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Vendredi 8 décembre 2023, ART & MARCHÉ reçoit Alexandre Girard-Muscagorry, (Conservateur, Musée de la Musique) , Éric de Chassey (Directeur Général, Institut national d'histoire de l'art) et Marc-Olivier Bernard (Directeur général, Boischaut)

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Transcription
00:00 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché, votre émission hebdomadaire
00:11 consacrée au marché de l'art.
00:13 Commençons par l'actualité de la semaine.
00:15 Bismarck s'est rendu à la première édition du prix Marcel Wormser.
00:18 Ce prix vise à soutenir des travaux menés sur la traçabilité des biens culturels.
00:23 Nous avons rencontré les acteurs de ce prix.
00:25 Ce sera ensuite l'interview de la semaine.
00:28 Nous nous sommes intéressés au marché des biens immatériels ou incorporels.
00:32 De quoi parle-t-on ? Quelles sont les possibilités d'investissement ?
00:36 Marc-Olivier Bernard, directeur général de Boixot, est notre invité.
00:40 Tout de suite, c'est Art et Marché.
00:42 Bismarck s'est rendu au Palais du Luxembourg à Paris où le prix Marcel Wormser a été remis.
00:50 Éric Dechassé, qui est directeur général de l'Institut National d'Histoire de l'Art,
00:55 a récompensé des chercheurs sur leurs travaux sur la traçabilité des œuvres d'art.
01:01 Le Grand Prix Marcel Wormser 2023 est attribué à Colline Desportes.
01:10 Colline Desportes s'est intéressée à découvert un échange d'objets entre la France et le Sénégal
01:21 dans les années 1960. Un échange au cours duquel des objets en or qui étaient conservés
01:28 dans un musée au Sénégal avaient été échangés contre des tapisseries françaises.
01:33 Là où son travail se connecte directement aux questions de provenance,
01:38 c'est qu'elle entre finement dans les archives en reconstituant toute la chaîne des intermédiaires,
01:43 des interlocuteurs qui ont pris part à la préparation de cet échange.
01:47 Mais elle montre également certains des critères qui ont guidé la sélection des objets.
01:54 Elle suggère un échange finalement inéquitable, en tout cas pas tout à fait équitable,
02:00 entre la France et le Sénégal.
02:03 Je pense qu'un travail de provenance vraiment complet, c'est un travail qui n'évite aucune des questions
02:07 qui peuvent se poser sur l'histoire d'un objet, c'est-à-dire qui part de la manière dont un objet
02:13 ou un ensemble d'objets ont été créés ou rassemblés à un certain moment,
02:17 qui montre comment ces objets avec une valeur artistique ont pu circuler de façon concrète,
02:24 changer de main ou essayer de changer de main,
02:29 comment cela entraîne des questions qui sont des questions financières avec parfois des réparations,
02:35 parfois des considérations sur la valeur des œuvres marchandes et parfois pas,
02:39 mais que prendre en compte ces questions est toujours quelque chose de très important.
02:43 Je pense que nous nous trouvons à une période dans laquelle on ne peut plus,
02:47 autant qu'on fait de l'histoire de l'art, faire comme si la question de la provenance des objets
02:52 ou des images sur lesquelles on travaille n'avait pas d'importance.
02:54 Je pense qu'à cause de cela, les recherches de son propre tournant
02:57 seront appelées à se développer de manière extrêmement importante.
03:00 Le vœu que je forme, c'est qu'elles ne se développent pas de façon isolée,
03:05 à l'extérieur du reste de l'histoire de l'art et de la même façon que l'histoire de l'art
03:10 s'enrichisse complètement de ces recherches de provenance.
03:12 Et c'était notre reportage sur le prix Marcel Wormser.
03:20 Tout de suite, c'est l'interview de la semaine.
03:23 Depuis octobre 2023, la maison de vente aux enchères Boischaud organise chaque mois
03:31 sur le site Interenchères une vente de noms de domaines.
03:34 L'occasion pour nous de nous intéresser au marché de ces biens immatériels ou incorporels
03:39 et de voir comment s'est développé ce marché un an et demi après la promulgation
03:43 de la loi de modernisation du marché de l'art.
