Dans ce nouvel épisode du "Samedi Politique", nous plongeons au cœur du conflit en Ukraine après la frappe de missiles américains ATACMS MMGM-140 dimanche 23 juin à Sébastopol sur la péninsule de Crimée, avec notre invité, Éric Denécé, docteur en sciences politiques et directeur du CF2R. (Retrouvez l’ouvrage "La guerre russo-ukrainienne - Réalités et enseignements d’un conflit de haute intensité" sous la direction d’Eric Denécé et celle d’Olivier Dujardin https://boutiquetvl.fr/tous-les-livres/eric-denece-et-olivier-dujardin-la-guerre-russo-ukrainienne-realites-et-enseignements-d-un-conflit-de-haute-intensite).
Analyse et Décryptage :
Missiles américains ATACMS sur la Crimée : Sommes-nous au bord d'une confrontation directe OTAN-Russie ?
Le rôle des États-Unis : Comment l'élection présidentielle américaine pourrait-elle influencer le conflit ?
Point de situation militaire sur le plan terrestre : La stratégie d’attrition de la Russie se poursuit avec de petites avancées sur le front, notamment vers Kharkov.
Implication de l'Europe : Quelle sera la position de l'Europe dans cette crise ?
L’incompréhensible jeu d’Emmanuel Macron : À rebours de ses partenaires américains, le président français se veut la béquille de Volodymyr Zelensky.
Au programme :
Une discussion approfondie sur les récents événements en Crimée et leurs répercussions.
Une analyse de l'influence occidentale et des réactions russes.
Les perspectives de paix et les enjeux pour l'avenir de l'Ukraine et de l'Europe.
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Analyse et Décryptage :
Missiles américains ATACMS sur la Crimée : Sommes-nous au bord d'une confrontation directe OTAN-Russie ?
Le rôle des États-Unis : Comment l'élection présidentielle américaine pourrait-elle influencer le conflit ?
Point de situation militaire sur le plan terrestre : La stratégie d’attrition de la Russie se poursuit avec de petites avancées sur le front, notamment vers Kharkov.
Implication de l'Europe : Quelle sera la position de l'Europe dans cette crise ?
L’incompréhensible jeu d’Emmanuel Macron : À rebours de ses partenaires américains, le président français se veut la béquille de Volodymyr Zelensky.
Au programme :
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NewsTranscription
00:00Ils ont conduit la France au désastre.
00:03Et pourtant, les médias du système, pointe du doigt,
00:05n'ont pas cette élite toxique au pouvoir,
00:07mais le danger des extrêmes, comme ils disent.
00:11Sur TV Liberté, nous ne recevons de consignes de personne
00:15et nous n'en donnons à personne.
00:17Sur TV Liberté, nous vous livrons les clés.
00:20Mais pour vivre, TV Liberté doit compter sur votre soutien financier.
00:24Vous êtes la seule garantie de notre survie.
00:27Alors, je compte sur vous.
00:30Sous-titrage Société Radio-Canada
01:00Bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver
01:07pour ce nouveau numéro du samedi politique.
01:10Cette semaine, trêve électorale oblige,
01:12nous allons parler de politique étrangère
01:15et plus particulièrement du conflit en Ukraine.
01:18Alors, juste après l'attaque de missiles américains
01:21sur la Crimée à Sébastopol dimanche dernier,
01:24sommes-nous à l'aube d'une sortie de crise
01:26ou plutôt d'une confrontation directe
01:28entre l'OTAN et la Russie.
01:30Quelle partition jouera l'Europe dans cette affaire ?
01:32C'est ce que nous allons voir tout de suite.
01:34Mais comme chaque semaine, chers amis, je vous le répète,
01:37je compte sur vous pour le succès de cette émission.
01:39Aussi, pensez à m'écrire dans les commentaires.
01:42Pensez évidemment à relayer cette vidéo.
01:44Et surtout, le plus important, mais aussi le plus rapide,
01:46pensez à cliquer sur le petit pouce en l'air.
01:49Ça améliore considérablement le référencement
01:51et donc la diffusion de cette vidéo.
01:53Alors, je compte sur vous. A tout de suite.
01:58Et à mes côtés aujourd'hui, Éric Dénessé.
02:08Bonjour, monsieur. Merci d'être avec nous à distance,
02:11certes, mais à distance et avec nous.
02:14Bonjour, merci de votre invitation.
02:16Alors, vous êtes docteur en sciences politiques,
02:18ancien analyste du renseignement
02:20et actuellement directeur du CF2R,
02:22le Centre français de recherche sur le renseignement
02:26que vous avez fondé en 2000.
02:28Le CF2R est très prolique,
02:29c'est notamment sur la guerre en Ukraine.
02:31Vous avez publié, il y a peu de temps, un ouvrage collectif,
02:33« Ukraine, la guerre américaine »,
02:35avec un sous-titre « La stratégie des néoconservateurs à l'origine du conflit »
02:40et plus récemment « La guerre russo-ukrainienne, réalité
02:44et enseignement d'un conflit de haute intensité »,
02:46sous votre direction, ainsi que celle d'Olivier Dujardin.
02:49Et bien entendu, les téléspectateurs peuvent,
02:51dès à présent, acheter cet ouvrage sur la boutique de TVL,
02:55sur TVL.fr.
02:56Alors Eric Dénessé, nous sommes dans un contexte national très particulier,
03:00je l'ai dit dans l'introduction.
03:01Les médias français sont mobilisés complètement
03:04sur la question des élections législatives.
03:07La guerre en Ukraine, qui a fait les choux gras de la presse auparavant,
03:11est passée totalement au second plan.
03:12Et cela tombe bien parce que dimanche dernier,
03:16pourtant un fait incroyable, j'allais dire, et dramatique s'est passé
03:19puisqu'il y a eu un bombardement de missiles attaqués Metz
03:23sur la plage de Crimée de Sébastopol.
03:26Et les médias français en ont très peu parlé,
03:29pourtant 150 blessés, environ 4 ou 5 morts selon les bilans,
03:33au moins deux enfants.
03:35Comment analysez-vous cet événement ?
03:36Et puis surtout, comment analysez-vous le traitement médiatique
03:40en France de cet événement ?
03:42Eh bien, d'abord, comme vous le dites très justement,
03:45le traitement médiatique est quasiment nul en France.
03:49Alors je pense qu'il y a deux raisons, vous l'évoquiez,
03:50ce sont d'abord les élections législatives anticipées
03:53qui occupent la lune de l'actualité.
03:55Et la seconde raison, c'est parce que c'est un événement
03:58qui est très négatif pour l'Ukraine,
04:00puisque ce sont des civils qui ont été touchés
04:03et que, bien sûr, ça ne sert pas aujourd'hui,
04:05je dirais, le narratif qui nous est servi depuis deux ans.
04:08Alors, il faut quand même remettre les choses à leur juste place,
04:11c'est-à-dire que cette frappe de missiles,
04:144 ou 5 missiles attaqués Metz,
04:16ne visait pas, d'après ce que l'on sait, spécifiquement les plages,
04:19elle visait les installations militaires
04:21et les espaces structurels de Crimée.
04:24Et le système anti-missiles russe a fonctionné,
04:28puisqu'il a abattu la majorité de ces missiles,
04:31et ce sont les éclats qui sont, bien sûr, retombés sur les plages.
04:35C'est assez, bien sûr, fréquentable.
04:38Et surtout, ça a entraîné une réaction
04:40extrêmement virulente des Russes vis-à-vis des États-Unis,
04:44puisqu'il y a quelques semaines seulement
04:46que les États-Unis ont autorisé
04:47les Ukrainiens à utiliser ces missiles
04:50au-delà d'une portée de 160 km.
04:52Donc, c'est le cas sur la Crimée,
04:54puisqu'ils utilisent leurs 300 km de portée désormais.
04:57Et donc, les Russes ont constaté immédiatement
05:00que c'était une co-belligérance de la part des Américains.
05:05Et il y a eu des menaces extrêmement explicites
05:07à l'égard de Washington,
05:09qui n'ont bien sûr pas manqué de faire réagir les Américains.
05:12– Est-ce que cette attaque d'armes occidentales,
05:15en l'occurrence les missiles, les attaques MS,
05:18étaient vraiment une nouveauté dans le conflit en Ukraine ?
05:22– Non, en réalité, ce n'est pas une nouveauté aussi importante que ça.
