Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités reçoivent Alain Bauer, criminologue et auteur de « Au bout de l'enquête ».
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00:00 Punchline, 18h-19h, Laurence Ferrari sur CNews et Europe 1.
00:05 18h39, on se retrouve en direct dans Punchline sur CNews et sur Europe 1 avec Alain Bauer.
00:09 Bonsoir Alain Bauer.
00:10 Bonsoir, comment allez-vous ?
00:11 Bienvenue, très bien, dans Punchline, ça fait longtemps que vous n'étiez pas venu.
00:14 J'étais beaucoup absent.
00:16 Bon, en tout cas vous avez un nouveau livre et on est très content.
00:18 Au bout de l'enquête, saison 2, les plus grandes affaires criminelles passées au crime avec Marie Drucker,
00:21 aux éditions First.
00:23 On va en parler, mais d'abord l'actualité évidemment, c'est le trafic de drogue, le narcotrafic,
00:27 vous connaissez bien, vous avez été auditionné le 29 janvier avant les magistrats marseillais au Sénat.
00:33 On va revoir ce que vous en pensez, mais j'aimerais qu'on écoute juste le président Macron.
00:37 Il était hier sur place pendant plus de 3 heures.
00:39 Il a tenu un discours très volontaire avant une déambulation de 3 heures.
00:42 Écoutez-le.
00:44 Nous sommes à la bataille et on n'a pas attendu d'ailleurs ces derniers mois.
00:49 Et c'est pour ça que je ne saurais pour ma part céder à aucun discours de défaite.
00:53 La situation, elle est très difficile.
00:54 Elle est très difficile à Marseille, comme dans beaucoup de villes.
00:57 Malheureusement, il y a de plus en plus de villes, y compris de villes moyennes,
01:00 comme elle est d'ailleurs difficile dans beaucoup de villes d'Europe et du monde.
01:05 La drogue est un fléau mondial, le narcotrafic est un fléau qui est croissant.
01:09 Oui, la drogue est notre ennemi, nous l'avons dit dès le début, avec beaucoup de fermeté.
01:13 Et nous ferons tout pour lutter contre avec efficacité.
01:16 Est-ce qu'il y a là la volonté politique que vous réclamiez fin janvier devant les sénateurs, Alain Bauer ?
01:21 Comme toujours, la police est deux sujets, l'opérationnel et la communication.
01:25 Côté communication, tout va bien, la vie est belle et on est passé à un autre niveau de communication.
01:31 Du point de vue opérationnel, il y a toujours un sujet qui est très français
01:34 entre l'opération coup de poing, qu'on appelait dans le temps,
01:38 ou je ne sais plus comment ça s'appelle, XXL désormais.
01:41 PlaceNet XXL.
01:42 Voilà, PlaceNet, qui est à peu près la même chose.
01:44 Alors l'opération coup de poing, ça date de la fin des années 70.
01:47 L'opération PlaceNet date du début des années 2020, au milieu des années 2020.
01:52 Mais en fait, c'est toujours la même chose.
01:54 La question de ces opérations, c'est qu'elles ont une durée limitée, dans un espace limité,
01:59 et que tant qu'il n'y a pas de saturation du terrain,
02:01 c'est-à-dire une occupation longue, lente et minutieuse de reconquête territoriale,
02:07 quelques heures, quelques minutes après le départ des forces largement engagées dans ces opérations,
02:15 qui ont une efficacité relative de saisie, de perquisition, de disruption,
02:21 tout recommence comme avant.
02:22 Et si vous envoyez, je pense, des reporters sur place,
02:26 ou si vous regardez ce que les habitants filment eux-mêmes depuis hier soir,
02:29 on se rend compte que dans la quasi-totalité des espaces "libérés",
02:35 ils ont été reconquis ou réoccupés.
02:38 Et c'est le problème qui est la durée, la durabilité de ce type d'opération
02:42 qui n'est pas aujourd'hui pensée comme autre chose qu'un coup de poing ou une opération limitée dans le temps.
