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Vendredi 17 mai 2024, SMART ÉDUCATION reçoit Guillaume Prévost (Directeur général, Think tank Vers le Haut)

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00:00 [Musique]
00:08 Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver dans Smart Education, votre magazine hebdomadaire dédié aux nouveaux métiers, nouvelles formations, nouvelles pédagogies,
00:17 également nouvelles technologies de l'éducation.
00:20 Plus de sport à l'école, une des priorités affichées du gouvernement. Pourtant, seule la moitié des garçons et le tiers des filles atteignent les recommandations de l'OMS en matière d'activité physique et sportive.
00:29 C'est de ce constat qu'est née l'étude "Sport, terrain d'éducation" du Think Tank "Vers le haut", des jeunes de plus en plus sédentaires,
00:36 donc à une activité physique qui n'est pas suffisamment mobilisée comme outil éducatif à l'école.
00:41 Nous faisons le point aujourd'hui avec Guillaume Prévost, délégué général de ce Think Tank "Vers le haut", dédié aux thématiques éducatives et que nous connaissons bien dans Smart Education.
00:49 Bonjour Guillaume. Bonjour.
00:50 Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui dans Smart Education.
00:53 Guillaume Prévost, le sport à l'école, il cherche toujours la bonne formule, on a l'impression.
00:57 Oui, tout à fait. On commence ce travail, cette étude, sur un constat qui est un peu ambigu.
01:05 A la fois, si vous en parlez en bas de chez vous, dans votre famille, à la fois tout le monde dit "Bien sûr, le sport pour l'éducation c'est évident"
01:12 et à la fois, au-delà de cette évidence, on se rend compte que finalement à l'école, le sport c'est le PS.
01:18 Alors le PS c'est assez important, c'est une matière plébiscitée par les jeunes, mais est-ce qu'on a pleinement pris la mesure de ce que le sport pouvait apporter à l'école ?
01:25 Et puis le PS c'est aussi au secondaire, il faut qu'il y ait des profs de PS au collège, au lycée, mais dans le primaire, que font les enseignants ?
01:32 Est-ce qu'ils sont formés pour ça ? Est-ce qu'on leur donne les outils pour mobiliser le sport, notamment pour aller chercher l'enfant qui est derrière l'élève ?
01:39 On sait que c'est un enjeu très important pour l'école.
01:42 Et puis, au-delà de l'école, est-ce que dans les clubs, dans les activités physiques et sportives des enfants, notamment le mercredi, on dit dans cette étude
01:50 finalement le football, les matchs de football le mercredi, c'est le troisième espace éducatif de France derrière l'école et la famille.
01:57 Donc est-ce qu'on a pris la mesure de ce qu'on était capable de faire en termes d'enseignement moral et civique, en termes de lien avec les parents sur les stades de football ?
02:05 La question est posée.
02:06 Mais c'est intéressant ce que vous dites, vous parlez d'évidence. C'est vrai que la luance sport-éducation, ça apparaît comme évident dans les faits, donc c'est pas encore vraiment le cas.
02:14 C'est autant une évidence dans le discours que pas assez une réalité dans les faits.
02:22 J'ai parlé de l'école, donc notre étude est structurée en trois temps.
02:26 Elle dit que cette rencontre paraît évidente, la rencontre entre le sport et l'éducation, et pourtant dans les faits, elle n'a pas vraiment eu lieu.
02:34 Mais si on regarde un peu dans le détail, localement, dans certaines conditions, elle a lieu, et notamment elle a lieu, et ça c'est intéressant,
02:40 quand les enfants sont en difficulté ou quand les éducateurs sont en difficulté.
02:44 Comme si, au fond, le sport c'est vachement bien, mais seulement quand on est en difficulté.
02:50 Si le sport est un outil tellement pertinent pour aller chercher des enfants, perdre de confiance en eux, pour aller chercher des éducateurs qui ont du mal à se parler,
02:58 pour constituer un groupe, on sait que c'est une des difficultés de notre école, chacun dans sa ligne d'eau.
03:04 Pourquoi attendons-nous que notre école, les parents, l'ensemble des éducateurs, les jeunes eux-mêmes soient en difficulté pour mobiliser le sport ?
03:12 Ce que vous disiez aussi tout à l'heure était intéressant, moi j'ai donné des chips,
03:16 la moitié des garçons, le tiers des filles, atteignent les recommandations de l'OMS en matière d'activité, je crois que c'est 60 minutes par jour.
03:22 Et c'est ce que vous disiez, pour vous ce sujet dépasse largement le sujet finalement quand on parle aujourd'hui de la motricité, de la lutte contre la sédentarité.
03:30 L'intérêt du sport à l'école dépasse ces sujets de santé finalement.