05:25Ces missiles, comme les missiles Scalp ou Storm Shadow
05:29que fournissent les Français et les Britanniques,
05:31sont des missiles qui ont des portées assez importantes,
05:34de plusieurs centaines de kilomètres.
05:35Mais il était demandé aux Ukrainiens jusqu'à début mai
05:39de ne pas les utiliser au-delà de 160 km.
05:41Donc, il y a eu ce changement d'attitude
05:44de la part des Occidentaux qui ont autorisé Kiev
05:48à les tirer jusqu'à une portée de 300 km,
05:51ce qui couvre d'ailleurs toute la Crimée
05:53et une partie du territoire russe.
05:55Voilà, et donc c'est la première véritable manifestation
05:58de ces tirs à longue portée à laquelle nous assistons.
06:01– Est-ce que, je vous propose, avant même de poser la question suivante,
06:05je vous propose qu'on écoute tout de suite Hervé Carey,
06:07spécialiste de la gestion de crise.
06:08Il intervenait au dialogue franco-russe pour évoquer ce bombardement.
06:12– Il ne faut pas imaginer que ça puisse se faire
06:16sans les moyens de renseignements occidentaux
06:18et sans le paramétrage des munitions comme les Scalpes
06:21ou les Storm Shadows par des techniciens occidentaux.
06:23Ce n'est pas possible parce qu'il y a des codes derrière
06:25qui font que les Ukrainiens n'ont pas la main dessus.
06:28Voilà, donc évidemment c'est une escalade
06:33et je pense que, d'ailleurs je crois que ça a déjà commencé,
06:37je pense que les Russes, ce qu'ils toléraient jusqu'à présent
06:40en termes de renseignements, même en limite de leur espace aérien,
06:47l'espace aérien primaire, peut-être qu'ils vont passer à la vitesse supérieure
06:51sur le plan de la coercition, de la neutralisation des moyens aériens
06:56de l'OTAN et américains.
06:58Je pense en particulier aux drones de surveillance.
07:07– Alors plusieurs choses dans ce que dit Hervé Carey.
07:09La première chose, c'est le concours au niveau des renseignements
07:12de la part des Occidentaux et particulièrement des Américains.
07:15Est-ce que finalement, là on n'est pas en plein dans le jeu de dupes ?
07:17C'est-à-dire qu'on a beaucoup devisé sur la question des armes occidentales,
07:21à quelle portée elles pouvaient frapper, etc.
07:24Mais en réalité, depuis le départ, les Occidentaux apportent leur concours
07:28sur le terrain du renseignement et in fine, cela provoque des frappes
07:33sur la Russie ou sur des civils criméens
07:35et par conséquent, l'intervention occidentale est capitale depuis le départ.
07:41– Oui, vous avez raison, mais en réalité, le jeu de dupes,
07:44il n'y a que nous Occidentaux, en tout cas l'opinion et le public Occidentaux
07:48qui ne voulons pas le voir parce que depuis le début,
07:50il y a des militaires et des techniciens de tous les pays de l'OTAN
07:53qui sont présents sur le territoire ukrainien ainsi que des mercenaires
07:57ou des combattants européens qui vont s'engager dans l'armée ukrainienne
08:03sous drapeau ukrainien.
08:04Donc, ça ne fait que confirmer ce que l'on voit depuis maintenant près de deux ans.
08:09Alors, je crois que c'est important aussi d'avoir à l'esprit la réaction russe
08:14parce qu'elle a été extrêmement, je le disais, virulente
08:17et ça a amené immédiatement une reprise des contacts entre Moscou et Washington
08:22par l'intermédiaire des deux ministres de la Défense, ça c'est le premier aspect.
08:26Il faut rappeler que depuis près de 18 mois, il n'y avait plus aucun contact direct
08:30ce qui ne veut pas dire que d'autres canaux de communication n'existent pas
08:33mais en tout cas, à ce niveau de responsabilité gouvernementale,
08:36c'est un geste très fort.
08:38Et puis, alors, il est difficile aujourd'hui de dire si cela a un lien
08:43mais on a appris le jour où on a la mort d'un diplomate américain à Kiev,
08:47alors peut-être est-ce une mort naturelle, peut-être s'agit-il d'autre chose,
08:50on n'a pas assez d'éléments aujourd'hui pour le dire
08:53mais en tout cas, je pense que les menaces et la réaction
08:56qui ont été celles des Russes vis-à-vis de Washington
08:59ont immédiatement porté leur feu parce que le contact a été rétabli,
09:03que les Américains ont réannoncé qu'ils n'enverraient pas de troupes
09:05et que je crois qu'ils ont pris conscience
09:07que c'était là un virage vers une escalade très préoccupante
09:11qu'il était important finalement de bien négocier
09:14et surtout de remettre les choses à leur juste place.
09:18Alors si je peux me permettre, c'est un peu paradoxal
09:20parce que si les Américains, on va dire, s'adoucissent à l'égard de la Russie
09:25après ces frappes, il ne fallait peut-être tout simplement pas accepter
09:28de commettre ces incursions en Crimée.
09:32Oui, mais vous soulevez là le point essentiel depuis le début de ce conflit,
09:36c'est l'absence à la fois de cohérence aux États-Unis
09:39mais une absence de cohérence qui est liée à un cercle de décision
09:44et non pas à un centre de décision unique
09:46et que selon les sujets, selon les périodes et également selon les thèmes,
09:50qu'on soit sur Gaza, sur l'Iran, sur l'Iran-Tir, sur l'Ukraine,
09:53on a différents centres de pouvoir entre le Conseil national de sécurité,
09:57la CIA, le Pentagone, la Maison-Blanche, les néoconservateurs autour de Biden
10:02où les uns et les autres, en fonction du thème et du rapport de force interne,
10:06vont faire prévaloir leur position.
10:08Et si on regarde bien les déclarations américaines vraiment de ces derniers jours,
10:12on a eu affaire à trois déclarations tout à fait contradictoires.
10:16La première, je le disais, c'est que les Américains ont rappelé
10:19qu'ils n'enverraient pas de troupes en Ukraine
10:21mais aussitôt après, ils ont dit qu'ils soutiendraient
10:24l'envoi de mercenaires combattre aux côtés des Ukrainiens
10:27et quelques jours après, le lendemain même,
10:29ils ont annoncé qu'ils enverraient eux-mêmes des techniciens
10:31et des spécialistes de la maintenance aider l'armée ukrainienne.
10:34Donc, si on met cela bout à bout et qu'on se met dans la position de Mosul,
10:38on a du mal à comprendre quels sont les objectifs véritables des Américains
10:42et surtout, on accorde finalement très peu de crédit aux déclarations
10:47quand on voit qu'elles sont contradictoires
10:50et que les tirs de missiles au-delà d'une portée de 150 kilomètres
10:53ont été autorisés et se sont produits.
10:55Alors justement, je citais tout à l'heure le livre que vous aviez produit
10:59« La guerre américaine, la stratégie des néoconservateurs ».
11:01Quelles sont les factions américaines qui s'opposent aujourd'hui
11:04dans cette forme de guerre interne aux États-Unis
11:07dans le contexte de la guerre en Ukraine ?
11:10Alors, je le disais, on a une petite demi-douzaine de factions
11:14qui ne sont pas nécessairement rivalitées
11:16mais qui, les unes et les autres, essaient de faire prévaloir,
11:19point de vue, la Maison-Blanche avec Biden
11:23mais qui, on l'a vu avec le débat avant-hier soir
11:26avec Donald Trump, est en perte de vitesse évidemment.
11:30On a bien sûr son équipe de sécurité nationale avec Jack Sullivan.
11:34On a ensuite la CIA, le Pentagone
11:37et puis les équipes des néoconservateurs
11:39autour d'Anthony Blinken, Victoria Nuland
11:42même si elle a quitté les fonctions officielles.
11:44Puis il ne faut pas le sous-estimer non plus,
11:46l'ensemble du lobby militaro-industriel
11:49qui trouve un certain intérêt dans cette situation de crise.
11:52Et dans cette guerre d'ailleurs.
11:54Donc, selon les sujets, on voit bien que les uns et les autres
11:58vont faire prévaloir leur position.
12:00Alors, il y a une position qui est très intéressante,
12:02c'est celle du Pentagone.
12:03Le Pentagone a intérêt à la guerre
12:05parce qu'il faut rappeler que depuis la fin de la guerre froide,
12:08tous les budgets de défense américains ont été assez drastiquement réduits.
12:12Il faut rappeler que sous Obama,
12:13le Pentagone perdait 10% de budget chaque année.
