• il y a 6 mois
Face au mouvement de l'âge et à l'irréversible évolution du corps, les sociétés ont forgé des rituels pour marquer le seuil entre le monde des enfants et celui des adultes. Sur les pas de l'anthropologue Anne-Sylvie Malbrancke, nous découvrons les rites de passage qui ont cours en Papouasie-Nouvelle-Guinée et dans la région du Tras-Os-Monte, au Portugal.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans les méandres du fleuve Sepik, la jeune Leah, 23 ans, s'apprête à couvrir sa peau de centaines d'incisions pour ressembler au crocodile, l'ancêtre sacré de son peuple. Dans sa communauté, ce rituel extrêmement douloureux marque un moment de bascule : en faisant couler son sang, elle va devenir femme. Au Portugal, dans la région du Tras-Os-Monte, une zone isolée du Nord-Est, on ritualise encore le début de la vie d'homme. Pendant la Fête des garçons, les adolescents célibataires enfilent le costume grimaçant des Caretos et attaquent les jeunes filles avec des vessies gonflées d'air. Par la mise en scène de la virilité dans tous ses excès, ils entrent dans l'âge adulte.

Étonnantes pratiques
Avancer dans l’existence relève de l’aventure, dont on sait qu’elle se finira mal... C'est pourquoi, face à l’inéluctable, les humains ont inventé un accompagnement codifié qui permet de structurer la vie en étapes précises : les rituels collectifs tendent à permettre à l'individu de se construire une perception apaisée de sa condition mortelle. Sur les pas de l'anthropologue Anne-Sylvie Malbrancke (Rituels du monde), cette série propose de partir dans le monde à la rencontre de ceux qui célèbrent ces rites de passage par des coutumes souvent étrangères au reste de l’humanité. Où l’on découvre d’étonnantes pratiques, des interdits et des identités d’une grande richesse. Plonger dans les rituels de communautés permet de pénétrer au cœur de leur culture, de comprendre leurs peurs et leur vision de la vie. Un panorama saisissant qui relativise aussi certaines de nos certitudes.

Category

Personnes
Transcription
00:00 ...
00:12 -Où s'arrête l'enfance ?
00:13 ...
00:15 Quand devient-on vraiment adulte ?
00:17 ...
00:19 L'adolescence est un entre-deux
00:22 dans lequel les jeunes hésitent entre le monde des enfants
00:25 et celui des grandes personnes.
00:27 ...
00:30 Face à ce doute,
00:32 de très nombreuses cultures ont façonné des rites.
00:35 ...
00:39 Ils nous construisent en posant des repères.
00:42 ...
00:44 Mais ils contiennent aussi une part de violence.
00:46 ...
00:57 En tant qu'anthropologue,
00:58 c'est cette ambiguïté qui m'intéresse.
01:01 ...
01:03 Je vais rencontrer deux jeunes à l'aube du rituel
01:05 qui va les mettre à l'épreuve.
01:07 ...
01:12 En Papouasie-Nouvelle-Guinée,
01:14 les jeunes filles font couvrir leur peau
01:17 de centaines d'incisions pour ressembler au crocodile,
01:20 leur ancêtre sacré.
01:22 L'âge adulte s'inscrit dans leur chair.
01:25 ...
01:28 Au Portugal, les jeunes hommes, eux,
01:31 se transforment en diables.
01:33 ...
01:38 Pendant la fête des garçons,
01:39 ils attaquent les jeunes filles avec des vessies gonflées d'air.
01:43 ...
01:44 Une mise en scène de la virilité dans tous ses excès.
01:47 ...
02:03 Musique douce
02:06 Chez nous, en Occident,
02:08 l'entrée dans l'âge adulte ne se célèbre presque plus
02:11 et le temps de l'adolescence s'étire de plus en plus.
02:15 ...
02:23 Mais au Portugal, on ritualise encore le début de la vie d'homme
02:27 dans la région du Tras-Os-Montes.
02:29 ...
02:33 Une zone très isolée, dont certains villages
02:36 n'ont été connectés au reste du pays qu'à la fin du XXe siècle.
02:40 ...
02:54 Ici, les jeunes deviennent adultes au moment de Noël,
02:57 pendant la fête des garçons.
02:59 ...
03:25 -Attention à tes mains !
03:27 ...
03:31 -Les jeunes commencent à se préparer 2 mois avant le rituel.
03:35 ...
03:37 Je les rencontre dans une activité, tout ce qu'il y a de plus viril.
03:41 ...
03:46 Des muscles,
03:47 ...
03:49 des bières
03:51 et des machines.
03:52 -Elles sont top, ces tronçonneuses.
03:56 C'est vraiment des bonnes bécanes.
03:58 ...
04:00 -Fabio a 15 ans.
04:02 ...
04:04 Cette année, il va devenir un homme aux yeux de sa communauté.
04:07 Et sa transition commence aujourd'hui.
04:10 -Tape un peu plus sur le bord.
04:12 -OK, sur le bord.
04:14 ...
04:16 -Tu vas voir, j'ai un dessinant.
04:18 ...
04:19 -Dans ta main.
04:22 ...
04:23 ...
04:25 -Joli ! Tu commences à maîtriser.
04:28 Ca a l'air physique.
