Vendredi 10 mai 2024, ART & MARCHÉ reçoit Jean de Malherbe (Directeur, La Forest Divonne Bruxelles) et Yassir Benjelloun-Touimi (cofondateur et directeur général, Artex)
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00:08 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché, votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13 Commençons par l'actualité. La directive européenne relative à la TVA sur l'importation d'œuvres d'art affecte également la Belgique
00:20 où le taux de TVA applicable au 1er janvier 2025 est encore indéterminé.
00:26 Alors quelles pourraient être les conséquences, les répercussions sur le marché français ?
00:30 Élément de réponse avec Jean de Malherbe, directeur de la galerie La Forêt d'Yvonne à Bruxelles.
00:35 Pour l'interview de la semaine, nous recevons Yassir Benjeloun Twimi qui est cofondateur et directeur général d'Artex,
00:42 une bourse d'échange d'actions d'œuvres d'art réglementées et supervisées par l'autorité des marchés financiers du Liechtenstein.
00:49 Plus de détails sur cette nouvelle manière d'investir dans l'art dans un instant. Tout de suite, c'est Art et Marché.
00:54 *Générique*
00:58 Si les acteurs du marché de l'art français sont soulagés par un taux de TVA maintenu à 5,5% pour l'importation d'œuvres d'art en Union Européenne,
01:06 ce n'est pas le cas pour les acteurs belges. Pour qu'ils sortent, n'a pas encore été réglé.
01:10 La Forêt d'Yvonne a une antenne à Paris et une autre à Bruxelles.
01:15 Jean de Malherbe, directeur de la galerie à Bruxelles, est en visio avec nous.
01:19 Bonjour, merci beaucoup. Et jusqu'à présent, vous pouvez nous expliquer quel était le taux de TVA qui s'applique aujourd'hui en Belgique
01:28 et qu'est-ce qui pourra être le sort de la Belgique d'ici le 1er janvier 2025 ?
01:34 Donc, effectivement, il y a un cadre européen qui impacte les taux de TVA dit sur la marge.
01:44 C'était le cas en France, c'est actuellement le cas en Belgique. Donc, les galeries d'art contemporain sont soumises au taux sur la marge,
01:52 c'est-à-dire 21% sur la marge bénéficiaire. Dans les galeries d'art contemporain, généralement, il y a une répartition à 50/50 entre l'artiste et la galerie.
02:01 Donc, les galeries actuellement payent 21% sur leur marge de 50%.
02:05 Si rien n'est fait d'ici le 1er janvier 2025, la nouvelle réglementation TVA européenne entrera d'office en application.
02:15 Et à ce moment-là, c'est une suppression du régime sur la marge, c'est-à-dire que les galeries passeront à 21% sur la totalité du prix.
02:23 Donc, ça revient à un doublement de la TVA sur le marché de l'art.
02:28 Et j'imagine que, dernièrement, il y a eu Art Bruxelles comme foire en Belgique. Ce sont des événements qui vont être particulièrement impactés ?
02:38 Bien sûr, les foires belges sont très inquiètes. Vous savez que le marché belge est très dynamique, il est très couru des collectionneurs européens.
02:47 C'est devenu vraiment une étape importante sur le parcours européen du collectionneur.
02:52 Bien sûr, la Belgique n'a pas attendu les collectionneurs hors de Belgique, qui est une grande tradition en Belgique elle-même,
03:00 et notamment portée par ces foires. Dans l'art contemporain, c'est Art Bruxelles, c'est Art Anvers, et dans l'art ancien, c'est notamment l'Art Abrafa.
03:08 Et ces foires se mobilisent contre ce changement de réglementation parce qu'elles sont très inquiètes que les acteurs européens
03:18 qui venaient exposer dans leurs foires se retirent, puisque la TVA deviendrait très défavorable en Belgique,
03:27 surtout en comparaison de voisins comme la France qui ont acté une TVA à 5,5 dans la loi.
03:34 Justement, il y aurait un impact sur le marché français, peut-être des liens qui sont encore très forts et qui pourraient se détériorer ?
03:41 Pour le marché français, ce serait plutôt une bonne nouvelle. C'est un effet de concurrence, de dumping fiscal, on pourrait dire, dans le jargon européen.
03:54 Le problème de ces réglementations, c'est que les acteurs les plus mobiles, les acteurs les plus puissants du marché belge,
04:03 se déporteront sur les pays voisins les plus intéressants. Je parle aussi bien des collectionneurs que des galeries elles-mêmes.
04:11 Il y a des galeries américaines, par exemple, ou brésiliennes, qui avaient ouvert comme seule antenne européenne une galerie en Belgique.
04:19 Elles pourraient tenter de fermer ces antennes et d'ouvrir dans des pays à la fiscalité plus intéressante, comme la France.
