Maxime Gras vous emmène dans le Club à la découverte du Vendée Arctique, avec deux skippers ayant participé à la course au large : Arnaud Boissières et Éric Bellion ! Le CSF, c'est le rendez-vous incontournable de Sport en France, le lieu de passage de tous les athlètes et de découverte de toutes les disciplines.
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00:00Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
00:23Salut à tous et bienvenue dans Club Sport en France,
00:26l'émission qui, sur l'antenne de Sport en France,
00:28fait la part belle, vous le savez, aux athlètes,
00:30aux compétitions et aux fédérations
00:33du mouvement olympique et paralympique français.
00:36Cette semaine, c'est une émission un peu particulière,
00:39en tout cas émission spéciale,
00:40que nous vous proposons autour de la deuxième édition
00:44de la Vendée Arctic 2022,
00:46donc cette deuxième édition qui a été une course légendaire,
00:51course au large, course à la voile,
00:53que vous connaissez, qualificative pour le Vendée Globe
00:57et qui aura connu cette année pas mal de vicissitudes.
01:00Une compétition que vous allez vivre en différé,
01:04mais qui va vous procurer des frissons
01:07parce que vous allez la vivre de l'intérieur,
01:09notamment grâce à deux invités qui ont été présents
01:14et qui ont été surtout des concurrents de cette course.
01:18J'ai nommé d'abord Arnaud Boissière.
01:20Bonjour Arnaud !
01:22Oui bonjour, bonjour à tous.
01:23Skipper, l'ami Kalline est skipper qui est de retour
01:28et qui travaille, je crois, sur sa bête.
01:31C'est ça, vous êtes à l'atelier ?
01:34Oui, on est à l'atelier depuis qu'on est rentré la Vendée Arctic,
01:37on a tout démonté le bateau
01:38et puis on travaille beaucoup sur les voiles qu'on voit derrière
01:40parce qu'elles ont été sacrément endommagées
01:44et comme je repars bientôt en mer le 8 juillet,
01:46il faut que tout ça soit en ordre,
01:48donc les gars viennent de partir il y a dix minutes.
01:50Et puis moi voilà, je fais des heures supplémentaires.
01:54C'est un travail intense,
01:55c'est du matin à 6h30, on sort le bateau de l'eau.
01:57Et preuve, cette Vendée Arctic qui s'est terminée le 18 juin
02:01dans des conditions un peu particulières qu'on va pouvoir détailler,
02:04mais avant cela, on va présenter le deuxième skipper
02:07qui a participé à cette course
02:10et qui nous fait l'amitié d'être avec nous aujourd'hui,
02:12Eric Bélion, comme un seul homme,
02:14powered by Altavia, ça c'est votre Imoca.
02:17Bonjour Eric !
02:19Bonjour à tous !
02:20Merci d'avoir répondu à notre invitation.
02:23On l'a dit, on va revenir sur une deuxième édition
02:26vraiment particulière qui a sollicité
02:29les skippers que vous êtes et donc vos montures,
02:32on l'a bien compris,
02:34tout de suite, sans plus tarder,
02:35fais décodage !
02:45Cette Vendée Arctic, on le disait,
02:46s'était lancée avec l'idée d'être un petit bébé du Vendée Globe,
02:50donc départ des Sables d'Olonne,
02:52c'était le 12 juin dernier.
02:55Messieurs, une course en solitaire sans escale, sans assistante,
02:58parcours de 3500 milles marins,
03:01soit environ 6000 kilomètres,
03:03jusqu'au cercle polaire arctique,
03:05avant de revenir.
03:06Voilà qui était le pitch de départ,
03:09ouvert aux Imocas, à foils ou à dérive droite.
03:13Parcours inédit cette année qu'on va voir en image,
03:17puisqu'il était relativement spectaculaire
03:20sur le papier et il le fut dans les faits.
03:22Je le dis avec un sourire relativement ironique,
03:24mais nos skippers, eux, devaient être beaucoup plus sérieux en course.
03:28Contournement de l'Islande par le nord,
03:30franchissement donc du cercle polaire arctique,
03:31vous le voyez,
03:32et donc ce retour avec une bouée
03:36et retour aux Sables d'Olonne.
03:37Arnaud, vous aviez déjà participé à la première édition en 2020,
03:40vous aviez terminé 14e,
03:43il me semble d'ailleurs,
03:44cette route, disons, originale, là, comme ça,
03:47sur le papier,
03:48c'est ce qui vous a fait avoir envie de le faire pour une deuxième fois ?