03:46 Marc-Olivier Bernard, directeur général de Boischaud, est en plateau avec nous.
03:49 Bonjour et merci beaucoup d'être présent.
03:51 Bonjour Céline, merci pour votre invitation.
03:53 Alors on va commencer tout de suite.
03:54 Est-ce que vous pouvez nous détailler de quoi parle-t-on quand on parle de biens immatériels ?
04:00 Alors j'aime bien pour les classer, les séparer en deux types de biens.
04:03 Tout d'abord les biens professionnels pour une chaîne économique comme Bismarck,
04:08 c'est particulièrement approprié.
04:10 Donc typiquement les noms de domaines, mais également les marques ou les sites Internet
04:14 sont les actifs incorporels professionnels que l'on peut vendre.
04:18 Les autres types de biens non professionnels sont typiquement l'art digital,
04:24 mais également les collectibles ou également les manuscrits que l'on peut vendre désormais
04:28 parce que nous avons également la technologie NFT qui les accompagne.
04:32 Et quand vous séparez professionnels et individuels,
04:36 comment est-ce que ce sont des ventes qui ont des particularités propres pour les professionnels ?
04:44 Est-ce qu'on peut faire ça quand même ?
04:45 Boixot peut vendre des noms de domaines et les acheteurs professionnels peuvent acheter ça
04:51 directement sur le site ou il y a d'autres particularités techniques pour faire cet achat ?
04:56 Alors les noms de domaines, enfin finalement tous les actifs incorporels que l'on vend aux enchères
05:00 finalement s'adressent de manière indifférenciée, aussi bien en particulier aux professionnels,
05:04 ça dépend de la nature du bien vendu.
05:06 Évidemment un nom de domaine va intéresser principalement une entreprise pour être utilisé ou une marque,
05:11 alors que l'art digital va plutôt intéresser un collectionneur,
05:13 mais peut intéresser aussi une entreprise pour l'exposer dans ses locaux bien sûr.
05:17 Donc Boixot est particulièrement investi dans ces ventes de biens immatériels
05:22 depuis un an et demi, depuis la promulgation de la loi de modernisation du marché de l'art
05:27 qui a permis ces ventes de biens incorporels, est-ce que vous avez vu une réelle différence ?
05:33 Est-ce que vraiment tout le marché a sauté sur l'occasion ou c'est vraiment vous qui vous êtes spécialisé là-dedans ?
05:38 Alors curieusement les maisons de vente ne sont pas tellement saisies.
05:42 Il y a eu récemment un sondage qui a été fait par le conseil des maisons de vente
05:45 et qui a été publié dans la dernière tendance du marché de l'art que nous pouvons peut-être voir rapidement à l'écran.
05:51 Et donc ce sondage montre que les maisons de vente sont intéressées par les incorporels,
05:56 mais pour l'instant c'est relativement prospectif.
05:58 Alors on voit ça, notamment, me semble-t-il, les NFT sont parmi les plus recherchés, tout en haut, me semble-t-il.
06:06 Mais pour l'instant...
06:08 C'est plus les licences qui sont...
06:10 Ah licences, pardon, oui, licences.
06:12 Voilà, donc là nous avons...
06:14 Ça c'est le résultat d'un sondage qui montre que les maisons de vente s'y intéressent,
06:18 mais dans les faits, bon nous avons réalisé une douzaine de ventes depuis la promulgation de cette loi,
06:24 mais c'est vrai que la plupart des maisons de vente qui sont plus traditionnelles,
06:27 plus ancrées dans les oeuvres corporelles, le marché, ou aussi la vente de véhicules professionnels,
06:33 les choses comme ça, ne sont pas encore beaucoup intéressées.
06:35 Et quel est le bilan de ces douze premières ventes ?
06:37 Est-ce que vous savez quels sont les acheteurs ?
06:40 Est-ce que tout est parti ? Comment ça s'est passé ?
06:42 Pour ça, il faut distinguer un peu par type de biens corporels, tout n'est pas logé à mes enseignes.
06:47 Par exemple, si on s'intéresse aux ventes de noms de domaine.
06:51 Nous avons commencé à vendre ces ventes, nous avions fait quelques ventes avant,
06:55 et ce qu'on remarque, c'est que ça se vend à des professionnels,
07:00 ça se vend plus rapidement que lorsque l'on fait des ventes de gré à gré.
