"Antoine d'Agata ou la jouissance en actes" :
Séminaire Art et Psychanalyse à L'Ecole des Arts de la Sorbonne Paris 1 Saint-Charles.
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01:10des situations de rencontre qui sont, je vais dire, intenses,
01:15parce que vous cherchez l'intensité.
01:17Vous dites même que la déraison que vous lancez hors perdu,
01:22c'est une de vos expressions,
01:24et donc en même temps, il y a presque l'idée d'un effacement.
01:27Et du coup, je me demandais, dans ces situations-là,
01:30où est le regard ?
01:32En fait, moi je n'ai jamais fait tendu,
01:35je ne peux pas, toutes ces personnes avec qui je coexiste,
01:39on n'a pas les mêmes histoires,
01:41on n'a pas les mêmes parcours,
01:43moi je suis là parfois,
01:45je sais qu'il y a des gens qui sont encore vivants,
01:47et il y a beaucoup d'entre eux qui sont blessés,
01:49moi je ne suis pas rentré sortir,
01:51ne serait-ce que le fait de changer de narcotique, déjà,
01:53ça ne vous permet pas de laisser en vie.
01:55Il n'y a plus d'endroits où si je restais,
01:58ça allait très vite,
02:00c'est des choses qui sont très...
02:02Donc ma place n'est pas dans le coeur,
02:05je le sais, ils le savent,
02:08dans les situations dont je parlais,
02:10on parle de la vie,
02:12c'est quelque chose dont on parle,
02:14on est très conscient de ces différences.
02:17Donc moi je suis là parfois,
02:19elles sont là souvent,
02:21elles sont là par obligation,
02:23par fatalité, par...
02:26En fait, ma perspective,
02:28je ne suis pas là pour documenter les choses,
02:30je suis là pour construire, affirmer,
02:32imposer ma compréhension,
02:36Provoquer aussi ?
02:38Non, pas provoquer,
02:40c'est comme ça que je vois le monde,
02:42c'est comme ça que je ressens,
02:44c'est comme ça que je le comprends,
02:46c'est comme ça que je le vis.
02:48Vous le transposez dans un milieu artistique,
02:51dans lequel votre travail est provoquant,
02:54vous le savez ?
02:56Encore une fois, tout ça,
02:58c'est important en un moment,
03:00parce que quand on utilise un langage de fait,
03:02on commence à s'intéresser,
03:04et à qui on s'adresse,
03:06et comment on loge tout ça,
03:08il devient important au fil du temps,
03:10et ça a toujours été notre priorité.
03:12Tout ce que je fais, c'est le compromis
03:14d'aujourd'hui, c'est la manière
03:16de continuer.
03:18Ces images ne sont pas rendues
03:20à ceux avec qui vous êtes.
03:22Elles sont données dans un autre contexte,
03:24un contexte je dirais mondain,
03:26au sens vrai du terme,
03:28où vous apparaissez
03:30comme un provoquateur,
03:32surtout en ce moment
03:34où on voit de moins en moins
03:36de nus,
03:38de moins en moins de sexes,
03:40où tout est lissé,
03:42où on parle du paysage,
03:44c'est plus tranquille,
03:46donc vous intervenez
03:48quand même dans une attitude
03:50de provocation.
03:52Encore une fois,
03:54tout ça,
03:56c'est vrai qu'en fait,
03:58j'ai un rapport très fort avec
04:00la culture, ce n'est pas quelque chose
04:02que je respecte,
04:04que je m'intéresse,
04:06c'est quelque chose
04:08dont je me sers,
04:10et mes profonds propos
04:12et mes enjeux
04:14pour moi, ce sont ailleurs.
04:16Alors oui,
04:18raconter l'histoire,
04:20raconter aux autres,
04:22mais pas dans le contexte
04:24de l'art.
04:27Vous êtes inscrit quand même.
04:29Je suis inscrit, mais par intérêt.
04:31Pur et précis,
04:33c'est par calcul,
04:35c'est dans le prisme.
04:37J'ai gardé le dessin, c'est génial.
04:39Ça marche, ça marche,
04:41ça marche encore.
