Ce samedi, focus sur le coût de notre bien-être, avec un reportage sur la santé mentale dans les entreprises et un entretien avec le patron de la Mutualité Française. Mais auparavant, on décrypte les premières propositions pour les élections législatives. Quels remèdes urgents pour notre économie ? Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/on-n-arrete-pas-l-eco/on-n-arrete-pas-l-eco-du-samedi-15-juin-2024-9174010
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Le Président de la Mutualité Française et l'invité d'On n'arrête pas l'écho,
00:04bonjour et bienvenue Eric Chenu.
00:06Bonjour Alexandra Benzaie.
00:07Vous êtes donc à la tête d'une fédération qui regroupe environ 500 mutuelles,
00:11vous faites de la complémentaire santé, de l'épargne-retraite, de la prévoyance.
00:17Il y a combien de Français qui sont protégés par les mutuelles ?
00:20A peu près 35 millions de femmes et d'hommes dans notre pays.
00:23On a écouté ensemble ce reportage.
00:25La santé mentale est donc devenue, pas seulement au boulot, la santé mentale en général,
00:29est devenue le premier poste de dépense de l'assurance maladie.
00:33Si on se concentre sur le monde du travail, dans le reportage on entend cette syndicaliste qui dit
00:38il faudrait reconnaître certaines dépressions ou anxiétés liées au travail en maladie professionnelle.
00:44Vous en pensez quoi de cette idée ?
00:46Oui, dans un certain nombre de cas, les risques psychosociaux peuvent induire des pathologies de santé mentale
00:52qui ont un lien direct avec l'activité professionnelle, les conditions de travail.
00:58Elles peuvent, et dans un certain nombre de cas, elles doivent être reconnues en tant que maladies professionnelles.
01:04Mais ça a été très bien dit dans le reportage.
01:06On voit qu'on n'a pas suffisamment cette culture de la prévention, du dépistage précoce,
01:11de faire en sorte que quand une difficulté arrive, on intervienne le plus vite possible pour éviter qu'elle ne s'enquiste.
01:18La solution, ce n'est pas seulement de la prescription de molécules d'anxiolytiques, d'antidépressants.
01:25C'est aussi comment on modifie les modalités de travail, le management,
01:30et comment on fait en sorte, dans le champ du travail, dans le secteur public comme dans le secteur privé,
01:34pour faire en sorte qu'il y ait de meilleures conditions de travail pour l'ensemble de celles et ceux qui oeuvrent au quotidien.
01:42Sinon, on en arrive aussi évidemment à cette explosion, on en a parlé des arrêts de travail.
01:47Quand la Cour des comptes dit qu'il y a des comptes de la Sécu qui dérapent,
01:51il faudrait que les arrêts maladie de moins de huit jours ne soient plus indemnisés.
01:55Le président de la mutualité française, il dit quoi ?
01:58Le risque, c'est que pour beaucoup, ces jours non indemnisés voudront dire des jours où on ne s'arrêtera pas.
02:05Sauf que si les gens sont réellement malades, il vaut bien mieux qu'ils s'arrêtent.
02:10Sinon, on a un risque de propagation des pathologies.
02:16Donc, il faut y faire très attention.
02:18Et on voit bien que ce n'est pas dans une approche comptable court-termiste qu'on va trouver des solutions.
02:23Sur le champ de la santé mentale, c'est en investissant sur la prévention.
02:26Parce que vous rappeliez à juste titre le coût pour l'assurance maladie, les complémentaires santé,
02:31du remboursement en santé, mais aussi en prévoyance de la santé mentale.
02:36Mais le coût de l'inaction en santé mentale est estimé par la fondation fondamentale à 160 milliards pour notre pays.
02:42Plus d'un point et demi de PIB perdu.
02:45Donc, c'est sur tous ces sujets-là où il nous faut réfléchir sur du moyen et du long terme.
02:50Et savoir quand il faut investir.
02:53Pour les jeunes, le rapport de la Cour des comptes de 2023 montre qu'il y a 1 600 000 jeunes qui auraient besoin d'un suivi par un pédopsy.
03:02Enfants, adolescents, jeunes adultes.
03:04Il y en a seulement 850 000 qui aujourd'hui sont suivis.
03:07Ça va avoir des conséquences pour leur vie dans un premier temps.
03:11Mais ça aura des conséquences économiques et sociales pour la société qui sont extrêmement importantes.
03:15Depuis le 1er juin, on a le programme Mon soutien psy qui a été renforcé.
03:19La consultation remboursée est passée de 30 à 50 euros.
03:22Pour l'instant, ça n'a pas beaucoup décollé ce dispositif.
03:25Le fait de dire pour aller jusqu'à 50 euros la consultation, vous pensez que ça va changer la donne ?