03:54Oui, mais c'est ça, c'est que quand on est compétiteur et coureur au large,
03:57ce qu'on aime aussi, c'est l'aventure et la découverte.
04:00On fait les Vendée Globe, c'est merveilleux ce qu'on découvre tous les jours.
04:03Là, le parcours était vraiment novateur,
04:06et c'est ça qui est excitant.
04:08Moi, j'ai des amis en ce moment qui sont en Norvège,
04:11en balade en bateau de croisière,
04:12et ça donne envie d'y aller.
04:14Alors, c'est un gros challenge d'y aller,
04:16la preuve, c'est hyper compliqué,
04:18notamment pour moi, ça a été très compliqué.
04:20Mais moi, si je fais la course au large,
04:21c'est par goût d'aventure et goût de dépassement de soi.
04:25Et je pense que c'est important d'expliquer ça.
04:27Moi, avec mon partenaire, la Mycaline,
04:29on parle beaucoup de bonheur en mer et de bonheur quel qu'il soit,
04:33parce que quand on est en mer, on a des sensations assez extrêmes.
04:36Avec mon bateau, avec des grands foils,
04:38c'est assez impressionnant quand le bateau va vite.
04:41On a issu une grosse tempête en allant là-haut,
04:43et voilà, même si c'était très dur,
04:45c'est important de partager et d'expliquer aussi
04:48que quel que soit le côté dur du parcours,
04:52c'est le côté novateur qui nous excite aussi.
04:54On est aussi des aventuriers.
04:56Situation extrême, c'est clair.
04:59Eric, vous ne direz pas le contraire.
05:00C'était, vous, votre première participation.
05:02Le fait que Desimoca n'avait pas aussi franchi ce cercle arctique,
05:08ça a été un moteur essentiel aussi pour vous, l'aventurier,
05:11comme pour paraphraser Arnaud ?
05:15C'est deux choses.
05:16Déjà, c'est une course qui est qualificative pour le Vendée Globe.
05:20Le Vendée Globe, c'est un chemin, c'est une campagne.
05:24Il y a des points de passage obligatoires,
05:26et cette Vendée Arctique, pour moi,
05:28pour ma préparation pour le prochain Vendée Globe,
05:30c'était un point de passage.
05:32Et c'est sûr que quand on parle d'aller faire le tour de l'Islande,
05:37d'aller au-delà du cercle polaire,
05:40moi, c'est des choses que j'ai déjà faites en expédition
05:44avec Isabelle Autissier, notamment.
05:46Et voilà, moi, c'est des choses que j'adore faire.
05:49Et après, en Imoca, le fait d'être un peu pionnier à notre petit niveau,
05:54c'est vrai que ça m'a fait rêver, donc j'étais très content de le faire.
05:57Après, c'est sûr que c'est un challenge météo déraisonnable.
06:03On le sait, Arnaud le sait comme moi.
06:06On sait très bien que quand on part, c'est l'été en Europe,
06:10que au Groenland, il fait moins 20,
06:13et qu'en Islande, il fait entre 6 et 8 degrés.
06:16Thermiquement parlant, c'est chaud.
06:19Ça fait des effets météo complètement fous et imprévisibles.
06:23Et c'est ça toute la difficulté, c'est une gageure.
06:26On ne sait pas à trois jours, on ne sait pas quel temps on va avoir,
06:28et on l'a encore vu sur cette édition.
06:30Alors, je précise, Eric, vous avez évoqué
06:33que cette course était qualificative pour le Vendée Globe 2024.
06:37Il faut avoir franchi la ligne d'arrivée d'une des cinq épreuves qualificatives.
06:42Il en reste quatre.
06:44La route du Rhum, en novembre prochain,
06:46je crois que c'est une échéance importante pour tous les deux,
06:49notamment la course retour de la Transat Jacques-Vabre,
06:51ça c'est pour 2023, la Transat CIC Brest-États-Unis,
06:55et puis la New York-Vendée en juillet 2024.
06:58Voilà pour les courses qui comptent pour être inscrites de facto
07:03au Vendée Globe 2024.
07:04Eric, je parle sous votre contrôle,
07:07ce début de course, vous avez parlé de la difficulté,
07:10et Arnaud validera certainement de la suite.
07:12Les premiers jours de course, pour vous, sont encourageants.
07:14Je crois que vous êtes sur le podium après deux jours de course, à peu près.
07:20Oui, c'était sympa.
07:24Engageant, prometteur.
07:26Un bon choix, il y a toujours...
