Des détenus de Toul, en Meurthe-et-Moselle, devaient aller visiter le Château de Versailles fin juin. Un pique nique était même prévu dans les jardins, avec l'objectif affiché de préparer leur retour à la vie civile. Mais finalement, face à la fronde, la sortie est annulée. Écoutez le débat entre Isabelle Saporta, éditrice, Pablo Pillaud-Vivien, rédacteur en chef de de la revue de gauche "Regards", et Richard Werly, éditorialiste en France du quotidien suisse "Blick".
Regardez L'invité de RTL Soir avec Julien Sellier du 23 mai 2024
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00:00RTL, bonsoir ! Julien Cellier et Cyprien Signe.
00:04Les grands débats de RTL, bonsoir !
00:06Avec autour de la table Isabelle Saporta, Richard Verly et Pablo Piyou Vivian.
00:10On va maintenant s'intéresser à ce projet qui a fait polémique quelques jours après la mort de deux surveillants de prison lors de l'évasion de Mohamed Amram.
00:18Colère des syndicats de police et d'agents pénitentiaires. Alors pourquoi ?
00:21Tout simplement parce que des détenus de Toul en Meurthe-et-Moselle devaient aller visiter le château de Versailles fin juin.
00:27Alors 4 heures de route, 350 kilomètres pour 10 à 15 prisonniers triés sur le volet, condamnés à des peines de plus d'un an.
00:34Un pique-nique était même prévu dans les jardins. L'objectif affiché était de préparer leur retour à la vie civile.
00:39Finalement, face à la fronde, la sortie est annulée.
00:41Est-ce qu'il fallait l'annuler ? Est-ce que le projet vous interpelle ? On va vous poser la question.
00:44Juste avant, parce que le sujet a beaucoup fait réagir les auditeurs en la parole à la mi-journée sur RTL,
00:48je voudrais vous faire écouter deux avis différents de gens concernés qui connaissent les maisons d'arrêt.
00:53Marie, ex-directrice de prison. Pascal, prof de cuisine en prison. Ces auditeurs ont appelé le 3210.
00:58Dans la lutte contre la récidive, dès que la personne rentre en détention, on construit avec lui et avec tous les acteurs judiciaires
01:07et de la société civile un parcours d'exécution des peines.
01:10Alors je suppose, d'après ce que j'ai lu, ce que j'ai entendu, que les personnes qui étaient sur la liste de celles qui devaient aller au château de Versailles
01:19étaient des personnes qui ne présentaient pas un profil pénitentiaire ou pénal lourd.
01:25Je pense que, d'un point de vue pédagogique, même si on peut concevoir qu'en fin de peine, il faut de temps en temps
01:32commencer à faire sortir les individus pour se remettre un petit peu dans un espace de liberté,
01:38pour les réadapter progressivement à leur sortie, c'est un mal nécessaire.
01:43Par contre, ça ne doit pas être fait avec n'importe quel objectif.
01:46Pour moi, la réinsertion, ce n'est pas les emmener au jardin de Versailles ou ailleurs, ou au bord de la mer à Perpignan où on est.
01:52Pour moi, la réinsertion, ce serait quoi plutôt ?
01:54Le gars qui fait une année de formation de cuisine, la réinsertion, ce serait de leur dire
01:59on va te placer en stage une semaine dans un restaurant.
02:03La maçonnerie, la peinture, la mécanique moto, la mécanique auto, parce qu'en détention, on trouve tous ces métiers-là.
02:09J'ai un détenu qui va sortir très prochainement, qui a pris une très très grosse peine de prison.
02:15Il est embauché dans un restaurant sur Argelès-sur-Mer dont je tirai le nom.
02:18La réinsertion, on va avoir l'occasion d'en discuter, mais juste avant, est-ce que cette sortie-là, à l'instant T, il fallait l'annuler dans le contexte que l'on connaît ?
02:25Isabelle Saporta ?
02:26Écoutez-moi, pour moi, il y a deux questions. Il y a une question de timing et il y a une question de fond.
02:30La question de timing, c'est que c'était le plus mauvais timing ever.
02:33C'est sûr qu'il vient d'avoir cette évasion spectaculaire, la mort de ces deux agents de la pénitentiaire.
02:40On est dans une période où, en plus, il y a la préparation pour les JO qui met les forces de l'ordre sur les dents.
02:47On a toutes les situations qu'on a connues en Nouvelle-Calédonie.
02:51La France est dans un état préchaotique, pour ne pas dire chaotique, qui est terrible.
02:56Et donc, le timing est affreux, épouvantable.
02:58Une fois qu'on a mis ça de côté, sur le fond, c'est toujours la question de la prison et du rapport à nos prisonniers.
03:05C'est-à-dire qu'on est dans un... Vous savez, à chaque fois, il y a des vidéos qui étaient sorties.
