Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent des sujets d'actualité avec le politologue Jérôme Fourquet.
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00:00PUNCHLINE, 18h-19h, Laurence Ferrari sur CNews et Europe 1.
00:1418h39, on se retrouve en direct dans PUNCHLINE, CNews et Europe 1.
00:18Jérôme Fourquet nous a rejoint, politologue. Bonsoir à vous.
00:20Bonsoir.
00:20Merci d'être là. Éric Revelle, Louis de Rugnell, évidemment sont à nos côtés.
00:24On va parler de cette situation politique inédite.
00:26Vous dites qu'on vit un moment d'accélération
00:28qui n'a pas été connu depuis des dizaines d'années,
00:30dû à la décision du président Macron de dissoudre.
00:33Un président qui, aujourd'hui, nous parle de guerre civile.
00:36Jérôme Fourquet, qu'est-ce que vous en dites ?
00:38Alors, sur l'accélération, ça n'a échappé à personne.
00:41On voit comment l'après-macronisme,
00:44qui était promis pour les prochaines années,
00:47dans la perspective des présidentielles,
00:49a commencé dès 20h30, il y a une dizaine de jours maintenant,
00:53quand le président a appuyé sur le bouton de la dissolution.
00:56On voit ce qui se passe à droite,
00:58avec le délitement de ce qui restait des Républicains,
01:02la gauche qui se recompose,
01:04et donc ce gros phénomène de chaos dans le paysage électoral,
01:08qui a commencé en 2017 avec le surgissement d'Emmanuel Macron,
01:11rentre aujourd'hui dans une nouvelle phase.
01:13Et donc ça part un petit peu dans tous les sens,
01:16avec un élément constant quand même,
01:18qui est la montée du RN.
01:20Face à ce chaos qui a été généré,
01:24la stratégie présidentielle est toujours la même,
01:28comme en 2017, comme en 2022,
01:31c'est justement de se poser en rempart
01:34des institutions de la démocratie et de la République,
01:37face, alors historiquement c'était les extrêmes,
01:40le chaos, les irrationnels,
01:43et désormais c'est face aux risques de guerre civile,
01:46qui poindraient si le RN ou la FI
01:52venait à accéder aux responsabilités
01:54de par un certain nombre de mesures
01:56qui sont contenues dans les programmes.
01:58Mais c'est une course à l'abîme, Jérôme Fourquet,
02:00bien enclenchée par Emmanuel Macron.
02:02On a ce sentiment,
02:04et le président de la République n'est pas commentateur,
02:07il est quand même président de la République,
02:09et donc quand on annonce qu'il y a des risques
02:11de guerre civile dans un pays,
02:13et que vous êtes président de la République,
02:15c'est pas nôtre.
02:16Rappelez-vous un de ses mentors,
02:19qui était l'ancien ministre de l'Intérieur,
02:22Gérard Collomb, qui avait parlé des fameuses
02:25deux Frances qui vivaient côte à côte
02:27et qui demain, craignaient-ils, seraient face à face,
02:30quelque part Emmanuel Macron s'inscrit dans ce schéma-là.
02:34Le président fait cette sortie au moment même
02:37où les troubles sont en train de reprendre
02:40en Nouvelle-Calédonie,
02:42où là, nous sommes réellement dans une situation
02:45de guerre civile avec deux blocs
02:47qui s'affrontent quasiment les armes à la main.
02:50Et donc c'est très déstabilisant,
02:52c'est-à-dire qu'on n'est plus uniquement
02:53dans des figures de rhétorique,
02:54mais on va très loin,
02:56et tout ça alimente aussi l'inquiétude
02:58chez certains Français que,
02:59quelle que soit l'issue du scrutin,
03:01il y ait des mobilisations,
03:04voire des violences,
03:05d'un camp ou d'un autre, dans la rue.
03:08Et le président semble accréditer
03:10cette hypothèse qui est pour le coup très anxiogène.
03:12Absolument.
03:13Il semble l'accréditer.
03:14C'est même lui qui la pose, cette hypothèse.
03:16Parce que jusqu'à aujourd'hui,
03:18il n'y avait pas de responsable politique
03:19qui expliquait qu'il y avait,
03:20de manière formelle et documentée,
03:22un risque de guerre civile.