07:29Donc, en fait, on est parti avec du vent
07:32qui nous a amené sur le premier écueil de la course,
07:37qui était une zone sans vent,
07:38qu'il fallait vraiment négocier le mieux possible,
07:41et j'avais fait pas mal, je trouve.
07:44Et la seule chose, c'est que la deuxième partie sans vent s'est refermée sur moi,
07:50et malheureusement, j'ai dégringolé dans les classements,
07:54en voyant mes petits camarades qui étaient juste devant moi partir.
07:56Donc, c'était assez frustrant.
07:58Avec des effets dominos derrière, qui plus est.
08:03Forcément, quand on ne prend pas le bon wagon,
08:06on n'a pas forcément derrière les mêmes conditions.
08:08Météo, la course, messieurs, qui va se durcir, et ça, pour tout le monde.
08:13On en parle dans la deuxième partie de cette émission.
08:16Cette course a été assez légendaire.
08:30Arnaud Boissière, Éric Bélion sont toujours avec nous,
08:33évidemment, pour cette deuxième partie d'émission.
08:36On a évoqué le calme, le calme avant la tempête.
08:40Donc, messieurs, racontez-nous un petit peu ce qui s'est produit
08:46avec cette dépression autour de l'Islande.
08:49On va avoir des images avec la direction de course.
08:54Quand est-ce que vos échos depuis la terre,
08:55et vous, de ce que vous voyez dans votre bateau, vous fait dire,
08:59ça sent le Roussi ?
09:00Arnaud, pour commencer, peut-être.
09:02Je pense que c'est important d'expliquer que ce sont des contrées
09:04où on va très peu.
09:06Dans les mers du Sud, quand on fait les Vendée Globe,
09:08les grosses dépressions, on les voit arriver quelques jours à l'avance.
09:12Moi, personnellement, j'étais surpris de l'intensité de la dépression,
09:16et surtout, en 48 heures, ça s'est durci,
09:21c'est-à-dire que les conditions et les prévisions
09:25sont devenues catastrophiques par rapport à ce qu'on imaginait.
09:28On passait par des rafales à l'eau,
09:30on passait par des rafales à 30-35 nœuds,
09:34à des rafales à plus de 60 nœuds.
09:35Donc moi, personnellement, j'étais étonné de ça.
09:39Probablement, je n'étais pas assez préparé non plus,
09:41on va dire, psychologiquement, et aussi en termes de cours météo.
09:45J'avais suivi des cours météo, mais peut-être pas assez intenses pour ça.
09:50Et du coup, c'était étonnant de se retrouver un peu dans un aigrenage infernal
09:56qui fait que les cinq premiers ont pu passer,
10:00et ceux de derrière, on s'est retrouvés dans une grosse tempête.
10:03Moi, j'ai eu 64 nœuds.
10:06Ça m'est pas arrivé beaucoup depuis que je navigue d'avoir 64 nœuds.
10:10Et dans ces moments-là, tu penses plus à la course,
10:12tu penses au bateau, tu penses à ton projet,
10:14et puis tu penses aussi à toi, à ta famille,
10:17et tu te dis, c'est important de s'éclater,
10:19mais c'est pas important de préserver son bateau,
10:23préserver le bonhomme aussi.
10:24On a quand même beaucoup de projets derrière.
10:27Comme disait Eric, on a le Vendée Globe en ligne de mire,
10:30donc voilà, c'était des moments d'incertitude et de tension.
10:33Ça nous rappelle, Eric et moi, on a fait le Vendée Globe en 64 ans,
10:37ça nous rappelle des bons et des mauvais souvenirs.
10:39Des bons souvenirs parce que c'est intense,
10:41des mauvais souvenirs, c'est parce que c'est des périodes d'incertitude
10:44où on se demande aussi si l'élément naturel va pas nous dépasser.
10:50– C'est assez fort d'entendre un skipper chevronné
10:53évoquer des nœuds de vent qui sont inédits, 64 nœuds de vent.
10:58Eric, est-ce qu'il y a des comparaisons ?
11:01Est-ce que ça engendre des hauteurs de vagues assez impressionnantes ?
11:05Comment on peut rendre un petit peu simples ces comparaisons
11:09pour celles et ceux qui n'ont jamais fait de course au large ?
11:12Il y en a nombreux évidemment qui nous regardent.
11:15– 64 nœuds de vent déjà, c'est 120 km heure de vent.
