Gros plan sur une approche innovante de la formation policière en Suisse romande. Depuis vingt ans, l'institution a opéré un tournant, plaçant la psychologie au coeur du métier de policier. L'occasion de développer les qualités empathiques des forces de l'ordre et de déconstruire l'image classique de cette profession. Un modèle unique en Europe.
D'abord cantonnés à un rôle d'observateur, les psychologues sont devenus des acteurs clés de police. Leur pratique irradie désormais toutes les strates de l'institution à commencer par le recrutement de ses futurs agents. "La police qui investit aujourd'hui dans les gros bras court à sa perte. La force physique, les conditions physiques sont peu à peu supplantées par la technologie. Désormais, on attend d'un policier des compétences sociales, l'habileté de discernement, la capacité d'adaptation" détaille Séolane Bouchoucha, psychologue de la police cantonale de Genève. Cette approche a fait ses preuves sur le terrain : 90% des interventions se résolvent par la dialogue, les 10% restantes se concluent par l'usage d'un moyen de contrainte. Un choix très politique qui traduit une volonté des pouvoirs publics de rapprocher policiers et citoyens.
D'abord cantonnés à un rôle d'observateur, les psychologues sont devenus des acteurs clés de police. Leur pratique irradie désormais toutes les strates de l'institution à commencer par le recrutement de ses futurs agents. "La police qui investit aujourd'hui dans les gros bras court à sa perte. La force physique, les conditions physiques sont peu à peu supplantées par la technologie. Désormais, on attend d'un policier des compétences sociales, l'habileté de discernement, la capacité d'adaptation" détaille Séolane Bouchoucha, psychologue de la police cantonale de Genève. Cette approche a fait ses preuves sur le terrain : 90% des interventions se résolvent par la dialogue, les 10% restantes se concluent par l'usage d'un moyen de contrainte. Un choix très politique qui traduit une volonté des pouvoirs publics de rapprocher policiers et citoyens.
Category
✨
PersonnesTranscription
00:00...
00:08Margot a 32 ans.
00:10Elle fait partie d'une unité de police secours.
00:14Elle débute sa nuit de patrouille dans les rues de Genève.
00:18...
00:22A la radio, une 1re demande d'intervention.
00:26...
00:28Un conflit de coupes parce qu'ils se jetaient des trucs dessus.
00:32Je pense quand même qu'il faut regarder et ne pas traîner.
00:36...
00:47Il toque à la porte.
00:49...
00:52Bonjour. C'est vous qui avez appelé ?
00:55...
01:08Vous êtes que les deux ?
01:11C'est un petit peu calmé ?
01:13Je suis pas là pour juger votre situation.
01:16J'ai juste besoin de comprendre ce qui se passe.
01:18Est-ce qu'il y a eu des injures ce soir ?
01:20Est-ce qu'il y a eu des coups ce soir ?
01:22Non. D'accord. OK. C'est ce qu'on a besoin de savoir.
01:25OK. C'est plus la situation, là.
01:27Vous vivez quelque chose où vous n'arrivez plus à communiquer.
01:31C'est difficile.
01:32Policier en Suisse,
01:34c'est parfois enfilé la casquette de conseiller conjugal.
01:38...
01:41Il faut que vous preniez de l'air, chacun.
01:44C'est important.
01:45Mettez vos chaussures, prenez ce que vous pouvez.
01:48On vous aide.
01:49On prend de chacun quelque chose.
01:52La patrouille conseille finalement au conjoint
01:55de quitter l'appartement le temps que la situation ne s'apaise.
01:58Ne soyez pas désolée, madame. C'est comme ça, écoutez.
02:01Hein ?
02:02Bonne soirée à vous. Au revoir.
02:04...
02:11Pour moi, tout cet aspect psychologique est indispensable.
02:14Donc on doit être armés au mieux pour pouvoir avoir les bons mots,
02:18pour essayer de calmer les gens, d'apaiser les gens,
02:22d'être à l'écoute.
02:23Des fois, c'est juste ça dont ils ont besoin.
02:25C'est juste quelqu'un qui les écoute.
02:27On appelle la police, on est aussi là pour ça.
02:30...
02:39-"Ancienne éducatrice spécialisée,
02:42Margot incarne à elle seule
02:44le virage pris par la police suisse ces 20 dernières années.
