Nouvelle Calédonie : comment expliquer l’explosion ?

  • il y a 4 mois
Avec Louise Chauchat, avocate, qui a voté pour l'indépendance de la Nouvelle Calédonie aux référendums

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00:00 Une situation encore plus dramatique qu'hier, puisqu'on l'apprend et c'est confirmé.
00:07 Une sixième personne est décédée.
00:09 Ça s'est passé dans le nord de l'île, dans le nord de la Nouvelle-Calédonie,
00:14 du côté de la commune de Kaala Gomen.
00:17 Un homme a tenté de forcer un barrage, il y a eu un échange de tirs.
00:20 Une personne est décédée, deux autres sont blessés.
00:22 Ça porte le bilan de ces émeutes qui ont commencé lundi dernier à six personnes décédées.
00:28 C'est dramatique et on en parle avec notre invitée Louise Chocha. Bonjour à vous.
00:32 Bonjour.
00:34 Soyez les bienvenus sur Sud Radio. Bonsoir à vous plutôt, puisque vous êtes en direct de Nouméa.
00:39 Je le précise, vous êtes avocate, vous êtes en direct de Nouméa.
00:43 Vous, vous aviez voté en faveur de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie
00:47 lors des différents référendums qui ont été organisés dans le cadre de l'autodétermination.
00:52 Bon, d'abord, on parlait d'une situation plus calme, a priori, cette nuit.
00:57 Les violences qui ont eu lieu et qui ont causé un nouveau mort,
01:00 cette fois-ci dans le nord du pays, semblent démontrer le contraire, Louise Chocha ?
01:03 Les leaders et toutes les personnes en charge, ou en tout cas les personnes qu'on peut entendre
01:09 du côté indépendantiste et comme du côté loyaliste,
01:12 ont tous appelé à ce qu'il y ait une situation d'apaisement et à ce que les choses se calment.
01:16 Il y a des messages très forts de la CCAT qui sont envoyés en appelant au calme
01:20 et à ce que tous les militants indépendantistes puissent retrouver la voie du dialogue.
01:24 Donc j'espère effectivement que ce sont des actes qui restent très isolés
01:28 et que la situation générale s'apaise, effectivement,
01:31 parce qu'on est tous profondément tristes et déchirés par la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie.
01:36 Alors vous parliez là encore de la CCAT, la Cellule de Coordination des Actions de Terrain,
01:41 organisation qui milite parmi tant d'autres pour l'indépendance de l'archipel de la Nouvelle-Calédonie,
01:45 organisation qui avait été qualifiée d'ailleurs de "mafieuse" par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
01:51 Comment vous réagissez à cette qualification-là ?
01:54 C'est tout, la CCAT c'est tout, sauf que c'est une organisation extrémiste,
02:00 comme a pu le dire M. Darmanin.
02:02 C'est cette Cellule de Coordination des Actions qui regroupe tous les partis nationalistes du FLNKS.
02:08 Ils n'ont pas une ligne politique différente, ils sont les mêmes,
02:12 et l'État a à nouveau une position qui est extrêmement grave,
02:16 de criminaliser finalement les interlocuteurs,
02:18 de les rendre comme les méchants de l'histoire, en décrédibilisant le dialogue.
02:24 Alors que c'était la CCAT qui a organisé toutes les manifestations pacifiques qui ont eu lieu,
02:30 qui ont précédé les événements, il y a eu de très grandes marches indépendantistes qui ont été très ouvertes,
02:35 il y a un dialogue qui se fait toujours avec les autres,
02:38 sincèrement le message n'est absolument pas celui qui est envoyé.
02:43 C'est extrêmement grave aussi que de criminaliser les personnes qui peuvent être les interlocuteurs,
02:48 et on se retrouve avec une scission très difficile,
02:52 et de ne pas comprendre que les choses doivent se faire avec les indépendantistes,
02:57 et que c'est dans ce dialogue-là qu'on réussira à en sortir quelque chose,
03:01 il y a une incompréhension du pays qui est difficile.
03:03 Alors, ceci dit, si on précise les termes, ce ne sont pas les positions indépendantistes,
03:08 ou le discours de la Cellule de Coordination des Actions de terrain,
03:11 qui était qualifié de violente ou de mafieuse par Gérald Darmanin.
03:15 Gérald Darmanin et le gouvernement accusent la CCAT, en tout cas certaines organisations indépendantistes,
03:20 d'avoir, je cite, "commandité les émeutes".
03:23 Est-ce que ces émeutes ont été commanditées par des organisations qui leur ont dit
03:27 "les manifestations ne marchent plus, passez à l'action et commettez des violences".
03:32 Il y aura des enquêtes qui seront faites,
03:36 mais pour l'instant ce n'est absolument pas ce que l'on ressent nous sur le terrain.
03:39 On voit effectivement là des milices qui s'organisent, c'est assez particulier.