12:16Donc, le Pentagone avait intérêt à la guerre avant 2021.
12:20Il y a toujours aujourd'hui intérêt
12:22puisque ça lui permet de reconstituer ses stocks,
12:24d'obtenir des financements pour donner vos programmes d'armement.
12:27Mais comme tous les militaires le savent,
12:29quand on fait la guerre, on engage la vie de ses hommes.
12:31Et c'est paradoxalement les gens du Pentagone qui sont parfois,
12:34si ce n'est souvent, les plus prudents
12:36pour que le conflit ne monte pas aux extrêmes.
12:39Parce que finalement, leur but à eux militaires
12:41n'est pas de faire la guerre contre la Russie.
12:43C'est de préparer un conflit futur, certes hypothétique, contre la Chine.
12:47Donc, ils ne veulent pas que ça aille trop loin.
12:49Inversement, les néoconservateurs américains autour de Blinken,
12:52eux veulent absolument non plus affaiblir la Russie
12:56parce que leur stratégie était un échec en la matière,
12:59mais faire en sorte que cette victoire lui coûte le plus cher possible.
13:02Donc, eux ont intérêt finalement à ce que ce conflit dure.
13:05Ils poussent les Ukrainiens à continuer le combat.
13:07Ils poussent les Européens à leur livrer de nouveaux armements.
13:11Ce sont eux qui ont autorisé les tirs de missiles
13:13au-delà d'une portée de 250 kilomètres.
13:17On voit entre ces deux factions principales sur ce sujet ukrainien,
13:21à la fois les dissensions et les déclarations parfois peu cohérentes
13:25qui arrivent du Washington.
13:27– Alors, on le voit dans ces enjeux de pouvoir purement américains,
13:30ceux qui en paient le prix, bien sûr,
13:32c'est le principe de la guerre par procuration, par proxy.
13:34C'est bien entendu l'Ukraine et tout particulièrement les soldats ukrainiens.
13:38Après cette frappe qui a eu lieu sur Sébastopol en Crimée,
13:41quels ont été les représailles militaires de la Russie sur l'Ukraine ?
13:46– Écoutez, pour l'instant, je n'en ai pas vu, sauf erreur de ma part.
13:51Cela traduit d'ailleurs le fait qu'on a affaire à une mesure,
13:55une pondération relative en tout cas, de la part des Russes
13:59qui font attention de ne pas se faire piéger par les Américains
14:02en montant aux extrêmes, parce qu'on a le droit de penser aussi
14:05que cette frappe sur Sébastopol était une forme de provocation
14:08pour pousser Moscou à réagir de manière violente,
14:12peut-être à cibler elle-même des objectifs civils,
14:15mais ceux dont les Russes se sont bien gardés.
14:18Et il faut le rappeler, depuis le début de ce conflit,
14:21les Russes, quoi qu'on pense d'eux, font preuve d'une mesure dans leur frappe.
14:25C'est un conflit dans lequel 90% des victimes sont, si ce n'est plus d'ailleurs,
14:3090 ou 95% des victimes sont des victimes militaires.
14:34Ça nous rappelle un conflit comme celui de 1914
14:36où l'essentiel des morts était dans les zones de combat
14:39et qu'il y avait relativement peu de dégâts collatéraux à côté.
14:42Donc les Russes font très attention à cela.
14:46Ce qu'on n'est pas capable de dire aujourd'hui,
14:49c'est s'il n'y a pas eu des rétorsions dans le domaine clandestin.
14:52Est-ce que le SVR ou le PSB n'ont pas mené des actions ?
14:57Je pense qu'il y a eu des réflexions côté russe ces derniers jours
15:02pour se demander ce qu'il était nécessaire de faire.
15:06Ces réflexions dont nous avons l'écho ne sont pas des éléments
15:09qui nous viennent des cercles de décision,
15:11mais des film-tanks et des journalistes russes qui suivent ces questions-là.
15:15Ils se sont demandé s'il ne fallait pas abattre des drones
15:18survolant la mer Noire et qui font du renseignement.
15:22Je dirais l'avantage d'abattre un drone, c'est qu'il n'y a pas de pilote
15:24et qu'on ne tue pas d'Américains, de Britanniques ou de pays membres de l'OTAN.
15:28Et puis surtout, la deuxième option qui est évoquée,
15:31c'est celle de livrer des missiles hypersoniques ou non à des proxys de la Russie,
15:39et notamment, on pense aux Houthis en mer Rouge,
15:42pour finalement renvoyer la balle aux Américains.
15:46Je rappelle qu'il y a une dizaine de jours de cela,
15:48un navire ukrainien qui ravitaillait Israël où était censé le faire
15:55a été touché ou coulé par des missiles tirés par les outils du Yémen.
16:00J'aimerais revenir sur un point que vous avez donné dans votre réponse.
16:04Vous avez dit qu'on était en droit de penser que cette frappe sur Sébastopol
16:08pouvait constituer une provocation, c'est-à-dire volontaire.
16:12Y a-t-il des précédents où l'OTAN aurait sciemment frappé des civils ?
16:18Sur le conflit ukrainien, non.
16:21Ce que l'on sait, c'est que les forces spéciales ukrainiennes,
16:25soit par des attaques terrestres, soit par des attaques de drones,
16:29ces deux dernières années ont ciblé des cibles civiles en Russie,
16:35sur Belgorod notamment et sur Moscou.
16:38Il y a eu très peu de victimes civiles d'un côté comme de l'autre,
16:41donc pour l'instant on ne peut pas dire que ce soit une provocation.
16:44C'est plus de la riposte, comme les Ukrainiens sont,
16:47j'irais malheureusement, finalement en droit de le faire,
16:51mais ça a été très mesuré aussi de ce côté-là.
16:53Il faut rappeler que la CIA a quand même pendant très longtemps
16:57essayé d'empêcher les Ukrainiens de lancer trop d'opérations offensives.
17:03Depuis le début du conflit, la CIA a armé, organisé, financé les services spéciaux ukrainiens,
17:10elle l'a même fait d'ailleurs depuis 2014,
17:12et pendant très longtemps elle tenait les unités spéciales ukrainiennes rennes courtes
17:18pour que le conflit ne déborde pas.
17:20Ça s'est révélé pour l'agence de renseignement américain
17:23quelque chose de très difficile,
17:25puisque les Ukrainiens ont bien sûr cherché à échapper à son contrôle
17:29et ont mené un certain nombre d'actions.
17:30Alors celles-ci se sont passées essentiellement dans le Donbass,
17:32un petit peu en Russie,
17:34mais on ne peut pas parler aujourd'hui de provocation à mon sens,
17:37d'autant que l'OTAN en a fait suffisamment entre 2014 et 2021
17:41en ne respectant pas les accords passés et la parole donnée avec Moscou.
17:45Et avant la guerre en Ukraine, je pense évidemment à Belgrade.
17:49Alors voilà, on a bien sûr quelques exemples en dehors du conflit ukrainien.
17:54C'est toujours difficile de dire si les membres de l'OTAN,
17:58en tout cas dans la majorité des cas les Américains,
18:02ont ciblé délibérément des populations civiles.
18:04En tout cas ce que l'on peut dire,
18:05c'est qu'ils n'ont jamais hésité à négliger les effets collatéraux.
18:09On l'a vu essentiellement dans la guerre contre le terrorisme,
18:12que ce soit en Irak, en Afghanistan, dans les frappes ayant lieu en Jordanie,
18:16au Yémen ou dans d'autres zones d'opérations, en Syrie notamment,
18:20où la préoccupation des populations civiles finalement a été extrêmement mince
18:27et que les dégâts collatéraux ont été assez importants.
18:30Nous avons nous-mêmes d'ailleurs au CF2R publié plusieurs papiers sur cette action.
18:34Les Britanniques en ont fait autant,
18:36d'ailleurs un certain nombre d'unités spéciales britanniques et australiennes,
18:39d'ailleurs les SAS, sont aujourd'hui poursuivies en justice dans leur pays
18:45pour avoir commis un certain nombre d'éliminations délibérées,
18:48y compris sur des femmes et sur des enfants,
18:51essentiellement d'ailleurs en Irak et en Afghanistan,
18:53dans le cadre des opérations antiterroristes.
18:55Mais ça n'a pas été des meurtres de masse.
18:57– On se rappelle également que ces faits ont été en partie relatés par Julian Assange
19:01et c'est en partie ce qu'on lui reprochait
19:03parmi les innombrables choses qui lui étaient reprochées aux États-Unis.