03:34 Tout à fait, en fait on a tendance un peu, c'est un bref rappel historique, au fond on a mobilisé le sport dans plusieurs temps différents, notamment à l'école, sous trois grands aspects.
03:44 Au début des fêtes de 1870, il faut former les garçons pour être des futurs soldats, donc le sport pour la défense nationale.
03:51 Ensuite, au début du XXème siècle, exode rural, question ouvrière, on mobilise le sport pour les questions sanitaires, notamment d'alimentation, n'oublions pas.
04:01 Et puis dans les années 60, après l'échec des géodromes, le général de Gaulle se met en colère et dit "maintenant je veux des médailles,
04:08 et donc on va faire du sport pour détecter les sportifs de haut niveau pour aller chercher des médailles".
04:11 Donc quelque part, au fond, on a toujours instrumentalisé le sport pour d'autres choses que le sport.
04:18 Donc nous on dit, au fond, on n'a pas pris la mesure des capacités éducatives du sport.
04:23 Vous l'avez dit, vous avez parlé de sédentarité, d'obésité, d'alimentation, on sait qu'on a des problèmes.
04:27 Ce sont des sujets importants.
04:28 Très importants, notamment on regarde, on voit bien le temps que les enfants passent sur écran, vous avez une heure par jour,
04:33 vous avez des études récentes qui disent que les enfants passent cinq heures par jour sur les téléphones.
04:37 Donc, au fond, le sport c'est un outil pour mettre en mouvement, pour mettre en confiance et pour mettre en relation.
04:45 Et on sait que c'est sur ce terrain en particulier que nos adolescents sont en difficulté.
04:50 Et donc le sport ce n'est pas tellement pour être performant, le sport c'est un outil pour se remobiliser en tant que personne, avec son corps.
04:58 Et ça on ne l'a pas compris ?
04:59 Et ça à mon avis on n'est pas très prêt.
05:00 L'école ne l'a pas compris ?
05:01 Non, non, non, non, notamment au collège.
05:04 Alors je dirais que c'est moins vrai.
05:07 Finalement dans le primaire il n'y a pas les outils, les enseignants ne sont pas formés,
05:10 mais quelque part au primaire l'enfant derrière l'élève c'est une évidence.
05:14 Parce que l'enseignant il passe toute sa journée avec eux, il passe huit heures par jour avec eux,
05:18 il les connaît, il connaît leurs parents, il connaît leurs difficultés.
05:20 Mais la vraie question c'est au collège.
05:22 Nos enfants au collège au moment même où ils sont en difficulté dans leur corps,
05:25 les jeunes femmes, question immense, les jeunes femmes qui ne veulent pas aller au cours de piscine
05:29 parce que les jeunes garçons qui ne sont pas très bien, il y en a un qui est grand, il y en a un qui est petit, il y en a un qui est costaud, il y en a un qui est...
05:34 On a tous connu, sauf vous évidemment.
05:38 Mais moi qui étais... Voilà.
05:40 On a tous connu ces difficultés.
05:42 Et bien finalement l'enfant il change de cours toutes les heures, toutes les cinquante minutes.
05:46 Donc en fait jamais il est en mesure de nouer une relation avec un adulte qui le connaît dans ses difficultés,
05:51 dans sa difficulté à être au monde, etc.
05:53 Donc finalement le sport c'est aussi un outil extraordinaire pour remettre la question du bien-être des enfants,
05:59 du développement de la personne au cœur des apprentissages, en particulier au collège,
06:03 parce que c'est là que nos adolescents sont en difficulté.
06:05 - Et ça on a des preuves, Guillaume Prévost, de l'intérêt du sport sur la réussite scolaire, sur le bien-être des enfants.
06:14 Il y a des études montrent ça aujourd'hui.
06:16 - Je m'assuive et ça fait trente ans.
06:18 Et notamment dans les pays anglo-saxons, on sait que les anglo-saxons, notamment les américains,
06:21 mais les anglais également, ont un rapport avec le sport qui est beaucoup plus large, beaucoup plus éducatif.
06:26 Vous savez, un bon sportif il est valorisé au moins autant qu'un bon intellectuel.
06:32 Alors qu'en France on aime évidemment que...
06:34 Il y a une caricature que j'aime bien, je trouve qu'elle est...
06:37 En France, on va à douze ans dans une cour de récréation, on prend tous les garçons qui rasent les murs et qui parlent à personne,
06:43 et on en fait les patrons du CAC 40, les politiques, les décideurs.
06:47 Normal qu'on ait peut-être parfois quelques petites difficultés relationnelles.
06:50 Il en faut des gens comme ça, il en faut.