02:48Une institution qui se veut plus proche de ses citoyens
02:51et qui a fait de la psychologie la principale arme de ses agents."
02:55...
02:59Bonsoir.
03:00Expliquez-nous.
03:01Ils m'ont dit qu'apparemment, là-dedans,
03:03y a pas le droit d'alcool, de fumer, de la drogue,
03:06y a pas le droit d'emmener de la drogue,
03:08y a pas le droit de je sais pas quoi.
03:10Ce soir, c'est quoi, le souci ?
03:11Alors, ce soir, c'est que moi, ils m'ont sorti.
03:14Ils vous ont refusé l'entrée ? C'est quoi, pourquoi ?
03:17Ils m'ont refusé l'entrée à cause de hier,
03:20parce que j'ai pas voulu refuser...
03:22J'ai pas...
03:23Les gens qui se retrouvent comme moi dehors,
03:26parce que peut-être qu'ils en savent trop,
03:28ou peut-être parce qu'ils savent trop.
03:31On comprend que la situation est compliquée.
03:33On est pas là pour aller contre quoi que ce soit,
03:36c'est juste leur règlement.
03:37On va essayer de trouver la meilleure option pour la suite,
03:40pour que vous puissiez dormir au chaud,
03:42parce que c'est ça, l'échéance qui est importante.
03:46C'était pas forcément du travail pur police,
03:49mais on était clairement dans du social, quoi.
03:52C'est là que le dialogue est le plus important, finalement.
03:55C'est là que la psychologie rentre en compte,
03:58parce que la sécurité personnelle, c'est une chose,
04:00mais c'est le dialogue qui a fait que cette situation s'est désamorcée.
04:04Policier moderne.
04:06C'est ça. Couteau suisse.
04:08Exact.
04:10Même si c'est clair qu'au début, on se dit,
04:12on est policier, on va aller toujours en sirène feu bleu,
04:15on va faire que de l'intervention...
04:17Non, la réalité, c'est qu'on va faire l'intervention,
04:20parce que c'est ce pour quoi on a signé,
04:22mais à côté de ça, on doit aussi répondre à la demande sociale
04:25et à la détresse sociale, c'est une réalité.
04:29Oui, mais c'est pas le souci. Il est où, ce téléphone ?
04:32Il est où, ce téléphone ? Il est là-dedans.
04:34C'est clair que le contact est omniprésent
04:37tout le temps dans notre métier.
04:39Je retrouve ce côté social qui m'intéresse beaucoup,
04:41mais on a, en guillemets, un cran au-dessus,
04:44où c'est clair que l'intervention est aussi très présente
04:47et c'est ça qui rend ce métier, je pense, aussi palpitant.
04:50On va aller voir les images.
04:51Les interventions, elles sont très larges,
04:54elles peuvent aller d'un bruit de vasinage
04:56jusqu'à des coups de feu, jusqu'à une tentative de meurtre.
04:59On va vraiment sur de l'urgence.
05:03La Suisse est de loin le pays d'Europe
05:06qui compte le plus de psychiatres par habitant.
05:09A l'image de sa population, soucieuse de son bien-être mental,
05:13la police suisse romande a opéré, il y a près de 20 ans, un tournant,
05:18plaçant la psychologie au coeur du métier de policier.
05:22D'abord cantonnée à un rôle d'observateur,
05:25les psychologues sont devenus des acteurs clés de la police.
05:31Leur pratique irradie désormais toutes les strates de l'institution,
05:35à commencer par la formation de scientifiques
05:37et à finir par la formation de ses futurs agents.
05:42Une remise en question qui porte ses fruits.
05:45En 30 ans, l'utilisation de l'arme à feu a été divisée par huit,
05:49quand en France, ce chiffre ne cesse d'augmenter depuis 10 ans.
05:55De son côté, même si les affrontements avec la police restent rares,
06:00l'Allemagne assiste à une militarisation croissante
06:03de ses forces de l'ordre.
06:07...
06:22Ca, c'est bon.
06:23Ordonnance, admission... Ca, il n'y aura rien dedans.
06:28Lésion corporelle, blessé...
06:31Il y a quatre mois, Guillaume a intégré l'académie de Savatan,
06:35au coeur des montagnes suisses.
06:37L'une des principales écoles de police du pays.
06:40Ici, les étudiants viennent de toute la Suisse romande.
06:43...
