, c'est pas une trajectoire
29:59 VC, startup,
30:01 etc. C'est plus de la croissance organique
30:03 et après, financée par la bourse.
30:05 - Oui, mais c'est quand même
30:07 un mec qui vient de nulle part. - Oui, complètement.
30:09 - Ça, ça a pas fait des petits, en fait.
30:11 Lui, il investit que dans des softs ?
30:13 - Non, il investit dans tout.
30:15 Enfin, Kima, qui est notamment le fonds startup
30:17 de Xavier Niel, il investit dans des centaines
30:19 de projets complètement différents,
30:21 que ce soit de l'infra, du software, ou n'importe quoi.
30:23 Donc, si, ça...
30:25 Moi, je prends la différence entre quand on a levé, nous,
30:27 en France, en 2018, et maintenant, le marché,
30:29 il est extrêmement plus mature.
30:31 Les ambitions sont là, mais les montants que tu lèves
30:33 et les valeurs que tu lèves sur la place parisienne,
30:35 ça n'a rien à voir avec 2018.
30:37 Et Mathieu sera le premier à le confirmer. En 6 ans,
30:39 la maturité a
30:41 extrêmement progressé.
30:43 - Moi, ici, j'ai bien compris.
30:45 Il y a 80% des dossiers qui se passent pas comme prévu.
30:47 Et là, c'est une bonne nouvelle
30:49 pour Marie-Laure, qui est au bout de la table.
30:51 - Exactement.
30:53 - Non, mais je tiens à dire que je suis pas venue
30:55 juste pour prêcher pour ma paroisse.
30:57 - Non, je voulais... Ma question qui venait après,
30:59 c'était une blague, pardon. Je te fais passer
31:01 pour un croque-mort, c'est affreux.
31:03 - Non, mais en revanche,
31:05 juste un petit mot pour les avocats qui font du conseil.
31:07 Et en fait, je vous invite quand même à les consulter,
31:09 parce que les sociétés,
31:11 vous savez, ça doit être fluide. On doit pouvoir rentrer,
31:13 mais on doit pouvoir sortir. On doit pouvoir changer
31:15 de dirigeant. Et tout ça, ça s'anticipe un peu.
31:17 Et parfois, si c'est pas bien fait,
31:19 après, les clauses, on les regarde et elles marchent pas,
31:21 elles bloquent tout le monde.
31:23 Les associés s'entendent plus. Voilà.
31:25 Donc, en amont, allez voir les avocats
31:27 qui font du conseil. C'est vraiment...
31:29 - Elles targetent pas que les 80. Même quand ça se passe bien,
31:31 tu peux avoir des conflits. Donc, le marché, il est beaucoup plus important.
31:33 - C'est ce que tu disais tout à l'heure.
31:35 Ça se passait très bien pour vous et il y avait beaucoup de conflits.
31:37 - Exactement. - Et je pense que
31:39 signer un pacte d'associés, quand on est
31:41 à plusieurs à vouloir se réunir pour exécuter
31:43 un super projet, c'est essentiel.
31:45 Et ça demande parfois
31:47 beaucoup d'énergie. Moi, j'ai passé
31:49 du temps et de l'énergie sur ce sujet.
31:51 Peut-être beaucoup, mais en tout cas,
31:53 c'est utile ensuite parce que ça clarifie
31:55 beaucoup de ce qui va se passer. Ça déstresse
31:57 au moment où on va avoir des grands événements
31:59 dans la vie de l'entreprise. Parce qu'en fait, c'est préécrit.
32:01 On s'est mis d'accord. On a eu le temps d'en discuter
32:03 avant. Par contre, ça vous détourne
32:05 au moment où vous êtes en train de faire ce travail.
32:07 Et ça vous détourne, en tout cas, on a cette sensation
32:09 qu'on ne fait pas le premier
32:11 objet de l'entreprise, qui est
32:13 de créer un produit, de créer une valeur.
