Les faillites aux Etats-Unis, les fragilités de Credit Suisse... Allons-nous vers une crise bancaire mondiale ? Ce samedi, retour, en débat, en reportage et en entretien, sur une semaine particulièrement mouvementée, marquée par des cours de Bourses qui dévissent et des taux d'intérêt qui grimpent. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/on-n-arrete-pas-l-eco/on-n-arrete-pas-l-eco-du-samedi-18-mars-2023-5425811
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00:00 président de la Fédération bancaire française et directeur général de
00:04 Crédit Agricole SA et l'invité d'On n'arrête pas l'écho. Bonjour Philippe Brassac.
00:07 Bonjour. Et merci d'avoir accepté notre invitation. Alors on va parler de
00:11 l'immobilier bien sûr puisque, et du crédit surtout, puisque tous les
00:15 professionnels, les acheteurs, les vendeurs ne nous ont parlé, ils n'ont
00:18 parlé à notre reporter que de vous les banques. Mais d'abord la tempête
00:23 bancaire. On n'a pas un banquier français qui s'est exprimé depuis une semaine.
00:26 Certains qui avaient des rendez-vous médias les ont annulés. Il y a énormément de
00:30 fébrilité. Est-ce que vous Philippe Brassac vous êtes inquiet ?
00:33 Je viens avec beaucoup de plaisir. Merci pour l'invitation parce que c'est pour
00:37 moi l'occasion d'expliquer que factuellement et très clairement il n'y
00:41 a aucun risque parce qu'il n'y a aucun mécanisme de contagion possible entre
00:46 les événements que nous constatons et les banques françaises. Et donc il n'y a
00:49 clairement aucun risque de crise bancaire en France pour deux raisons
00:53 principales qui ont déjà été un peu évoquées. La première c'est que les
00:57 banques françaises sont très solides du fait de la régulation et la deuxième
01:01 c'est qu'il n'y a pas de mécanisme comme il pouvait y en avoir dans le passé
01:04 de propagations. Alors ça a été expliqué tout à l'heure par les
01:08 intervenants mais il faut bien comprendre qu'en France nous avons la chance d'avoir
01:12 des très grandes banques. Deux d'entre elles sont parmi les dix premières
01:15 mondiales, cinq d'entre elles parmi les vingt premières mondiales et donc toutes
01:19 les banques françaises quasiment sont soumises à des règles spécifiques en
01:24 termes de prudence qui sont celles des très grandes banques. Des exigences de
01:28 fonds propres, des exigences de liquidités, des exigences, cela n'a pas
01:32 été cité, de gestion du risque de taux. Par exemple lorsque Patrick et Artus
01:36 évoquaient tout à l'heure les risques de vente de vos portefeuilles
01:40 obligataires et de faire des pertes, en France, lorsque vous êtes soumis à
01:44 baltroie, vous êtes obligés d'assets swappés, c'est-à-dire que nos
01:47 portefeuilles sont immunes du risque de taux. Si nous devons vendre, nous avons
01:51 déjà provisionné et payé ces couvertures-là. Et je voudrais simplement souligner que
01:56 cette régulation qui s'applique en Europe, baltroie, 450 banques en Europe
02:02 l'appliquent, 13 seulement aux Etats-Unis. C'est là qu'on voit le problème des
02:06 banques régionales américaines. Et ce que vous êtes en train de nous dire, on va
02:10 être encore plus clair, c'est qu'il n'y a pas de risque de revivre la crise
02:14 financière de 2008, même si, Crédit Suisse, on nous dit que c'est une banque
02:17 systémique et c'est en Europe. Alors, il n'y a déjà pas de risque que ça apparaisse
02:20 chez nous, c'est ce que je viens d'expliquer. Il n'y a pas non plus de
02:24 risque qu'il y ait de la contagion, pour deux raisons qu'il est assez facile
02:27 d'expliquer. La première, vis-à-vis des banques américaines, il n'y a pas de lien
02:32 entre les bilans. Contrairement au subprime américain, qui était des crédits
02:36 de mauvaise qualité, qui avait été fabriqué par les banques américaines et
02:40 qui ont été disséminés par la titrisation dans la plupart des banques au monde,
02:45 là, les difficultés des banques que vous avez citées, elles sont dans leur bilan et
02:49 ces difficultés resteront dans leur bilan. Il n'y a pas de contamination
02:52 possible. - Mais attendez, on dit toujours il y a des expositions. Est-ce que les
02:56 banques françaises ne sont pas exposées ? C'est-à-dire, on n'a pas un petit lien avec le
03:00 Crédit Suisse, par exemple ? Ou est-ce que certaines les coupent, d'ailleurs ?