03:45 On a des gens qui sont sur des barrages, qui bloquent les routes, qui empêchent les accès.
03:50 C'est extrêmement difficile de se retrouver dans un contexte comme ça,
03:54 et pour l'instant il faut comprendre que c'est un cri de révolte,
03:59 c'est une rage envers les inégalités, c'est plus que des émeutiers,
04:03 c'est quand même un peuple qui se réveille,
04:05 c'est un peuple qui a envie d'être entendu face à un État qui a rompu la neutralité,
04:10 qui a rompu le dialogue qui s'est installé depuis plus de 30 ans en Nouvelle-Calédonie.
04:15 Et à partir du moment où on a pu bafouer l'accord de Nouméa
04:19 et toutes ces règles qui ont été mises en place pour les Kanaks,
04:22 c'était extrêmement difficile.
04:24 Il faut quand même toujours se rappeler qu'on est dans un contexte colonial en Nouvelle-Calédonie
04:28 et qu'il n'y a pas cette forme de racisme anti-blanc avec des émeutiers.
04:32 Là on est vraiment sur la révolte du peuple Kanak qui demande son indépendance
04:36 et qui ne veut pas le faire contre les autres,
04:39 il veut le faire avec les autres en trouvant une solution de dialogue et négocier.
04:42 Mais effectivement quand ils n'ont pas été entendus,
04:45 quand ils ont boycotté le troisième référendum
04:48 et que la France veut reconnaître quand même sur le troisième référendum
04:51 que celui-ci serait légitime,
04:53 ou encore là quand ils ont demandé l'élargissement du corps électoral,
04:56 le message qui est envoyé aux indépendantistes c'est "nous voulons faire sans vous"
05:01 et faire sans eux c'est la grossière erreur qui a été commise là
05:05 et qui fait qu'il y a eu une radicalisation difficile du contexte.
05:10 - Et en tout cas Manifest, est-ce que vous comprenez malgré tout ce que vous dites
05:13 depuis Nouméa, vous êtes en direct de la ville,
05:15 soit difficile à entendre pour vos compatriotes de Métropole
05:19 parce que trois référendums pour l'indépendance ont été organisés,
05:22 pas un, pas deux, mais trois en vertu des accords de Matignon.
05:25 Les deux premiers référendums ont consacré la victoire du "non" à l'indépendance,
05:30 tout le monde a pu y voter, y compris les canaques indépendantistes,
05:33 ce n'est pas le cas d'ailleurs de forcément tous les canaques.
05:35 Le troisième a été boycotté, l'accusation qui revient souvent
05:38 c'est que les organisations indépendantistes l'ont boycotté
05:40 parce qu'elles s'attendaient à le perdre.
05:42 Est-ce que vous comprenez quand même que ces arguments-là
05:45 soient recevables à première vue depuis la Métropole ?
05:48 - C'est difficile à expliquer mais c'est ce que je vous disais
05:51 sur le fait qu'il faut se souvenir qu'on est face à un peuple canaque,
05:55 sur le peuple canaque qui a un droit inné à l'indépendance
05:58 et que cela a été reconnu.
06:00 Donc il pourrait y avoir plusieurs référendums, il peut y en avoir encore d'autres,
06:03 ils auront toujours ce droit qui est reconnu en droit international
06:06 à pouvoir réclamer et demander leur indépendance.
06:09 Et tant que le pays n'est pas reconnu par l'Assemblée des Nations Unies
06:13 comme étant un pays décolonisé, pour l'instant ça restera un peuple
06:18 qui peut réclamer son indépendance.
06:20 - Tout le monde a le droit de le réclamer en vertu de l'autodétermination,
06:23 en plus le droit à l'autodétermination a été consacré par un référendum
06:26 dans toute la France à la fin des années 80.
06:29 En revanche, on a l'impression, et je parle encore d'une impression
06:32 parce qu'on est loin de la Nouvelle-Calédonie,
06:34 que concrètement il pourrait y avoir des violences régulières en Nouvelle-Calédonie
06:38 jusqu'à ce que finalement, par hasard presque, un référendum consacre la victoire du oui.
06:43 - Non, jusqu'à ce que la situation puisse être réglée,
06:46 parce que rien ne pourra se faire avec un passage en force.
06:49 Et il faut dialoguer, et pour dialoguer, il faut dialoguer
06:52 autour de la décolonisation et autour de l'indépendance du pays.
06:56 Pour moi, ce qui est impératif à faire, c'est tout d'abord qu'il faut arriver
07:01 à reconnaître la reconnaissance des deux signes identitaires dans ce pays,
07:06 qui sont le double drapeau et le drapeau FLNKS.
07:08 C'est extrêmement important.
07:10 Il faut ensuite reconnaître le fait colonial,
07:12 et il faut reconnaître qu'on est dans un processus de décolonisation.