03:10Il y en avait qui faisaient du cartes, machin, etc.
03:12À chaque fois, tout le monde pousse des cris d'orfraie en disant « c'est lamentable », etc.
03:16Qu'est-ce qu'on veut ? Que les prisonniers, ils soient menottés au fond de leurs geôles ?
03:22Qu'on leur donne du pain et de l'eau froide ?
03:24Et que, si c'est ça, si la prison, c'est une vengeance, en fait, de la société, et ça n'est que ça,
03:29alors on n'est plus dans la justice, on est dans la vengeance.
03:32Si on veut de la réinsertion, et si la prison est vue comme une réinsertion, alors...
03:35On rappelle, sur les derniers chiffres, 45% des détenus sortis de prison en 2016,
03:39c'est la dernière année sur laquelle on a des données, ont commis une nouvelle infraction dans un délai de deux ans.
03:44Donc, la récidive, pour le coup, c'est une réalité. La réinsertion, ça ne fonctionne pas, franchement.
03:48Oui, d'accord. Qu'est-ce que vous voulez faire ?
03:51Moi, je pense que si on part sur une question de mettre les gens en prison,
03:55et dans ces cas-là, il faut les mettre dans des conditions décentes,
03:58et pas dans cette surpopulation carcérale dans laquelle on est,
04:01effectivement, leur apprendre un nouveau travail, et leur permettre des sorties.
04:04Moi, je pense que c'est ça. Si on est dans la vengeance, effectivement,
04:07on peut se dire qu'il faut les mettre dans un cachot avec de l'eau,
04:10et les attacher par terre. Mais en fait, normalement, ce n'est pas ça, un état de droit.
04:14Surpopulation carcérale, 148% le taux d'occupation de nos cellules.
04:18Déjà sur la forme, Richard Verli, là, à l'instant T, effectivement,
04:22dans le contexte que l'on connaît, alors que, par exemple, à Vendin-le-Vieil,
04:25il y a encore quelques jours après la mort de deux agents pénitentiaires,
04:28donc, loin de Vendin-le-Vieil, en Normandie,
04:31des surveillants, après ce choc, en quelque sorte, ont réclamé,
04:34ont obtenu, avec leur hiérarchie, une escorte policière
04:37pour un convoi de niveau 3, comme celui de Mohamed Amra.
04:40C'est dire si la question est sensible, aujourd'hui, à des escortes
04:43chez les surveillants de prison. Il fallait temporiser
04:46et annuler cette visite ?
04:48Oui, je pense qu'il fallait l'annuler, parce que dans le contexte,
04:51de toute manière, ça n'aurait pu se retourner, ça serait retourné
04:54contre la direction de la prison, et contre ceux qui font des efforts
04:57de communication. Ça aurait été, donc, la pire des peines pour ces gens
05:00qui sont motivés pour amener les détenus à l'extérieur
05:03et les repréparer à une vie active normale. Donc, oui, il fallait l'annuler.
05:06Versailles, je ne comprends pas, parce que,
05:09à côté de Toul, il y a d'autres endroits où on peut proposer
05:12des sorties du même genre aux détenus. Alors, qu'est-ce qui a guidé
05:15le choix de Versailles ? C'est là-dessus que j'ai une interrogation.
05:18Ce qui est certain, c'est que le clash entre le fait
05:21de sortir des détenus et de les emmener au château de Versailles,
05:24c'est très, très difficile en termes de communication. Il aurait peut-être
05:27au mieux valu se porter vers d'autres lieux pour le même
05:30type d'activité, mais pas le château de Versailles.
05:32Pablo Piovivien, sur le fond et sur la forme.
05:34Oui, alors, déjà, sur le fond, moi, je suis allé regarder
05:37les communiqués des syndicats de policiers, notamment
05:40d'Alliance et de Unité Police,
05:43et ils disent à peu près la même chose.
05:46Ils ne sont pas contre les sorties de prisonniers
05:49à l'extérieur, que ce soit pour des raisons de réinsertion
05:52professionnelle, que ce soit pour des raisons
05:55plutôt récréatives ou culturelles, comme c'était le cas
05:58pour le château de Versailles, ou que ce soit pour qu'ils aillent voir leurs familles.
06:01C'est les trois types, en gros, d'autorisation de sortie qui sont
06:04octroyés aux policiers. Sachant que, et c'est à noter,
06:07à chaque fois, il y a un juge d'application
06:10des peines qui valide ou pas la sortie,
06:13au cas par cas, des prisonniers, avec une évaluation
06:16psychologique, etc. C'est quand même une démarche très lourde.
06:19C'est pas, tiens, il y a quelqu'un dans la prison,
06:22le CPE de la prison décide qu'on va faire une sortie,
06:25tout le monde pique-nique à Versailles, et puis c'est bon, on y va, on organise ça.