02:48 Il faut passer de ce point de vue-là du CDD au CDI,
02:51 c'est-à-dire une saturation longue du terrain,
02:53 il faut entre trois semaines et un mois pour reconquérir un territoire gangréné par la drogue,
02:58 c'est-à-dire entre trois semaines et un mois pour assécher le trafic,
03:01 les moyens du trafic et détourner le consommateur.
03:05 Aujourd'hui, on fait une erreur parce qu'on pense producteur,
03:08 on pense distributeur et peu consommateur.
03:10 C'est un sujet pourtant essentiel,
03:12 s'il n'y a pas de consommateur, il n'y a pas de distribution.
03:15 Alors justement, on a entendu Éric Dupont-Moretti dire
03:18 qu'il fallait absolument taper sur les consommateurs,
03:20 que "fumer un joint", ce sont ses mots,
03:22 le samedi soir, c'est oublier que c'est une trace de sang sur le trottoir.
03:26 Est-ce que c'est avec des clichés comme ça qu'on va faire reculer la consommation de drogue dans notre monde ?
03:30 Il vaut mieux qu'ils disent ça que l'inverse.
03:32 Donc c'est déjà de ce point de vue-là un progrès philosophico-conceptuel,
03:36 c'est plutôt une bonne idée.
03:38 La question c'est comment le traiter.
03:40 Alors moi, pas plus que je pense qu'il ne faut punir les parents
03:43 qui sont plus souvent licenciés que démissionnaires,
03:47 je ne pense qu'il ne faut punir les consommateurs qui sont d'abord des malades.
03:50 Il y a une vraie difficulté depuis la loi de 70 en France,
03:53 qui est un texte qui nous a été imposé par le président Nixon
03:58 parce que la France exportait massivement ces produits stupéfiants aux États-Unis
04:03 et que ça les rendait, à juste titre, extrêmement agacés.
04:06 La loi de 70, elle ne fait pas et elle ne sait pas faire la différence
04:10 entre la lutte contre le deal et la lutte contre la consommation.
04:13 Elle n'arrive pas à traiter de la partie socio-médicale
04:17 qui nécessite de réduire la consommation et le deal.
04:20 Autant on arrive à le faire plus ou moins en matière d'alcool et de tabac,
04:25 même s'il y a des dérivatifs, même s'il y a de la fraude et de la contrefaction,
04:28 et Marseille malheureusement est loin d'être isolée
04:31 comme un havre de paix sur ce secteur-là.
04:33 Tout à Marseille est un problème du point de vue du deal,
04:37 de la contrefaction, de l'occupation illicite,
04:39 du squat, de l'organisation criminelle.
04:40 Depuis 100 ans, c'est quand même le seul espace
04:44 où un kyste criminel s'est enraciné et a pris en otage
04:48 les habitants d'une ville entière depuis Carbone et Spirito.
04:50 Ce n'est pas une nouveauté qu'on ne découvre pas cette semaine,
04:53 cette année, et pas particulièrement de la faute de ce gouvernement.
04:57 Mais la réponse réelle à la problématique du deal à Marseille,
05:02 c'est d'intégrer la dimension où il faut taper en même temps
05:06 et au niveau socio-médical par l'injonction sanitaire
05:10 qui existe dans le code de la santé publique
05:12 et par les opérations pénales.
05:14 Et en fait, on ne tape que d'un seul côté,
05:16 on ne marche que sur une jambe et mécaniquement,
05:18 ça pose un problème parce que ça ne résout rien sur le long terme.
05:22 Très bien. Je voudrais qu'on écoute maintenant
05:24 le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, sur un autre sujet.
05:27 Le commissariat de la Courneuve qui a été attaqué ce week-end
05:30 à coups de coquettes molotovs et de tirs de mortier
05:33 après la mort d'un jeune au Bervilliers, une cité connexe,
05:36 lors d'un refus d'obtempérer.