06:47Je m'appelle Guillaume, j'ai 24 ans,
06:49et je suis à l'académie de police en tant qu'aspirant.
06:52C'est le premier stade du policier.
06:54Quand on a essayé les uniformes, j'étais très fier.
06:57Depuis tout petit, j'ai voulu faire ça.
07:00Depuis, j'ai toujours été attiré par ce métier pour aider les gens.
07:04Plus on grandit, plus on comprend à quoi peut servir la police
07:07au quotidien pour être au contact de la population
07:10ou résoudre certaines crises.
07:12...
07:18En un an, Guillaume et ses 180 camarades
07:21passent en revue toutes les missions de la police.
07:25Du simple contrôle routier au droit pénal,
07:28mais aussi la psychologie.
07:30...
07:32On a parlé en communication de cette attitude de sauveur.
07:35C'est ça, en fait, qu'on aimerait vous empêcher.
07:37Quand vous allez intervenir pour une violence domestique,
07:40vous avez un persécuteur et une victime
07:43qui sont dans ce triangle-là, mais attention,
07:45ils peuvent inconsciemment vous attirer
07:47dans ce jeu psychologique inconscient.
07:49...
07:51Un vocabulaire digne d'une première année de fac de psycho
07:54que beaucoup de ses étudiants ne s'attendaient pas à découvrir
07:58en endossant l'uniforme.
08:01C'est intéressant de savoir comment est-ce qu'une personne réagit
08:04à certaines choses, comment on peut s'adapter.
08:07C'est de la psychologie,
08:08quelque chose qui est tout nouveau pour moi.
08:11...
08:13Malgré tous ces apprentissages,
08:15les cours d'autodéfense restent indispensables.
08:19...
08:24Série en puissance !
08:26Préparez-vous !
08:27Six !
08:29Sept !
08:32Huit !
08:34Neuf !
08:35Dix !
08:36On ne fait pas policier pour se servir d'une arme,
08:39mais pour être en contact avec la population
08:41et surtout d'éviter le conflit.
08:43On ne sait pas qui on a en face.
08:45Mais si on doit en arriver au conflit,
08:47que ce soit au spray ou au bâton,
08:48il faut être préparé, savoir appliquer des techniques
08:51pour terminer une situation critique.
08:53La police, reculez !
08:55La police, recule !
08:56La police !
08:57La police, reculez !
08:58La police !
08:59La police, recule !
09:01...
09:17Chaque soir,
09:18Guillaume, comme la plupart de ses aspirants,
09:21reste dormir sur place.
09:22...
09:27On part sur les petits plats.
09:28Déjà, on part, il a les termes techniques.
09:31Je vais partir sur, ça y est, les techniques.
09:33...
09:36Ça a l'air vraiment bon, ce qu'ils se font.
09:38...
09:39Ouais.
09:40Je mange pas.
09:41Riz, poulet, légumes.
09:43...
09:48On a droit pénal le matin en Sherlock.
09:50Faut que je dise qu'on est les ordiers.
09:53Ensuite, on a psycho dans la classe.
09:55Gestion de conflit, ouais.
09:57...
09:58Ces jeunes bénéficient de 68 heures de cours de psychologie.
10:03C'est trois fois plus
10:04que dans la formation des futurs policiers en France.
10:08De la théorie à laquelle s'ajoutent des mises en situation.
10:12Un modèle unique en Europe,
10:14porté par une équipe de psychologues.
10:17...
10:22...
10:30Les objectifs, en fait, de cette matinée,
10:33c'est principalement de pouvoir identifier
10:35le besoin, en fait, du citoyen.
10:38Donc, ce sera à vous d'évaluer l'urgence,
10:41la gravité, la problématique, en fait, de la situation.
10:44Et puis, de savoir, finalement, comment répondre à ce besoin.
10:48...
10:50Les rangs de la police,
10:52Céolane les a rejoints il y a neuf ans.
10:54Passionnée par cet univers,
10:57cette psychologue du travail de 36 ans
10:59a largement contribué à l'évolution de la formation
11:02des policiers suisse-romands.
11:04Ce matin, elle propose à ses étudiants
11:07un jeu de rôle.
11:09Et c'est Guillaume qui se prête à l'exercice.
11:12...
11:15Bonjour, monsieur.
11:16Bonjour.
11:17Écoutez, je viens vous voir parce que j'ai un gros problème.