04:25 Merci beaucoup, Jean de Malherbe. Je rappelle que vous êtes directeur de la galerie La Forêt d'Yvonne à Bruxelles.
04:31 Tout de suite, on passe à l'interview.
04:33 Yassir Benjaïloun Twimi est cofondateur et directeur général d'Artex.
04:41 Il est notre invité pour nous détailler cette nouvelle manière d'investir dans l'art à travers une bourse d'échange d'actions d'œuvres d'art,
04:49 réglementée et supervisée par l'Autorité des marchés financiers du Liechtenstein.
04:54 Merci beaucoup d'être avec nous.
04:56 Merci à vous.
04:57 Est-ce que vous pouvez tout simplement d'abord nous expliquer comment une telle opération est possible ?
05:02 Comment ça s'est fait de créer une bourse d'échange d'actions d'œuvres d'art ?
05:07 On a regardé, effectivement, comment les gens peuvent investir de manière sûre dans l'art.
05:15 Et à ce moment-là, on s'est rendu compte que, historiquement, il fallait acheter des œuvres d'art très importantes.
05:19 Quand vous regardez les plus riches de ce monde, en moyenne, c'est entre 19 et 24 % de leur richesse qui est investie dans l'art.
05:27 Et ils investissent dans des œuvres majeures, ce qui permet de préserver leur capital.
05:33 En général, ce qu'on a fait jusqu'à maintenant, dans les 50 dernières années, c'est qu'on a utilisé des fonds.
05:38 Donc, on investit de l'argent dans un fonds d'investissement.
05:41 Celui-ci est géré par un gérant de fonds, qui est payé pour ça, qui le garde chez lui jusqu'au moment où il peut le revendre
05:48 quelques années plus tard, en tirer des bénéfices et vous les distribuer.
05:52 Et nous, on a décidé d'aller complètement dans une autre voie, qui n'est pas la même, qui est celle de créer carrément une bourse.
06:04 Pourquoi créer une bourse ? Parce que, d'abord, nous arrivons avec une bourse à avoir tout le système bancaire qui travaille avec nous,
06:12 parce qu'on lui offre le cadre régulatoire qui protège les investisseurs.
06:20 C'est important la protection des investisseurs. La bourse est l'une des choses les plus régulées au monde.
06:25 Et qui permet au système bancaire de distribuer des actions, de manière très simple, à des investisseurs potentiels.
06:33 Et ensuite, le système bancaire permet aussi d'atteindre n'importe qui, n'importe où.
06:39 La difficulté, c'était d'avoir une licence du régulateur européen, ensuite de convaincre les banques de participer.
06:49 Et c'est fait au bout de 4 ans de travail et de labeur. On a lancé notre première oeuvre au mois de mars, Francis Bacon.
06:56 Trois études pour un portrait de George Dyer. Mais comment ça se passe ? Parce que du coup, c'est vrai que ces oeuvres-là ne sont pas divisées en mille morceaux.
07:04 Comment ça se passe pour avoir une action d'oeuvre d'art ?
07:07 En fait, on a une société au Luxembourg, à l'intérieur de l'espace européen, qui va émettre des titres d'une valeur nominale.
07:18 Le lancement pour Francis Bacon, c'est 92 euros. Ça tourne toujours autour de 100 euros. On fait l'équivalent de dollars en euros.
07:26 On fait un processus d'introduction en bourse, comme vous allez le trouver dans Oronext, ou Deutsche Börse, ou London Stock Exchange.
07:35 C'est pareil. Nous avons des banques qui vont nous aider dans le placement de ces titres auprès d'investisseurs qui ont un compte-titres dans une banque ou dans une institution financière.
07:48 Une société qui va acheter l'oeuvre d'art et qui va ensuite émettre des titres pour le compte de la société.
07:54 Elle va financer l'achat de l'oeuvre d'art par l'émission de titres. Par conséquent, à la fin de ce processus d'introduction, vous détenez, si l'oeuvre vaut 100 millions d'euros,
08:09 il y a 100 millions de dollars, ça vaut 1 million de titres. Vous détenez un millionième d'un titre.
08:15 Cette oeuvre d'art a été vendue en 2017 chez Christie's. C'est cette société qui l'a achetée aux enchères ?
08:21 Non, c'est le propriétaire qui l'a achetée pendant la vente aux enchères qui, au lieu de la revendre à travers des maisons de vente aux enchères, a choisi de la vendre à travers Artex.
08:33 C'est lui qui avait les fonds au départ ? Oui.
08:36 Parce qu'elle a été vendue à 50 millions d'euros ? 52 millions de dollars.
08:40 Le montant initial, c'est 100 dollars. Les titres ont été émis il y a deux mois. Comment est-ce que le cours a évolué depuis ?
08:52 L'émission s'est faite à 92,2 euros et 20 centimes. Le premier mois, le titre a pris 6% à peu près.