11:19Il faut imaginer, c'est ce qu'on a sur les côtes bretonnes,
11:22dans les dépressions, les grosses tempêtes hivernales,
11:25c'est des grosses conditions, c'est sûr.
11:28Après, c'est des conditions qu'on a déjà eues dans les mers du Sud
11:33ou pendant le Vendée Globe.
11:35Le souci avec la Vendée Arctique, c'est que c'est une course qui se joue,
11:40on part du Sud et on va au Nord.
11:43Et donc, exactement, notre route est perpendiculaire à toutes les tempêtes.
11:48Et donc, les tempêtes, on les prend plein fouet, on ne peut pas fuir,
11:52on ne peut pas être poussé par la tempête et laisser voir venir,
11:55on n'a pas d'eau à courir, parce que si on fuit,
11:58en fait, on tombe sur les îles britanniques, les îles Fairway,
12:02et c'est très compliqué, on est obligé de lutter contre le vent.
12:07Et c'est ça qui est très éprouvant pour les skippers et pour les bateaux.
12:11Et c'est là où, c'est vrai, on risque au gros de casser les bateaux.
12:14Et casser les bateaux, ce n'est pas uniquement dire au revoir à la course,
12:17parce qu'on est tous armateurs de nos projets.
12:20C'est des projets qui nous demandent énormément de sacrifices,
12:22financiers, humains, familiaux, dans notre vie privée.
12:28Et on ne peut pas se permettre de casser nos bateaux.
12:30On doit les amener au bout, et le bout, c'est le Vendée Globe.
12:34C'est ça, notre objectif.
12:36Donc, effectivement, on arrive dans des moments où on se demande ce qu'on fout là.
12:42Et ce qu'on est en train de faire est vraiment sérieux.
12:45Et la question se pose d'abandonner ou de continuer.
12:50Et souvent, il faut plus de courage pour abandonner que pour continuer.
12:54Oui, on va pouvoir l'évoquer avec Arnaud dans quelques minutes.
12:58Avant cela, au-delà de vos récits,
13:00on va aller de l'intérieur avec le skipper italien Giancarlo Pedote.
13:03On est le 16 juin, donc quatre jours après le grand départ.
13:08Et vous allez voir ce qu'il vit.
13:09Et puis derrière, on va voir la réaction du directeur de course,
13:12parce que c'est la première étape vers un changement de cap
13:15et donc de modélisation de cette course.
13:20C'est la situation météo quand on arrive à la porte en Islande.
13:24Il faudra vraiment naviguer comme des marinaires
13:27et oublier la regatta jusqu'à ce que ce pas troqué ne s'absorbe.
13:33C'est la force.
13:34On a confiance en nous.
13:36Jeudi matin, après de longues discussions,
13:38la direction de course prend une décision difficile.
13:40La direction de course, ce matin,
13:43a décidé de ne pas amener les marins autour de l'Islande,
13:48d'utiliser la porte de façon à ce que les marins contournent cette porte
13:53et rejoignent directement le waypoint atlantique.
13:56Alors parcours réduit à ce moment là, le 16 juin, messieurs,
13:593300 nautiques, on ne contourne pas l'Islande.
14:04On se contente de contourner cette porte.
14:06On se contente, j'utilise des guillemets,
14:07parce que vous, ça vous fait rire, évidemment, depuis notre position.
14:12À ce moment là, Éric Arnaud, c'est un premier soulagement
14:15ou avec le coup de tabac qui vous attend.
14:17Vous connaissez déjà l'issue.
14:21Éric, peut-être ?
14:24Moi, je voyais depuis quelques jours qu'on ne ferait pas le tour de l'Islande.
14:28Je voyais les fichiers et je savais que ça allait être impossible de nous envoyer là-bas.
14:34Encore une fois, pas parce que le vent est insurmontable,
14:37mais c'est surtout parce qu'on est près des côtes
14:40et que les côtes accélèrent le vent parfois.
14:43Ça devient incontrôlable et dangereux.
14:45En bateau, ce n'est jamais la mer qui est dangereuse,
14:47c'est la terre, c'est les rochers.
14:49C'est là où on peut fracasser nos bateaux, c'est ça qui est dangereux.
14:52Ça a été un soulagement de se dire que la direction de course
14:56voit que ça va être compliqué et nous envoie sur quelque chose de raisonnable.
15:00Mais je n'avais pas trop de doutes sur le fait qu'ils allaient faire cette décision-là.
15:04De toute façon, moi, j'avais déjà décidé, quoi qu'il arrive,
15:07à mon niveau, d'arrêter la course, de continuer d'être en course,
15:12mais en tout cas de me mettre à l'abri le temps que le gros temps arrive.