11:21Il y a, en fait, une personne ou des personnes,
11:23je ne sais pas qui exactement, je vous avoue, je m'en fous un peu,
11:26qui se permettent de taguer sur les murs de la ville.
11:29On peut pas vraiment appeler ça de l'art.
11:31Moi, j'appelle ça de la merde.
11:33Et j'aimerais vraiment maintenant que vous fassiez quelque chose
11:37pour éviter que ça se reproduise.
11:39Oui, très bien, je comprends.
11:40Est-ce que vous avez déjà vu des gens en train de taguer ?
11:43Non, je fais pas le pied de grue à côté de la ville,
11:46mais j'ai vu, en fait...
11:48Face à un comédien,
11:49tantôt dans la peau du plaignant, tantôt dans celle de l'accusé,
11:53ces apprentis policiers improvisent.
11:56Leur attitude est scrutée,
11:58leurs paroles décortiquées par ces hollandes.
12:02Moi, ce que j'aimerais surtout, ce que j'attends de vous,
12:05c'est que ça ne se reproduise plus.
12:08Merci beaucoup.
12:09Je vous propose qu'on procède au débriefing.
12:12Comment vous vous êtes sentis dans cette situation ?
12:15Au début, j'étais un petit peu perdu.
12:17Je savais pas si le problème du monsieur,
12:19c'était l'endroit où il y avait eu les tags.
12:22Sans vouloir trop aiguiller, j'attendais plus d'informations
12:25pour vraiment comprendre quel était le besoin du monsieur.
12:33Si on imagine un policier qui est en train de se faire taguer,
12:36si on imagine un policier qui manque de compétences psychosociales,
12:40ça fait finalement beaucoup de conflits,
12:42ça fait des citoyens qui sont fâchés, en colère,
12:46et ça fait aussi des policiers qui ont un sentiment
12:48d'être en lutte contre le citoyen.
12:51Du coup, ce qu'on demande au policier de faire avec le citoyen,
12:54d'adapter sa communication avec l'autre,
12:56on va lui demander de le faire aussi pour lui-même,
12:58de reconnaître ses propres émotions, de les réguler.
13:01Peut-être qu'on peut déjà donner la parole à...
13:03En binôme, avec un instructeur policier,
13:06Céolane projette ses jeunes recrues dans leur future mission.
13:11Le plus gros, c'est d'identifier comment je peux apaiser la personne,
13:15et puis que vous ayez dix minutes pour lui faire part
13:18des suites, que vous en ayez trois.
13:20L'idée, c'est de pouvoir toujours mettre en place ces attitudes-là.
13:23Et j'ai envie de dire, moins vous avez le temps,
13:25plus il faut mettre les formes.
13:26Bien sûr, on a d'autres tâches, donc il faut essayer de jongler.
13:28Mais si les choses paraissent insignifiantes,
13:30on devient insensible à ça, parce que c'est tous les jours.
13:33Pour les citoyens, c'est peut-être la première fois de sa vie,
13:35et peut-être la dernière.
13:36Donc la prise en charge, elle est très importante.
13:38C'est comme si vous allez à l'hôpital,
13:39le médecin fait son cinquième cancer de la journée,
13:42et puis vous lui dites, c'est un petit cancer,
13:43ça va pas trop grave.
13:44Puis vous restez là avec ce poids, c'est la même chose.
13:49J'ai 30 ans de carrière, je peux vous dire qu'au début de ma carrière,
13:51c'était pas du tout ça.
13:54On avait plus cette idée un peu martiale de la police,
13:59peut-être, rien ne m'atteint, je suis indestructible, etc.
14:04Donc maintenant, on s'est rendu compte qu'autant les auteurs,
14:08autant que les victimes, autant que les policiers eux-mêmes
14:10étaient des êtres humains,
14:13et qu'il fallait travailler avec ces êtres humains.
14:14Donc s'il y a bien une discipline qui peut nous être utile,
14:19c'est la psychologie.
14:20Sans ça, c'est pratiquement impossible d'avancer.
14:24Merci.
14:27En un an, Guillaume et les autres jeunes
14:29doivent appréhender toutes les subtilités de leur futur métier.
14:33Après une courte formation, c'est le temps de l'immersion.
14:38Dans un vrai poste de police, cette fois-ci, avec de vrais plaignants.
14:43Pendant cinq mois, Margot accompagne Hugo,
14:47tout juste sorti de l'école de Savatan.