04:30 -Oui, aujourd'hui, c'est un jour de travail difficile.
04:34 C'est convivial, mais il faut bosser.
04:37 On doit remplir toute la remorque.
04:41 On va vendre tout ce bois aux gens du village
04:44 pour financer le rituel.
04:46 ...
04:49 -Qu'est-ce qui va se passer pendant le rituel ?
04:52 -En fait, pendant les fêtes de Noël,
04:54 nous, les garçons, on prend le contrôle du village.
04:57 On met des costumes et des masques de diable
05:00 et on poursuit les filles avec des vessies de porc.
05:03 ...
05:06 -Qu'est-ce que ça te fait de te dire que tu vas faire tout ça ?
05:10 -En fait, moi, ce que je veux,
05:12 c'est montrer aux autres que je ne suis plus un enfant,
05:15 que j'ai grandi.
05:17 -Oui, et t'es plus un petit garçon, maintenant.
05:21 T'as une hache. Et tu t'en sers bien, en plus.
05:24 -Oui, exactement.
05:26 Cette initiation, c'est un grand changement pour moi.
05:29 C'est très important.
05:30 ...
05:33 -Miaou.
05:34 Rires.
05:35 -Chut.
05:37 -C'est bon, ça suffit.
05:39 -Ca va ?
05:40 -Oui, je survis.
05:43 -OK, cool.
05:44 -Tu ne diras peut-être pas ça à la fin de la journée.
05:47 -On passe un mio.
05:48 -Allez, les gars, vous m'en passez une ?
05:51 ...
05:54 -Fabio est ce qu'on appelle ici un pico,
05:57 un novice qui va être mis à l'épreuve.
06:00 ...
06:10 Comme dans l'armée ou les fraternités américaines,
06:13 il va devoir servir les plus âgés,
06:16 subir leurs humiliations
06:18 et obéir à tous leurs ordres.
06:20 ...
06:31 -Pico, et ma bière ?
06:33 -C'est bien, bon garçon.
06:35 ...
06:38 -Nous, les chefs, on fait rien.
06:40 ...
06:43 -Fabio, jette-moi ça.
06:45 -C'est là, c'est bon.
06:46 -C'est le meilleur de ce lado.
06:48 -Non, le binette traseira est par ici.
06:50 ...
06:54 -Cette tendance au bisutage ne me surprend pas.
06:57 La violence physique ou morale
07:00 est souvent indissociable des rites de passage à l'âge adulte.
07:03 Comme s'il fallait marquer le corps et le coeur des garçons
07:07 pour les pousser dans l'âge d'homme.
07:10 -Pico, va chercher la viande et la grille.
07:13 A vous deux, vous allez réussir à tout ramener.
07:16 ...
07:19 -Seuls les garçons non mariés peuvent participer au rituel.
07:23 Diogo est le plus âgé d'entre eux.
07:26 -En fait, on donne toutes ces corvées à faire au Pico
07:31 pour les éduquer, parce qu'ici, au village,
07:35 il faut toujours respecter les plus âgés.
07:37 Il faut avoir l'éducation pour les plus âgés.
07:40 -Faises toujours le second aléant.
07:42 -Un bon Pico, c'est un jeune qui nous suit dans nos bêtises,
07:49 qui fait tout ce qu'on lui dit et qui ne discute pas les ordres.
07:53 Il sait que cette année, c'est son tour,
07:58 mais que plus tard, un autre prendra sa place.
08:02 -Mais d'ici un an, il sera le seul à faire.
08:05 ...
08:07 -Pico !
08:08 ...
08:10 -Eh !
08:12 ...
08:19 -Il fallait qu'on t'attrape, tu pouvais pas y échapper.
08:23 -T'avais pas le choix.
08:25 -Quand t'arriveras chez toi, tu te laveras les parties
08:28 et tout ira bien.
08:30 ...
08:34 ...
08:37 -Depuis mon arrivée, j'ossie entre le rire et la gêne.
08:40 Les blagues graveleuses de ces jeunes
08:44 me rappellent celles des garçons de mon adolescence,
08:47 ce qui pourrait me faire manquer de recul.
08:51 ...
08:55 C'est un grand débat en anthropologie.
08:57 Peut-on vraiment voir clairement ce qui est proche de nous ?
09:01 ...
09:22 Aveleda est l'un des derniers villages de la région
09:25 à maintenir ce rituel.
09:27 ...
09:31 -Les enchères commencent à 400 euros.
09:35 ...
09:37 C'est les soldes cette année.
09:39 ...
09:41 Allez, mes amis, 400 euros pour tout ce bois.
09:43 ...
09:45 -50 !
09:46 -Allez, 450.
09:48 ...
09:50 500 euros.
09:51 ...
09:54 600 euros.
09:56 ...
09:58 Plus 5.
09:59 -Il faut y aller lentement, on a tout notre temps.
10:02 ...
10:05 -800 euros !
10:07 -10 de plus.
10:09 ...
10:12 -870.
10:13 870, deux fois.
10:16 ...
10:18 870, trois fois.
10:21 ...
10:22 -Merci.
10:23 ...
10:27 -Allez, faites-lui la bise.
10:29 ...
10:35 Toi aussi, viens embrasser la tante Maria.