05:37 Écoutez les mots du préfet de police de Paris, Laurent Nunez.
05:40 J'ai entendu ici ou là des réactions et des commentaires
05:43 qui m'ont un peu indigné.
05:45 Pour certains, qui consistaient à saluer l'action
05:48 qui avait été menée par les émeutiers,
05:51 je trouve ça tout à fait intolérable
05:53 et surtout qu'il ait fait le lien avec le décès d'un jeune homme
05:59 mercredi soir sur la commune d'Aubervilliers,
06:03 qui était un jeune de la Courneuve,
06:04 dans le cadre d'une opération de police.
06:07 Donc ces réactions qui soutenaient les émeutiers d'hier soir
06:11 et qui proviennent évidemment de l'extrême gauche
06:14 sont des réactions qui visent donc finalement à les encourager,
06:18 à les inciter à l'émeute en partant du principe
06:20 que ce qui a eu lieu à Aubervilliers,
06:22 c'est un acte de police volontaire.
06:24 Alors Alain Bauer, là on voit bien comment le préfet de police
06:28 dénonce la France Insoumise en l'occurrence.
06:30 Je crois que c'est M. Poutou plutôt.
06:32 M. Poutou aussi, mais il y a eu un certain nombre
06:34 d'élus de la France Insoumise qui ont brayé.
06:37 Oui, absolument.
06:39 Là, on est face à un recul de l'autorité en réalité partout.
06:42 Alors il y a une problématique, c'est qu'avant,
06:44 les affrontements entre des policiers et des dealers,
06:48 des criminels, des bandes, des groupes, etc.
06:51 se faisaient en général quand la police intervenait
06:52 au mauvais endroit, au mauvais moment,
06:54 pour perturber un processus.
06:56 Et puis ça a beaucoup évolué.
06:57 Et curieusement, pas seulement contre les policiers,
06:59 mais aussi contre les pompiers, par exemple,
07:01 dans des opérations de guet-apens ou d'attaques volontaires
07:05 et coordonnées avec des effectifs de plus en plus importants.
07:08 Ce qui est impressionnant à la Courneuve,
07:10 alors ce n'est pas le premier commissariat,
07:11 il y a depuis une dizaine d'années,
07:14 on doit être hors émeute généralisée au dixième
07:17 commissariat attaqué à coup de mortier,
07:19 voire même une prison une fois.
07:21 C'est l'expansion des groupes organisés,
07:26 notamment par l'usage des réseaux sociaux,
07:28 qui viennent participer à l'attaque à coup de mortier,
07:31 à coup de tout ce qui leur tombe sous la main d'ailleurs,
07:33 en détruisant les véhicules
07:36 ou en tentant de prendre d'assaut le commissariat
07:38 et notamment les armements du commissariat.
07:40 Et ça existe aussi,
07:41 ça a existé aussi au moins une fois dans une gendarmerie.
07:44 Donc il y a une dégradation dans la capacité à l'affrontement
07:47 parce que pour les émeutiers, la police n'est pas la police,
07:50 c'est une autre bande.
07:51 Il y a donc un conflit territorial
07:53 entre ce qu'ils estiment être deux bandes
07:55 et c'est le quartier général de la bande adverse.
07:58 Le vrai sujet, c'est l'organisation volontaire
08:01 qui peut se faire nonobstant un événement tragique
08:04 comme la mort d'un jeune homme ou d'un blessé poursuivi
08:10 ou dans un refus d'obtempérer,
08:11 ce qu'on avait vu à Nanterre,
08:12 qui avait provoqué un cycle d'émeutes massives.
08:15 Mais il y a moins qu'un recul de l'autorité,
08:18 une perte de contrôle territorial,
08:21 connue depuis longtemps, visible depuis longtemps,
08:23 mais sous-estimée pendant très longtemps
08:26 parce que la police qui était passée
08:28 d'une police d'enracinement sur le territoire
08:30 à une police d'intervention,
08:33 pensait qu'elle pouvait toujours aller où elle voulait,
08:35 quand elle voulait,
08:36 et qu'il n'y aurait pas de match retour.