03:24Et la question que je voulais vous poser,
03:26c'est est-ce que ça produit encore un effet
03:28de faire ce genre de choses ?
03:30Parce qu'on a l'impression,
03:31quand on écoute beaucoup de Français,
03:33plus personne n'est dupe,
03:35on n'y croit plus,
03:36et puis de toute façon,
03:37on a déjà fait notre choix.
03:38C'est ce que disent beaucoup de gens.
03:39Jean-Luc Bourguet.
03:40Alors, ce n'est pas évident que cela produise
03:42un effet sur les intentions de vote
03:44ou les choix électoraux.
03:45En revanche, tout ça contribue
03:47à alimenter un bruit de fond
03:49dans la société
03:51et rajoute de l'anxiété.
03:52C'est-à-dire que vous n'avez pas forcément
03:54recalibré votre vote
03:55en fonction de ce que le président indique.
03:57Mais encore une fois,
03:58que le président lui-même
03:59parle de risque de guerre civile,
04:01si les deux forces qui sont en dynamique
04:04venaient à accéder au pouvoir,
04:06tout ça ne peut pas être neutre
04:09dans le contexte actuel.
04:11Il y a aussi la montée du vote
04:13en faveur du RN,
04:14que vous notez depuis plusieurs années,
04:16et évidemment pas seulement cette année.
04:17On va écouter quelques réactions de Français
04:19dans un petit village des Alpes-Maritimes,
04:21vraiment pas une zone urbaine,
04:23une zone rurale.
04:24Ils expliquent pourquoi, petit à petit,
04:25ils ont décidé de voter RN.
04:27Écoutez-les.
04:28Je crois que les gens,
04:29il faut bien qu'ils réalisent
04:30que tous les gens qui votent RN,
04:31ce ne sont pas des fachos, des nazis.
04:34Loin de là, au contraire.
04:35Loin de là.
04:36On vote tranquille.
04:37On ne veut surtout pas se trouver un truc
04:40ou avoir une dictature,
04:42qu'on nous dise où aller,
04:43quand il faut y aller, comment faire.
04:45Ce n'est surtout pas ce qu'on veut.
04:47On veut juste être tranquille.
04:48Je pense que,
04:50dans l'esprit de beaucoup de gens,
04:51et je le pense aussi,
04:52le RN, actuellement,
04:53est un parti démocratique
04:55et peut-être l'un des plus démocratiques
04:57sur le cycle politique.
04:58Le RN a changé
04:59de l'époque de Jean-Marie Lefebvre
05:01à aujourd'hui.
05:02C'est un changement, quand même.
05:04On n'est plus sur la même voie politique
05:07que Jean-Marie.
05:08Jean-Marie, au début, me faisait peur,
05:09je vous le dis honnêtement.
05:10Là, c'est différent.
05:12On n'a jamais essayé,
05:13donc, après tout, pourquoi pas ?
05:16Il faut essayer.
05:17Si on n'essaie pas,
05:18si on reste buté, entêté,
05:20on peut perdre notre liberté.
05:23Tout simplement.
05:24Je suis très frappée, Jérôme Fouquet,
05:25parce qu'elle a dit
05:26à la première intervenante
05:27qu'on veut être tranquille.
05:29C'est une des clés du vote RN ?
05:30Alors, bien sûr,
05:31il manque juste un ingrédient
05:33dans les verbatims.
05:35C'est la question du déclassement économique et social
05:37et du pouvoir d'achat.
05:38Sinon, il y avait tout dans ce reportage.
05:41D'abord, quand même,
05:42le carburant historique
05:43de la montée du vote FN puis RN.
05:46Rappelez-vous,
05:47la première percée au niveau national,
05:48c'est les Européennes de 84.
05:50Ça fait 40 ans.
05:51À l'époque, on se dit,
05:52est-ce que c'est un feu de paille,
05:53un mouvement néopoujadiste ou autre ?
05:55Bon, maintenant, on a la réponse.
05:56Le carburant essentiel,
05:57c'est quand même la question de l'insécurité
05:59en lien, pour beaucoup de ces électeurs,
06:01notamment avec la question de l'immigration.