07:15 Et une fois qu'on a déjà intégré ces concepts-là,
07:17 il faut effectivement signer un accord et négocier et dialoguer.
07:21 J'ai vu qu'il y avait la mission dialogue qui devait effectivement se réunir.
07:24 Dialoguer, mais autour d'un accord d'indépendance,
07:27 et dans lequel on pourra effectivement moduler l'indépendance.
07:30 Et là, choisir si c'est un partenariat, un état associé,
07:33 et là, voir les degrés de discussion et ce qu'il peut y avoir.
07:36 Mais ça ne peut se faire qu'en acceptant que les Kanaks ne renonceront jamais
07:40 à leur indépendance et à la reconnaissance qu'ils ont été un peuple colonisé.
07:45 Et si on ne comprend pas ça, on ne peut pas comprendre ce pays.
07:48 Mais dans ce cas-là, pourquoi avoir organisé des référendums sur l'indépendance
07:52 alors même qu'on considère que le droit à l'indépendance est in alienam,
07:56 même lorsqu'une minorité d'électeurs vote en sa faveur ?
08:00 Alors, les Kanaks, il faut se rappeler que sur les accords qui ont été conclus,
08:07 Jean-Marie Chibahou, qui était un leader,
08:11 celui qu'on voit sur la poignée de main avec Jacques Lafleur,
08:16 est mort pour avoir tendu la main, pour avoir ouvert finalement
08:21 le corps électoral aux autres, ce qu'on appelle les victimes de l'histoire,
08:26 et qu'il y a eu tous ces pas qui ont été faits,
08:29 et que c'est ce qui nous a assuré la discussion et d'arriver à tout ça.
08:33 Donc on ne peut pas considérer effectivement que les pas n'ont pas été faits,
08:37 l'ouverture n'a pas été faite. Il faut arriver à se sortir de là
08:40 pour continuer cet accord, continuer ce pari de l'intelligence,
08:44 de savoir que les autres peuvent rejoindre les Kanaks
08:47 sur la voie de l'indépendance et après sous la forme qu'il sera effectivement décidé,
08:52 tant par les Kanaks que par l'État français,
08:55 dans un accord de décolonisation, à mon sens.
08:59 Dernière question que je vous pose, et je vous remercie d'être toujours avec nous,
09:02 Louise Chauchat, je le rappelle, en direct de Nouméa.
09:05 Est-ce qu'à terme, quand même, il ne faudra pas accorder le droit de vote
09:09 à tous les habitants qui habitent en Nouvelle-Calédonie actuellement ?
09:12 Alors on parle d'Européens comme si on était encore dans l'Algérie coloniale,
09:16 mais il n'y a pas que des Européens d'ailleurs qui ne sont pas Kanaks en Nouvelle-Calédonie.
09:19 Il y a des milliers de Walisiens qui viennent de Walis et Futuna par exemple.
09:22 Est-ce que tous ces gens qui sont arrivés sur place,
09:25 sans qu'on leur demande d'aller repeupler un territoire colonial,
09:28 un jour auront le droit de vote ?
09:31 La discussion s'ouvrira et devra être discutée.
09:34 Effectivement, les Kanaks n'ont jamais été fermés dans le cadre des accords
09:38 qui ont été proposés, une fois qu'on a considéré qu'ils étaient nos égaux,
09:42 avec qui on pouvait parler.
09:44 Effectivement, la clé est sur un accord entre les Kanaks et l'État,
09:47 qu'après, dans ce nouvel État, qui sera un accord associé de partenariat,
09:51 il puisse y avoir des citoyennetés, qu'on devienne citoyen de la Nouvelle-Calédonie
09:55 si effectivement on y reste et qu'on puisse voter.
09:58 Comme dans tout pays, notamment dans les pays anglo-saxons,
10:01 cela a été très bien fait pour rester sous la couronne.
10:04 Il y a énormément d'États associés chez les anglo-saxons.
10:07 Beaucoup moins en France.
10:09 Effectivement.
10:10 Merci en tout cas, Louise Chochat, pour cet éclairage depuis Nomea.
10:14 En direct, il est quelle heure chez vous ?
10:16 Là, 18h.
10:18 18h, écoutez, bonne soirée à vous en tout cas.
10:21 Merci à vous, c'était important qu'on puisse vous entendre tout le monde
10:23 à la parole sur Sud Radio et on ne peut pas comprendre ce qui se passe là-bas
10:26 si on n'entend pas tous les points de vue.
10:28 Soyez prudentes surtout, Louise Chochat, vous tous,
10:31 comme tous ceux qui sont sur place en ce moment,
10:33 puisque je le rappelle, les violences continuent,
10:35 avec un sixième mort malheureusement cette nuit,
10:38 et cette nuit quand je dis nuit, c'était lors de la métropole à 3h30,
10:41 c'était dans la journée malheureusement dans le nord de l'île, en Nouvelle-Calédonie.

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