08:38 Là, depuis une dizaine d'années,
08:39 policiers et gendarmes sont en train de se rendre compte
08:41 qu'il n'y a pas de lieu sanctuarisé
08:43 ni d'espace sécurisé pour eux, pour leur famille,
08:48 ce qui est un autre sujet.
08:50 Et on l'a vu dans l'affaire de Magny-en-Ville,
08:51 y compris dans des opérations terroristes
08:53 ciblant un père et une mère de famille
08:55 sous les yeux de leurs assassinés,
08:57 sous les yeux de leurs enfants.
08:58 Ceci modifie considérablement la donne.
09:01 "Force reste à la loi" n'est plus un slogan acceptable,
09:04 ce n'est même plus une injonction,
09:06 c'est juste un sujet de négociation.
09:07 Une question. Jean-Sébastien Ferjou.
09:09 Est-ce que, comme vous êtes criminologue,
09:11 vous étudiez ce qui se fait non seulement en France,
09:13 mais ailleurs ?
09:14 Est-ce qu'il y a des modèles qui ont marché ?
09:15 On a beaucoup parlé à une époque de la théorie
09:18 de la vitre brisée.
09:22 Exactement.
09:23 D'ailleurs, c'est un peu reculé aux États-Unis.
09:24 Qu'est-ce qui marche ?
09:25 Est-ce qu'on a vu ailleurs des États
09:27 qui, confrontés à des situations similaires,
09:29 avaient réussi à reprendre la main ?
09:30 Oui, vous avez d'ailleurs publié chez vous
09:32 un papier de mon collègue Xavier Hoffer
09:35 sur la situation mise en place par le président Boukele,
09:38 qui a, avec des méthodes extraordinairement brutales,
09:42 - Où ça ? - Au Salvador.
09:44 réduit considérablement la criminalité
09:46 en tapant sur l'opérateur le plus intéressant.
09:48 Alors, en matière de drogue, c'est le consommateur.
09:51 En matière criminelle, c'est le criminel lui-même.
09:54 Et avec des méthodes qui ont révulsé
09:56 toutes les âmes charitables qui peuvent exister,
09:59 et n'ont pas toujours tort sur l'ampleur
10:02 des effets collatéraux,
10:04 a réduit considérablement la mortalité
10:06 et la criminalité en ce pays,
10:07 sous les hourras de la population
10:10 qui a choisi, malgré la pression de l'Euréa.
10:11 C'est quelque chose de plus proche, peut-être,
10:13 de ce que dit la France.
10:14 Non, mais vous avez un peu partout un choix
10:16 qui est de considérer que le criminel
10:19 a une excuse pour être criminel
10:20 ou il a une responsabilité d'être criminel.
10:23 C'est un choix philosophique majeur
10:25 dans la production pénale.
10:26 Et la production pénale en France,
10:28 depuis une trentaine d'années,
10:29 elle vise à alternativiser tout.
10:32 C'est-à-dire à dire que, en fait,
10:34 le criminel, par essence,
10:36 est d'abord une victime
10:37 et accessoirement un auteur.
10:40 Et ce problème-là, il a totalement modifié
10:42 la manière dont nous traitons les choses.
10:44 Alors, pas que nous soyons laxistes,
10:45 contrairement à ce que tout le monde raconte,
10:47 mais nous sommes lents.
10:48 C'est-à-dire qu'entre le premier acte
10:52 et le moment où on va en prison,
10:54 eh bien le temps est extraordinairement long.
10:56 Il n'y a pas de rapidité de la décision.
10:58 Pour prendre un exemple,
10:58 je n'ai jamais eu autant de personnes en prison
11:00 pour des peines aussi longues
11:01 et des personnes aussi jeunes.