06:28Non, c'est très encadré et c'est très lourd, en fait, comme démarche.
06:31Donc, les syndicats de police, eux, ils disent,
06:34le policier, ils disent, nous, on ne veut pas,
06:37c'était pas possible parce qu'on est déjà en surcharge
06:40de travail. Et d'ailleurs, ils le disent très
06:43fréquemment. Là, il y a les Jeux Olympiques qui arrivent,
06:46c'est pour ça qu'ils demandent des primes, c'est pour ça qu'ils demandent des aménagements
06:49dans leurs horaires, de pouvoir avoir des congés, etc.
06:52Et là, ils disaient, ben voilà, les policiers.
06:55Et on rappelle que le président de la République a dit aujourd'hui, puisqu'on parlait de Nouvelle-Calédonie,
06:57peu importe les JO, on gardera les effectifs de force de l'ordre qu'il faut dans ce territoire
07:00d'outre-mer, même s'il y a les Jeux Olympiques.
07:02Oui, ben, c'est super, mais on va commencer à tirer au boulot.
07:04Et bon courage aux forces de l'ordre. Exactement.
07:06C'est-à-dire qu'il faut s'assurer. Y'a qu'à faut-compte.
07:08Tout à l'heure, Isabelle parlait des conditions de vie des prisonniers
07:12qui sont vraiment absolument lamentables.
07:15Vous avez dit 148% de surpopulation carcérale.
07:18C'est une moyenne. C'est un chiffre officiel, exactement.
07:20Et c'est une moyenne. Dans certaines prisons, ça atteint parfois 200%.
07:23Avec, vous avez des cellules, en fait, où y'a la place pour deux personnes.
07:26Et en fait, y'en a six. Donc, c'est absolument désastreux.
07:30Mais y'a les conditions aussi de travail des policiers et des policières
07:33qu'il faut absolument ménager, qu'il faut même aménager,
07:37qu'il faut révolutionner la façon dont aujourd'hui ils travaillent.
07:40Lorsque vous allez leur parler, moi je les fréquente souvent sur les plateaux de télé,
07:43ils sont au bout de leur vie. Ils n'en peuvent plus.
07:46Ils sont trop sollicités pour tout et n'importe quoi.
07:49C'est-à-dire pour marcher dans la rue,
07:51parce que maintenant, c'est le grand truc du gouvernement,
07:53c'est de les faire marcher dans la rue et ils pensent que ça va résoudre
07:55le problème de la drogue en France.
07:57Ils n'en peuvent plus. Donc, il faut absolument faire attention à ça.
08:01Après, ce que disait Isabelle, et tout à fait juste aussi,
08:04ça sert à quoi la prison ?
08:06Aujourd'hui, la prison, la casse-prison est un échec.
08:09On l'utilise comme une punition et uniquement comme une punition.
08:13Le taux de récidive, c'est un échec.
08:15Non mais exactement, il y a le taux de récidive,
08:17mais en fait, ça fait peur.
08:19Qu'est-ce qu'on fait alors ?
08:21C'est une vraie question. Il y a des exemples dans d'autres pays
08:24européens ou dans le monde,
08:27où ils tentent d'autres systèmes que la prison.
08:31Vous faites quoi en Suisse, par exemple ?
08:33Le système carcéral, d'abord, on n'a pas ce problème de surpopulation.
08:36Et il y a beaucoup de sorties de ce type.
08:38Il y a beaucoup de sorties de réinsertion,
08:40mais en l'occurrence, il n'y en aurait pas.
08:43Même au musée national, prenons cet exemple,
08:46je crois qu'aucune prison suisse ne prendrait le risque
08:50médiatique de communication, de proposition aux détenus.
08:53Il y a beaucoup de sorties en montagne, ça ne vous étonnera pas.
08:56Est-ce que vos forces de l'ordre sont aussi fatiguées que chez nous ?
08:58Non, je pense qu'il y a moins de problèmes, tout simplement.
09:01Parce que la criminalité est moins importante, sans doute.
09:05Vous savez, il ne faut jamais oublier une chose,
09:08en Suisse, la police est décentralisée.
09:10C'est au niveau des cantons.
09:11Donc, au fond, c'est une police de proximité par définition.
09:14Et c'est très important.
09:15Or, ce qui manque en France, me semble-t-il,
09:17après, on ne va pas ouvrir le débat,
09:18c'est cette police de proximité.
09:21Merci Nicolas Sarkozy.
09:22Richard Verly, Pablo Piovivien, Isabelle Saporta,
09:25vous restez autour de la table.
09:27Votre mission maintenant, si vous l'acceptez,
09:29c'est d'aider un auditeur ou une auditrice
09:32à gagner le Grand Quiz et une semaine de vacances.