32:15 Mais on est obligé de résoudre et de passer
32:17 par là. C'est vital. C'est vital
32:19 probablement. Alors, il peut y avoir des exceptions, mais c'est
32:21 très important. - Exactement. Tu fais des
32:23 backup de tes données. Il faut aussi prévoir la partie
32:25 légale sur ta boîte. C'est hyper important.
32:27 - Là, je remonte très rapidement.
32:29 Bruno nous parlait des pactes. Alors, il y a
32:31 aussi les statuts. Et là, pour ça, un avocat peut
32:33 vous conseiller parce que les clauses que vous
32:35 envisagez de mettre dans votre pacte, vous pouvez les mettre
32:37 dans les statuts qui sont officiels, publics
32:39 et qui peuvent avoir plus de force,
32:41 en fait, plus d'effet qu'un pacte
32:43 qui se résoudra seulement en dommage et
32:45 intérêt si une des parties ne le respecte pas.
32:47 Bon, là, je rentre dans la cuisine.
32:49 C'est fondamental.
32:51 - La question, c'est
32:53 qu'est-ce qui se passe mal quand ça se passe mal
32:55 généralement ?
32:57 Est-ce qu'il y a des choses qui reviennent
32:59 très, très souvent et plus souvent que le reste ?
33:01 - Le plus souvent, c'est la mésentente entre associés,
33:03 malheureusement. Et là,
33:05 il faut en faire sortir un. Mais s'il n'y a pas de
33:07 clause de sortie, s'il n'y a pas de clause d'exclusion,
33:09 il y a aussi le problème de la révocation
33:11 du mandataire social. Dans quelles
33:13 conditions ? Comment le faire ? Est-ce que c'est valable ?
33:15 Abusif ? Etc. Il y a aussi
33:17 l'actionnaire qui est sorti et qui dit
33:19 "Mais attendez, on m'a racheté mes titres à vil
33:21 prix. J'ai été victime d'une tromperie.
33:23 Donc, je vais attaquer tous mes anciens associés
33:25 et leur demander des dommages et intérêts."
33:27 C'est un peu ce qu'on voit, nous. Voilà. Mais bon,
33:29 la liste est
33:31 infinie, malheureusement. - Et spécifiquement,
33:33 dans les sociétés qu'on le vét, puisque
33:35 c'est un peu le sujet, il y a des choses
33:37 qui se passent...
33:39 - Alors, nous, on a eu un beau
33:41 dossier contre un fonds. Donc, je... Voilà.
33:43 Et les fonds, il faut
33:45 vraiment être conseillé quand vous bossez avec eux, quand même,
33:47 parce que, voilà, les fonds, c'est des
33:49 mastodontes, certains. Je sais.
33:51 Et, bon, ils peuvent avoir des pratiques.
33:53 Si vous êtes un petit manager
33:55 et que vous avez un petit pourcentage
33:57 d'actions et qu'ils vous font sortir,
33:59 là, il faut être vigilant. Donc,
34:01 voilà. - Et notamment,
34:03 je pense que c'est un truc important quand tu es face à un fonds d'investissement,
34:05 tu vois, tu vas essuyer pas mal de refus
34:07 quand tu vas aller pitcher ton projet
34:09 à des VCs. Et à un moment, tu en as un ou deux qui te disent
34:11 oui. Tu arrives,
34:13 tu signes un premier
34:15 projet, après tu vas aller négocier ton pacte,
34:17 etc. Et tu vas avoir
34:19 tendance à pas vouloir le contrarier
34:21 parce que tu n'as pas envie qu'il fasse marche arrière.
34:23 Et tu te dis, "Ouais, merde, je vais faire tout
34:25 capoter." Et justement, c'est là où
34:27 tu dois être... Ouais, tu dois t'affirmer,
34:29 tu dois aller négocier. C'est hyper important
34:31 de négocier les termes parce que
34:33 pas forcément Serena, parce que j'ai déjà vu des dossiers avec Serena,
34:35 ils sont plutôt cools.