06:03Et donc, ce que j'essayais de documenter
06:05dans mes livres,
06:06on voit, et ça fait écho au plateau précédent,
06:09le nombre d'incarcérations,
06:11les refus d'obtempérer,
06:13le développement des incivilités
06:16ou des agressions vis-à-vis des pompiers,
06:18des élus locaux,
06:19des médecins, des pharmaciens,
06:22des conducteurs de bus.
06:23Tout ça crée une dynamique
06:25qui est très profonde
06:26et qui nourrit le fait
06:30que beaucoup d'électeurs,
06:31aujourd'hui, aspirent à une forme de tranquillité
06:34dans leur vie quotidienne.
06:35C'est de mon point de vue,
06:37et ce n'est pas anecdotique,
06:38que ce soit une femme qui l'ait dit.
06:41On a vu comment, aux dernières élections européennes,
06:44le vote Bardella avait gagné 13 points
06:46dans l'électorat féminin,
06:473 points seulement chez les hommes.
06:48Et à lui seul, ce gain dans l'électorat féminin
06:51explique quasiment la totalité de la poussée
06:53au niveau national.
06:55Et une des hypothèses,
06:56c'est que face au développement de l'insécurité,
06:59ce sentiment de ne plus être sécure
07:05de pouvoir se faire agresser,
07:06soi-même ou ses enfants,
07:08on voit encore au plateau précédent
07:10sur les agressions de mineurs,
07:12a dopé le vote RN
07:14dans cette partie de la population,
07:16qui est l'électorat féminin,
07:18et plus généralement dans l'ensemble du pays.
07:21Avec, dans ce type de petits villages
07:23ou des villes moyennes,
07:25si vous prenez les communes rurales
07:26ou les villes de moins de 20 000 habitants,
07:28le tarif, c'est 40 %,
07:30pour l'Alice Bardella, seule.
07:32Vous n'êtes pas en alliance.
07:33Et quand vous faites 40 %,
07:34on le voit dans ce reportage,
07:35à la machine, un café au bureau,
07:37à l'atelier, à l'usine,
07:39au café, devant l'école,
07:42quand on va chercher les enfants,
07:43quand on attend les enfants,
07:44en famille, dans les vestiaires du club de foot,
07:47les discussions qui tournent sont les vôtres.
07:50Et donc, le sens commun, l'imaginaire,
07:52tout ça est imprégné.
07:53Et donc, ça fait très longtemps
07:55que tout ça monte et que tout ça mijote.
07:58Et donc, on a aujourd'hui les résultats
08:01avec un autre ingrédient
08:03qui a été rappelé aussi dans votre reportage.
08:06On pourrait dire, là,
08:07on était du côté de la demande sociale.
08:09Et puis, il y a aussi l'offre politique
08:11avec l'aboutissement, sans doute,
08:12de la stratégie de dédiabolisation
08:14puis de bananisation
08:16entamée depuis plus de dix ans maintenant
08:18par Marine Le Pen
08:19et qui porte ses fruits,
08:20c'est-à-dire qu'il y a des verrous
08:21qui sont tombés,
08:22des gens qui n'auraient jamais voté
08:23pour le Front national de Jean-Marie Le Pen,
08:25mais qui considèrent que
08:27le Parti Rassemblement national,
08:28aujourd'hui, est le plus démocratique qu'il soit.
08:30Regardez ce qui s'est passé aussi,
08:32c'est quelque chose d'assez stupéfiant
08:34sur la question de l'antisémitisme
08:37et dans l'électorat juif
08:39où, par rapport à 1990,
08:41la grande manifestation
08:42après la profanation du cimetière juif de Carpentras,
08:45c'est Jean-Marie Le Pen et le FN
08:46qui sont traités en paria.
08:48Et aujourd'hui, après le 7 octobre,
08:50Marine Le Pen et ses lieutenants
08:51défilent dans la grande manifestation
08:53contre l'antisémitisme
08:54et c'est la France insoumise désormais
08:56qui est mise au banc de l'arc républicain.
08:59Et tout ça se plaigne,
09:00j'allais dire,
09:01ensuite, dans les urnes,
09:02avec cette progression spectaculaire.