11:02 Donc, les magistrats ne sont pas laxistes,
11:04 mais ils attendent une, deux, trois, quatre,
11:07 cinq, dix, vingt, trente auditions
11:11 pour tout d'un coup passer à la prison ferme
11:13 et l'appliquer fermement.
11:15 Et c'est ça, notre problème.
11:16 C'est qu'entre rien et trop,
11:17 nous avons un souci d'adaptation
11:19 et de précision dans l'usage des dispositifs.
11:22 Par exemple, les courtes peines.
11:23 Nos amis hollandais, Pays-Bas,
11:26 ont mis en place un dispositif
11:27 où on fait des courtes peines rapides
11:28 pour casser le glissement-vieillesse-technicité
11:31 de la criminalité,
11:31 c'est-à-dire le processus criminel,
11:33 l'échelle de progression.
11:34 Donc, on peut avoir des peines
11:35 de trois, quatre jours de prison ?
11:36 Oui, parce qu'on casse directement le processus,
11:38 on isole, il n'y a plus de téléphone,
11:41 il n'y a plus d'écouteurs,
11:42 il n'y a plus de génération Y, Z
11:44 ou je ne sais pas quoi.
11:45 Et ça a un effet extrêmement rapide
11:48 sur la capacité de désintégration
11:50 du processus criminel,
11:51 comme si tout était autorisé,
11:53 qu'il n'y avait jamais de sanctions
11:55 ou que s'il y en avait une,
11:56 elle arrivait tellement tard
11:58 et tellement loin
11:59 que d'ailleurs, on ne la comprenait pas.
12:00 Voilà, donc on a des exemples
12:02 et moi, je suis très favorable
12:03 aux surmesures en matière criminelle.
12:05 On l'applique sur la quotité de la peine,
12:08 on devrait aussi l'appliquer
12:10 sur la manière dont on accélère
12:12 le processus par l'isolement.
12:15 Et c'est valable pour les injonctions
12:18 sociothérapeutiques
12:19 en matière de consommateurs de stupéfiants
12:21 qui doivent être traités d'abord
12:23 comme des malades et des addictes.
12:25 Mais aussi, ça peut être aussi valable
12:26 pour les primaux opérateurs
12:28 de la criminalité et de la délinquance,
12:30 dont on pourrait casser très rapidement
12:32 le rythme d'entrée
12:33 dans l'espace criminel.
12:34 Et vous voyez d'ailleurs
12:35 assez régulièrement,
12:36 pardon de le dire très vite,
12:37 mais que dès qu'ils sont interpellés,
12:39 notamment des aides mafias
12:41 et Yoda à Marseille,
12:43 ils s'effondrent en interrogatoire,
12:45 découvrant soudain
12:46 ce qu'est la capacité de la police,
12:48 justement, à démanteler
12:49 des réseaux criminels
12:50 quand elle s'en donne la peine.
12:51 Mais elle s'en donne la peine
12:52 pour des choses très importantes
12:53 et très graves et en prenant
12:55 beaucoup de temps d'enquête.
12:56 Et elle a des difficultés
12:58 à agir très vite,
12:59 avec notamment une cohérence
13:00 avec le système judiciaire
13:01 ou ce qu'on appelle
13:02 la procédure pénale.
13:03 Alors oui, c'est une question
13:04 pour revenir un peu
13:06 sur ce que vous avez dit précédemment,
13:07 c'est-à-dire que les opérations
13:09 placenet en réalité
13:10 devraient durer au moins un mois,
13:12 si ce n'est plus,
13:13 pour reconquérir précisément
13:15 les territoires perdus
13:16 ou les territoires conquis.
13:18 Est-ce qu'on a tout simplement
13:19 les moyens matériels ?
13:20 Est-ce que l'État régalé
13:21 aujourd'hui est assez fort pour le faire ?
13:23 Je ne suis pas sûr que l'armée
13:24 soit la bonne solution,
13:25 mais du coup, certains se demandent
13:27 s'il ne faut pas ajouter
13:28 des forces militaires
13:29 aux forces de police.