19:08Est-ce qu'on peut faire un point rapide, Éric Denessay,
19:11sur la situation militaire aujourd'hui sur le front terrestre en Ukraine ?
19:16– Oui, alors on assiste semaine après semaine
19:20à une lente mais sûre progression de l'armée russe
19:24et à une, je dirais, une défaite
19:26et à des pertes toujours très importantes côté ukrainien.
19:29Alors les combats sont acharnés,
19:30ce qui fait qu'il y a aussi des pertes côté russe,
19:33mais le rouleau compresseur immanquablement avance.
19:35Il avance pas à pas parce que les Russes sont extrêmement prudents,
19:39d'abord pour faire une rotation de leurs troupes,
19:41éviter les pertes humaines,
19:42mais aussi anticiper tout éventuel contre-offensive.
19:45Donc dès qu'ils avancent,
19:46ils solidifient leur position avant de reprendre l'offensive.
19:50Je crois qu'on ne doit pas s'attendre à une percée de l'armée russe,
19:53sauf à un écroulement subi des forces ukrainiennes
19:57sur tel ou tel point du front.
19:59Il y a une autre raison pour laquelle les Russes sont extrêmement prudents.
20:03D'abord, ils ne veulent pas avancer nécessairement très très loin.
20:06Pour l'instant, on a du mal à voir
20:07s'ils ont à l'esprit d'occuper les oblastes d'Odessa, de Kharkov,
20:12voire de Dnipro ou de Nikolaïev.
20:16Mais il y a une autre raison derrière ça,
20:17c'est qu'ils ne savent pas jusqu'où les Américains veulent aller.
20:21Et pour reprendre ce que l'on évoquait il y a quelques instants,
20:25on a de vraies interrogations sur cette fin de la guerre.
20:28D'un côté, on a vu avant-hier le débat Trump-Biden
20:33dans lequel le candidat Trump disait qu'en un coup de fil à Vladimir Poutine,
20:38il pourrait arrêter ce conflit.
20:40C'est tout ce que nous souhaitons tous.
20:41Mais inversement, on voit très bien que les néoconservateurs
20:44qui tiennent encore les rênes de l'État profond américain
20:47ont intérêt à ce que cette guerre dure,
20:49y compris au-delà des élections de 2024.
20:52Pourquoi est-ce qu'ils ont intérêt à ce qu'elle dure ?
20:54C'est que, vu que les Américains n'ont pas réussi
20:57dans leur stratégie d'affaiblir la Russie,
20:59ce conflit devient d'une certaine manière une guerre existentielle,
21:03non pas pour leur sécurité, mais pour leur domination.
21:05Un échec en Ukraine serait pour eux un véritable camouflet.
21:10Donc, ils ont beaucoup plus intérêt à ce que ce conflit se perdure, se gèle,
21:15même s'il y a peu de combats,
21:18que ça devienne une guerre qui, un peu comme dans le cas de la Corée,
21:20dure 2024-2025, peut-être au-delà.
21:24Leur second intérêt, c'est que ça leur permet,
21:27et ça c'est pour le Pentagone,
21:28ça permet au Pentagone de continuer à demander des budgets plus importants.
21:32On le disait tout à l'heure,
21:33le Pentagone a finalement connu beaucoup de baisses budgétaires
21:36et il se bat pour rattraper son retard en matière nucléaire,
21:40en matière de missiles hypersoniques vis-à-vis de la Russie.
21:44Il essaie aussi de renforcer ses structures navales,
21:46notamment sa flotte, ce nombre de bâtiments vis-à-vis de la Chine.
21:50Donc, il y a de vrais enjeux pour eux.
21:51Là aussi, ils ont une certaine forme d'intérêt à ce que le conflit continue.
21:55Et puis, je crois que malheureusement, quand on regarde l'histoire,
21:58il ne faut pas oublier ce que c'est que la politique étrangère des États-Unis.
22:02Il y a, chez les Américains,
22:04et notamment chez les politiques comme chez les industriels,
22:07la guerre est plus que pour tout autre État,
22:09la continuation de la politique par d'autres moyens.
22:12Donc, systématiquement, dès que les choses vont mal aux États-Unis,
22:15dès que le régime ONI est remis en question, il déclenche un conflit.
22:18Donc là aussi, y compris sur un plan économique,
22:21les Américains ont intérêt, d'une certaine manière, à ce que ce conflit dure.
22:24Et en dépit des déclarations de Donald Trump,
22:26je ne suis pas sûr que le conflit prenne fin aussi rapidement que nous le souhaitons tous.
22:30Et donc, ça explique pourquoi les Russes,
22:32qui ont évidemment compris cette logique américaine,
22:35sont très prudents sur leur avancée parce qu'ils se disent
22:37qu'ils sont peut-être engagés dans un combat qui va durer encore une ou plusieurs années.
22:42– Alors, il y a quelques jours,
22:45évidemment, il y a eu un nouveau sommet pour la paix en Suisse.
22:49Il y avait évidemment Volodymyr Zelensky,
22:50où le grand absent, c'était bien entendu la Russie.
22:53Et à chaque fois qu'il y a un sommet pour la paix, la Russie n'est pas conviée.
22:56Je vous propose d'écouter tout de suite Volodymyr Zelensky.
22:59– Nous devons trouver et préparer ce plan
23:02et le mettre sur la table pour le discuter pendant des mois.
23:08Nous n'avons pas beaucoup de temps parce que nous avons, vous savez,
23:12beaucoup de blessés et de morts sur le champ de bataille et des civils.
23:19C'est pour ça que l'on ne veut pas de cette guerre pendant des années.
23:25C'est pourquoi nous voulons préparer ce plan commun,
23:28le mettre sur la table pour ce deuxième sommet pour la paix.
23:40– Bon alors, c'est vrai que c'était un sommet pour la paix,
23:42donc c'était difficile pour Volodymyr Zelensky de ne pas parler de paix.
23:45Mais pour autant, on a le sentiment que c'est un tournant,
23:48que même Volodymyr Zelensky est contraint désormais
23:52d'accepter la situation particulièrement délicate de ses soldats sur le front
23:56et qu'il se rend bien compte aussi,
23:58Hervé Carès parle souvent de centre de gravité,
24:01que la population ne va pas tenir et le soutenir encore bien longtemps.
24:05A plus forte raison que son mandat n'est plus officiel maintenant.
24:08– Oui, Zelensky n'est plus le président légitime.
24:12Il essaie bien sûr de sauver les meubles à la fois pour son pays,
24:16ce qui est la moindre des choses parce que son comportement depuis deux ans,
24:20finalement, n'a contribué qu'à faire massacrer sa propre population.
24:24Ce sommet de Suisse, c'est finalement été une parodie ou une mascarade,
24:29je ne sais pas quel est le terme le plus approprié,
24:30parce que dans un conflit de cette ampleur,
24:32ne pas inviter un des deux bénégérants était évidemment totalement stupide
24:37et ne pouvait pas produire quoi que ce soit en matière de résultats.
24:41Alors, ce qui est quand même intéressant, ce sont les déclarations de Zelensky
24:43qui dit qu'il a beaucoup trop de morts, beaucoup trop de blessés,
24:47qu'ils ne vont pas pouvoir tenir indéfiniment.
24:50Il sent bien aussi que le soutien occidental se réduit,
24:54il perçoit peut-être la très probable élection de Donald Trump,
24:58donc il sait que le vent peut tourner.
25:00Voilà, c'est quelque chose de nouveau, ce sommet aura au moins servi à cela.
25:07Et il voit bien que côté européen, à part les déclarations
25:11souvent intempestives d'Emmanuel Macron au printemps dernier,
25:14les autres États ne sont absolument pas déterminés à envoyer des troupes
25:17ni à aller plus loin dans le soutien militaire à Kiev,
25:20donc il sait très bien que son choix, sa liberté d'élection se réduit de jour en jour,
25:26surtout face à la montée de l'appareil industriel militaire russe
25:31et à l'avancée de troupes de Moscou sur le terrain.
25:34– Alors, on a fait le point tout à l'heure sur la situation
25:36sur le front terrestre de la guerre en Ukraine.
25:39Aujourd'hui, est-ce que vous diriez que l'Ukraine manque avant tout d'hommes,
25:42manque avant tout d'armes ?
25:44Comment voyez-vous cela ?