10:37 ...
10:47 -Partout en Europe, les rituels s'affaiblissent
10:51 sous l'effet de l'exode rural et du recul des religions.
10:54 Mais ici, on résiste.
10:57 ...
11:17 Isidro fabrique les masques des diables
11:19 comme des générations d'hommes avant lui.
11:22 ...
11:24 -Ca va ? -Hm.
11:26 ...
11:27 -Scary.
11:28 -Scary ? -Yeah.
11:29 ...
11:31 -La figure du diable s'est faite pour faire peur.
11:35 ...
11:38 Et le masque permet aux jeunes de ne pas être reconnus.
11:41 ...
11:43 Parce qu'ils sont cachés, ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent.
11:47 -Et depuis quand il existe, ce rituel ?
11:50 -On a retrouvé des textes du 19e siècle
11:55 qui mentionnent déjà son existence.
11:57 Mais les chercheurs disent qu'il est bien plus vieux,
12:02 qu'il remonterait à la période des Celtes.
12:05 ...
12:16 A l'origine, la fête des garçons était un rituel de fertilité.
12:20 Il tombe en décembre, au moment du solstice d'hiver.
12:24 ...
12:28 Beaucoup de cultes étaient organisés à cette période-là
12:33 pour demander au Dieu une nouvelle année prospère,
12:37 que les champs donnent des bonnes récoltes,
12:40 ...
12:44 et que les femmes aient beaucoup d'enfants.
12:47 En fait, notre tradition des garçons qui courent
12:51 après les jeunes filles est liée à cette idée-là,
12:55 cette symbolique du rapprochement des hommes et des femmes
12:58 et de la fertilité.
13:01 ...
13:09 -Ce lien entre passage à l'âge adulte et fertilité
13:12 est bien détonnant.
13:14 ...
13:17 Devenir un homme, c'est atteindre l'âge de procréer.
13:20 ...
13:22 Devenir officiellement éligible à la sexualité et au mariage.
13:27 ...
13:30 C'est un grand basculement qui attend Fabio.
13:32 ...
13:37 Je le retrouve dans la maison de ses grands-parents.
13:40 ...
13:52 Il a grandi à la ville et ne revient à Aveleda que pour les vacances.
13:56 ...
14:06 -Tu vois ce papier ?
14:09 C'est la lettre que Diogo, un des garçons,
14:12 m'a donnée l'année dernière pour m'inviter à la fête.
14:15 ...
14:18 -Tu as toujours voulu participer ?
14:21 -Oui, depuis que je suis tout petit.
14:24 Ici, quand un garçon rejoint les Diables,
14:29 c'est un très grand changement pour lui.
14:33 Avant, on le voit comme un enfant qui veut juste jouer.
14:37 Mais une fois qu'il est initié,
14:39 il commence à être traité comme un adulte.
14:43 Quand il va au café du village, les plus âgés l'accueillent.
14:46 Il a le droit de rester avec eux.
14:49 -Tu penses que tu te sentiras différent
14:51 quand tu retrouveras tes amis de la ville après le rituel ?
14:55 -Oui, je pense que je serai plus mature.
14:59 Je pense que je vais grandir plus vite qu'eux.
15:05 Parce qu'ils n'ont pas de rite de passage à la ville.
15:11 ...
15:19 -Il est temps pour Fabio de regagner la ville.
15:22 Je le retrouverai dans 2 mois, au moment de la fête.
15:26 ...
15:29 Je me demande ce qu'il sera forcé d'endurer.
15:32 ...
15:40 -Les rites de passage à l'âge adulte sont souvent un moment extrême.
15:45 Un temps de danger qui bouleverse à jamais celui qui le traverse.
15:49 ...
15:58 C'est ce qui attend la jeune Lia.
16:00 ...
16:02 Elle se prépare à devenir une femme crocodile,
16:06 en recevant sur sa peau les marques de l'animal.
16:09 ...
16:19 ...
16:22 Cette épreuve infiniment douloureuse
16:25 a lieu en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
16:27 ...
16:32 Je connais bien ce pays.
16:34 J'y ai passé plus d'un an pour mon terrain de thèse.
16:37 ...
16:39 Mais je n'ai jamais rencontré de peuple
16:41 qui pratique ce rite de passage féminin.
16:44 ...
16:47 C'est un cas très rare.
16:49 Dans l'immense majorité des cultures,
16:51 on estime que l'arrivée des règles suffit à devenir une femme.
16:55 ...
17:02 Je m'enfonce dans la région du Sépic,
17:04 dans les méandres du fleuve,
17:07 vers le village de Yunguet.
17:09 ...
17:24 Ici aussi, j'arrive en plein abattage d'arbres.
17:27 Mais cette fois,
17:28 ce sont les femmes qui s'en chargent,
17:31 et sans tronçonneuse.
17:32 ...
17:36 -Elles vont couper le sagoutier,
17:38 et après, on ira les rejoindre.
17:40 Il faut regarder les branches pour savoir où il va tomber.
17:44 Quand elles auront coupé le tronc,
17:46 il va basculer vers nous.
17:48 ...
17:50 -Dans trois jours, Lia deviendra une femme.
17:54 ...
18:00 -Il faudra qu'on s'en fie vite.