34:37 Mais tu as certains VCs, ils arrivent avec des projets
34:39 de pacte qui sont complètement déséquilibrés
34:41 entre l'entrepreneur et le fonds.
34:43 Et il faut que tu arrives à le négocier pour
34:45 le stabiliser, pour arriver plus à une
34:47 balance qui est win-win. - Et quand tu arrives
34:49 sur un domaine que tu ne connais pas,
34:51 si tu n'es pas conseillé, tu es mort. C'est comme quand
34:53 on travaille dans le réseau, ça ne vous viendrait pas
34:55 l'idée de confier ça à quelqu'un dont ce n'est pas le boulot.
34:57 Là, c'est pareil, en fait. Il faut absolument
34:59 faire en sorte d'être accompagné par
35:01 des gens qui ont vécu
35:03 l'expérience par plein de dossiers,
35:05 plein de difficultés
35:07 déjà rencontrées et qui sont capables
35:09 de représenter et d'accompagner.
35:11 - Juste peut-être pour vous rassurer
35:13 sur ce point,
35:15 les pratiques se sont quand même
35:17 énormément standardisées sur les
35:19 documentations de pacte,
35:21 d'associés, de statut, etc.
35:23 Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas besoin d'avocats, parce qu'on a
35:25 toujours besoin d'avocats pour animer
35:27 et mener les négociations.
35:29 Mais les pratiques, aujourd'hui,
35:31 elles sont très bien documentées, elles sont très standardisées.
35:33 Donc, en fait, la règle, c'est
35:35 si vous vous retrouvez dans une situation
35:37 de financement avec un investisseur en capital,
35:39 regardez le standard
35:41 et vous éloignez le moins possible du standard.
35:43 Et si vous avez quelqu'un en face de vous qui s'éloigne
35:45 du standard, c'est assez red flag,
35:47 parce qu'il n'y a probablement
35:49 pas de raison de le faire.
35:51 - Si je reviens
35:53 sur toute cette discussion,
35:55 je pourrais me poser la question du pourquoi.
35:57 Pourquoi, en fait, on fait tout ça ?
35:59 On lèverait ? Pourquoi, finalement,
36:01 on n'est pas bien dans sa plus petite boîte en bootstrap ?
36:03 Même si on a des concurrents indiens
36:05 qui font des choses meilleures.
36:07 Je reste sur ma région, je développe
36:09 mon petit truc et puis j'ai une belle
36:11 petite boutique, elle marche bien, elle est rentable.
36:13 Sachant que,
36:15 si je comprends bien, quand même,
36:17 aujourd'hui, ce qu'on appelle les exits,
36:19 donc les sorties, quand on lève
36:21 CID, pré-CID, CID série A,
36:23 série B, série C, à un moment,
36:25 quand ta boîte, elle vaut un milliard,
36:27 on t'en parlait tout à l'heure, celui à qui tu vends,
36:29 c'est un Américain.
36:31 - Il n'y a pas de marché d'exit
36:33 à un milliard en Europe aujourd'hui ?
36:35 - Tu peux dire tout ce jeu, il est bien joli, mais si c'est tout ça pour finir,
36:37 alors peut-être qu'on ne fait pas ça que pour la beauté du geste,
36:39 qu'on fait ça pour l'argent et pas pour la souveraineté,
36:41 ou je ne sais pas,
36:43 mais est-ce que je me trompe ? Pourquoi on fait ça ?
36:45 Est-ce que c'est vraiment ce plaid-là ?
36:47 - Il y a des acteurs européens qui commencent à être suffisamment gros,
36:49 en particulier dans la cyber,
36:51 dans les infras,
36:53 dans l'IA, tu te dis,
36:55 tu vois un Mistral à la fin,
36:57 où est-ce que ça va aller ?
36:59 Quand on essaie de les empêcher,
37:01 je ne sais pas, je les ai vus dans d'autres époques,
37:03 dans Dailymotion, tu as vu où ça finit.