03:31Je l'espère.
03:32En 2021, sur l'initiative de l'ensemble des complémentaires santé, les mutuelles, les assureurs, les institutions de prévoyance,
03:39on avait constaté avec la crise sanitaire une dégradation de l'état psychique dans le pays.
03:46Et on avait décidé de prendre en charge 4 consultations neuropsy à 60 euros.
03:50On s'était mis d'accord avec la profession.
03:52Juste pour la mutualité, un français sur deux, ce sont plus de 700 000 personnes qui ont bénéficié de ce dispositif en 2021.
04:00Donc ça montre que quand les conditions d'accès sont simples, que le niveau de prise en charge est bon,
04:05et les professionnels sont mobilisés, et les gens y ont recours.
04:08J'espère que maintenant que les tarifs vont être un peu plus bien calibrés, conformes à la réalité des pratiques de la profession,
04:17j'espère qu'on va sortir du ratage de 2022-2023.
04:23Alors vous revenez, Éric Chenu, d'un tour de France, cette région de l'Hexagone et de l'Outre-mer.
04:28Vous êtes allé à la rencontre des jeunes. Ils vous ont parlé, j'imagine, de santé mentale, d'accès aux soins.
04:34Vous parlez de l'accès aux soins, justement, à l'instant. Ils vous ont parlé de quoi, les jeunes ?
04:38Est-ce que vous les avez trouvés en bon état, en bonne santé ?
04:41Alors, ce qui m'a le plus surpris, c'était extrêmement revigorant.
04:46On a rencontré plus de 1200 jeunes sur l'ensemble de ces 7 rencontres.
04:50C'est leur état de maturité, de lucidité sur l'état de la société.
04:56C'est leur appétence à parler de ces sujets-là, pour eux ou pour les autres.
05:02Quelquefois, ils faisaient le porte-parole de soucis de santé pour leurs camarades, pour des membres de leur famille.
05:09Ils sont très sérieux, nos jeunes. Il y a très peu d'insouciance. C'est quand même assez préoccupant.
05:18Le sujet de la santé mentale a été effectivement mis en haut de la liste de leurs préoccupations
05:25parce que c'est compliqué pour eux de savoir où et comment consulter, de savoir comment on fait les démarches, etc.
05:32Ils ont besoin aussi de lisibilité. Ils ont besoin davantage de proximité, et pas seulement numérique.
05:37Ils nous ont demandé plus d'informations sur les réseaux sociaux, sur les sites,
05:41mais aussi d'avoir des femmes et des hommes en face d'eux, en capacité de les écouter.
05:46Comme leurs aînés, en fait ? Comme les jeunes ont les mêmes désirs que les plus vieux ?
05:50Oui. Finalement, ça s'explique assez bien parce que le système de santé, de protection sociale, n'est pas forcément simple.
05:59C'est vrai que quand on arrive, qu'on s'autonomise, c'est important d'être accompagné.
06:04C'est vraiment quelque chose de très fort qui a été exprimé.
06:08Et ils vous ont parlé de l'accès aux soins ?
06:10Oui. Ça dépendait des villes. On avait volontairement pris des villes très différentes
06:16pour que des collégiens, des lycéens, des étudiants, des jeunes en apprentissage,
06:21par alternance, en insertion de jeunes salariés, parce que c'était des jeunes jusqu'à 30 ans,
06:25tout type de jeunes, des jeunesses, puissent s'exprimer.
06:30Et effectivement, dans un certain nombre de villes, le sujet de l'accès aux soins, l'accès aux spécialités...
06:34Vous êtes allé à Brest ? Vous avez pris sur scène ?
06:36C'est des sujets qui sont beaucoup sortis au Mans, le sujet de l'accès aux soins.
06:41C'est des sujets qu'on a beaucoup entendu à La Réunion, avec la problématique topographique,
06:48des problématiques de déplacement sur l'île, qui se rajoutaient aussi aux déserts médicaux.
06:54Donc c'est tous ces éléments-là qui nous ont mis en avant.
06:57Mais ce que je retiens aussi, c'est quand même un élément d'optimisme,
07:00dans ces temps incertains que nous traversons, c'est leur envie de s'engager,
07:04leur envie de s'impliquer, pas forcément dans des organisations telles qu'on les connaît,
07:11mais ils initient des petites actions de solidarité en proximité.
07:16Et ça, je trouve que c'est plutôt encourageant.
07:18Éric Chenu, quand on parle de l'accès aux soins, on parlait de la géographie des déserts médicaux,
07:22mais il y a aussi le prix.
07:24Les tarifs, par exemple, à l'échelle généraliste, la consultation va être à 30 euros en décembre,
07:29elle est revalorisée, les mutuelles viennent faire un grand bond à leurs tarifs,
07:34on parle de 8% en moyenne, l'UFC dit que c'est même 10%.