14:51Bonjour.
14:54Vous savez exactement, vous avez le détail de ce qu'il y avait dans le porte-monnaie ?
14:57Parce qu'il va falloir que mon collègue y détaille.
14:58Des cartes, malheureusement pas.
14:59Un peu près, pour vous rappeler.
15:01Mais je me rappelle juste qu'il y avait une carte...
15:03Des cartes importantes, disons, les cartes de magasins,
15:05ça, on refait, il n'y a pas besoin d'annuler.
15:06Mais les cartes bancaires, il y avait des cartes bancaires ?
15:08Non, il ne m'a pas pris la carte bancaire.
15:09Je pense qu'il y avait zéro dessus.
15:10OK.
15:11En fait, là, juste où tu vas devoir développer un petit peu,
15:13c'est dans les...
15:15Fais constater...
15:16Les faits.
15:17Ouais.
15:17En fait, juste expliquer le contexte.
15:19OK.
15:19OK ?
15:20Ouais, c'est ça.
15:23Pour cette jeune recrue,
15:25ses stages sont l'occasion
15:27de déconstruire l'image traditionnelle du policier.
15:31Elle a eu l'appel de nos collègues,
15:33et puis après, elle a regardé les images.
15:35Du coup, toi, Hugo, ça fait quoi, trois services, maintenant que t'es là ?
15:38Ouais, trois, ouais.
15:39C'est le troisième service ?
15:40Ouais.
15:40C'est quoi, en fait, qui t'a surpris, quand tu parles de surprise ?
15:43Par rapport à la police secours.
15:44D'intervention, en fait, on fait du social.
15:48Tu pensais pas que c'était autant...
15:50Non, pas autant.
15:52Ouais, bah...
15:52Je l'avais entendu,
15:54mais je voulais me faire ma petite idée.
15:56Et puis, là, elle est faite.
15:57Ouais.
15:58Clairement.
15:59Là, en l'occurrence, on a eu beaucoup de choses sociales.
16:02Après, c'est la loterie.
16:03Tout d'un coup, peut-être qu'on va avoir
16:06des choses 100 % dans l'intervention, plus tard.
16:08Enfin, voilà, c'est hyper aléatoire.
16:10Mais la réalité est que le social,
16:13ça prend une part énorme.
16:15Exactement.
16:16Les gens sont tellement stressés,
16:18ils ont tellement de soucis durant toute la journée.
16:20Le soir, le moins de bruit, ils vont appeler la police.
16:23Parfois, ils pensent qu'on va sauver leur situation,
16:26sauver le monde.
16:27Ouais.
16:28Mais des fois, on ne peut pas.
16:30On va juste colmater un trou.
16:33Je suis fier de ça.
16:35On n'a pas vraiment l'impression d'être policiers.
16:39Vraiment, on dirait qu'on est des personnes
16:41qui travaillent dans le social.
16:43Du coup, c'est...
16:45Surtout pour moi, la police,
16:47ils intervenaient sur tout ce qui était bagarre, agression.
16:52Après, on est aussi matrixés par les films et les séries,
16:55mais il y a une belle différence, quand même.
16:58On se dit peut-être 80 % qu'on va faire du social,
17:02parce que c'est ce qu'il y a,
17:03et tout d'un coup, 20 %, OK, il y a de l'action.
17:06Alors, on ne fait pas ce métier pour ça,
17:08mais c'est clair qu'on sait qu'on va pouvoir y être confrontés.
17:11Du coup, c'est une sorte de balance
17:13auquel on doit tous s'adapter.
17:17L'enjeu pour Margot, comme pour tous ses collègues,
17:20ne pas se laisser dévorer par le poids des affaires
17:23auxquels elle est confrontée.
17:42Le fait de faire du sport, pour moi,
17:44ça contribue à l'équilibre qu'on doit trouver
17:47entre le travail et le fait de se vider la tête, etc.
17:51Il y a des interventions qui me secouent,
17:53il y a des interventions avec des enfants
17:55et des interventions avec des personnes âgées,
17:58il y a des interventions qui font référence à notre propre vie,
18:01ou à la vie quotidienne,
18:02et ça, c'est un peu ce que j'aime le plus.
18:05C'est un peu ce que j'aime le plus,
18:06c'est qu'il n'y a pas d'inquiétude,
18:08il n'y a pas des interventions qui font référence à notre propre vie.