04:43Ça m'a permis de...
04:45C'est important.
04:47Pardon.
04:49Juste avant,
04:51je voulais dire quelque chose.
04:53Oui, en fait,
04:55par expérience,
04:57et ça c'est vraiment bien avant la photographie,
04:59j'ai compris,
05:01je crois que,
05:03ou je sais que,
05:05c'est dans ces milieux où les gens
05:07n'ont pas le choix,
05:09ils sont déchus,
05:11ils ont envie d'être violents,
05:13ce qu'ils auraient fait pour l'économie,
05:15ils vivent au plus bas
05:17de la société.
05:19Donc tout ça, j'ai conscience,
05:21ça fait partie de ma...
05:23Mais malgré eux,
05:25et contre leur gré,
05:27ils sont dans une position privilégiée
05:29dans notre perspective.
05:31Je ne suis pas en train d'excuser ou d'adoucir,
05:33mais ils vivent d'une manière
05:35auxquelles personne du monde du jour
05:37ne le prétend,
05:39ils vivent avec une intensité,
05:41des tragédies au jour du jour,
05:43des désintensités,
05:45une violence, on ne veut pas une violence
05:47contre l'autre,
05:49on touche à des choses
05:51qui ne sont même pas imaginables
05:53dans le monde du jour.
05:55Moi, c'est ça qui m'intéresse là-dedans,
05:57c'est qu'en fait, auprès d'eux,
05:59même si ce n'est pas pour eux,
06:01même si ils n'ont pas accepté,
06:03on touche
06:05à des expériences,
06:07à des intensités,
06:09à des moments de vie
06:11qui ne sont même pas imaginables
06:13dans tout autre contexte,
06:15qui n'est pas avec ces drogues
06:17hyper dures,
06:19avec ces vies,
06:21et ça,
06:23il n'y a pas d'autre milieu,
06:25il n'y a pas d'autre territoire.
06:27Enfin,
06:29j'ai légué,
06:31avant la photographie,
06:33j'ai légué, après,
06:35la photographie avec plus de conscience,
06:37plus d'outils,
06:39et donc, ça n'a rien
06:41à ma conscience de la violence
06:43qui vit, tout ça,
06:45c'est partie du quotidien,
06:47mais, cette chose-là,
06:49pour moi, elle est sans prix.
06:51C'est celui qui dit que le travail,
06:53il est hacké,
06:55enfin, c'est quelque chose
06:57qui est très important pour moi,
06:59et c'est ma façon, à moi,
07:01cette intensité,
07:03c'est ma position de vie,
07:05ma position de vie face
07:07à la mort, face à...
07:09C'est pour ça que,
07:11quand on dit d'aller trop loin,
07:13d'excercer,
07:15ça dépend,
07:17c'est le débord, l'excès,
07:19c'est la bataille, et donc, c'est ma manière, à moi,
07:21de créer ma position face à la mort,
07:23comme...
07:25Le vivre le plus possible,
07:27de la manière la plus insensée possible,
07:29la plus insensée,
07:31insensée possible,
07:33pour...
07:35Et...
07:37Quel est le statut
07:39justement de l'excès
07:41de l'intensité
07:43par rapport à la réalité ?
07:45Je veux dire, s'inscrire dans la réalité,
07:47je veux dire autrement,
07:49qu'est-ce que c'est pour vous, la réalité ?
07:51Et...
07:53Cette intensité,
07:55qu'est-ce qui...
07:57Ce n'est pas ce qui déborde,
07:59mais la réalité,
08:01en deçà ou en delà,
08:03la réalité...
08:07Je pense que c'est des questions
08:09que je n'ai pas de réponse.
08:11Ce qui est important, je pense,
08:13c'est que, quand j'étais gamin, la personne
08:15que je voulais être,
08:17en tout cas,
08:19ce qui est important là-dedans,
08:21je pense qu'il y avait un certain besoin
08:23d'être absolu,
08:25ou en tout cas de faire face
08:27à toutes ces questions,
08:29sur l'univers, le monde, la vie, tout ça,
08:31c'est tellement fort que je pense
08:33que c'est ma manière à moi de...