18:02 On peut aller par là ou de l'autre côté.
18:05 -Moi, je te suis.
18:08 -On va aller par là, alors.
18:10 ...
18:14 ...
18:20 ...
18:33 -Je remarque que les femmes qui s'attellent à la tâche
18:37 portent toutes les marques du crocodile.
18:39 ...
18:42 C'est une exception.
18:44 Dans le Sépic, ces scarifications
18:46 sont normalement exclusivement réservées aux hommes.
18:50 ...
18:58 Je me demande pourquoi, ici,
19:00 les femmes aussi les portent dans leurs chaires.
19:03 ...
19:08 -Allez, chantez, chantez !
19:11 Le temps passera plus vite si on chante.
19:13 ...
19:20 -C'est le secret des femmes. On chante.
19:22 -Je comprends.
19:24 Ca vous donne de la force ?
19:26 -Oui.
19:28 Tu sais, si on n'avait pas ces marques sur notre corps,
19:32 on n'aurait jamais la force de travailler.
19:35 C'est ça qui nous donne de la force.
19:37 Pour récolter le sagou, porter des choses lourdes,
19:41 pour avoir des enfants et s'occuper d'une famille, aussi.
19:45 ...
19:48 -Quand Léa va recevoir ces marques,
19:51 elle va devenir capable de faire tout ça.
19:54 -Je suis très contente d'y aller.
19:56 -Tu n'as pas peur ?
19:58 -Non, j'ai pas peur.
20:00 Ma mère viendra m'aider.
20:02 Elle veillera sur moi après le rituel.
20:05 -Vous aussi, vous avez ces marques ?
20:08 -Oui, j'en ai. Sur tout le corps.
20:10 ...
20:12 -Ah oui, elles sont un peu différentes.
20:15 ...
20:19 -J'en ai partout, jusqu'aux fesses.
20:22 ...
20:26 Toutes les femmes en ont dans ma famille.
20:29 -Et ces marques, comment vous les faites ?
20:32 ...
20:34 -On sait juste que c'est un crocodile qui nous fait ça.
20:38 Mais personne ne sait comment ça apparaît.
20:41 ...
20:44 Je ne sais pas et je ne peux pas vous le dire.
20:46 ...
20:49 Si je vous parle de ça, je vais mourir.
20:52 ...
20:54 C'est quelque chose qui nous vient des ancêtres.
20:57 Ca peut me tuer.
20:59 -C'est secret ?
21:01 -Oui, tout est secret.
21:03 ...
21:08 -Sans le vouloir, j'ai créé une gêne.
21:10 C'est aussi ça,
21:13 le quotidien d'une anthropologue.
21:15 Quand on arrive sur le terrain, on tâtonne
21:18 et on met un certain temps à trouver le ton juste.
21:21 ...
21:26 Mais cette maladresse m'en apprend beaucoup.
21:29 Je sens qu'un grand secret pèse sur les femmes de Yanguet,
21:33 comme si l'ombre du crocodile planait sur le village.
21:37 ...
21:41 ...
21:53 -Ca y est, le feu démarre.
21:55 ...
22:00 -Lia a 23 ans.
22:02 Elle vit encore au village avec ses parents.
22:05 ...
22:10 On va faire des galettes de sagou.
22:12 ...
22:14 -Où il va, cet avion ? Tu sais ?
22:16 ...
22:19 -À Ngunti.
22:21 -Il y en a beaucoup ?
22:23 -Oui, ils passent au-dessus de nous.
22:25 Ils vont à Wiwak, à Madang, à Lei.
22:29 Ils passent tous par là.
22:30 -Tu y as déjà été ? -Non, jamais.
22:33 -Tu aimerais y aller ? -Ah oui.
22:35 ...
22:39 Je voudrais aller à Madang, à la capitale aussi.
22:42 ...
22:49 Quand j'aurai mes scarifications, je pourrai y aller.
22:53 Je serai plus forte que tous ceux qui n'en ont pas.
22:56 ...
23:00 Les gens me regarderont différemment.
23:03 Ils me trouveront plus forte, plus grande.
23:05 Mon visage aura changé.
23:07 Tout le monde verra mes marques et tout le monde me respectera.
23:11 Les petites filles, elles ne pourront plus s'amuser avec moi.
23:15 ...
23:17 Quand j'aurai mes scarifications, je serai une femme.
23:20 Je serai grande.
23:21 ...
23:24 -Ça se voit sur ton visage que ça te fait plaisir.
23:28 ...
23:35 Tu crois que ça va faire mal ?
23:37 -Non.
23:38 Les femmes m'ont dit que ça ne faisait pas mal
23:42 quand le crocodile nous mange.
23:45 Mais elles ne racontent à personne comment ça s'est passé.
23:48 ...
23:54 -Au revoir.
23:56 ...
24:02 ...
24:14 -En recevant les marques du crocodile,
24:16 les femmes de Yanguet gagnent donc de la force.
24:19 ...
24:22 Mais en Papouasie, la domination masculine
24:24 est encore très marquée.
24:26 ...
24:28 Je me demande comment les hommes du village
24:31 ont pu dépasser la puissance de ces femmes.
24:33 ...
24:41 Ils m'ont proposé de m'emmener chasser le crocodile.