37:05 - Après, tu ne pourras pas faire un player
37:07 dans l'IA sans financement aujourd'hui,
37:09 c'est totalement impossible, quand tu as des gens en face qui lèvent des 500 millions,
37:11 c'est impossible.
37:13 - Dans la cyber ?
37:15 - Dans la cyber, c'est un peu moins le cas,
37:17 mais les sommes sont quand même super importantes aussi.
37:19 Après, il n'y a aucune honte à avoir une boîte régionale
37:21 ou nationale qui tourne bien,
37:23 qui fait 15 millions, avec plein de salariés,
37:25 et tout le monde est content.
37:27 On n'est pas en train de dire qu'il ne faut faire que des startups, pas du tout.
37:29 Par contre, si tu as un projet
37:31 où toi, ta vocation,
37:33 c'est le scale,
37:35 et aller toucher des millions de gens,
37:37 dans plein de pays,
37:39 et avoir une techno qui a un impact significatif sur le marché,
37:41 c'est compliqué de ne pas être en mode
37:43 startup sur ces domaines-là,
37:45 et pas d'aller chercher des fonds,
37:47 sinon tu es beaucoup trop lent,
37:49 et tu vas te faire dépasser, et du coup mourir.
37:51 Mais après, heureusement qu'il y a plein de boîtes qui ne lèvent pas des fonds,
37:53 c'est génial.
37:55 - Et puis, ça fait partie de l'expérience
37:57 d'un entrepreneur, en fait.
37:59 On a le droit de se tromper, et c'est grâce à ça qu'on fera mieux la fois suivante.
38:01 Et donc, dans la vie d'un entrepreneur,
38:03 il y a probablement plusieurs vies,
38:05 donc c'est tout à fait acceptable d'essayer
38:07 un format, de ne pas forcément tout de suite
38:09 être capable d'avoir le fit entre
38:11 l'ambition et la capacité de financement,
38:13 et puis on apprend, et puis on réitère.
38:15 C'est la vie d'un entrepreneur, je pense.
38:17 - Il y a un truc que tu gagnes
38:19 quand même, je crois, quand tu lèves,
38:21 et que tu lèves beaucoup, pour ceux qui ont
38:23 un esprit de collaboration
38:25 d'équipe et aussi d'excellence,
38:27 c'est une team,
38:29 potentiellement une équipe
38:31 de numéro 10,
38:33 que des super
38:35 profils dont tu rêves
38:37 dans ta team, ça vous l'avez vécu ?
38:39 - Complètement. Après, je pense que 5 ans
38:41 à la tête d'une startup,
38:43 ça vaut 20 ans dans une boîte normale,
38:45 parce que tout va tellement plus vite,
38:47 et le scale est tellement important.
38:49 Tu lèves des fonds, tu vas passer,
38:51 nous à Covirus, on était une dizaine,
38:53 même pas, on était peut-être 8 quand on a levé,
38:55 on a embauché 20 personnes
38:57 en 3 mois. On est passé de 8
38:59 à presque 30 en 3 mois.
39:01 Ça, c'est une expérience
39:03 qui est extrêmement dure à avoir dans un
39:05 monde normal, hors startup.
39:07 Et après, tu as des projets
39:09 dans l'international, tu as plein de choses qui font que
39:11 tu apprends énormément de choses, surtout.
39:13 - Vous le referiez ?
39:17 Tu le referais, toi ? - J'ai repris la tête
39:19 d'une startup, donc je pense que tu as ta réponse.
39:21 - Vous avez des questions ?
39:23 Peut-être ?
39:25 - Est-ce qu'il y a des doigts qui se lèvent ?
39:29 Non ?
39:31 Alors, il se trouve que ça tombe bien,
39:33 parce que le temps est passé.
39:35 C'était super intéressant en tout cas.
39:37 Merci beaucoup.
39:38 Merci.