08:35Après, ça fait basculer
08:37les concessions des classes spéciales,
08:39et...
08:41On nous a demandé d'établir
08:43des magazines
08:45pour discuter à travers l'actualité
08:47du monde, et donc je me rappelle,
08:49j'avais 14-15 ans,
08:51et j'aimais... C'était 8-10 ans à l'époque.
08:53Il faut comprendre,
08:55qu'est-ce qu'on fait de ça, dans le truc ?
08:57C'était la phase, le peuple est arrivé directement dessus,
08:59donc voilà, j'ai compris.
09:01Mais en tout cas, je crois que j'ai gardé un petit peu la même...
09:03Pour moi, c'est énorme.
09:05Je me suis réveillé un matin,
09:07je me suis dit, on est où ?
09:09Qu'est-ce qu'on est ?
09:11On est tous, mais...
09:13C'est pas pathologique, moi, je pense.
09:15Et du coup, la réalité, pour moi, ça a toujours été...
09:17Au-delà de ça, c'est surtout l'autre, en fait,
09:19les autres.
09:21Bien sûr, l'univers,
09:23le cosmos, tout ça, c'est là.
09:25Mais tout à l'heure, on regarde les images,
09:27comme elles étaient tellement désacervées,
09:29tellement...
09:31Tellement extrêmes, là,
09:33notamment les...
09:35dans les contrastes vertes,
09:37donc je les disais différemment.
09:39Et j'ai le sentiment qu'il y avait plusieurs séries
09:41avec les jeunes filles chinoises ou les jeunes filles africaines,
09:43où je regarde l'autre, en fait,
09:45et je pense qu'elle aime bien ses images.
09:47Et je pense qu'en fait, ce que l'autre, en fait,
09:49pour moi, l'enjeu, il est là.
09:51C'est que quand j'ai mis les scènes à la réalité,
09:53j'ai pas envie de regarder les gens,
09:55j'ai envie de vivre avec eux,
09:57de...
09:59Parce que là, je...
10:01Quand je parle de miser la réalité ou de confronter la réalité,
10:03c'est pas juste regarder le monde différemment,
10:05ou voyager, ou rêver,
10:07c'est rentrer vraiment dans le...
10:11Ça l'est.
10:13Trop loin.
10:15Et l'autre, elle est trop loin.
10:17Mais trop loin dans le sens...
10:19Ça, c'est des mots.
10:21Il y a un documentaire,
10:23j'avais dit,
10:25j'ai raconté le mot,
10:27le mot d'enfer, c'est moi,
10:29le mot salut, c'est l'autre.
10:31Et ça aussi, il y a aussi...
10:33Tout est tellement insupportable,
10:35il n'y a que dans l'ordre qu'on trouve
10:37quelque chose qui est assez fort,
10:39assez puissant,
10:41assez bon pour la société.
10:43Et j'utilise souvent le mot solidarité,
10:45tout ça, c'est une mélange.
10:47Pour moi, parfois,
10:49le paradoxe de la sexualité et du sexe,
10:51c'est que ça a rien à voir avec tout ça.
10:53Je parle de solidarité, je parle de proximité,
10:55je parle de...
10:57C'est...
11:01C'est rencontrer l'autre.
11:03C'est plus qu'une rencontre, quand même.
11:05Oui, plus qu'une rencontre.
11:07Mais c'est sûrement aussi,
11:09la nuit,
11:11c'est un par hasard,
11:13la nuit, c'est quand même ce moment
11:15où il n'y a plus...
11:17Vous pourriez mieux en profiter,
11:19mais il n'y a plus de limite,
11:21il n'y a plus de barrière,
11:23il n'y a plus de...
11:25L'autre, quand il est là,
11:27il est là.
11:29Et là, il s'étend,
11:31j'ai vécu,
11:33dans ma propre vie,
11:35dans la nuit,
11:37parce que c'était la vérité,
11:39c'était la nuit.
11:41Voilà.
11:43La vraie vie.
11:45La vraie vie.
11:47Pour vous, c'est la vraie vie.
11:49C'est une question de vérité.
11:51Et je ne suis pas en train d'idéaliser.