07:05 Les noms de domaine se vendent déjà de gré à gré, c'est un certain marché,
07:09 où l'acheteur s'intéresse à un nom de domaine, il vient voir le vendeur et s'en suit une négociation.
07:13 Il va le contacter directement.
07:14 Directement, et en général, c'est un acheteur très motivé qui va voir le détenteur du nom
07:20 et s'en suit une négociation qui peut être assez âpre.
07:22 Les prix sont peut-être encore plus élevés quand c'est en gré à gré ?
07:25 Bien sûr, c'est une autre démarche.
07:27 Dans les enchères, nous proposons chaque mois une vente thématique,
07:33 qui concerne un secteur d'activité.
07:35 Le dernier que nous avons lancé ce mois-ci, c'est sur la thématique des boissons.
07:43 Aussi bien l'industrie que l'Horitel, nous avons des noms de domaine absolument merveilleux,
07:46 comme 20.fr par exemple, nous avons Bière.fr, tous les noms génériques les plus importants,
07:53 et aussi beaucoup de noms dits à potentiel de marque,
07:58 c'est-à-dire qui peuvent être utilisés pour...
08:01 Et donc, ces noms de domaine, pour vous donner un petit comparaison avec le marché de gré à gré,
08:08 un portefeuille de noms de domaine se vend à peu près autour de 1%,
08:13 donc un bon portefeuille, il y a à peu près 1% des noms qui se vendent chaque année,
08:17 et nous, dans une vente qui dure entre une semaine et un mois,
08:20 on vend entre 2 et 15% des noms, donc c'est beaucoup plus rapide.
08:23 Par contre, nous avons fait une autre approche, où nous avons un inventaire qui est proposé à la vente,
08:28 aux enchères publiques, à tous les gens qui sont au public extrêmement nombreux,
08:33 qui vont sur le site Interenchères, et pendant cette durée d'un mois,
08:37 les noms de domaine sont évidemment à un prix attractif.
08:40 - Et pourquoi vous vous êtes spécialisé spécialement sur les noms de domaine ?
08:48 - Alors, parmi les actifs professionnels, ce sont ceux qui sont finalement les plus simples à vendre.
08:53 Alors, si on compare dans ce qui est le nommage,
08:56 le nommage, c'est ce qui permet finalement de nommer une société,
09:00 donc il y a les marques et les noms de domaine.
09:02 Nous avons aussi essayé de vendre une marque,
09:04 mais finalement, les noms de domaine sont beaucoup plus simples à vendre que les marques,
09:07 parce que c'est plus directement utilisable, vous pouvez pas faire un site tout de suite,
09:10 alors qu'une marque, c'est beaucoup plus délicat.
09:12 Et c'est donc plus simple, nous avons commencé par ça, parce que c'est plus simple, tout simplement.
09:17 - D'accord, et quelle est la flanchette des prix, à peu près ?
09:19 - Alors, en général, nos noms sont entre quelques centaines d'euros
09:24 et quelques dizaines de milliers d'euros, la plupart sont entre, disons, 500 et 2000 euros.
09:29 - Mais alors, vous avez dit que dans le secteur des noms de domaine,
09:33 il y a 1% qui se revend chaque année, c'est ça ?
09:35 - Oui, c'est ça. Alors, uniquement au sein d'un portefeuille de bonne qualité, évidemment.
09:39 - Oui, bien sûr. Et pour un investisseur, est-ce que ça pourrait être intéressant
09:42 ou c'est un peu trop faible comme liquidité ?
09:46 - Alors, il y a des gens qui achètent dans le domaine à titre d'investissement,
09:49 évidemment, il faut les acheter à un prix attractif, c'est ça.
09:53 Dans nos ventes, nous avons des investisseurs.
09:55 En fait, il y a trois types de publics, ce qu'on appelle des acheteurs finaux, des utilisateurs finaux,
10:04 qui sont soit des entreprises qui vont utiliser pour leur propre site Internet,
10:08 soit des société qui sont dans le secteur média ou dans le secteur web
10:14 et qui vont l'utiliser pour des clients.