13:30 Comment on fait concrètement
13:31 pour mobiliser des forces de l'ordre ?
13:34 Un mois, voire plus,
13:35 sur des parties entières
13:36 de territoire.
13:37 Déjà, il y a un problème moral,
13:38 de crise morale, sociale,
13:41 de moyens, vous avez raison,
13:43 d'équipements.
13:44 Qui a jamais visité un commissariat
13:45 et notamment les vestiaires
13:47 du commissariat en sortent
13:48 en se demandant dans quel pays
13:49 on est et dans quel siècle on est.
13:51 Donc, il y a quand même
13:51 une désespérance policière
13:54 qui est considérable
13:54 entre les arrêts maladie,
13:57 les départs à la retraite
13:58 par anticipation,
13:59 le désarroi des policiers,
14:01 plus d'ailleurs des policiers
14:02 que des gendarmes,
14:03 mais c'est le système
14:05 organisationnel qui veut ça.
14:07 On sent bien qu'ils sont
14:08 démoralisés et désespérés.
14:10 Et d'ailleurs,
14:10 ceux que vous invitez ici
14:12 n'ont pas besoin de moi
14:13 pour vous l'exprimer.
14:14 Et c'est encore plus
14:16 violemment exprimé
14:17 ou vertement exprimé
14:18 quand vous allez discuter
14:19 avec des policiers
14:21 directement sur le terrain,
14:23 ce qui m'arrive assez régulièrement.
14:24 Donc, je crois qu'il y a
14:24 un vrai problème qui est celui-là.
14:25 Deuxièmement,
14:26 nous ne manquons pas de moyens.
14:27 Nous manquons d'une volonté cohérente,
14:29 pénalo-policière,
14:31 c'est-à-dire de l'ensemble du discours,
14:32 je ne dis pas chaîne pénale,
14:33 ce n'est pas joli,
14:34 mais procédure pénale
14:35 pour réaliser ce processus
14:37 de saturation territoriale.
14:38 Car quand vous le réalisez
14:39 véritablement, certes,
14:40 il y a des effets dits plumaux,
14:42 c'est-à-dire que d'autres gens
14:43 vont ailleurs et vous voyez
14:44 l'exportation marseillaise
14:45 vers des villes inédites,
14:48 Rennes, Valence,
14:50 des transferts d'intervenants
14:53 pour tenir les points de deal,
14:54 pour éviter une trop grande connaissance
14:56 des services de police.
14:56 Donc, on voit un mouvement
14:58 de rotation très important
15:00 des équipes.
15:01 Mais il y a aussi une difficulté,
15:03 qui est que les policiers,
15:04 pour des raisons,
15:06 les policiers et la police judiciaire
15:07 décident de démanteler les réseaux,
15:08 ce qui est lent,
15:09 et pas d'empêcher le deal
15:11 parce que les gens
15:12 sont remplacés rapidement.
15:12 Mais vous saturez le terrain,
15:14 vous choisissez une logique
15:15 de saturation progressive du terrain,
15:18 que ce soit Marseille, Valence
15:19 ou ailleurs.
15:20 À partir du moment où vous asséchez
15:21 le processus, vous avez un problème,
15:23 qui est qu'est-ce qui remplace
15:25 la ressource financière
15:26 qui fait vivre entre 3 et 500 000
15:28 personnes en France,
15:29 qui permet de payer les loyers,
15:31 qui permet de payer le permis de conduire.
15:32 Quand vous voyez les procès
15:33 et les petits cahiers
15:34 qui sont saisis sur les fours,
15:36 les points de deal,
15:37 vous découvrez avec stupéfaction
15:39 comment sont réinvesties les sommes.
15:41 Tout ne va pas en Ferrari.
15:43 Donc, il y a une vraie dimension
15:44 de réorganisation et de restructuration.