09:04Une question d'Eric Rebel.
09:05Moi, j'ai été très frappé
09:06dans les témoignages qu'on vient d'entendre
09:08qui façonnent deux arguments, à mon avis.
09:10Le rejet des élites
09:12et puis, on a tout essayé.
09:14Vous avez conceptualisé l'archipélisation
09:16de la société française.
09:18Je suis très frappé par le rejet des élites.
09:20C'est à la fois,
09:21ils nous prennent pour des bonnets,
09:22les parisiens,
09:24intellectuels, culturaux,
09:26on serait des bêtes de somme, en quelque sorte,
09:28à voter Rennes.
09:29Et puis, l'échec des élites
09:30a changé la vie quotidienne.
09:32Plus, on a tout essayé.
09:34Donc, pourquoi pas essayer
09:36le Rassemblement national ?
09:37De ces deux arguments,
09:38quel est celui qui a le plus de poids pour vous ?
09:40Je veux dire, les deux, mon général.
09:42C'est-à-dire que c'est un carburant très puissant.
09:46Cette idée de déconnexion
09:48se voit dans les chiffres
09:50et dans les cartes.
09:52Quand Jordan Bardella fait 31,5 %
09:55au niveau national,
09:57le score à Paris-Intramuros, c'est 8,5 %.
10:00C'est comme Trump,
10:02il fait 7,5 % à Washington, D.C.,
10:04quand toute une partie de l'Amérique profonde
10:06vote massivement pour lui.
10:08Et ça, c'est une première dans notre histoire.
10:10C'est-à-dire qu'on est en train de comparer,
10:12on rappelle le Front populaire,
10:14on parle aussi d'alternance politique.
10:16Prenons la comparaison avec le 10 mai 81.
10:18Le 10 mai 81,
10:20Valéry Giscard d'Estaing est battu,
10:2249 %,
10:23mais à Paris-Intramuros, il fait 53 % des voix.
10:25Donc, Paris est un peu à l'inverse,
10:27mais c'est une différence de degrés.
10:29Il y a trois points d'écart avec le national.
10:31Et donc, il n'y a pas de stupéfaction
10:33dans la population parisienne.
10:35Là, ce que vous disiez tout à l'heure,
10:37parmi les leaders d'opinion, les médias,
10:39c'est pas que ce milieu-là,
10:41c'est tout leur environnement de proximité,
10:43de la ville entière, la capitale,
10:45qui est dans un autre espace-temps,
10:47dans un autre référentiel
10:49que la population nationale.
10:51Donc, tout ça joue très fortement.
10:53Regardez, par exemple, comment Jordan Bardella
10:55a installé la voiture électrique
10:57au cœur de sa campagne.
10:59On dit, mais quelle idée,
11:01on parle des européennes.
11:03Eh bien, parce qu'il parle à cette France
11:05qui correspond à ce que j'appelle le peuple de la route,
11:07qui est dépendante de la voiture au quotidien.
11:09Il y a plus que 30 % des Parisiens qui ont une voiture,
11:11donc pour eux, c'est pas un sujet qu'on passe à la voiture électrique.
11:13Dernier point,
11:15autre argument qui fait mouche également,
11:17on a tout essayé sauf eux,
11:19et le fait d'avoir tout essayé
11:21ne vous conduit pas forcément à essayer autre chose.
11:23Vous allez essayer autre chose
11:25si vous n'avez pas été convaincu
11:27des différents tests.
11:29Votre quotidien n'a pas changé.
11:31Eh bien, donc, on a fait la gauche, on a fait la droite,
11:33on a fait le en même temps,
11:35et beaucoup de Français, notamment dans ces milieux,
11:37considèrent que leur sort
11:39n'a pas suffisamment bougé.
11:41Ils se disent, pourquoi pas tenter
11:43le Rassemblement national,
11:45d'autant plus que le visage qui est aujourd'hui présenté
11:47par cette formation politique
11:49est plus respectable.