03:03 - Je réponds à votre question. Pour les banques américaines, c'est clairement non.
03:06 Il n'y a pas de lien de bilan en bilan. Sur Crédit Suisse, effectivement, ça a été
03:10 expliqué, nous sommes face à une situation très particulière parce que
03:13 ce n'est pas déclenché par les banques américaines. Ce sont les difficultés en
03:17 propre de Crédit Suisse qui a fait de mauvaises affaires. C'est une situation
03:21 qui est connue, d'ailleurs, depuis pas mal de temps. C'est une banque qui est en
03:25 difficulté, qui respecte ses rations réglementaires, mais dont on ne sait
03:29 exactement ce qu'il va se passer. Je ne suis pas sûr que les choses se passent
03:33 très mal, mais en tout cas, il y a de l'inquiétude. Et le fait qu'il n'y ait pas
03:36 de contamination possible est lié à autre chose.
03:38 C'est lié au fait que depuis 2008, et toujours du fait de Baltrois, les banques
03:43 entre elles, les grandes banques, n'ont plus la capacité de se relier entre elles
03:48 par les prêts monétaires que nous faisions, comme nous le faisions dans le
03:51 passé. Et donc, les liens financiers entre les grandes banques en Europe sont
03:56 beaucoup plus petits que dans le passé. Et donc, il ne peut pas y avoir
04:00 mécaniquement cet effet domino de manque de liquidités qui impliquerait les autres.
04:05 Est-ce qu'en ce moment, les banques françaises, elles sont en train de couper
04:07 leurs opérations avec cette banque suisse, le Crédit Suisse ?
04:12 Je vous assure que ce n'est vraiment pas une préoccupation pour nous. La préoccupation
04:16 aujourd'hui, elle est celle de la communication. C'est la raison pour
04:18 laquelle je suis sur votre plateau aujourd'hui. Pour expliquer que les
04:22 choses du passé ne peuvent pas se reproduire mécaniquement.
04:25 Et alors, pourquoi, Philippe Brassac, les marchés ne réagissent pas à tant de discours
04:29 rationnels ? Pourquoi est-ce qu'on a eu cette semaine -17% pour la Société
04:34 Générale, -14% pour BNP Paris-Bas et puis -9% sur les actions du Crédit
04:39 Agricole ? C'est très bien que vous me posiez la question parce que c'est l'occasion pour
04:42 moi de dire qu'il ne faut surtout pas qu'il y ait de confusion. Ça n'a rien à voir.
04:45 La bourse et la valeur des actions, ça ne concerne ni les emprunteurs, ni les
04:51 épargnants, ni les usagers. Ça ne concerne que l'actionnaire. Il y a une confusion.
04:55 Vous savez, quand la valeur d'une banque baisse ou monte d'ailleurs, ça ne bouge pas
05:00 d'un poil les fonds propres de la banque. C'est-à-dire que sa solidité en propre,
05:04 c'est une question d'évaluation du prix de la banque entre actionnaires. Et ce
05:08 qu'on voit aujourd'hui, effectivement, assez mécaniquement, c'est que dans ce
05:12 cadre de situation en général, il y a des réactions brutales, on va dire des
05:17 marchés boursiers en tant que tel. - Des investisseurs qui doivent connaître quand
05:20 même les banques qui se disent "ah ben non, je vais en tournoi, oulala, oulala".
05:23 - L'explication est très simple, c'est que les investisseurs dans ce type de
05:26 situation, il y a une sorte de réaction très amplifiée par le seul fait qu'ils
05:30 intègrent le comportement supposé des autres. Et je peux vous assurer qu'aujourd'hui...