18:11Je pense que c'est une capacité qu'on a ou qu'on n'a pas,
18:13de réussir à switcher tout d'un coup et à se dire
18:15« OK, j'ai eu ça sur le moment, j'encaisse l'émotion
18:18parce que je ne veux pas la nier, mais j'avance,
18:20et puis la vie continue, j'ai fait mon job au mieux que je pouvais,
18:24et puis maintenant, ça m'atteint. »
18:25En fait, se dire « ça ne nous appartient plus »,
18:27moi, c'est ça qui m'aide, en fait.
18:34La jeune policière trouve dans le sport
18:36le moyen d'évacuer une partie du stress lié à son métier.
18:40Car en Suisse, comme partout en Europe,
18:43les policiers représentent une profession
18:45où les risques de burn-out et de suicide sont particulièrement élevés.
18:50Une réalité contre laquelle Céolane tente de lutter.
18:56Donc, nous allons faire ce qu'on appelle une relaxation sensorielle.
19:01Donc, on va principalement utiliser nos sens
19:05pendant à peu près une vingtaine de minutes.
19:11Depuis quatre ans, la psychologue expérimente sur des policiers
19:15déjà en service de nouvelles techniques de gestion du stress,
19:19développées en France pour les sportifs de haut niveau et les militaires.
19:26Et puis, je vous invite à vous intéresser à votre bras,
19:31le bras droit, le bras gauche,
19:33et de ressentir un peu son état,
19:36peut-être un état de lourdeur.
19:41Quand on fait des métiers qui poussent à une intention importante,
19:45une vigilance accrue,
19:46ça met aussi les gens dans un état de tension
19:48où ils ont beaucoup de peine à décrocher.
19:50Et donc, en se posant des questions très simples,
19:52comment sont mes jambes ?
19:54Est-ce qu'elles sont lourdes ? Est-ce qu'elles sont légères ?
19:56Et pendant qu'on fait ça, on est en train de se concentrer sur soi,
19:59on n'est pas en train d'être dans des pensées qui parasitent,
20:02c'est de leur montrer qu'en fait, il n'y a pas besoin d'attendre
20:05les vacances pour enfin partir et souffler,
20:08qu'en fait, tous les jours, on peut un peu souffler.
20:12Comment vous avez apprécié, switché d'un état qui est beaucoup plus détendu ?
20:17C'est agréable de passer d'un état où on est un petit peu plus stressé
20:20parce qu'on a quelque chose d'un peu plus physique,
20:22où on doit réfléchir,
20:23et à un autre état où on peut se relaxer, se recentrer sur soi-même.
20:27C'est bénéfique.
20:30OK.
20:32Quand on fait un métier comme celui de policier,
20:34on est souvent confronté aux coulisses de la vie, comme je le dis.
20:40C'est souvent des conflits
20:43ou des choses plutôt négatives.
20:46Et comme on est humain,
20:48il s'avère que, des fois, cette énergie,
20:51on peut l'emmagasiner, elle peut nous stresser.
20:54Et je trouve que c'est important, justement, d'avoir ces clés, en fait,
20:57pour garantir une bonne santé mentale.
21:01C'est primordial, à mon avis.
21:04Une centaine de policiers est formée chaque année à ces techniques.
21:08Mais Céolane aimerait aller encore plus loin
21:11et systématiser leurs pratiques au sein de toutes les brigades.
21:15Quand on a été éveillé plus de 17 heures,
21:18on a l'équivalent de la vigilance de quelqu'un
21:20qui a 0,5 g d'alcool dans le sang.
21:22Donc ça, c'est un argument qui est quand même assez intéressant
21:24pour dire que, voilà, quand on dort peu et quand on est éveillé,
21:27ça vaut la peine d'aller faire un temps de pause optimisé
21:30pour se retaper et puis d'être de nouveau bon pour 3-4 heures.
21:41En attendant de découvrir cette technique de relaxation,
21:45cet après-midi, Guillaume se prépare à un tout autre exercice.
21:55OK, alors pour la visite du jour,
21:57j'attends de vous une attitude irréprochable,
21:58un comportement irréprochable.
22:00Comme d'habitude, le respect et de l'intérêt.
22:02Aujourd'hui, vous allez avoir l'occasion de pouvoir partager
22:04avec ces jeunes, certains vont vous raconter leur vécu.