25:46Et puis surtout, est-ce que l'un ou l'autre pourrait,
25:50s'il était renforcé par une puissance étrangère,
25:54pourrait changer la donne à la fin ? Non ?
25:57– Non, clairement non.
25:58Ce qui manque le plus à l'Ukraine, ce sont des hommes.
26:01Et je dirais des hommes formés, parce que quand bien même les Ukrainiens
26:05mobiliseraient, ce qui n'en prend absolument pas le chemin,
26:07puisque bon nombre d'hommes ukrainiens ont quitté le pays
26:12ou refusent la mobilisation.
26:14Ça provoque un tollé dans certaines villes et dans certains milieux.
26:18Quand bien même il y aurait suffisamment d'hommes,
26:19encore faudrait-il qu'ils soient formés
26:21avant de pouvoir être confrontés à l'armée russe.
26:25Là, les Russes sont beaucoup plus organisés en la matière.
26:28C'est-à-dire qu'ils ont à peu près 700 000 hommes sur le front.
26:31Alors, pas 700 000 hommes au combat, mais avec des rotations.
26:34Donc, ces hommes sont formés.
26:36Ils ont été beaucoup plus longuement formés que les combattants ukrainiens.
26:39Et puis, au bout de quelques semaines sur le front,
26:42ils sont renvoyés en base arrière pour récupérer.
26:44Donc, ce type de rotation permet d'éviter l'érosion
26:48et du moral et de l'efficacité des combattants.
26:51En face, Kiev, qui n'a pas assez de ressources humaines,
26:54ne peut pas faire des rotations de ce type-là,
26:56envoie de plus en plus des combattants au front,
26:58des formations tout à fait sommaires.
27:00Et ce qui fait que le différentiel d'efficacité
27:03entre les deux armées ne cesse de s'accroître.
27:05– On a le sentiment également…
27:07– Oui, à partir de là, on peut leur livrer autant d'armes
27:10et de munitions qu'on veut, ce qui d'ailleurs n'est pas le cas.
27:12Si les hommes ne sont pas formés, s'ils n'arrivent pas à récupérer,
27:16eh bien, ça ne changera pas grand-chose.
27:19– On a le sentiment, justement, que dans ce cadre de pénurie
27:21aussi bien humaine que d'armes,
27:23l'obstination des Ukrainiens à frapper la Crimée
27:28permet finalement de cacher un peu la misère.
27:32– C'est exactement ça.
27:33Ce sont des opérations qui sont presque plus
27:35des opérations de communication que des opérations militaires.
27:39On le disait tout à l'heure, certains avancent même
27:42que ce seraient des opérations de provocation.
27:45Voilà, c'est aussi pour essayer de faire un petit peu mal à Moscou
27:48et d'avoir un impact sur l'opinion publique russe,
27:52pour faire savoir aux Criméens qui ont voté le rattachement à la Russie
27:56qu'ils ne sont pas à l'abri.
27:57Bon, il y a toute une série d'éléments,
27:58mais sur un plan militaire, ça n'a strictement aucun impact.
28:01Il y a un autre élément que je voudrais ajouter
28:04concernant les effectifs ukrainiens.
28:06Si nous étions logiques, nous en France,
28:09avec ce gouvernement Macron qui soutient,
28:11d'exemple, la guerre en Ukraine et le régime Zelensky,
28:15eh bien nous devrions finalement arrêter tous les citoyens ukrainiens
28:19en âge de combat qui se trouvent sur notre territoire
28:22et les renvoyer en Ukraine pour qu'ils partent au conflit.
28:24Or, je pense que beaucoup de Français sont comme moi,
28:27quand nous sommes en province d'ailleurs, plus qu'à Paris,
28:29nous voyons régulièrement des véhicules ukrainiens
28:32avec des familles entières qui sont venues se réfugier chez nous.
28:36Alors, je ne parle pas des femmes et des enfants, évidemment,
28:38mais si nous étions logiques dans ce système,
28:41dans cette prise de position très partiale
28:44que nous avons eue vis-à-vis de l'Ukraine,
28:46eh bien nous devrions arrêter ces hommes
28:49et les renvoyer dans leur pays, ce qui, bien sûr, n'est pas fait.
28:52– Est-ce que vous diriez, quand on voit les frappes en Crimée,
28:56quand on voit les frappes qui ont été effectuées depuis 2014
28:59sur les territoires du Donbass et de Donetsk et de Luhansk,
29:04quand on voit les revendications de Zelensky aujourd'hui
29:07qui est de récupérer tous ces territoires,
29:09est-ce qu'il n'y a pas une incohérence totale ?
29:11– Si, mais Zelensky est dans l'incohérence totale depuis le début.
29:15Il a été élu notamment par les régions russophones
29:18pour mettre un terme à la guerre civile.
29:20Il est élu même russophone bien plus qu'ukrainophone,
29:23donc voilà, il était pour la paix nationale,
29:27sauf qu'il a réussi à se faire totalement à la fois menacer
29:31et, je dirais, encercler par les extrémistes d'Azov
29:34et tous les ultramationnistes ukrainiens.
29:37Il pousse au combat jusqu'à la dernière extrémité,
29:39il fait la politique de l'OTAN.
29:41Voilà, en même temps, il se met maintenant à dire qu'il y a trop de morts.
29:45Finalement, que ce soit les Américains ou le gouvernement Zelensky,
29:49on a les mêmes incohérences des deux côtés
29:52et ce n'est pas en ayant des incohérences qu'on gagne une guerre.
29:55De toute façon, on voit très bien que cette guerre est perdue,
29:58ils le savent tous, que ce soit à Kiev, à Washington
30:01et même en Europe, en Bruxelles comme dans les grandes capitales.
30:04On essaie seulement de ne pas perdre la face
30:06et de faire durer ce conflit le plus longtemps possible
30:09en espérant trouver une solution qui permette de sauver les intérêts de l'Europe
30:14et de nuire à ceux de la Russie, bien sûr.
30:17Alors, on l'a évoqué déjà tout à l'heure,
30:19il y a eu un premier débat présidentiel aux États-Unis
30:21dans la nuit de jeudi à vendredi pour la France.
30:24Je vous propose tout de suite de découvrir un extrait qui,
30:27même s'il ne parle pas de la guerre en Ukraine,
30:29résume assez bien la situation américaine.
30:31Je n'ai pas vraiment compris ce qu'il avait dit à la fin de sa phrase.
30:44Je ne pense pas non plus qu'il sache ce qu'il a dit.
30:46Vous évoquiez tout à l'heure une position de la Maison-Blanche.
30:55On est d'accord que la Maison-Blanche, aujourd'hui,
30:57ce n'est plus Joe Biden qui peut décider quoi que ce soit
31:00sur le terrain ukrainien par exemple ?
31:03Non, je souris parce que pour avoir regardé ce débat,
31:06c'est affligeant de voir l'état du président américain.
31:10Alors, effectivement, avant d'y revenir,
31:12quand on parle de la Maison-Blanche,
31:14ce sont les conseillers qui tournent autour,
31:17à la fois les conseillers de la Maison-Blanche,
31:18c'est-à-dire les conseillers politiques en communication,
31:20et les membres, les ténors du Parti démocrate
31:23qui tournent autour de Joe Biden.
31:25Si je peux me permettre, pardon de vous interrompre,
31:27mais entre parenthèses, ce qui signifie que les États-Unis
31:30sont aujourd'hui dirigés par des gens
31:31qui n'ont pas été élus par les Américains ?
31:34C'est absolument le cas.
31:36On a à la faire un petit peu, je dirais, une oligarchie.
31:42Mais un président, comme dans le cas de l'Algérie,
31:45il y a quelques années, avec Bouteflika,
31:46un président qui est un légume, finalement.
31:49Et finalement, son entourage, ou ses entourages plus exactement,
31:54qui viennent prendre les décisions et les imposer.
31:57Ce qui est intéressant, c'est qu'on le mesure
32:00de façon de manière transparente,
32:01mais c'est qu'à chaque fois que Joe Biden
32:03fait un voyage officiel,
32:05l'ensemble de ses conseillers viennent expliquer
32:07aux dirigeants européens ou autres qu'ils rencontrent,
32:10finalement, la manière dont il faut se comporter
32:11pour éviter que la réunion officielle
32:15ou devant les médias tourne à la déconfiture.
32:19Alors déjà, hier soir, ce qui était intéressant,
32:21c'est que sur ce débat de 90 minutes,
32:24il y a eu deux interruptions.