15:15Et de continuer la course une fois que la tempête serait passée.
15:18Donc, j'avais déjà pris cette décision pour moi tout seul.
15:21Alors, messieurs, en ce 16 juin, on refait les faits,
15:25la Porte d'Islande devient donc une marque à Paris,
15:27alors que les skippers en tête, eux, arrivent,
15:30notamment Charlie Dalin, Jérémy Beyou, Thomas Ruyant.
15:33Et puis, le lendemain, le 17 juin, la direction de course
15:37prend la décision d'arrêter la course, j'allais dire d'arrêter les frais,
15:40et de faire de cette Porte d'Islande la ligne d'arrivée.
15:43Donc, on a, à ce moment-là, passé environ 1 500 000 de courses.
15:48On écoute Francis Le Goff, à nouveau, nous expliquer la décision de l'organisation.
15:55Forcément, au regard du positionnement de cette dépression,
16:00des vents qu'ils allaient rencontrer,
16:02et surtout l'axe dans lequel ils allaient naviguer,
16:07c'est-à-dire avec un vent de travers,
16:09c'est de la lueur qui n'est pas idéale du tout pour les bateaux,
16:11et surtout, une mer croisée, très formée, au-delà de 4 mètres,
16:16vraisemblablement, plutôt 5 mètres que 4 mètres.
16:20Et en même temps, l'arrière de la flotte qui n'avait pas encore passé la porte,
16:25et qui, eux, était déjà ou allait rentrer, en tous les cas, ce matin également,
16:30dans la dépression, mais de l'autre côté, beaucoup plus à l'est.
16:36Et donc, là, il y avait deux paquets de bateaux à gérer.
16:40Et en termes de sécurité, on a estimé qu'il était préférable
16:45d'arrêter tout le monde à la porte.
16:48Et oui, deux paquets de bateaux qui ne vivaient pas forcément la même situation.
16:53Dans ce contexte, ceux qui étaient devant en profitent donc pour être sur le podium.
16:59On pense avec un podium enterriné,
17:02Charles Hidalyn sur Apivia qui s'impose,
17:05devant Jérémy Beyou, Charles et puis Thomas Ruyant qui complètent ce podium.
17:10On voit les images au retour du côté des sables où ils ont été fêtés,
17:16où vous avez été quand même fêté, messieurs.
17:1820 skippers sont finalement classés sur les 25 au départ.
17:22Ce n'est pas votre cas, Arnaud,
17:24puisque vous décidez finalement d'abandonner le samedi 18 juin à 11h30.
17:28Vous êtes à 40 000 de la ligne d'arrivée, je crois, peu ou prou.
17:32C'est une décision qui, quand même, en dit long sur les difficultés
17:37rencontrées à ce moment-là pour vous ?
17:41Oui, c'est une décision assez dure.
17:44Une décision, même plus de marin, c'est une décision plutôt d'être humain,
17:48en me disant que je ne le sentais pas.
17:50J'ai eu une série d'avaries après la tempête qui m'a mis encore plus le doute.
17:56Et 40 000, ce n'est pas beaucoup, mais en fait, c'est beaucoup aussi.
17:59En 40 000, il peut se passer beaucoup de choses.
18:02Et je me suis fait peur, j'ai failli passer à l'eau,
18:05j'ai cassé beaucoup de choses en l'espace de quelques heures.
18:07Et je me suis dit, pour moi, en tout cas, ce n'est pas raisonnable de continuer.
18:12Et cette décision d'abandonner, pour moi, est importante aussi,
18:15parce que ça permet d'aussi mettre le compteur à zéro,
18:17en me disant que c'est une remise en question personnelle
18:20qui m'aide beaucoup, moi et mon équipe,
18:21pour reconstruire un programme jusqu'à la Roue du Rhum,
18:25pour reconstruire une préparation et un programme sportif
18:29pour faire une bonne place à la Roue du Rhum.
18:30Donc, du coup, c'est un mal pour un bien.
18:33C'est-à-dire que toute cette course-là, il y a beaucoup de bond à tirer.
18:36La première partie de la course, c'est plutôt pas mal.
18:39La deuxième partie, où on était plutôt en survie,
18:42j'ai plutôt préféré me la jouer vraiment...
18:46Je n'étais plus en course pour moi, je serrais les fesses.
18:47Et puis, à un moment, ça ne passait plus, donc je ne sentais plus.
18:50Donc, je préfère faire demi-tour.