06:52 Mais il faut aussi d'autres profils, il faut des leaders, il faut des gens charismatiques,
06:55 il faut des gens qui savent soutenir un groupe, qui savent faire face aux difficultés.
07:00 Il faut des gens comme ça dans toutes les entreprises dans lesquelles on vit.
07:02 Et donc il y a quelque chose d'un peu paradoxal, au moment même où toutes les entreprises veulent des compétences psychosociales, des leaders, des gens qui aident dans la coopération,
07:11 finalement l'école elle continue à dire "moi je veux juger les enfants sur est-ce que vous avez bien maîtrisé la fonction F2X = 1/X".
07:19 Vous voyez, finalement, le football, la natation, le jeu, la course d'orientation,
07:27 c'est des endroits dans lesquels on peut faire de l'enseignement moral et civique,
07:30 dans lesquels on peut prendre confiance en soi, dans lesquels on peut arriver à rentrer en relation avec les autres.
07:34 Et il y a plusieurs études, des études très larges, qui montrent que les enfants qui font plus de sport sont plus en confiance,
07:41 ont plus confiance en eux, ont moins d'anxiété scolaire et donc sont beaucoup mieux disposés à rentrer dans leur apprentissage.
07:46 On montre, les rapports de Verleu, vous savez, ils mettent toujours en avant les pépites éducatives, les initiatives des éducateurs sur le terrain.
07:53 Je pense à cette prof de mathématiques qui, au collège, avant tout cours de mathématiques, 10 minutes de yoga.
07:59 C'est hyper intéressant ça ! Vous vous souvenez, enfin pas vous, encore une fois, la boule au ventre avant de commencer le cours de mathématiques,
08:05 je ne comprends rien, 10 minutes de yoga, c'est intéressant ça !
08:08 Donc ouais, ça c'est un exemple, vous en mettez d'autres, on exergue dans cette étude des initiatives qui vous inspirent.
08:14 Là vous parliez de la, vous recommandiez la collaboration de tous les acteurs, on vous a entendu parler des éducateurs.
08:21 Est-ce que vous pouvez nous donner un ou deux autres exemples, Guillaume Prévost, d'initiatives, vous qui existent déjà et qui pourraient demain être appliquées ?
08:28 La relation avec les parents. Petit détour, on sait que la relation entre l'école et les parents est décisive,
08:37 notamment pour la réussite des enfants venus de milieux populaires.
08:40 PISA dit, là où les systèmes éducatifs arrivent à faire réussir les enfants de milieux modestes, c'est là où les parents s'impliquent dans l'éducation.
08:47 L'école française est connue très en retrait, on est dernier ou avant dernier depuis 50 ans sur l'implication des parents de classe populaire dans les enseignements.
08:54 Ça veut dire que les parents, les enseignants, ils n'ont pas les parents dont ils ont besoin,
08:59 et par contre ils ont en permanence les parents qui viennent leur expliquer comment faire leur métier.
09:02 Petite difficulté. Eh ben, le coup du match de football, le coup de l'événement avec les parents, le coup de l'activité de fin d'année,
09:10 c'est un bon endroit pour rencontrer les parents, parce que quand vous les convoquez pour leur dire "votre fils ça va pas du tout, il fait n'importe quoi,
09:15 il a un compris en cours de mathématiques", c'est évident que c'est un peu difficulté. Vous les mettez un peu en difficulté.
09:19 Quand vous profitez de la fête de fin d'année, l'activité scolaire, même artistique, pour les rencontrer dans un contexte propice à l'établissement d'une relation,
09:28 eh ben là ça marche. Et il y a plein de principaux, notamment au collège, qui ont choisi de s'appuyer sur les acteurs associatifs locaux
09:37 pour se doter d'espace pour rencontrer des parents. Et quand cette relation a lieu, ça a des effets immédiats sur la scolarité des enfants.
09:46 Ça c'est très intéressant.
09:47 Vous parliez tout à l'heure aussi des enseignants qui n'étaient pas forcément formés à ce sujet du sport aussi.
09:52 J'ai l'impression qu'on en revient aussi tout le temps là, à la formation des enseignants.
09:55 Mais c'est vrai, c'est important quand on parle du numérique, il faut former les enseignants pour apprendre aux jeunes élèves à se servir des tablettes.
10:01 Et là, en l'occurrence, pareil.
10:03 Il y a un sujet sur la formation des enseignants, mais soyons clairs, l'enseignant ne va pas être spécialiste d'histoire géo, de mathématiques, de sport,
10:11 de compétences psychosociales, de relations avec les parents, puis un peu psychologue, puis aussi avoir des notions en termes de handicap,
10:18 puis surtout troubles du spectre autistique. Vous voyez, l'enseignant ne peut pas être Superman.