32:26C'est-à-dire que déjà, Joe Biden n'est pas capable
32:28de tenir une heure et demie d'émission de télé
32:30devant Donald Trump.
32:32Sans doute, on lui refaisait une piqûre
32:35pour qu'il arrive à tenir le débat à chacune des pauses.
32:39Il marmonnait, il était déconnu, il était incohérent.
32:41C'était tout à fait pathétique.
32:44À l'issue de ce débat, les ténors du Parti démocrate
32:46devaient prendre la parole dans les grands médias.
32:49Ils se sont tous immédiatement désistés
32:51parce qu'ils ont trouvé que c'était vraiment une catastrophe.
32:54Le Wall Street Journal parle de crash,
32:57au sens de crash aérien,
32:58comme si la Maison-Blanche était écroulée.
33:01Et on voit en off, en tout cas dans les éléments
33:05dont on dispose, ces ténors du Parti démocrate
33:07qui veulent dire qu'il faut débarquer le président Biden
33:09le plus vite possible.
33:10Non seulement qu'il ne se représente pas
33:12aux élections prochaines
33:13et qu'il est un autre candidat,
33:15mais y compris pour remettre un terme à son mandat avant la fin.
33:19Ce qui leur pose un problème fondamental.
33:21Ça veut dire que les clés des codes nucléaires
33:23seraient données à Kamala Harris.
33:25Or Kamala Harris, des démocrates
33:27comme de la classe politique américaine,
33:29est une femme qui bénéficie absolument d'aucun crédit,
33:32qui est jugée comme dangereuse et incontrôlable
33:36sans véritable expérience politique d'ailleurs
33:38avant d'arriver à la Maison-Blanche.
33:40Et donc ils sont dans une panade,
33:43si vous me permettez cette expression,
33:45assez extraordinaire.
33:46Au cours de ce débat,
33:47ce qui était intéressant aussi,
33:48c'est qu'à un moment donné,
33:49on a vu Biden parler de guerre.
33:51Biden disant qu'il voulait faire la guerre.
33:53Alors probablement qu'il a dérivé,
33:55mais c'est quand même inquiétant d'avoir un président
33:58qui parle de guerre contre tous ceux
34:00qui ne respectent pas la vision américaine.
34:02Et Trump, à ce sujet,
34:04a été assez attaqué de manière assez virulente
34:06en lui disant que la guerre en Ukraine
34:08était en substance sa responsabilité
34:11et qu'il était capable d'y mettre un terme
34:13en une heure par un coup de fil
34:15à Vladimir Poutine.
34:16Alors bien sûr,
34:17tout ça relève de la politique politicienne,
34:19mais ce débat est très intéressant
34:21et il est surtout très inquiétant
34:23quand on comprend qui dirige aujourd'hui
34:25la première puissance mondiale.
34:27Et ça ne cesse d'être effectivement
34:29très très préoccupant.
34:31Peut-être aussi une petite remarque,
34:34finalement, le mutisme des médias occidentaux,
34:36notamment français,
34:38sur cette question Biden,
34:40alors que typiquement lors des commémorations
34:42du débarquement, on a bien vu
34:44que Joe Biden, là encore,
34:46n'était pas maître de lui-même à chaque instant.
34:48Et pour autant, on n'en parle pas.
34:50Et je me permettrais d'aller faire
34:52une comparaison amusante,
34:54mais on entend quasiment tous les jours
34:56les journalistes nous parler
34:58du fait qu'en cas de cohabitation,
35:00il y aurait des gens qui seraient impréparés
35:02au sommet de l'État, mais en revanche,
35:04ils n'ont rien à dire quant à un président
35:06qui est, sans vouloir être cruel,
35:08qui est sénile,
35:10à la tête des États-Unis.
35:12C'est effectivement
35:14un élément que je constate.
35:16Les médias français,
35:18j'ai envie de dire bien plus que les autres
35:20médias européens et occidentaux,
35:22sont les plus politiquement corrects.
35:24Alors d'où est-ce que ça vient ?
35:26Est-ce que c'est une autocensure des journalistes ?
35:28Est-ce que c'est de l'activisme ?
35:30Est-ce que ces médias appartiennent
35:32à un nombre limité d'actionnaires
35:34qui ont des liens avec les autorités politiques actuelles ?
35:36Tout ça est difficile à dire,
35:38mais en tout cas, on constate bien sûr
35:40que toute objectivité,
35:42il s'agit même de la critique
35:44sur ce qui se passe aujourd'hui
35:46au niveau du temps, est quasiment nulle.
35:48Un dernier exemple qui est très intéressant,
35:50il y a quelques jours,
35:52Nigel Farage,
35:54le patron du parti
35:56dont le nom m'échappe à l'instant,
35:58mais qui avait prôné le Brexit,
36:00a déclaré que ce sont les occidentaux
36:02qui avaient provoqué la guerre d'Ukraine.
36:04Bien sûr, il y a eu d'énormes réactions
36:06en disant que Farage était de toute façon
36:08un leader d'extrême droite
36:10et qu'on ne pouvait pas le croire.
36:12Mais le 27 juin dernier,
36:14l'ancien ambassadeur
36:16de Grande-Bretagne à Moscou,
36:18qui était ambassadeur entre 2004 et 2008,
36:20a repris les propos dans Le Télégraphe,
36:22a repris les propos de Nigel Farage
36:24en disant qu'il avait tout à fait raison
36:26et que c'est bien l'Occident
36:28qui avait provoqué cette guerre.
36:30C'est essentiel, l'ancien ambassadeur
36:32de Grande-Bretagne en Russie
36:34faisant cette déclaration.
36:36Elle n'a été reprise que très marginalement
36:38dans les médias français.
36:40On est là sur un double paradoxe.
36:42Nous seulement, nous ne reprenons pas.
36:44C'est l'un des plus fidèles alliés
36:46des États-Unis qui, par le biais
36:48d'un ex-diplomate, fait ce genre de discours
36:50alors qu'il aurait dû sortir en France,
36:52en Italie ou en Allemagne.
36:54On a parlé beaucoup des États-Unis.
36:56Éric Denessé, j'aimerais à présent
36:58qu'on évoque la question de l'OTAN
37:00puisqu'on a vu que Jens Stoltenberg
37:02avait cédé sa place au néerlandais
37:04Mark Rutte. Est-ce que, selon vous,
37:06ça va avoir des conséquences sur la doctrine
37:08otanienne ?
37:10Non, je ne pense pas à l'instant.
37:12Généralement, les secrétaires généraux
37:14de l'OTAN sont
37:16issus de tout petits pays.
37:18Ça a été la Norvège, le Danemark,
37:20des pays qui sont
37:22totalement inféodés à Washington.
37:24Avec les Pays-Bas, nous avons un pays
37:26qui est plus important sur la scène
37:28européenne mais
37:30qui, malheureusement, reste malgré tout
37:32un État de taille assez faible
37:34comparé aux grands acteurs de l'Union
37:36que sont la France, l'Italie et l'Allemagne.
37:40Vu que l'OTAN est vraiment le bras
37:42armé de la politique étrangère américaine
37:44dans le monde maintenant et plus uniquement
37:46sur le théâtre européen, je ne vois pas
37:48d'évolution
37:50se préparer.
37:52Et s'il y en a, je pense que Mark Rutte
37:54ne se fera que
37:56l'émissaire de ce qui sera
37:58décidé à Washington.
38:00On l'a vu, c'est un homme qui a du caractère,
38:02qui a dirigé assez efficacement
38:04les Pays-Bas pendant les différents mandats
38:06qu'il a obtenus. C'est aussi un homme
38:08qui était très
38:10porté sur les économies financières.
38:14Il faisait partie de ce qu'on appelait les frugaux.
38:16En même temps, il fait partie de ceux qui ont été
38:18les responsables, qui ont refusé
38:20les investissements dans l'industrie de défense,
38:22dont le retrouver aujourd'hui à la tête de l'OTAN
38:24est quelque peu paradoxal.
38:28Je pense que s'il y a une négociation qui se prépare
38:30avec Moscou, ce n'est pas une mauvaise chose
38:32de changer le secrétaire général de l'OTAN
38:34parce qu'il n'aura pas le passif
38:36de Stoltenberg qui a vraiment été
38:38un véritable roquet
38:40aboyant contre Moscou
38:42sur ordre de Washington de manière assez systématique.
38:44Mais en dehors de ça, je ne crois pas
38:46qu'il y ait une véritable différence.