18:52Et puis, voilà, j'ai assumé complètement la décision.
18:56Et puis, tu vois, on voit les images à l'arrivée,
18:57il y avait quand même un accueil sympa,
18:59des autres skippers qui sont venus me réconforter, de la famille.
19:02La direction de course et tout.
19:03Et ça qui est chouette, c'est qu'après, avec Eric Beillon qui est là,
19:06on a bu un coup à l'atelier ensemble et c'est réconfortant.
19:10C'est là où on voit que les marins, on est solidaires,
19:13on n'est pas que des copains comme ça.
19:14C'est réconfortant d'avoir des petits mots comme ça autour d'une bière,
19:19après ce qu'on a vécu.
19:20Oui, parce qu'on rappelle qu'avec Manuel Cousin, par exemple,
19:22vous êtes basé au sable et vous étiez aussi, du coup, de cette cérémonie dimanche
19:27qui a été rendue pour vous en hommage à cette belle course,
19:32mais cette course surtout, dantesque et qui est un peu, malgré elle,
19:37rentrée dans la légende.
19:38On vous a vu d'ailleurs, Arnaud, assez ému.
19:42C'était la course la plus éprouvante.
19:45Vous qui avez terminé, je rappelle, 4 Vendée Globe, ce qui est, je crois, un record.
19:49C'est quelque chose qui vous a marqué pour toujours ?
19:54Oui, ça m'a marqué parce que pour moi, c'était inattendu.
19:57Quand tu pars pour un Vendée Globe, tu sais que tu vas prendre 69
20:00et tu t'y prépares différemment.
20:02Là, la Vendée Arctique, pour moi, comme beaucoup de concurrents,
20:05c'était une course de préparation ultra importante pour la Route du Rhum.
20:09Et je pense que moi, personnellement, j'ai sûrement sous-estimé ce parcours-là,
20:14mais aussi, je ne m'attendais pas à la brutalité des événements et des éléments.
20:18Du coup, oui, ça m'a marqué.
20:21Je ne pense pas que ce soit plus dur que Vendée Globe, malgré tout.
20:24Parce qu'à Vendée Globe, Eric peut en parler aussi,
20:26c'est extrêmement dur de sa longévité et d'endurance.
20:30Mais moi, je trouve que c'était dur, pas sa brutalité, cette course-là.
20:35Il y avait beaucoup d'incertitudes.
20:36On va virer l'Islande ? On ne va pas virer l'Islande ?
20:39Dans quel sens on fait le parcours ? Le parcours immobilisé ?
20:41Tout ça, moi, ça m'a mis dans un état d'incertitude perpétuelle
20:45qui fait qu'au moment où j'abandonne, finalement, moi, je ne sentais plus.
20:50Finalement, je ne regrette même pas aujourd'hui d'avoir abandonné
20:53parce qu'au contraire, on me branchait beaucoup.
20:56J'ai fait quatre Vendée Globe, donc une Vendée Arctique, c'est rien.
20:58Ben non, une Vendée Arctique, une Rondurum, une Jacques Vabre,
21:01c'est des courses extrêmement dures.
21:02Donc, ça permet de m'être épandu à l'heure, moi le premier.
21:06Et du coup, ça va m'aider pour l'avenir.
21:08Et depuis que je suis revenu, ça m'aide beaucoup pour justement
21:12repartir à zéro et puis les fondamentaux.
21:15Et Eric, on entend ce que dit Arnaud.
21:19J'imagine que vous avez vécu un peu les mêmes sentiments.
21:23C'est une course qui est censée être préparatoire
21:25à mettre dans les conditions du Vendée Globe.
21:28On est en plein dedans, c'est même peut-être plus dur,
21:31même si Arnaud dit que non, un Vendée Globe est une valeur étalon.
21:35C'est quand même dense.
21:36Ça vous rend fier d'être allé au bout, d'avoir vu la ligne, vous ?
21:40Je ne sais pas si je parle de fierté.
21:44Du soulagement ?
21:46Je pense que Kali peut être fière aussi de s'être écoutée
21:49et de s'être préservée.
21:51Ce n'est pas tellement une fierté d'être allé au bout.
21:55Effectivement, le Vendée Globe et la Vendée Arctique,
21:57ça n'a strictement rien à voir.
21:59Le Vendée Globe, c'est trois mois de solitude.
22:02Ça n'a rien à voir.
22:04Là, on est parti pour 12 jours.
22:06Effectivement, des conditions rudes, c'est des choses qui arrivent.