11:51De ce point de vue-là, le contraste saisissant
11:53entre l'agite propre menée
11:55quotidiennement quasiment à l'Assemblée nationale
11:57par les Insoumis, et ce qu'on a appelé
11:59la stratégie de la cravate qui a été suivie
12:01par les élus du Rassemblement national
12:03à l'Assemblée nationale, font tomber
12:05là aussi quelques barrières auprès des lecteurs
12:07qui se disent, notre situation n'a pas fondamentalement
12:09évolué. Eux, on ne les a pas essayés,
12:11ils ont l'air sérieux, ils ont 88 députés,
12:13et rappelons-nous aussi
12:15qu'un des arguments massifs
12:17pour Emmanuel Macron, c'était la compétence supposée
12:19en matière économique. Donc il y a eu des résultats
12:21sur le front du chômage, mais sur
12:23le front de la dette publique,
12:25on a 1000 milliards de dettes supplémentaires,
12:27et donc cet argument n'est plus valide pour beaucoup d'électeurs.
12:29Jérôme Fourquet, une question sur cette colère
12:31des Français, parce qu'elle est là, elle est présente,
12:33aujourd'hui elle se traduit par un vote RN,
12:35mais elle ne va pas disparaître,
12:37cette colère-là ?
12:39S'il y a un échec de cette politique-là,
12:41ça peut se traduire en quoi ? En crise politique ?
12:43En violence ?
12:45Ou en dépression très profonde ?
12:47Ou éventuellement
12:49en mouvements éruptifs type
12:51Gilets jaunes ?
12:53C'était d'ailleurs ce qui m'inquiétait beaucoup,
12:55mais on a parlé tout à l'heure d'accélération du temps politique,
12:57je me plaçais plutôt dans l'hypothèse
12:59d'une victoire éventuelle de Marine Le Pen
13:01en 2027.
13:03On a le cycle électoral
13:05complet, et donc que se passe-t-il si
13:07jamais Marine Le Pen est élue,
13:09et qu'elle ne donnait pas satisfaction
13:11à tous ces électeurs qui ont voté pour elle,
13:13pour le changement, et qui seraient
13:15une nouvelle fois déçus ? Peut-être que
13:17ce moment-là va arriver
13:19plutôt que ce qu'on
13:21avait anticipé, si d'aventure
13:23le RN dispose d'une majorité
13:25absolue à l'Assemblée nationale.
13:27Il y a à la fois
13:29un carburant très dégagiste,
13:31beaucoup de ces électeurs populaires
13:33veulent, entre guillemets, se payer Macron.
13:35C'est très bien raconté dans un
13:37article du Monde
13:39sur la ville de Boulogne-sur-Mer.
13:41Beaucoup de marins pêcheurs, d'ouvriers
13:43du port témoignent en disant
13:45qu'on retrouve un peu
13:47le sentiment de vengeance qu'il y avait au moment
13:49de la crise des Gilets jaunes. Et puis il y a cet espoir
13:51que leurs conditions
13:53vont aussi s'améliorer, notamment sur la fiche de paye.
13:55Et donc là,
13:57on a un vrai sujet démocratique, c'est-à-dire
13:59que si la formation politique
14:01qui était portée par un grand espoir
14:03compte tenu des marges de manœuvre
14:05économiques qui sont les nôtres, ne pouvait pas
14:07quelque part apporter
14:09satisfaction à sa base électorale,
14:11alors, comme on a dit
14:13tout à l'heure, on aurait tout essayé. Là, on aurait
14:15vraiment tout essayé, c'est-à-dire même
14:17le Rassemblement national. Et que resterait-il
14:19si
14:21la situation de ces personnes
14:23ne s'améliorait pas ? Dans nos enquêtes,
14:25parmi les ouvriers qui envisagent
14:27d'aller voter, 60 %
14:29d'entre eux envisagent de voter
14:31pour les candidats du Rassemblement national.
14:33Jamais l'EPC, même
14:35à sa grande époque, n'a fait 60 %
14:37dans la classe ouvrière. Donc là,
14:39il y a une attente immense, et c'est sans doute
14:41aussi ça qui
14:43nourrit un sentiment de vertige.
14:45On ressent bien chez
14:47Jordan Bardella ou dans l'état-major du Rassemblement
14:49national, c'est-à-dire, on n'était pas
14:51complètement prêts, mais il y a une attente
14:53immense qui est mise sur
14:55nos épaules, et est-ce qu'on va être à la hauteur ?