11:53Non, non, vous êtes...
11:55Parce qu'à un moment,
11:57on m'a reproché de la perdition,
11:59je n'ai pas menti,
12:01je me suis débarrassé,
12:03j'ai sûrement eu une part de bromantisme,
12:05mais je me suis débarrassé très vite.
12:07J'ai conscience de tout ça,
12:09et en même temps, pour moi, la vraie vie,
12:11elle est la nuit.
12:13Ce n'est pas le temps de jour.
12:15Après, ça m'aide rien, j'ai eu longtemps
12:17à être plus...
12:19à me forcer à être plus...
12:21je ne suis tellement pas habitué à ça,
12:23que je ne connais pas le mot,
12:25à être...
12:27J'essaie de comprendre les gens du jour.
12:29J'essaie de ne pas les condamner,
12:31de ne pas les...
12:33C'est un peu les années,
12:35et bien sûr, j'ai conscience
12:37que même un petit monsieur
12:39qui est fonctionnaire, qui va très...
12:41J'ai conscience de la douleur
12:43qu'il peut avoir là-dedans, de la conscience,
12:45de tout ça. Mais voilà,
12:47pour moi, ce n'est pas la vraie vie.
12:49C'est une vraie douleur, ce n'est pas la vraie vie.
12:51Si il y a désir, mais qu'il n'y a pas la peur en même temps,
12:53ça devient...
12:55ça devient le rire
12:57pornographique, au niveau des dessins.
12:59Vous retournez le propos
13:01où la peur,
13:03c'est souvent le désir ?
13:05Oui.
13:07Après, enfin...
13:09Pardon, c'était pas...
13:11C'est pourtant, voilà,
13:13bien sûr,
13:15tout est lié,
13:17j'ai conscience,
13:19je m'attisais beaucoup,
13:21mais...
13:23effectivement, le prix à payer,
13:25c'est aller là où...
13:29là où...
13:31on ne peut pas aller, peut-être.
13:33C'est une autre portrait
13:35de quelqu'un qui fait de la photographie.
13:37Vous êtes blanc, vous êtes
13:39d'une bras comme ça. Moi, je pense à
13:41Mont-Antoine entre un bateau,
13:43avec ce petit héros fascinant,
13:45et vous êtes édicté. Il y a quelque chose
13:47de très impressionnant dans cette image.
13:49Elle est devenue un peu...
13:53Ce qui est étrange, c'est qu'en fait,
13:55entre l'année où j'ai fait le choix
13:57d'apprendre la photographie,
13:59et j'étais pas photographe,
14:01j'ai fait l'école de photographe,
14:03et on m'a pris un peu comme une experimentation
14:05sociale. Il y avait quelqu'un
14:07qui avait 10 ans
14:09d'expérience de vie, mais qui n'avait jamais
14:11fait de photo, et ils m'ont mis dans le jeu de photographe
14:13pour voir ce qui se passait, parce que j'avais cette envie-là.
14:15Et donc, il y a eu cette année-là,
14:17après une année
14:19dans l'hôpital, j'ai fait des images,
14:21et après,
14:23je parle de détails, mais la vie a fait
14:25que j'ai dû arrêter pendant 3-4 ans,
14:27pour faire des images.
14:29J'ai eu
14:31deux de mes premières filles pendant cette année-là,
14:33et je me suis retrouvé maçon à Marseille,
14:35donc pour la première fois, je suis revenu à Marseille
14:37après deux années de voyage,
14:39et on travaillait comme maçon,
14:41et...
14:43et pendant 4 ans,
14:45je n'ai pas fait d'images,
14:47et j'ai travaillé.
14:49Je n'ai pas fait que travailler,
14:51mais j'ai travaillé,
14:53et donc cette image, en fait, c'est sur un chantier.
14:55C'est là ?
14:57Oui.
14:59Il n'y a rien avant, il n'y a rien après.