22:13Effectivement, il y a un moment où…
22:16Déjà, j'étais légèrement devant Kali et devant Arnaud.
22:22Il a eu des conditions pires que les miennes.
22:24C'était encore possible, je pense, de monter,
22:27même s'il y a un moment où j'ai failli abandonner.
22:30J'étais vraiment à deux doigts de me dire que je n'allais pas y aller.
22:35Il y avait un autre skipper derrière, Sébastien Marseille d'ailleurs,
22:38que j'ai failli tamponner.
22:41On a eu une grosse frayeur tous les deux.
22:43C'était vraiment rock'n'roll, la montée.
22:47Il m'a dit un mot, je ne sais pas quoi.
22:50Il m'a dit qu'il fallait serrer les dents.
22:52On a 24 heures, il faut serrer les dents.
22:54Je me suis dit qu'on allait serrer les dents.
22:56C'est grâce à ça, quelque part.
22:57C'est aussi de l'entraide et de la camaraderie,
23:00comme le dit Arnaud, qui m'a permis d'aller au bout.
23:03Oui, je suis content d'être allé au bout.
23:06Et encore, je pense que je le pouvais.
23:08Mon bateau était en bon état.
23:11C'est vrai que je suis content d'avoir passé la ligne.
23:18Après, je pense que si j'avais dû abandonner et faire le choix,
23:21même si c'est plus dire à encaisser,
23:23j'aurais été fier de moi, de m'être écouté,
23:25et d'avoir écouté mon bateau.
23:28Vous l'avez dit aussi, vous avez appris un milliard de trucs.
23:31C'est très bon pour la suite.
23:32Je vous cite dans cette préparation.
23:35S'il y en a un en 2024 préparatoire au VG, vous irez ?
23:40À moi ?
23:40Oui.
23:42C'est sûr.
23:43Je suis en train de construire un nouveau bateau.
23:45Tout ce que je fais, c'est pour aller au Vendée Globe.
23:50Je m'étais promis de ne jamais le refaire.
23:52J'y reviens avec un bonheur incroyable.
23:55Tu te marres Arnaud.
23:57Tout ça, c'est génial.
24:00On est des privilégiés.
24:01On fait un sport extraordinaire sur des machines extraordinaires,
24:05avec des gens extraordinaires.
24:08Ces courses-là, même si c'est dur,
24:13même s'il y a des abandons, même s'il y a de la casse,
24:16tout ça, ça ne reste que du bonheur.
24:18Arnaud, je ne sais pas si c'est du bonheur,
24:20mais vous avez votre bateau.
24:21Il y a beaucoup de travail derrière à l'atelier.
24:24Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu
24:25en quoi consiste cette révision ?
24:27Vous nous avez parlé d'avaries, de difficultés en mer.
24:29C'est quoi aujourd'hui votre programme
24:32avant de remettre ce bateau à l'eau ?
24:33Qu'est-ce qui se passe ?
24:36On a démonté toutes les voiles.
24:39Demain matin, on sort le bateau de l'eau à 6 heures du matin.
24:42On est juste dans la grue la journée pour réparer une peinture.
24:47La peinture est un peu endommagée sur la quille.
24:49On remet à l'eau demain soir.
24:52Et après, on réinstalle les voiles vendredi
24:54avec l'objectif de partir le 8 juillet en Méditerranée
24:58en double, en entraînement, avec Gérald Vignard,
25:01mon co-skipper avec qui je navigue beaucoup,
25:03qui m'aide beaucoup pour la performance.
25:04On va à Port-Camargue, chez Equito de Pavant,
25:08pour faire des sorties partenaires à Port-Camargue
25:11dans la Méditerranée.
25:12Pour mes partenaires, la Micaline, Artipol et autres.
25:14Du coup, on a un programme estival
25:17qui est rythmé en traitement.
25:18Et aussi, on balade avec les partenaires.
25:23Mais il ne faut pas chômer.
25:25Il y a les gars qui viennent de passer encore
25:27parce que demain matin, on prépare tout pour sortir le bateau d'eau.
25:29Donc voilà, on est tous...
25:31Donc demain, peinture et là, c'est les voiles.
25:32Vous vous occupez des voiles, c'est ça ?
25:34Oui, exactement.
25:36Et dans l'esprit de camaraderie, comme on disait avec Eric Béllion,
25:39mon atelier était en vide.
25:40Benjamin Dutreux a eu pas mal d'avaries avec son bateau
25:42et son bateau est juste là, à l'entrée du hangar.