07:37Ça va être toujours plus cher d'accéder à la santé, c'est écrit ?
07:41En 20 ans, les dépenses de santé ont un peu plus que doublé dans notre pays.
07:45Parce que la population vieillit, parce que la médecine est de plus en plus technique.
07:49Donc il nous faut, individuellement, collectivement, appréhender cette réalité-là.
07:55Nous, on pense qu'il vaut mieux se protéger mutuellement les uns les autres,
08:01parce que c'est ce qui coûte le moins cher.
08:04Si on renvoie chacun à sa propre protection, les niveaux de prise en charge,
08:10le niveau de reste à charge, à la fin, ça va coûter plus cher.
08:14Donc il faut un haut niveau, au niveau de l'assurance maladie, de prise en charge,
08:18il faut un haut niveau en termes de mutualisation dans nos couvertures,
08:21mais effectivement, ça a un coût.
08:24Et ça, c'est quelque chose qu'il nous faut appréhender.
08:28Vous vous dites qu'il va falloir augmenter les cotisations, il n'y a pas d'autre solution ?
08:33Si, il y a une autre solution, et c'est quelque chose que l'on met en avant,
08:37c'est de travailler davantage sur l'efficience, la pertinence des prescriptions.
08:40Aujourd'hui, on a quand même beaucoup d'actes redondants.
08:44On ne s'appuie pas suffisamment, selon nous, sur les préconisations de la Haute Autorité de Santé,
08:50qui devraient normalement davantage harmoniser les prescriptions médicales ou paramédicales.
08:56Comment aussi on fait en sorte, si on veut garantir un accès aux soins pour tous, sur tout le territoire,
09:02on fait émerger des équipes de soins traitants, où il y a certes médecins généralistes, spécialistes,
09:07mais aussi des pharmaciens, des infirmiers, des psychologues, des kinés,
09:10c'est-à-dire l'ensemble des paramédicaux qui peuvent être des portes d'entrée dans le système.
09:14Sinon, on ne parviendra pas à prendre en charge toute la population.
09:18Vous parliez d'engagement, vous, le président de la mutualité française.
09:22Alors, un mot sur la campagne quand même.
09:24Ces derniers jours, les dirigeants des mutuelles sont montés au créneau contre le Rassemblement National.
09:30Et ça, ce sont des voix rares dans le patronat. Vous vous sentez seul ?
09:34Un peu. J'espère que dans les jours qui viennent, d'autres acteurs économiques prendront leurs responsabilités.
09:42Nous, on fait partie de l'économie sociale et solidaire.
09:45Il y avait le congrès de SS France cette semaine, qui a également pris position.
09:50On est des acteurs de l'économie citoyenne, de l'économie politique, pas au sens partisan,
09:58mais au sens que l'on porte un projet de société.
10:01La mutualité, comme la sécurité sociale, c'est avant tout un projet émancipateur.
10:05Ce que l'on propose en termes de couverture assurancielle, d'offres de soins, d'actions de prévention,
10:10ce ne sont que des moyens pour permettre à chacun de mener sa vie personnelle, professionnelle, familiale,
10:16de pouvoir entreprendre sans craindre un aléa, un accident de la vie.
10:19Tout le monde protège tout le monde.
10:21Et donc, un projet où on vient faire de la priorité nationale de la préférence,
10:26ça altère l'universalisme de la protection sociale.
10:29Quand un projet remet en cause le financement des cotisations sociales,
10:34ça accélère le définancement de la sécurité sociale.
10:37Et donc, pour nous, ça ne peut pas être des solutions qui vont permettre de répondre aux besoins du pays.
10:45On est dans une transition démographique, une transition écologique, une transition numérique.
10:50Donc la question, c'est plutôt davantage de voir comment on appréhende les conséquences économiques et sociales,
10:56épidémiologiques, démocratiques, de l'ensemble de ces grands sujets.
10:59Comment on fait débat pour savoir quelle part de richesse on souhaite allouer à la protection sociale.
11:05Et puis ensuite, comment on la répartit.
11:07Et ça, il n'y a pas de vérité.
11:09C'est des choix.
11:10Soit on socialise et on mutualise et ça coûte moins cher.
11:13Soit on décide au contraire de désocialiser.
11:16On renvoie à chacun sa protection.
11:18Ça coûtera plus cher.
11:19Ça générera davantage d'inégalités.
11:21Mais c'est des choix politiques au bon sens du terme.
11:24Et il faut en débattre.
11:25Éric Chenu, le président de la mutualité française.
11:28Merci d'avoir été l'invité d'On n'arrête pas l'école.