05:35 - Comportement moutonnier des marchés, c'est ça ? - Mais nécessairement. Si vous
05:38 dites que ça va baisser, vous vendez, comme tout le monde d'une certaine façon.
05:42 À l'inverse, ces investisseurs que nous connaissons bien, les actionnaires
05:45 principaux des banques, nous les voyons régulièrement, nous continuons à les
05:49 voir, ils ne nous posent aucune question sur notre solidité. Ils continuent à nous
05:53 poser des questions, qu'il s'agisse, je vais citer des banques, de BNP, de la
05:57 Générale, du Clé de l'École, on continue à nous poser des questions sur nos
06:00 perspectives en 2025, 2030, de développement. Il n'y a vraiment aucun
06:04 stress de solidité dans le marché financier. - Dans ce contexte, est-ce que
06:09 la BCE a bien fait de remonter encore ses taux jeudi ou est-ce que c'est trop
06:13 brutal et là, est-ce qu'il y a un risque qu'elle aggrave la tempête pour les
06:17 banques, le refroidissement pour l'économie ? - En tout cas, le message de
06:20 la BCE est extrêmement clair, c'est-à-dire que la BCE a dit les risques que
06:25 l'inflation fait peser sur l'économie sont beaucoup plus sérieux que les
06:29 risques de cette inquiétude non fondée sur la solidité des banques. C'est le
06:33 message qui a été donné mais si je peux me permettre, je voudrais rebondir pour
06:38 ne pas être qu'en défensif sur le système bancaire français parce que j'essaie
06:42 de plaider et d'expliquer sa solidité. Je vais, même dans l'autre sens, je
06:46 voudrais plaider les vertus du système bancaire français parce que c'est un des
06:50 rares systèmes bancaires au monde à donner autant de taux fixe aux crédits
06:55 immobiliers, notamment aux crédits immobiliers, je le disais à l'instant, qui est la
06:59 moitié des bilans des banques. Ne sous-estimez pas ce point-là parce
07:03 qu'en France, 96% du crédit immobilier est à taux fixe. - Oui, c'est pas ce qui se
07:08 passe, vous avez tout à fait raison. Ailleurs, ils sont en Grèce, en Espagne, au Royaume-Uni, les ménages sont malheureux.
07:14 - Ce que je veux vous dire, c'est que ce risque de taux qui est en train de mettre en difficulté des banques
07:18 américaines, nous, c'est notre spécialité dans l'autre sens. C'est-à-dire que non seulement nous
07:23 nous protégeons de ce risque de taux, mais nous protégeons nos emprunteurs. Et nous
07:27 ne le faisons pas parce que nous sommes des magiciens, nous le faisons parce qu'il
07:31 y a une vraie expertise, un vrai métier, un vrai savoir-faire, qui est la gestion
07:35 dite "active-passive", dans laquelle nous nous couvrons régulièrement. Ça nous coûte
07:40 cher en termes de rentabilité régulière, mais au moins nous sommes vraiment des
07:44 absorbeurs du choc de taux dans ce qui se produit. - Bien compris. Si vous voulez
07:48 qu'on parle du crédit immobilier, est-ce que c'est vrai que les banques ne prêtent plus ?
07:51 Si on arrive dans une banque avec un dossier de demande de crédit, quel est le taux de refus ?
07:56 - Non, j'ai hélas 40 années d'expérience au crédit high call. Chaque fois qu'il y a une crise, j'entends
08:03 des dossiers de crédit qui sont refusés. Parce que des dossiers de crédit refusés, il y en a toujours,
08:07 évidemment, parce que la responsabilité de la banque, c'est de refuser un crédit dont on estime
08:13 à tort ou à raison. Parce qu'on peut se tromper, bien sûr, que la capacité de remboursement sur
08:17 les revenus serait insuffisante. - Mais Guy Brassac, est-ce que c'est vrai que le nombre de prêts
08:21 bancaires... Pardon, mais j'avance avec l'interview. - Je vous réponds. Ce qui se passe aujourd'hui,
08:25 qui est brutal, et ça s'est passé dès le quatrième trimestre 2022, c'est un quasi-effondrement de la
08:32 demande de crédit immobilier. - C'est pas vous qui refusez, ce sont les gens qui viennent
08:35 moins tôt qu'à votre porte ? - Nous refusons toujours comme avant, nous acceptons toujours
08:38 comme avant. Et s'il fallait que vous fassiez un reportage sur tous les crédits qui ont été
08:42 acceptés sur cette période-là, évidemment, vous n'en auriez pas le temps. Non, mais ce qui est
08:46 brutal et qui est très important, c'est que nous avons, au quatrième trimestre, un effondrement de
08:51 la demande de crédit immobilier. Quand je dis effondrement, c'est moins 30%, c'est moins 40%.