10:16 Donc ça, c'est des professionnels qui ont une utilisation directe du nom de domaine.
10:19 Et l'autre cas, ce sont des gens qui achètent à titre d'investissement.
10:23 - Et à titre d'investissement, à quoi il faudrait prêter attention particulièrement
10:27 pour savoir si c'est un nom de domaine de qualité ?
10:30 Est-ce qu'il faut regarder justement si peut-être que ça a été enregistré dans un domaine ?
10:35 Bien sûr que c'est pur affilié à un site Internet. Est-ce qu'il y a ce genre de spécificité ?
10:40 - Alors déjà, il faut savoir que les actifs de type nom de domaine sont extrêmement peu liquides.
10:46 Et donc les gens qui investissent ont intérêt à avoir une certaine quantité de nom de domaine,
10:51 pas forcément une très grande quantité.
10:52 Mais acheter par exemple un seul nom de domaine, ça n'a pas beaucoup de sens.
10:55 On peut avoir, disons, peut-être quelques dizaines de noms de domaine,
10:59 mais il faut que ce soit vraiment des noms de très bonne qualité.
11:02 Donc ce qui est important, c'est la qualité intrinsèque du nom.
11:07 Alors ça peut être soit un nom du dictionnaire, un nom générique, dans un secteur d'activité porteur,
11:12 mais ça peut être aussi un nom qu'on appelle un potentiel de marque.
11:15 Mais alors les noms à potentiel de marque sont, par exemple, ça peut être un nom propre,
11:19 qui peut être utilisé par exemple, Emile, emile.fr, ça peut être utilisé pour aussi bien un restaurant
11:25 que pour une marque de vêtements.
11:26 - D'accord. Et est-ce que, dernière question assez rapide,
11:29 est-ce que vous allez vous tourner vers les NFT malgré le fait que là,
11:33 c'est vrai que c'est un marché dont on parle un petit peu moins,
11:35 que c'est peut-être un peu plus stabilisé ?
11:37 - Alors, oui, les NFT, il y a eu, en fait c'était une nouvelle technologie.
11:43 Et à chaque fois qu'il y a une nouvelle technologie, il y a un engouement.
11:48 Et on oublie parfois que cette nouvelle technologie n'a l'intérêt
11:52 que si le sous-jacent est intéressant.
11:54 Donc ce qui s'est passé depuis deux ans, c'est que finalement,
11:56 les gens ont cherché à créer des NFT de tout et de rien et à les vendre aux mères spéculatives.
12:01 Il y a évidemment eu un phénomène avec des gens qui ont essayé de s'y mettre
12:04 et de sortir de l'argent le plus vite possible.
12:06 Évidemment, ça s'est effondré comme ce phénomène s'est produit au début des années 2000 avec l'Internet.
12:12 Et donc ce qui compte, alors le marché de l'art, ce qui est intéressant dans le cas du marché de l'art,
12:15 c'est que nous avons des sous-jacents qui sont les œuvres d'art.
12:18 Et donc ce que finalement nous observons, c'est que cette technologie qui est finalement,
12:24 qui est grise, qui n'est ni bien ni mal, elle est ce qu'on en fait.
12:27 Et donc si vous l'associez à des œuvres d'art d'intérêt, ça permet de finalement trouver des acheteurs potentiels.
12:35 Mais dans le cadre des NFT, une des difficultés, c'est que c'est un outil qui est assez complexe à manipuler pour l'instant.
12:42 Il y a un besoin de simplification.
12:44 Typiquement, un collectionneur du marché de l'art, nous, lorsqu'on a fait des ventes de NFT,
12:50 on avait des acheteurs nés entre les années 50 et 70.
12:52 On voyait des gens qui ont déjà un certain âge et pour eux, ça doit être simple.
12:56 Et donc il y a besoin de simplifier.
12:58 Voilà, c'est ce que nous sommes en train de faire pour démarrer, début 2024, des ventes de NFT aussi sur Interencher.
13:05 Merci beaucoup, Marc-Olivier Bernard. Je rappelle que vous êtes directeur général de Boît-Chaud.
13:09 Merci d'être venu nous expliquer de ce patrimoine immatériel que nous pourrions développer.
13:14 Quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro d'Art et Marché.
13:18 [Musique]