24:44 ...
24:49 Ils le traquent au point du jour,
24:51 dans les marécages qui entourent Yanguet.
24:53 ...
25:02 -On a l'habitude de venir chasser dans ces rivières.
25:05 ...
25:09 On repère le crocodile aux traces qu'il laisse sur la berge.
25:13 ...
25:23 ...
25:25 On va s'arrêter un peu avant de trop se rapprocher de lui.
25:28 Je vais t'expliquer ce qui va se passer.
25:30 ...
25:32 On va plonger dans l'eau et tâter le fond de la rivière
25:35 pour l'attraper. C'est dangereux,
25:37 mais nous, les chasseurs, on a l'habitude.
25:40 ...
25:45 Quand on l'aura attrapé, si tu veux, je le jetterai sur toi.
25:48 ...
25:50 -Non !
25:52 -J'ai l'impression que le crocodile est très important dans votre culture.
25:56 Qu'est-ce qu'il représente ?
25:57 ...
26:00 -En fait, on porte le motif de ces écailles sur notre peau
26:03 parce qu'on vient de la rivière.
26:05 On pense que notre peuple descend du crocodile.
26:08 Il y a d'abord eu les crocodiles, et puis les hommes sont arrivés.
26:12 C'est notre grand ancêtre.
26:13 -Et que pensent les hommes du village
26:15 du fait que les femmes aussi portent les scarifications du crocodile ?
26:19 -Dans les autres régions, cette tradition n'existe pas.
26:22 Mais chez nous, tout le monde est d'accord,
26:25 parce que c'est la coutume de notre village.
26:27 Les pères sont très fiers de voir leurs filles porter ces marques.
26:31 Ici, à Yanget, les femmes décident pour elles-mêmes.
26:33 Les hommes ne peuvent pas prendre de décision à leur place.
26:37 Ils doivent respecter leur choix. On est pour cette égalité.
26:40 On veut que les deux sexes aient du pouvoir.
26:42 ...
26:46 -Je comprends qu'ici,
26:48 le rapport entre les sexes est bien différent
26:50 de ce que j'ai observé ailleurs en Papouasie.
26:53 ...
26:54 Une coutume féminine existe en miroir de celle des hommes.
26:58 ...
27:09 -A partir de maintenant, il ne faut plus faire de bruit.
27:13 On va plonger sous l'eau.
27:15 Si le crocodile nous entend, il va s'enfuir.
27:18 -Ca lui ferait peur ?
27:20 -Oui. Donc on va s'approcher tout doucement
27:23 et essayer de l'attraper.
27:25 ...
27:29 -D'accord. Moi, je regarde, c'est tout.
27:31 ...
27:33 Bonne chance.
27:34 ...
27:55 -Tout va se passer sous l'eau.
27:57 Les hommes doivent maintenir le crocodile coincé dans la vase
28:01 et l'attacher à grand renfort de liane.
28:04 ...
28:33 ...
28:40 ...
28:48 ...
28:55 -Il est très gros.
28:57 On va le ramener au village et le manger.
29:00 ...
29:05 Musique douce
29:08 -Je retourne au village pour rejoindre les femmes crocodiles.
29:11 Elles ont l'habitude de se retrouver à l'écart des autres,
29:15 dans ce qu'elles appellent la maison des femmes.
29:18 ...
29:21 Ce lieu m'intrigue beaucoup.
29:23 ...
29:26 En Papouasie, chaque village possède une maison des hommes,
29:29 mais il est très rare d'en trouver un équivalent féminin.
29:32 ...
29:37 ...
29:43 -En fait, cette maison,
29:44 seules les femmes scarifiées peuvent y entrer.
29:47 Dans le village, les hommes ont aussi une maison à eux,
29:50 où ils reçoivent leur scarification.
29:52 Mais on n'a pas le droit d'y aller,
29:54 parce que le secret des hommes, c'est tabou.
29:57 Ils n'ont pas le droit de venir ici.
29:59 -C'est dans cette maison que Lia et deux autres jeunes filles
30:02 resteront enfermées le temps que leur peau cicatrise.
30:06 -Le jour du rituel, les jeunes filles vont venir ici.
30:10 Le crocodile va les manger dehors, par terre, juste là-bas.
30:14 Ensuite, on les fera se reposer à l'intérieur.
30:17 Quand les filles seront recluses ici,
30:20 on leur apprendra à s'occuper de leurs enfants,
30:22 de leur mari, à bien gérer leur famille.
30:25 On leur enseignera tout ça avant qu'ils ne ressortent.
30:28 Musique pesante
30:31 -Cette phase de réclusion que va devoir vivre Lia
30:34 est constitutive des rites de passage.
30:36 ...
30:38 L'ethnologue Arnold van Genep parle de liminarité.
30:42 ...
30:44 Un entre-deux dans lequel l'individu s'est défait
30:47 de son statut antérieur et se prépare à en recevoir un nouveau,
30:51 loin des yeux de la communauté.
30:53 ...
31:03 Dans deux jours, quand Lia passera le seuil de la maison des femmes,
31:07 elle laissera derrière elle l'enfant qu'elle a été.
31:10 ...
31:14 J'apprends que si elle abandonne maintenant,
31:17 elle déclenchera la colère du crocodile.