08:56 Et les raisons ont été un peu évoquées dans votre reportage. Il y a d'abord le fait que les taux de
09:01 crédit pour les nouveaux crédits augmentent. Clairement, ceux qui pouvaient emprunter à 1% et
09:06 qui ne peuvent pas emprunter à 3%, ça fait moins d'emprunteurs possibles. - Ça, on l'a vu dans le
09:11 reportage. Donc, vous me dites que le taux de refus, en réalité, n'a pas bougé. C'est-à-dire qu'il y a
09:15 eu tout ce débat sur le taux d'usure. - Non, il n'a pas bougé parce que les critères d'attribution
09:19 sont exactement les mêmes. Ils sont d'ailleurs fixés de façon un peu réglementaire depuis pas
09:23 mal de temps par le Haut Comité de Stabilité Financière. 35% de taux d'endettement
09:30 et durée maximale 25 ans. Simplement, entre l'augmentation des taux, l'expectative pour
09:37 beaucoup d'emprunteurs que, au fond, les prix de l'immobilier devraient baisser. Et donc,
09:43 il y a une attente à la matière. Et enfin, cette anxiété qui est autour de nous. L'acquisition
09:48 immobilière, c'est un investissement très important pour les ménages. Il y a une sorte
09:52 d'attentisme qui, sans doute, va se résorber, mais qui a été brutale. Au total... - C'est intéressant
09:58 parce que quand même, les acheteurs, les agents immobiliers, les promoteurs, ils nous disent tous
10:02 "non, c'est la banque qui refuse parce que..." - Oui, mais ça fait 20 ans que je l'entends. Vous savez,
10:05 sur ces mêmes plateaux, en 2008, on disait que les banques faisaient plus de crédits aux particuliers.
10:09 Regardez les statistiques. Elles n'ont jamais été aussi élevées que sur toute cette période-là.
10:15 Donc, il y a une sorte d'explication qui passe à côté du phénomène principal. Le phénomène
10:20 principal, c'est qu'il y a moins de ménages qui peuvent emprunter parce que les taux sont plus
10:24 élevés. Et deuxièmement, parce qu'il y a un attentisme qui est assez facile à comprendre dans le contexte.
10:30 - Allez, la dernière question. Philippe Brassac, sur la réforme des retraites. Il y a Emmanuel Macron qui a
10:34 justifié le recours au 49-3 par "les risques financiers trop grands qu'un rejet de la réforme
10:40 auraient impliqué". Vous êtes un financier. Est-ce que vous comprenez ? Est-ce que vous avez compris ?
10:45 - Non, je ne fais aucun commentaire sur la réforme des retraites. On ne comprendrait pas que le dirigeant
10:50 d'une banque donne son opinion personnelle là-dessus. - Ah, mais sur les risques financiers, quand même...
10:53 - Non, simplement, ce qu'on peut comprendre, c'est que post-Covid, parce qu'au fond, la Banque Centrale,
10:58 les Etats, ont ouvert les portefeuilles monétaires pour sauver l'économie, pour la pompter pendant
11:04 les périodes de confinement de l'économie. On savait tous qu'après la crise Covid, il faudrait
11:10 normaliser les politiques monétaires, sinon on allait créer de l'inflation et dévaloriser la
11:15 devise. Donc c'est normal que nous soyons dans une phase de renormalisation des politiques budgétaires,
11:21 des politiques monétaires. - En effet, pas de réponse sur la réforme des retraites et le danger
11:25 sur les risques financiers. Philippe Brassac, néanmoins président de la Fédération Manqueur
11:30 - Merci à vous. - Merci à vous.