10:22 Même Superman serait un peu en difficulté dans nos classes aujourd'hui.
10:25 Surtout Superman, j'ai envie de dire. Donc ce que nous on dit, c'est que, en termes d'éducation, c'est quand vous êtes seul que vous êtes en difficulté.
10:33 Nos enseignants sont en difficulté parce qu'ils sont trop seuls.
10:36 Évidemment, il faut mieux les former, il faut mieux les valoriser, mais il faut aussi leur donner les moyens de rentrer en relation avec d'autres éducateurs.
10:43 Et là, notre proposition phare sur ce rapport, c'est de dire qu'il faut absolument faire rentrer les éducateurs à l'école.
10:49 On se concentre trop exclusivement sur la question des enseignants, comme si nos enseignants devaient tout faire, pouvaient tout faire.
10:55 Ça n'a aucun sens. De la même manière, nos enfants n'ont pas intérêt à passer 8 heures par jour assis sur une chaise à un âge où ils ont besoin de courir.
11:02 Donc nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut former des binômes enseignants-éducateurs, comme ça marche en maternelle, très bien, les fameuses ADSEM, jusqu'en 3ème.
11:09 Il faut redonner aux enseignants la capacité de travailler en collectif avec d'autres adultes qui ont d'autres compétences.
11:16 Et le cœur du défi éducatif, du point de vue de vers le haut, ce n'est pas tellement le niveau des professeurs de mathématiques, ou les CAPES, ou l'agrégation.
11:23 C'est de donner et valoriser beaucoup plus l'éducateur sportif, le charisme, la capacité à nouer une relation, la capacité à nouer l'enfant.
11:31 C'est-à-dire qu'il faut assumer la dimension éducative de notre école pleinement. Et donc, ça veut dire faire rentrer des éducateurs dans l'école.
11:38 Très très rapidement, il me reste une minute trente. On a beaucoup parlé, évidemment, de la chute historique du score de la France au classement PISA.
11:43 C'est vrai qu'aujourd'hui, Guillaume Prévost, le gouvernement semble aussi vouloir davantage concentrer les efforts sur l'apprentissage, notamment des maths du français.
11:49 Est-ce que tout ça, c'est compatible avec une augmentation du temps des enfants dédiés au sport ? On terminera là-dessus.
11:56 C'est vrai qu'on a...
11:57 Moi, je pense que nos enfants, ils sont en difficulté dans les apprentissages académiques. Et vous allez leur donner plus d'apprentissages académiques.
12:03 Donc, ceux qui réussissent, ils vont encore mieux réussir. Et ceux qui sont en difficulté, ils vont encore plus être en difficulté.
12:08 Si on veut aller à la rencontre des enfants en difficulté, il faut leur proposer autre chose.
12:12 Ça ne veut pas dire qu'on réduit notre ambition académique, mais ça veut dire qu'il faut mobiliser d'autres moyens, parce que ces moyens-là, ils sont en échec.
12:18 Et c'est pour ça qu'il faut remettre au cœur de l'école des éducateurs. Nous avons besoin d'éducateurs partout.
12:23 Ça, c'est la proposition phare. On l'aura bien retenue, Guillaume Prévost.
12:27 Un mot, puisqu'il nous reste encore quarante secondes, finalement, sur l'enseignement supérieur.
12:30 J'ai vu aussi que vous recommandiez d'y valoriser davantage les activités sportives.
12:34 C'est vrai qu'on n'en parle pas trop, les étudiants. C'est un peu les grands oubliés de ce plus de sport.
12:39 Aujourd'hui, on parle des enfants, mais les étudiants aussi.
12:41 Bien sûr, si vous prenez quatre heures d'EPS en sixième, ensuite deux heures au lycée, et ensuite plus rien.
12:50 Plus rien à 18 ans. Vous vous rendez compte ?
12:52 Notre système français, on met les enfants derrière, 10 heures de cours par jour, classes prépa, université, etc.
12:58 Plus de sport. Comment on va former des adultes épanouis comme ça ?
13:01 Il y a 50% d'une génération qui ont aujourd'hui diplômé du supérieur.
13:05 Le déploiement du sport dans le supérieur, c'est une urgence.
13:08 Merci beaucoup, Guillaume Prévost, d'être venu nous parler de sport et d'éducation.
13:11 Je rappelle, vous êtes le délégué général du Think Tank, vers le haut.
13:14 Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
13:15 Avec plaisir.
13:16 Et merci à vous, évidemment, de nous avoir suivis.
13:18 On se retrouve très vite pour un nouveau numéro de Smart Education.
13:21 A très vite sur Bsmart. Salut.
13:23 [Musique]