31:20 ...
31:23 Elle n'a plus le droit de reculer.
31:25 ...
31:35 Coup de feu
31:38 ...
31:44 Au Portugal, la fête des garçons a commencé.
31:48 ...
32:02 Je retrouve Fabio et ses amis le soir du 24 décembre.
32:06 ...
32:11 Ils font des rondes autour du village
32:13 et imitent le cri du renard en rute.
32:16 ...
32:28 -Allez, vas-y, tiens-toi droit.
32:30 ...
32:31 Faut bien serrer la couille droite, tu veux que je le fasse pour toi ?
32:34 Vas-y, bien fort.
32:36 ...
32:38 Un peu moins serré, en fait.
32:40 Allez, c'est bon.
32:42 ...
32:45 ...
32:50 -Un, deux, trois !
32:53 ...
32:56 ...
33:05 -Partout où ils passent,
33:07 ils interrompent le réveillon des habitants.
33:10 ...
33:23 Les garçons doivent passer la nuit dans une maison à l'écart du village.
33:28 Eux aussi vont être reclus.
33:30 ...
33:33 -C'est pas dans celui-là. C'est pas mon verre.
33:38 ...
33:39 -Il sait pas servir un verre.
33:41 -Mets pas tes doigts dans mon verre.
33:43 -Quand ta mère te demande un verre de vin,
33:45 est-ce que tu mets tes doigts dedans ? -Non.
33:48 -Pour Fabio, c'est le moment d'une nouvelle mise à l'épreuve.
33:51 -C'est bon ?
33:52 -Ah non, je veux pas un demi, je veux un vrai verre.
33:55 Jusqu'au trait.
33:57 -Mais y a pas de trait.
33:58 ...
34:02 -OK, vous pouvez vous asseoir.
34:04 -C'est un vrai jeu de rôle qui commence.
34:07 Tous les échanges sont codifiés pour marquer la hiérarchie.
34:11 ...
34:14 -Encore une fois, je vois du bordel devant moi.
34:18 Là, y a une bouteille vide qui traîne.
34:22 Vous salissez, vous nettoyez.
34:25 Je veux que tout soit propre.
34:28 ...
34:32 Là, par exemple, je sais pas qui a nettoyé cette table,
34:37 mais elle est sale.
34:38 Je peux voir la trace de mes doigts, tellement elle est grasse.
34:42 ...
34:45 Bon, allez, demain, on commence à quelle heure ?
34:47 -6h du matin. -On commence à 6h du matin.
34:50 On va descendre au café.
34:52 Ceux qui sont en retard vont le regretter.
34:55 C'est la tradition.
34:58 -Mais je sens que les jeunes ont du mal à tenir leur rôle.
35:02 Et à ma grande surprise, Fabio décide de prendre la parole.
35:07 -Mais, Degau, en parlant de la tradition...
35:10 -Je t'ai pas donné l'autorisation de parler.
35:13 -Mais j'ai une question importante.
35:16 -Y a les plus âgés qui parlent ?
35:18 Et toi, tu nous interromps ?
35:21 T'es pas sérieux ?
35:22 -Non, mais tu peux...
35:24 -Bon, allez, OK, tu veux parler ?
35:26 Bon, c'était quoi, ta question ?
35:29 -D'ici 2 ou 3 ans, vous, vous allez partir.
35:33 Qu'est-ce qui va se passer ?
35:36 -Y en a d'autres, des garçons, y en a d'autres.
35:40 -Oui, d'accord, y en a d'autres, des garçons au village, mais...
35:44 Ricardo, laisse-moi parler.
35:46 -Y en a, mais plus personne veut participer à la fête.
35:50 Les jeunes, aujourd'hui, ils en ont rien à faire.
35:53 Ils ont d'autres préoccupations.
35:56 -Là, maintenant, bon, déjà, t'as bien assez parlé.
36:00 Normalement, un pico, ça parle pas autant.
36:03 Mais là, maintenant, c'est pas le moment.
36:06 On est là pour parler des règles de ce Noël.
36:09 -Je comprends, mais...
36:11 -Le sujet est clos.
36:13 -Une minute.
36:15 -Une minute.
36:17 -Là, le plus important,
36:19 c'est que les jeunes, ils ont pas besoin de parler.
36:23 Là, le plus important, c'est ce que je suis en train de te dire.
36:28 C'est qu'on est 7, et que tous les 7,
36:31 on doit maintenir la tradition, cette année.
36:34 On doit donner le meilleur de nous-mêmes
36:37 pour que les gens aient envie de nous rejoindre,
36:40 pour que les petits garçons qui verront ça disent à leur père
36:44 "Moi aussi, je veux participer, je veux être un diable",
36:48 et que les vieux nous disent "Bravo, les gars, c'était top".
36:52 -C'est fini. C'est fini.
36:54 -Au XXe siècle, les diables étaient plusieurs dizaines.
36:58 Mais avec la modernité et la désertification des campagnes,
37:02 le groupe se réduit chaque année.
37:05 -À nous.
37:09 -Cette nuit, les garçons n'ont pas le droit de dormir.
37:13 -Allez, vas-y, descends là.