38:48Je crois qu'il faut surtout le redire,
38:50comme tous ceux qui travaillent à l'OTAN,
38:52que ce soit des militaires français
38:54ou des anciens politiques néerlandais,
38:56ils ont aussi un intérêt très direct
38:58et financier à des postes de cette nature.
39:00On a vu très récemment
39:02les élections européennes.
39:04On a vu les conséquences en France
39:06puisque c'est à partir de là que le président
39:08a décidé de la dissolution.
39:10On voit aujourd'hui l'appareil décisionnaire
39:12de l'UE qui se dessine
39:14pour changer Ursula von der Leyen.
39:16Il n'en reste pas moins
39:18que la figure diplomatique de l'UE
39:20pourrait passer de Joseph Borrell
39:22ou est passée de Joseph Borrell
39:24à Kaja Kalas, une Estonienne.
39:26Ça, ça donne une indication
39:28sur la politique étrangère
39:30de l'Union européenne,
39:32j'imagine, dans les années à venir.
39:34– Quitte à vous surprendre, je ne crois pas.
39:36C'est un changement de personne
39:38qui est majeur puisque
39:40l'ancienne politique estonienne
39:42et une femme qui est très antirusse.
39:44Mais si vous regardez
39:46ce qu'a été la politique de Joseph Borrell,
39:48il a fait exactement une politique
39:50pro-américaine et antirusse.
39:52À tel point d'ailleurs,
39:54ce qui montre le niveau
39:56auquel les néoconservateurs
39:58ont réussi, je dirais,
40:00à rentrer dans l'esprit, dans le mental
40:02des dirigeants européens,
40:04Joseph Borrell utilisait les termes
40:06de jungle et de serpent qui sont les termes
40:08du livre de Robert Kagan qui est l'un des pires
40:10néoconservateurs américains
40:12et le mari de Victoria Nuland.
40:14Donc Borrell utilisait régulièrement
40:16les mots issus de ce livre,
40:18je crois même que c'était le titre du livre,
40:20en plusieurs occasions.
40:22C'est difficile d'être plus pro-américain
40:24que ce qu'a fait Borrell.
40:26On sera peut-être un petit peu plus antirusse
40:28encore avec Mme Callas,
40:30mais en dehors de ça,
40:32je pense que le symbole est maladroit
40:34à mon sens pour deux raisons.
40:36Le premier, c'est que ça va être
40:38quasi quelqu'un qui soit antirusse.
40:40Et puis le second,
40:42il est pour moi très important,
40:44c'est que même si nous devons avoir du respect
40:46pour l'ensemble des acteurs, des Etats,
40:48membres de l'Union Européenne,
40:50nommer, s'occuper des affaires extérieures
40:52de l'Union, un politique issu d'un Etat
40:54qui compte moins de 2 millions d'habitants
40:56et dont on connaît particulièrement
40:58l'orientation antirusse, c'est lui donner
41:00un pouvoir et un poids absolument
41:02démesuré et orienter l'Union Européenne
41:04encore une fois dans une mauvaise direction.
41:06– Alors cette semaine également,
41:08une décision a été prise à Bruxelles,
41:10une décision qui là encore est quasiment
41:12passée inaperçue dans les médias français,
41:14c'est cette décision de contourner
41:16le veto hongrois au sujet
41:18du gel des avoirs russes,
41:20c'est-à-dire qu'auparavant il était nécessaire
41:22d'avoir l'unanimité, là malgré le fait
41:24que Viktor Orban et la Hongrie se soient opposées
41:26à cette décision de geler les avoirs russes,
41:28eh bien l'UE le fait quand même.
41:32– Eh oui, on est toujours dans cette dérive
41:34de l'Union Européenne qui se considère
41:36maintenant au-dessus des États,
41:38alors on a vu la catastrophique
41:40renomination, redésignation
41:42de Mme von der Leyen pour un nouveau mandat,
41:44c'est non pas inexplicable
41:46mais c'est assez scandaleux, d'ailleurs les réactions
41:48aussi bien en Hongrie qu'en Italie
41:50de Mme Mélanie sur la manière
41:52dont s'étaient déroulées ces désignations
41:54n'ont pas manqué d'être elles aussi
41:56assez criantes.
41:58Que dire par rapport à ça ?
42:00On voit bien qu'il y a cette vieille tentation
42:02qui remonte maintenant à plusieurs années
42:04de la technocratie européenne
42:06de passer finalement
42:08au vote majorité qualifiée
42:10et non plus à l'unanimité
42:12pour les décisions majeures
42:14engageant l'Union,
42:16ils ne sont pas encore parvenus à le faire
42:18mais on a là le début,
42:20on a réussi à diaboliser suffisamment
42:22Viktor Orban pour maintenant faire accepter
42:24l'idée qu'on est capable de contourner
42:26le veto d'un État
42:28et finalement imposer une volonté européenne
42:30à son détriment.
42:32Bon, il faut aussi dire que
42:34Viktor Orban s'était largement employé
42:36à de nombreuses reprises à empêcher
42:38que des décisions
42:40antirusses soient prises
42:42à Bruxelles.
42:44Il a eu le soutien sur un certain nombre de sujets
42:46de Fidzow,
42:48le Premier ministre slovac.
42:50Là, effectivement, ils ont réussi à passer en force.
42:52Je ne pense pas que ce soit
42:54une bonne chose, en tout cas que ce ne soit pas
42:56un annonciateur d'éléments positifs pour l'évolution de l'Europe.
42:58Alors, justement, Eric Dénessier,
43:00vous venez parler à l'instant
43:02de Robert Fidzow,
43:04le président, le Premier ministre,
43:06je ne sais plus, slovac,
43:08qui a été victime d'une lourde tentative
43:10d'assassinat.
43:12Ce n'est pas le seul
43:14dirigeant européen,
43:16avec une inclinaison plutôt pro-russe,
43:18qui a eu des problèmes
43:20récemment. Comment vous expliquez cela ?
43:22Alors,
43:24on ne dispose pas assez d'éléments.
43:26Certains dirigeants européens qui étaient tentés
43:28de changer de position,
43:30j'en pourrais bien le conditionner,
43:32auraient reçu des menaces par téléphone
43:34leur annonçant
43:36qu'ils pourraient connaître
43:38un sort à la Robert Fidzow.
43:40Est-ce vrai ou pas ?
43:42Pour moi, c'est impossible de le dire.
43:44Mais juste pour faire une comparaison
43:46qui, à mon avis, frappera les auditeurs,
43:48c'est que,
43:50lors de son audition récente,
43:52le patron de Boeing a avoué
43:54qu'il avait tout fait
43:56pour faire taire des lanceurs d'alerte
43:58qui s'apprêtaient
44:00à révéler
44:02des dysfonctionnements
44:04sur les appareils de Boeing, dont on a vu
44:06qu'ils avaient été retirés du service.
44:08Et on a d'ailleurs noté
44:10que deux lanceurs d'alerte étaient morts
44:12dans des conditions inexpliquées.
44:14Donc, même si on n'a pas d'éléments
44:16factuels,
44:18dire que ces pratiques-là n'existent pas
44:20serait faux.
44:22Il y a eu des menaces de cette nature
44:24qui ont eu un impact sur certains dirigeants européens
44:26qui auraient pu être tentés de changer.
44:28Cette absence de commentaires
44:30quant à ces faits,
44:32encore une fois, dans nos médias,
44:34comparativement au traitement
44:36de la mort d'Alexei Navalny, par exemple,
44:38l'est-ce pas en toi, quand même ?
44:40Ah, mais ça,
44:42je dirais qu'on est presque habitués,
44:44maintenant, au bout de deux ans de conflits
44:46et depuis 2014,
44:48depuis dix ans de mensonges,
44:50que seule partie de la vérité soit donnée.
44:52Encore une fois, les médias français,
44:54de manière toujours très étonnante
44:56pour moi, tiennent l'accord en termes
44:58de mauvaise foi et de partialité
45:00parce que, lisant régulièrement la presse
45:02de l'ensemble des Etats étrangers,
45:04et principalement la presse anglo-saxonne
45:06ou hispanophone ou italienne,
45:08on a quand même un niveau de débat
45:10et d'information qui est supérieur.
45:12Le New York Times, qui est de temps en temps
45:14la voix de son maître,
45:16qui est vraiment une chambre d'écho
45:18du gouvernement américain dans un certain nombre de cas,
45:20mais de manière là aussi inexpliquée,
45:22dans d'autres situations, vont sortir
45:24des articles qui sont contre le gouvernement.