14:57Et est-ce qu'on va pouvoir calmer cette
14:59colère ? Louis de Rignel, une question ?
15:01Oui, vous l'avez un peu évoqué à l'instant, c'est la question
15:03du rejet de la figure d'Emmanuel Macron.
15:05Aujourd'hui, vous, dans les enquêtes que
15:07vous faites, qu'est-ce qui ressort de
15:09l'exaspération ? Parce qu'on le voit bien dans
15:11tous les reportages, les gens disent qu'on ne veut plus voir
15:13Emmanuel Macron, et même Emmanuel
15:15Macron, selon en tout cas des gens qui
15:17le côtoient ces derniers jours,
15:19commence à comprendre qu'en fait
15:21il y a un problème autour de sa personne. Mais vous,
15:23qu'est-ce que vous observez ? Qu'est-ce qui est
15:25attribué ? Qu'est-ce qui est
15:27contesté ? Qu'est-ce qui exaspère
15:29les Français dans ce qu'a fait Emmanuel Macron ?
15:31Alors, déjà, quelques chiffres en termes
15:33de niveau de popularité. Le baromètre qu'on
15:35réalise à l'IFOP pour le journal du dimanche,
15:37la livraison de dimanche
15:39dernier, on est à l'étiage le plus
15:41bas qu'il ait connu depuis 7 ans, c'est-à-dire le
15:43score qui était le sien en pleine crise des
15:45Gilets jaunes ou en plein conflit des retraites,
15:47avec 43% des Français qui sont
15:49très mécontents de son action. C'est
15:51pas uniquement son action qui est
15:53critiquée ou contestée, c'est aussi sa personne,
15:55son style,
15:57ce à quoi il renvoie. Donc il y a toujours eu, on l'a
15:59vu au moment de la crise des Gilets jaunes, notamment
16:01dans les milieux populaires,
16:03une forme
16:05de haine
16:07ou de, oui,
16:09de colère un peu
16:11instinctive vis-à-vis du premier
16:13de la classe, vis-à-vis du forentem,
16:15vis-à-vis de celui qui parle couramment
16:17l'anglais, vis-à-vis de celui qui a
16:19fait une carrière dans la finance. Mais
16:21tout ça, aujourd'hui,
16:23s'accentue avec le
16:25bilan de sa politique, les décisions
16:27qui ont été prises,
16:29l'exercice du pouvoir qui est
16:31considéré comme étant très jupitérien
16:33et très solitaire. Et donc, moi,
16:35je suis très frappé par le fait qu'on réentende
16:37la même musique qu'on
16:39entendait au plus fort de la crise
16:41des Gilets jaunes. Rappelez-vous
16:43l'incendie de la préfecture
16:45du Puy-en-Velay,
16:47à la suite de laquelle le président
16:49de la République s'était rendu sur place pour
16:51réconforter les agents de la préfecture.
16:53Et quand le cortège présidentiel,
16:55le lendemain ou le surlendemain, était ressorti,
16:57il avait été pris à partie par
16:59des Gilets jaunes qui, face caméra,
17:01avaient dit que s'ils avaient pu stopper le convoi,
17:03ils auraient lynché le président.
17:05Il y a quelques jours,
17:07à l'occasion des obsèques
17:09de François Zardy, donc c'est plutôt
17:11un public pas très Gilets jaunes qui se rend aux obsèques
17:13de François Zardy,
17:15la femme du président de la République,
17:17Mme Macron, a été
17:19huée, a été sifflée, ce qui,
17:21de mémoire, c'est la première fois que
17:23ça se produit. Donc on a ce climat
17:25très éruptif
17:27qui est en train de monter
17:29et donc on revient à ce qu'on disait tout à l'heure,
17:31dans ce cadre-là, agiter le spectre d'une
17:33guerre civile, vous ajoutez que
17:35de la tension à la tension, ce qui est
17:37très mauvais de mon point de vue démocratique.
17:39Merci beaucoup, Jérôme Fourquet, pour cette
17:41analyse de la situation politique inédite
17:43que nous vivons dans notre pays. Merci
17:45Eric Revelle. Louis de Ragnel.