37:18 De toute façon, tant que t'as pas de choc,
37:21 tu peux pas connaître tes limites.
37:24 Alors, vas-y.
37:26 -Au fil des heures, je vois Fabio sombrer dans une ivresse
37:38 qu'il n'a jamais connue.
37:41 -Cale-toi, l'inda, la vie est une pandémie.
37:44 Tes chestnues sont déjà allées aux terres de Californie.
37:48 -Les psychotropes et la fatigue font partie intégrante
38:01 des rites de passage.
38:08 Ils aident à faire sortir les jeunes de leur corps
38:12 et donc, symboliquement, de leur ancien état d'enfant.
38:17 -J'ai senti une griterie,
38:19 bien faite d'art et de manière.
38:22 C'était l'inda qui pleurait,
38:24 ils ont robé ses chestnues.
38:26 Cale-toi, l'inda, la vie est une pandémie.
38:33 Tes chestnues sont déjà allées aux terres de Californie.
38:37 -Les diables commencent la lecture des comédias.
38:45 Un texte renouvelé tous les ans,
38:48 dans lequel ils se moquent des habitants du village.
38:52 Dans ces campagnes où tout le monde se connaît,
39:08 ces mots parfois violents sont une vraie transgression.
39:13 Au moment de la dernière strophe, qu'ils sont les seuls à connaître,
39:18 ils attaqueront les filles avec ces vessies de porc gonflées d'air.
39:23 ...
39:43 -Ce moment sur lequel j'ai tant lu, dont on m'a tant parlé,
39:52 s'est évanoui en une seconde.
39:54 Et sous cette ronde d'eau,
39:59 la dernière ronde des diables prend des airs de pénitence.
40:03 Je pense à l'inquiétude de Fabio hier soir.
40:09 Et je me demande si je suis en train d'assister
40:13 à la disparition de ce rituel.
40:15 ...
40:22 -Oh !
40:24 Au calme !
40:26 Au calme !
40:33 -La fête des garçons touche à sa fin.
40:39 Les diables ont invité les jeunes filles pour un dîner de clôture.
40:44 ...
40:52 -Est-ce que ça t'a mis un coup de vieux, ce rituel ?
40:55 -C'est une bonne question.
40:57 Oui, ça n'a duré que quelques jours.
41:00 Mais pour moi, c'est un très grand changement.
41:03 Ca m'a transformé. Je peux rester avec les adultes.
41:06 Je me sens plus mature. J'ai l'impression d'être quelqu'un d'autre.
41:13 J'étais un peu surprise.
41:14 A la fin des comedias, quand vous attaquez les filles,
41:18 c'était très rapide, en fait.
41:20 Je pensais que ce serait beaucoup plus long.
41:23 -Oui, c'est parce que nous, les jeunes,
41:26 on n'est plus aussi violents que les anciens.
41:29 On est plus calmes, moins agressifs envers les femmes.
41:34 Il y a des choses qui étaient normales avant
41:37 qu'elles ne sont plus aujourd'hui.
41:39 C'était une autre époque.
41:42 -La mentalité a changé.
41:45 On a beau être un petit village,
41:48 on évolue ici aussi.
41:51 Peut-être plus lentement, mais on change.
41:54 Et moi, je trouve ça bien.
41:57 Mais, par contre,
42:00 j'ai peur que notre rituel disparaisse.
42:03 Parce qu'on manque vraiment de jeunes.
42:06 -Et tu crois que ça va se terminer ?
42:09 Et tu crois qu'ici, en Europe,
42:12 on va finir par perdre nos traditions ?
42:15 -Oui, je pense.
42:18 Il y a vraiment très peu de gens qui les maintiennent aujourd'hui.
42:22 La majorité d'entre nous, on oublie nos racines.
42:26 Alors oui, je crois qu'on va perdre ces traditions.
42:32 Malheureusement.
42:35 -Chez nous,
42:38 les rites de passage à l'âge adulte semblent condamnés.
42:42 Mais je crois qu'ils pourraient renaître un jour,
42:45 sous une autre forme.
42:47 C'est le propre des rituels.
42:49 Lorsque nous en sentons le besoin,
42:52 nous en créons de nouveau.
42:54 En Papouasie, c'est le dernier soir de l'IA avant le rituel.
43:03 -Oh, il est sliqué !
43:06 ...
43:18 -Dans la maison des femmes,
43:20 les initiés préparent la chambre où l'IA devra s'isoler
43:24 le temps que sa peau cicatrise.
43:26 Mais cette fois, j'aperçois un intrus parmi elles.
43:33 -Ah, pardon, je ne vous ai pas serré la main.
43:36 Bonjour.
43:38 Je suis juste un peu curieuse,
43:40 parce que les femmes m'ont dit que cette maison leur était réservée.
43:44 Comment ça se fait que vous puissiez entrer ?
43:47 -J'ai le droit d'être ici
43:50 parce que je suis le messager des femmes.
43:53 Quand il y a un conflit,
43:56 quand les hommes se comportent comme des hommes,
43:59 elles me font venir pour en parler.
44:02 Ensuite, je transmets leur plainte aux hommes.
44:06 Et on doit trouver un accord.
44:09 C'est une très vieille coutume qu'on tient de nos ancêtres.