15:03C'est vraiment une image unique,
15:05faite avec le Polaroid d'un monsieur
15:07qui était sur un chantier,
15:09et je venais de finir le plafond, et j'ai fait une photo,
15:11et j'ai mis l'appareil,
15:13mon ordinateur, et je me suis mis après le plafond,
15:15et voilà, c'est une image qui est toute seule,
15:17dans un espace de 4D,
15:19et du coup, je pense qu'elle est pleine de désespoir,
15:21de tout ce que j'avais...
15:23Parce que d'un point de vue,
15:25ce n'était même plus le moment,
15:27je pensais avoir perdu toute possibilité
15:29de contrôle sur ma propre existence.
15:33Quand il y a...
15:35C'est pour ça que je disais geste,
15:37quand il y a une photographie qui est faite à ce moment-là...
15:39Pourquoi elle est faite à ce moment-là ?
15:41Parce que...
15:43Continuer à faire ce geste-là,
15:45en particulier ce geste-là,
15:47qui était concentré,
15:49pour moi,
15:51injection, contamination,
15:53sortion, absorption,
15:55c'est fondamental,
15:57dans ma manière de comprendre,
15:59donc ce geste-là était fondamental,
16:01sauf que,
16:03à force d'avoir la même personne que je photographiais,
16:05de moi,
16:07c'était plus possible.
16:09Et donc ça fait plusieurs années que je ne photographie
16:11plus ce geste-là.
16:13Et donc j'ai essayé d'arrêter,
16:15parce que ça n'a plus de sens.
16:17Le but n'est pas de photographier,
16:19le but c'est qu'est-ce que je dois faire maintenant
16:21pour vivre la manière la plus juste...
16:25possible.
16:27Il y a quand même toujours la photographie.
16:29Mais c'est pour ça que je disais...
16:31Ça pourrait être vécu sans photographie,
16:33ça l'est par la photographie,
16:35je disais que c'est jamais pur en fait.
16:37On est toujours soit un peu trop photographe,
16:39soit un peu trop...
16:41dans la vie,
16:43soit on abîme la photographie
16:45parce qu'on est trop...
16:47Ce qui m'arrive souvent,
16:49c'est que la photographie n'a plus
16:51aucune importance,
16:53soit on est trop photographe,
16:55du coup on ment,
16:57on n'est pas aussi...
16:59Et donc,
17:01c'est minime,
17:03on ne peut pas faire ce geste-là parce qu'on sait qu'un appareil...
17:05Comment faire pour oublier
17:07tellement qu'il y a l'appareil ?
17:09Donc, c'est de se poser des questions qui font que
17:11on est le plus pur possible dans notre vie,
17:13c'est le plus pur.
17:17Dès le départ,
17:19quand je commençais
17:21à bâtir ces préceptes,
17:23de voir exactement quoi faire,
17:25ce n'est pas tenable,
17:27on ne peut pas...
17:29Dès le départ, ce n'était pas possible
17:31de vivre et de raconter
17:33d'une manière ou d'une autre
17:35qu'est-ce que...
17:37Et ne pas le raconter,
17:39pour les confronter à un renoncement,
17:41enfin, à le vivre d'un autre bout.
17:43Dans les faits, c'est mourir
17:45d'un mot d'ordre,
17:47et dès le départ, c'est
17:49renoncer à poser ça
17:51au monde comme une position impossible.
17:53Et donc, il n'y a pas de solution.
17:55Donc déjà, dès le départ,
17:57idéologiquement, ce n'était pas possible.
17:59C'est,
18:01de manière honnête,
18:03essayer de démonter,
18:07de ne pas renoncer aux gestes,
18:09et de ne pas renoncer à...
18:11C'est une morale ?
18:13Non, c'est...
18:15Si, tu dis, c'est pas bien.
18:17C'est juste, c'est pas juste.
18:19Je ne sais pas si je suis moraliste,
18:21mais en tout cas,
18:23il y a un moral pour moi,
18:25c'est une très...
18:27Et donc,
18:29j'essaie d'avoir le rapport,
18:31je disais tout à l'heure,
18:33le plus simple possible
18:35à technologiste,
18:37c'est-à-dire, en fait,
18:39de ne pas m'enfermer,
18:41comme dans nos habitudes,
18:43de style et de langage,
18:45de garder cette expérience
18:47de confrontation au monde
18:49pour moi, c'est essentiel.