22:07Donc à vous d'être intéressés, de rebondir,
22:09de poser un maximum de questions
22:10et puis de profiter de ce moment d'échange
22:13et de partage avec les jeunes aujourd'hui.
22:15Ça marche ?
22:16Oui.
22:18Comme chaque année, les aspirants vont passer une demi-journée
22:21dans un centre de détention pour jeunes délinquants
22:25avec un objectif,
22:27lutter contre leurs propres préjugés et développer une valeur phare,
22:31le respect de tous les citoyens, quels qu'ils soient.
22:36J'ai 18 ans, ça fait bientôt 3 mois que je suis ici.
22:39Là, je suis à l'atelier carrosserie.
22:44Moi, ça se passe bien.
22:46Mon placement, il évolue bien et voilà, tout va pour le mieux.
22:50J'ai 18 ans, ça fait 3 ans que je suis à Pramon.
22:54Bonjour, je m'appelle Guillaume.
22:55Je suis à l'académie depuis septembre pour la gendarmerie vaudoise
22:59et avant, je travaillais dans la vente.
23:02Pour ces détenus, condamnés pour des délits ou des crimes graves,
23:06la vision de ces uniformes bleus n'est pas des plus réjouissantes.
23:10Mais chacun y met du sien.
23:13Ils n'ont rien à voir avec nous.
23:14Ce qu'on a eu comme problème, c'est que des humains comme nous,
23:17ils font leur métier.
23:19Moi, j'ai envie de faire mécanicien, lui, il a envie de faire policier.
23:21C'est comme ça.
23:22J'espère qu'ils seront des bons policiers et c'est tout.
23:26Est-ce que ça vous fait peur de la sortie définitive ?
23:29Non.
23:30Non.
23:31J'ai hâte.
23:32Est-ce que le fait d'avoir été forcé à arrêter les bêtises avant,
23:37est-ce que ça vous a vraiment fait un élément déclencheur
23:39pour la vie active ?
23:40Moi, j'ai fait beaucoup de bêtises mineures.
23:42Je me croyais intouchable, j'ai fait ce qu'il ne fallait pas
23:44et aujourd'hui, je réalise que voilà la gravité de mes actes
23:49et que voilà, je dois changer, tout simplement.
23:52Est-ce qu'on passe à la visite de votre chambre ?
23:56Bienvenue.
23:57Merci.
23:59Merci.
24:03Allez, c'est uniquement individuel.
24:08Du coup, pour fumer, vous avez un nombre de clopes par jour ?
24:12C'est non-fumeur, ici, monsieur.
24:14Non-fumeur.
24:15La vérité, vous voulez savoir comment on fume ?
24:17On fait des clopes avec ça.
24:19C'est un système avec une cuillère, du shampoing,
24:22les électrodes, un bout de papier
24:25et on essaye d'allumer la flamme et on prie pour pas qu'on meurt.
24:29C'est juste ça.
24:31Mon cœur d'électricien va lâcher.
24:34En tout cas, ça m'a fait plaisir de vous montrer ma chambre.
24:36Merci.
24:38Merci beaucoup.
24:41Organisé depuis 7 ans à l'initiative de ce centre éducatif fermé,
24:46ces échanges ont permis d'améliorer les relations
24:49entre ces deux mondes, souvent opposés.
24:54À leurs places, je viens, on m'avertit que je dois voir des jeunes délinquants.
24:57Bon, je suis peut-être pas le plus émerveillé du monde,
25:00mais j'ai vu quand même quelques sourires,
25:02j'ai vu qu'il y avait quand même des gens qui s'intéressaient vraiment,
25:06savoir qu'est-ce qu'on faisait ici,
25:08comment est-ce qu'on pouvait changer notre situation.
25:10Après, je pense pas qu'ici ça reflète la réalité sur le terrain
25:14tous les jours et nous tous les jours dans notre quotidien.
25:16Mais c'est déjà, on va dire, un bon début.
25:19C'est déjà un bon début.
25:22Humainement, l'échange était vraiment très intéressant.
25:25Il n'y avait pas d'a priori de leur part et pas d'a priori de notre part,
25:29en tout cas pas du mien.
25:30C'est très intéressant de pouvoir échanger avec eux
25:32pour vraiment voir, eux, leur façon de penser,
25:34pour ensuite, nous, adapter peut-être notre travail dans la rue.