09:06 Durant le mois d'avril, il y a eu des prises de profit, mais on est toujours autour de 94,95 aujourd'hui.
09:13 On est à plus de 3% depuis le lancement. On est monté jusqu'à plus de 6%.
09:19 Il y a eu une prise de bénéfice qui est assez naturelle, qui suive toujours les IPOs.
09:24 Aujourd'hui, on traite autour de 94,95 euros.
09:30 N'importe quel individu peut acheter ? Il y a deux niveaux.
09:36 Vous devez passer par une institution financière. Nous ne sommes pas une plateforme où vous pouvez aller vous loguer et acheter.
09:43 Parce qu'on est une bourse. Une bourse ne peut traiter qu'avec des intermédiaires financiers réguliers,
09:48 qui eux aussi doivent évaluer si vous pouvez investir. C'est ça le niveau de protection qu'on offre.
09:53 Si vous avez votre compte à BNP Paribas, à Crédit Agricole, etc., s'ils font partie ou s'en lient à une autre bourse,
10:00 vous pouvez juste passer un ordre et s'exécuter comme si vous achetiez n'importe quelle autre action en France.
10:07 L'OREA, le BMH, whatever.
10:09 Et là, il n'y a pas de temps, il n'y a pas de limite au temps ? Cette oeuvre d'art reste sur cette bourse ?
10:14 On ne termine pas la procédure ?
10:19 Non, c'est une oeuvre d'art qui va traiter. C'est un produit assez particulier parce que le vrai comparable,
10:25 on peut le comparer parfaitement à l'or. L'or n'a pas de revenu. L'or arrive à combattre l'inflation à cause de sa rareté.
10:34 Donc on est dans la même configuration. C'est-à-dire que sur le long terme, investir dans l'art et dans de l'art de très haut détroit fait,
10:41 comme ce qu'on fait aujourd'hui, va forcément avoir des returns plus importants que garder de l'argent ou investir sur des rendements très bas.
10:49 Maintenant, les variations intermédiaires pour arriver au long terme, le marché peut monter, il peut descendre.
10:55 Nous sommes dans un marché comme un autre.
10:56 Avec tous les risques qu'il y a derrière ?
10:58 Bien sûr, avec tous les risques qu'il y a derrière. Vous investissez dans un titre.
11:02 Aujourd'hui, on a l'avantage d'être dans un marché qui vient de commencer.
11:06 Dans la première oeuvre d'art, nous avons eu une omniprésence de la Suisse et de l'Angleterre, surtout la Suisse, qui a beaucoup et qui apprécie énormément.
11:16 Je dirais que 70% de nos acheteurs sont en Suisse.
11:22 Le marché français a un potentiel énorme pour nous. Il prend un petit peu plus de temps, mais il est très naturel.
11:29 On est en France, c'est l'art, donc forcément, c'est juste une question de temps pour nous.
11:33 Nous travaillons avec beaucoup d'intermédiaires bancaires et financiers français, mais aujourd'hui, pour les prochains, j'espère qu'on aura une participation en France beaucoup plus importante.
11:43 Et où est située l'oeuvre aujourd'hui ?
11:45 Aujourd'hui, elle est à Genève.
11:47 Donc il y a un endroit où la plupart, beaucoup de gens gardent les oeuvres parce qu'elle doit être préservée dans des conditions idéales.
11:56 Elle doit être protégée, donc elle est au front port de Genève avant de choisir sa destination vers un musée, l'un des musées européens.
12:10 C'est parce qu'on va pouvoir aller la voir après ?
12:12 Bien sûr, bien sûr. En fait, c'est notre vocation. C'est que toutes les oeuvres qui sont traitées à l'intérieur d'Artex doivent aller.
12:19 Leur vocation, c'est d'aller dans des musées au début de l'Europe et ensuite le monde entier, si on peut.
12:26 Est-ce qu'idéalement, vous allez faire ce genre d'opérations de manière très régulière ? Vous vous êtes fixé une fréquence ?
12:33 On s'est fixé, par exemple, pour cette année, on veut faire entre 6 introductions à 8.
12:38 L'année prochaine, probablement une vingtaine. Et ensuite, nous, on va vouloir en faire toutes les semaines si possible.
12:46 Donc c'est une cadence assez soutenue. À partir du moment où ce mode de vente et d'achat et de propriété d'oeuvres d'art devient un peu plus connu, un peu plus normal et développé, il n'y a aucune raison.
13:02 Et notre vocation, c'est d'abord assez rapidement construire un indice et ramener au moins les 30, 40 artistes les plus importants de notre histoire.
13:10 Merci beaucoup, Yassir Benjenoun Twimny. Je rappelle que vous êtes cofondateur et directeur général d'Artex.
13:15 Merci d'avoir été avec nous. Et quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro d'Arrêt Marché.
13:20 Merci infiniment à vous.
13:22 [Musique]