25:45Parce qu'il va profiter du fait que mon hangar est vide.
25:47Je ne sais pas si tu vois, je vais te montrer.
25:49Super.
25:51On vit ça avec vous.
25:52Le bateau de Benjamin Dutreux qui est juste là.
25:55Je ne sais pas si on le voit.
25:56Ça y est, on le voit.
25:58On le voit, le bout du volcan.
26:00Il va rentrer le bateau dès lundi matin
26:03pour pouvoir faire les travaux de composite
26:04que je n'ai pas besoin de faire moi.
26:05Du coup, c'est vraiment l'esprit, comme Eric,
26:10qui travaille beaucoup avec Jean Le Cam.
26:12On partage nos ateliers, on partage nos expériences.
26:17Moi, j'ai hâte de retourner naviguer, de me reconfronter,
26:20mettre un peu en configuration course
26:23et me resécuriser avec le bateau
26:25en me redisant que tout est possible
26:27et que le bonheur de ça, c'est aussi de se remettre en question
26:31et d'être fin prêt pour la Route du Rhum
26:33pour se tirer la boue avec Eric.
26:35Et puis, à l'arrivée, il arrivera ce qu'il arrive,
26:37mais pour qu'à l'arrivée, on se fasse la bise
26:39et qu'on raconte nos histoires de mer.
26:42Camaraderie, qu'on pète quand on est dans l'eau.
26:45Eric, ça me rappelle ce premier collectif de l'histoire du Vendée
26:48qui vous est très cher.
26:50Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu ce concept-là
26:53de voileux qui nous raconte des expériences ?
26:57Et ça va au-delà de ça, d'ailleurs.
27:00En fait, moi, ça fait très longtemps que je travaille
27:04sur comment on crée de la performance avec la différence
27:07et comment on réenchante l'envie de faire des collectifs.
27:11Et sur le Vendée Globe, j'ai une envie,
27:14c'est je veux créer la première écurie du Vendée Globe.
27:17En Formule 1, les écuries, elles n'ont pas une voiture, elles en ont deux.
27:22Et sur le Vendée Globe, à chaque fois, il y a un seul bateau.
27:25Et donc, moi, ce que j'ai envie et ce que je suis en train de faire,
27:28c'est construire deux bateaux absolument identiques.
27:32Et je suis en train de former une équipe de partenaires
27:35qui vont s'afficher sur les deux bateaux
27:37et de montrer que quand on est deux bateaux,
27:40deux skippers qui partagent tout,
27:42les développements, les bateaux, les entraînements,
27:47eh bien, on est capable, c'est une clé de la performance.
27:51Et tout ça, c'est montrer l'exemple
27:55parce que je pense que le sport a une vertu d'être exemplaire
28:01et d'amener beaucoup de choses à la société.
28:03Et si avec ça, on peut montrer un exemple très clair
28:05qu'en étant ensemble, on peut faire des choses plus grandes que nous,
28:09ça m'ira très bien.
28:10Eh bien voilà, il faudra pour cette écurie,
28:12au prochain verre de l'amitié, c'est de recuruter à Arnaud Boissier.
28:15On ne va pas dire ça pour vos partenaires.
28:16Il ne sera jamais moins Arnaud.
28:18C'est dans une boutade.
28:19En tout cas, messieurs, un grand merci d'avoir participé
28:23à cette émission débrief épique.
28:25On s'est bien tenus, nous, à notre plateau,
28:28beaucoup plus simple que vous en situation.
28:30Mais merci d'avoir partagé cette expérience.
28:32Route du Rhum 2022, on est d'accord pour tous les deux ?
28:35Novembre ?
28:36Oui.
28:36Ok, banco.
28:37Eh bien, on suivra évidemment vos performances
28:40et on espère un peu plus de calme en course
28:43avec grand plaisir sur Sport en France.
28:45Excellente soirée à vous, messieurs.
28:47Excellente soirée aussi à vous, chers téléspectateurs.
28:50Merci de nous avoir suivis sur ce CSEF,
28:54Club Sport en France, 79e numéro de la saison.
28:58Merci aux équipes en régie autour de François Caudal,
29:01notre réalisateur, de Clément,
29:03au son Elisa, au maquillage,
29:05Renaud, à la vision,
29:06et Julien Peyronnet, notre chef d'édition,
29:08que l'on n'oublie pas également.
29:10À très vite, jeudi prochain, pour un nouvel épisode.
29:13On s'en ira dans les airs avec la Fédération française du LM.
29:16Bye bye.
29:24Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org