25:42Mais malgré toutes ces initiatives,
25:45la police en Suisse doit faire face à un problème endémique.
25:48En 2022, un groupe d'experts de l'ONU dénonçait le racisme systémique
25:53des forces de l'ordre et du système judiciaire suisse.
25:57Un sujet épineux dont Céolane a décidé de se saisir.
26:02Alors, enfilez le casque.
26:05Oui.
26:07OK, donc là, tu vois déjà que t'as un peu des choses autour de toi.
26:12Et puis, tu vas commencer une phase d'entraînement
26:14D'accord.
26:17Également chercheuse, Céolane développe un casque de réalité virtuelle
26:21afin de comprendre l'influence des émotions
26:24sur la prise des décisions chez les policiers.
26:27Ces cobayes, aujourd'hui, sont tous des agents chevronnés.
26:34186 sur place.
26:37Bonjour, monsieur.
26:40Les gens qui s'inquiètent, ils ne vous connaissent pas.
26:42Ils disent, non, vous ne faites pas partie de l'immeuble.
26:43Donc, j'aimerais savoir pourquoi vous êtes là.
26:45Ici, au deuxième.
26:46En immersion, le policier doit gérer une situation très classique.
26:51Mais derrière l'ordinateur,
26:53la psychologue décide de l'humeur de la personne contrôlée,
26:56mais aussi de son sexe ou de son origine ethnique.
27:00Et c'est parfois difficile de faire prendre conscience aux personnes
27:04que face à un enfant, face à un adulte racisé,
27:10face à une personne âgée,
27:12on ne va pas avoir forcément le même comportement.
27:14Donc, du coup, ce type d'environnement
27:16peut nous permettre de proposer finalement tout type de personnes
27:21et de faire prendre conscience, en fait,
27:22qu'en fonction des personnes qu'on a en face,
27:24on ne va pas forcément avoir la même manière de s'adresser à eux,
27:27quand bien même ils auraient exactement le même comportement.
27:30Monsieur, lâchez cet objet.
27:31Et là, maintenant, tu vas faire quoi ?
27:34Lâchez cet objet, monsieur.
27:36Vous ne me touchez pas.
27:38À l'issue de chaque interpellation virtuelle,
27:41les policiers doivent évaluer leur état émotionnel.
27:45Lorsqu'on a les questions à la fin,
27:47de revenir sur ses émotions,
27:49à quel niveau je me trouvais, je ne sais pas,
27:52par rapport à la colère, le stress, etc.,
27:55ça, c'est super intéressant.
27:57Chose qu'on ne fait pas, en fait, en intervention.
27:59Mais peut-être de faire un parallèle avec une situation qui serait réelle.
28:02Là, sur cette situation, j'ai réagi comme ça.
28:04Comment, du coup, je peux gérer cette émotion ?
28:07Chaque testeur rejoue six fois la même situation.
28:11Mais à chaque fois, la réaction de l'interpellé varie.
28:15Lâchez cet objet, monsieur.
28:17Je vous t'avoue que j'ai bien envie de t'en mettre une.
28:20Essaye, hein, essaye de t'approcher pour voir.
28:23Lâchez cet objet, monsieur.
28:29Limon d'évidence. Limon d'évidence.
28:31Dans le dos. Limon dans le dos.
28:32On a pu observer que quand on présente d'abord des scénarios
28:36où la personne était plus agressive,
28:38ils avaient tendance à s'habituer à cette agressivité
28:41et à plus tellement voir les gens qui se comportaient normalement
28:45comme très coopératifs.
28:47C'est quelque chose qui est tout à fait humain et normal,
28:49mais au vu de l'importance que leur jugement a
28:53dans leur métier, c'est indispensable
28:55qu'ils puissent en prendre conscience
28:57et qu'ils trouvent des moyens pour pouvoir s'adapter à la situation.
29:01Qu'ils trouvent des moyens pour pouvoir faire une sorte de pause,
29:04reset, pour réavoir de nouveau cette objectivité
29:07sur chaque intervention.
29:10La police suisse fait figure de laboratoire en Europe.
29:14En assumant l'image d'une police très humaine,
29:17elle a su opérer une profonde remise en question.
29:21Aujourd'hui, 90 % des interventions
29:25se résolvent sans aucun recours à la force.
29:31Sous-titrage ST' 501