18:51Je ne fais pas le tour érythrique,
18:53je ne fais pas le commentaire,
18:55je ne fais pas le direct au monde,
18:57en tout cas au monde.
18:59Et pour ça,
19:01ne pas maîtriser l'appareil,
19:03ça m'aide, en fait.
19:05Ne pas être dans des rapports confortables
19:07avec celui qui est en face, ça m'aide.
19:09Ne pas maîtriser,
19:11être fragile,
19:13mais même, je dirais,
19:15pas seulement technologiquement,
19:17mais même dans mon rapport amoureux,
19:19amical, aux autres,
19:21d'être en plus une fragilité.
19:23Ne pas maîtriser, ne pas savoir.
19:25Cet personnage, je peux toujours,
19:27au contraire, revenir
19:29et se forcer à être en position
19:31de faiblesse.
19:33Parce que c'est là
19:35que je trouve que les choses sont
19:37plus tangibles, sont plus vraies,
19:39sont plus belles.
19:41Pour l'appareil, c'est pareil.
19:43Je change tout le temps.
19:45Ça fait des années que je n'ai pas acheté,
19:47que je n'ai pas d'appareil photo attitré.
19:49Je me fais prêter en fonction des situations,
19:51en fonction des lieux, en fonction des possibilités
19:53des appareils pour me forcer.
19:55Et autant dans la nuit,
19:57il n'y a pas trop de choix.
19:59La stratégie est toujours la même,
20:01c'est-à-dire être personnage à part entière
20:03et vivre de la manière la plus entière possible
20:05autant dans le jour,
20:07parce que, j'espère,
20:09c'est parce que ce n'est pas encore fini,
20:11mais que si...
20:13on voit un peu mes images,
20:15on se rend compte qu'il y a mille styles différents,
20:17styles ou approches.
20:19C'est possible une éthique,
20:21c'est possible inventer,
20:23c'est possible...
20:25Je peux faire ça comme ça.
20:27C'est la beauté pour moi,
20:29que ce soit à la guerre,
20:31que ce soit dans une ville minérale,
20:33que l'engagement soit généré
20:35par une certaine vérité.
20:37En fait, c'est tous les appareils possibles,
20:39toutes les techniques possibles.
20:41J'ai quatre filles aujourd'hui.
20:43Ce sont mes deux premières filles
20:45qui sont nées une année à l'intervalle.
20:47En fait, ce que j'ai fait,
20:49c'est que je continue de le vivre depuis,
20:51avec toutes les quatre.
20:53C'est-à-dire qu'à taux horizon,
20:55je n'ai pas voulu sacrifier
20:57tout ce que j'ai essayé de construire
20:59ou de détruire
21:01dans l'existence.
21:03Je n'ai pas voulu le sacrifier
21:05avec vie normale.
21:07J'ai passé ces 27, 28 dernières années
21:09à tenter de leur expliquer ça.
21:11On est très proches.
21:13On en parle.
21:15Je n'ai pas voulu
21:17me changer pour elles.
21:19Je n'ai pas voulu...
21:21Donc, voilà.
21:23En même temps,
21:25on est très proches.
21:27À la fois, j'ai une position
21:29qui est escalée.
21:31Elles savent tout.
21:33Depuis tout à l'heure,
21:35elles se sont expliquées au fur et à mesure
21:37ce que je faisais.
21:39Elles ne vont pas voir les images.
21:41Je trouve qu'on s'entend bien.
21:45La question qui me fait mal,
21:47c'est que je ne sais pas
21:49ce que j'espère pour elles.
21:51Est-ce que pour elles,
21:53je leur souhaite une vie
21:55d'aventure et de douleur
21:57et de folie ?
21:59Ou est-ce que je leur souhaite être paisible ?
22:01Ce n'est pas mon souci.
22:03Je suis là comme je peux
22:05avec elles.
22:07Je les appuie dans ce qu'elles aiment le faire.
22:09J'essaie de faire
22:11pour qu'elles ne s'abîment pas.
22:13Ce n'est pas parfait.
22:15C'est ce qu'on veut.
22:17Merci.