44:13 Les hommes ne peuvent pas être égoïstes en permanence.
44:17 Il faut que les femmes aient leur mot à dire.
44:20 Elles aussi, elles comptent. Elles ont du pouvoir.
44:24 -Vous êtes une femme,
44:26 vous avez le droit de vous défendre.
44:29 -Oui. Dans notre village,
44:31 les femmes sont aussi fortes que les hommes,
44:34 parce qu'elles ont les mêmes scarifications.
44:37 Ça leur donne la force de se battre.
44:40 -Ici, c'est comme partout.
44:43 Les hommes nous frappent.
44:45 Mais grâce à nos coutumes et nos scarifications,
44:49 on est assez fortes pour se défendre.
44:52 Nous aussi, on peut se défendre.
44:55 Nous aussi, on peut leur taper dessus.
44:58 Dans notre village, les hommes ne mettent pas les femmes KO.
45:02 Quand on se bat, on reste debout jusqu'à la fin.
45:06 -Rivaliser avec les hommes,
45:22 c'est peut-être ça, le sens profond de ce rituel.
45:26 En Papouasie, les violences conjugales sont un fléau
45:30 face auxquelles les femmes sont souvent livrées à elles-mêmes.
45:34 En marquant sa peau,
45:36 Lia va tenter d'échapper à la soumission.
45:39 Mais à quel prix ?
45:50 Un grand silence est tombé sur le village.
45:54 Lia n'a plus le droit de parler.
46:03 ...
46:07 ...
46:11 ...
46:14 ...
46:22 ...
46:28 ...
46:35 ...
46:37 -Les jeunes filles vont être emmenées dans un espace caché,
46:49 juste derrière la maison des femmes.
46:52 -On n'a pas le droit d'aller derrière la barrière, maintenant.
47:04 Même nous, les femmes, on ne peut pas.
47:06 Le crocodile est arrivé.
47:08 C'est vraiment interdit.
47:10 La coutume des femmes est trop forte.
47:13 On ne veut pas mourir.
47:15 -Je ne verrai pas le crocodile.
47:22 Les questions sans réponse font partie de mon travail.
47:26 Il est indispensable de respecter le secret.
47:31 -Les filles se rappelleront de ce qui s'est passé.
47:35 Elles vont avoir mal.
47:37 Ça, elles vont s'en souvenir.
47:40 Elles se diront "le crocodile est venu, il nous a mangés,
47:44 on l'a senti".
47:46 Mais elles ne peuvent pas crier jusqu'à ce qu'on les lave,
47:50 leur bouche est scellée.
47:52 Et elles ont interdiction de voir le crocodile.
47:56 Elles ne peuvent pas ouvrir les yeux.
48:00 -Et quand elles sortiront, elles seront transformées ?
48:05 -Oui, elles seront changées.
48:08 Parce qu'elles auront fabriqué un nouveau sang.
48:12 Tout le sang de leur mère sera parti.
48:15 En fait, c'est à ça que ça sert
48:18 de se faire manger par le crocodile.
48:21 On enlève le sang de sa maman pour le remplacer par un nouveau.
48:26 Et ça nous rend beaucoup plus fortes.
48:30 ...
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49:31 -J'ai mal.
49:34 J'ai tellement mal.
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49:43 Ça fait vraiment trop mal.
49:46 ...
49:49 ...
49:52 ...
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50:01 ...
50:04 -S'il vous plaît, donnez-moi à boire. Il faut que je boive.
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50:12 ...
50:15 ...
50:18 ...
50:21 ...
50:24 ...
50:27 -Toutes les filles vivent un tournant au moment de leur première règle.
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50:35 ...
50:38 ...
50:40 Mais ici, le sang est versé une seconde fois
50:43 pour gagner une force nouvelle.
50:46 Il en faut pour s'élever contre les hommes.
50:50 ...
50:54 ...
50:57 -Est-ce que ça va ? -Oui, ça va.
51:00 -Tu peux me parler ?
51:02 C'est pas grave, si tu peux pas.
51:05 -Oui, je peux parler. Tu sais, j'avais très mal tout à l'heure.
51:09 Alors j'ai pleuré. -Oui, moi aussi.
51:12 Oui, moi, je t'ai entendue. T'es mon amie, alors ça m'a fait pleurer aussi.
51:17 Mon amie, tu vois, j'ai perdu le sang de ma mère.
51:21 J'en ai gagné un nouveau. J'ai de la force en moi.
51:25 Quand ça sera sec, ce sera beau.
51:28 ...
51:31 -Dans un mois, Lya sortira de cette maison transformée.
51:35 Elle pourra se marier et commencer sa vie de femme.
51:39 -Je ne t'oublierai pas, tu sais.
51:42 -Moi non plus, mon amie. Je ne t'oublierai pas.
51:46 -Tu dois rester ici, maintenant.
51:49 Et toi, tu vas partir toute seule, grimper vers les nuages, très loin.
51:54 ...
52:05 -Grandir, faire le deuil de son enfance peut être douloureux.
52:10 Sur le chemin de l'âge adulte, les rituels offrent des repères.
52:15 Mais eux aussi peuvent causer de la souffrance.
52:19 A nous de décider si nous la tolérons
52:22 et ce que nous proposons à la place.
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