15:46 Une fois qu'on a saturé le terrain,
15:48 il faut l'occuper de manière pérenne.
15:49 C'est assez simple.
15:50 C'est un processus
15:51 relativement militaire de base,
15:53 je dirais.
15:54 Mais la police et la justice
15:56 en ont les moyens.
15:57 Mais la problématique,
15:58 c'est que la réponse
15:59 ne peut pas être seulement la prison.
16:01 Il y a une autre réponse à traiter.
16:04 Et dans certains quartiers,
16:05 vous avez, c'est le cas à Marseille,
16:07 c'est le squat est aussi un élément
16:08 qui doit être pris en considération
16:10 en même temps que...
16:11 - C'est-à-dire ?
16:12 - Vous avez des immeubles
16:13 complets qui sont squatés.
16:14 Vous n'avez pas simplement un ou deux...
16:15 - Les habitants ont été chassés, quasiment.
16:17 - Les habitants ont été chassés.
16:18 Des groupes ont pris le contrôle.
16:20 Voilà, il faut voir "Banlieue 13".
16:22 "Banlieue 13", ce n'est pas un film,
16:23 c'est un documentaire.
16:24 - Absolument.
16:25 En tout cas, merci beaucoup, Alain Bauer,
16:26 de cette analyse fulgurante
16:27 sur l'état de la police et de nos cités.
16:30 "Au bout de l'enquête",
16:30 c'est votre livre, saison 2,
16:31 "Les plus grandes affaires criminelles
16:33 passées au crime".
16:33 Un tout petit mot, mais alors,
16:34 rapide sur l'affaire Émile,
16:35 ce petit garçon qui a disparu
16:38 depuis, je crois, le mois d'octobre,
16:39 c'est bien cela.
16:41 Il y a une nouvelle piste qui mènerait
16:43 du côté de son grand-père,
16:44 très grande prudence.
16:45 - Alors, ce n'est pas une grande piste,
16:46 d'abord parce que tout ça est connu
16:47 depuis longtemps.
16:48 C'est juste qu'il y a un événement judiciaire
16:50 dans une autre affaire
16:51 qui met en cause le grand-père
16:53 pour des sujets qui ne sont d'ailleurs
16:56 pas affinis du point de vue de l'enquête.
16:58 Donc, c'est une sorte d'audition
17:00 en cours de route.
17:00 Et cette piste est connue
17:02 depuis le début, comme beaucoup d'autres.
17:04 - Mais le petit garçon reste introuvable.
17:06 - Le petit garçon reste introuvable,
17:07 comme la jeune fille qui avait disparu
17:10 dans l'Est.
17:11 Vous avez malheureusement
17:12 une succession d'affaires
17:13 extrêmement inquiétantes,
17:15 de ce point de vue-là,
17:16 qui amènent par leur concentration,
17:19 leur nombre et le mystère
17:21 qui les entourent
17:22 à un certain nombre de spéculations diverses,
17:25 parfois des grands mouvements de folie
17:27 dans l'affaire du pont de Ligonnès,
17:28 par exemple,
17:30 où on a aussi les mêmes affaires.
17:32 Tout ça est connu depuis 2012,
17:35 mais de temps en temps,
17:36 une petite reprise technique.
17:38 Après tout, si ceci peut relancer
17:39 le marché de l'édition, pourquoi pas ?
17:40 - Voilà, et donc on recommande votre livre
17:42 au bout de l'enquête saison 2
17:43 aux éditions First.
17:44 Merci Alain Bauer.
17:45 - Merci beaucoup.
17:45 - Merci Jean-Sébastien Ferjou,
17:46 Alexandre Devecchio.
17:47 Dans un instant, Hélène Zellany
17:48 sur Europe 1, Christine Kelly sur CNews.
17:51 Bonne soirée à vous sur nos deux antennes.
17:52 A demain.
17:53 18h-19h sur CNews et Europe 1.
17:56 Punchline. Lawrence Ferrari.