45:26On le voit bien sur
45:28la revue du Capital
45:30qui s'appelle The Hill, aux Etats-Unis,
45:32où des gens qui sont très opposés
45:34à la politique de la Maison Blanche,
45:36comme Jeffrey Sachs, arrivent à publier régulièrement.
45:38On a aux Etats-Unis des publications
45:40comme celle de Seymour Hersh,
45:42le très célèbre journaliste,
45:44qui fait des tribunes, elles aussi, qui sont très lues.
45:46Nous n'avons quasiment rien de tel en France,
45:48à part quelques médias
45:50dont TV Liberté fait partie,
45:52mais qui n'ont pas, à notre échelle,
45:54le même impact, parce que les grands médias
45:56français sont toujours
45:58extrêmement orientés dans un seul sens
46:00et n'évoluent pas
46:02ou à peine sur leur prise de position
46:04autour de ce conflit et de la politique internationale.
46:06On a évoqué tout à l'heure
46:08cette volonté américaine qui semblait tendre
46:10pour le conflit en Ukraine
46:12à une forme de
46:14conflit amorphe.
46:16On a également le sentiment
46:18que l'Union Européenne, elle,
46:20passe par-dessus et est beaucoup plus
46:22proactive sur cette question, comme si les courbes
46:24se croisaient, finalement.
46:26Est-ce que, finalement, c'est uniquement de la communication
46:28ou est-ce que l'Union Européenne
46:30a vraiment l'intention de prendre le pas
46:32sur la participation américaine ?
46:34Je vais être franc avec vous.
46:36Pour moi, il y a deux réponses.
46:38Il y a une interrogation et une réponse.
46:40L'interrogation, c'est que, quand je regarde ça,
46:42on est en droit de se demander
46:44si c'est une volonté européenne
46:46ou une manœuvre des conservateurs américains
46:48derrière le rideau,
46:52qui sentent qu'ils ont
46:54des oppositions aux États-Unis
46:56à certains aspects de la politique
46:58et qui, donc, chargent
47:00ou poussent les Européens à le faire.
47:02Et puis, le deuxième aspect, c'est qu'il ne faut pas
47:04non plus du tout négliger
47:06l'incohérence des positions
47:08et les dissensions des positions
47:10en Europe, entre celles
47:12de l'Allemagne, entre celles de la France,
47:14entre celles, bien sûr, de l'Italie,
47:16mais aussi de la Pologne
47:18et des pays baltes,
47:20notamment.
47:22La Hongrie, la Slovaquie,
47:24ça fait qu'il y a une cacophonie
47:26qui est importante,
47:28qui s'est accrue avec les élections européennes
47:30de ces derniers jours, d'ailleurs.
47:32Donc, c'est très difficile de le dire.
47:34Ce qui ressort, malgré tout, de l'analyse
47:36que l'on peut faire des événements,
47:38c'est qu'il apparaît de plus en plus
47:40qu'Emmanuel Macron a fait peur, en vérité.
47:42Alors, en ayant
47:44ces discours justoboutistes
47:46que l'on a entendu tenir à plusieurs reprises,
47:48il semblerait que
47:50Washington,
47:52qui à Washington, en tout cas, pas les néoconservateurs,
47:54mais le Pentagone, ait considéré
47:56que le président français soit allé un peu trop loin.
47:58Alors, il y a probablement
48:00aussi plusieurs courants
48:02qui se dessinent au sein de l'Union européenne,
48:04mais on a du mal à les mesurer,
48:06soit parce que
48:08les politiques sont changeantes,
48:10soit parce qu'on ne mesure pas suffisamment
48:12les moyens de pression dont disposent les Américains
48:14sur les différents dirigeants européens,
48:16pour les amener à agir dans un sens ou dans un autre.
48:18Alors, vous parliez justement du président français,
48:20Emmanuel Macron, qui allait peut-être
48:22un peu trop loin sur cette question de la guerre en Ukraine.
48:24Le 24 juin, Jens Stoltenberg,
48:26qui était encore secrétaire général
48:28de l'OTAN, était à Paris.
48:30Il était aux côtés d'Emmanuel Macron.
48:32Le président français avait pris la parole.
48:34On a discuté durant tous les derniers mois.
48:36Notre soutien à l'Ukraine
48:38demeure et demeurera constant.
48:40Et nous continuerons
48:42de nous mobiliser pour répondre
48:44aux besoins immédiats de l'Ukraine,
48:46porter le message de notre détermination
48:48sans équivoque pour
48:50tenir aux côtés des Ukrainiens dans la durée.
48:58Alors, un soutien indéfectible
49:00qui est réaffirmé
49:02après la dissolution
49:04de l'Assemblée nationale ?
49:06Oui, je crois que c'est là
49:08dans la logique d'Emmanuel Macron
49:10qui ne change pas.
49:12La logique ne change pas, mais la communication
49:14change. Pour l'instant,
49:16il n'y a pas de confirmation
49:18de l'envoi des Mirages 2000-5
49:20qui était prévu.
49:22Alors, est-ce que ça va être interrompu
49:24s'il y a cohabitation
49:26ou pas ?
49:28De toute façon, les autres États européens
49:30sont toujours très réticents.
49:32Matteo Salvini a été extrêmement critique
49:34sur le président français, disant même
49:36qu'il était temps qu'il aille se faire soigner.
49:38Bien sûr,
49:40ce sont des déclarations typiques de Salvini,
49:42mais qui sont assez révélatrices
49:44de ce que pensent les Italiens et d'autres Européens
49:46de l'attitude du président français.
49:48Aujourd'hui, la cohabitation va remettre
49:50évidemment beaucoup de choses en place.
49:52Maintenant, je n'oublie pas
49:54l'attitude du Front national ces dernières années
49:56qui a d'abord dirigé
49:58la première commission parlementaire
50:00sur les influences étrangères
50:02en l'orientant délibérément
50:04contre la Russie.
50:06C'était très intéressant de voir
50:08l'audition de François Fillon
50:10devant Jean-Emmanuel Tanguy.
50:12Jean-Philippe Tanguy.
50:14François Fillon expliquait
50:16qu'au cours de ses cinq années
50:18en tant que Premier ministre,
50:20il n'avait eu à faire qu'à des ingérences américaines.
50:22Le parlementaire du RN
50:24essayant de lui faire dire
50:26qu'il n'y avait pas d'ingérence russe.
50:28On a vu malheureusement aussi
50:30les déclarations de Jordan Bardella
50:32allant dans le cesse de l'OTAN
50:34en disant que la Russie
50:36était une menace pour la sécurité
50:38de la France et de l'Europe.
50:40Alors, soit c'est du politiquement correct,
50:42soit effectivement le RN
50:44est gagné aux idées
50:46mainstream venant de l'OTAN.
50:48Il m'est difficile aujourd'hui d'avoir une idée
50:50de ce que pourrait être le changement de politique française
50:52sur l'Ukraine après les élections
50:54majoritaires obtenues par le RN.
50:56– Dans le cadre de vos responsabilités
50:58au CF2R, Éric Denessé,
51:00j'imagine que vous avez contact avec
51:02beaucoup de militaires français,
51:04de l'état-major de l'armée française.
51:06Quel est, évidemment
51:08je ne vous demande pas de me révéler
51:10des secrets d'Alcove, mais quel est
51:12le sentiment en interne,
51:14notamment quant à cette hypothétique
51:16envoi de troupes en Ukraine
51:18quant aux prises de position
51:20d'Emmanuel Macron sur cette question ukrainienne ?
51:24– Alors,
51:26c'est délicat de répondre pour
51:28protéger à la fois
51:30les camarades qui sont toujours actifs,
51:32mais ce qu'on observe de manière assez simple,
51:34c'est que globalement,
51:36jusqu'au grade de colonel,
51:38beaucoup de militaires français,
51:40sous-officiers et officiers,
51:42sont plutôt opposés
51:44à ce conflit
51:46et aux positions politiques
51:48qui ont été prises.
51:50Et malheureusement,
51:52vous m'en pardonnerez,
51:54dès qu'on devient officier général,
51:56qu'on est sur la fin de carrière,
51:58que les salaires commencent à être
52:00un peu plus conséquents,
52:02il faut rappeler que les salaires militaires
52:04ne sont quand même pas les salaires les plus
52:06mirobolants qu'ils soient,
52:08on commence à avaler des couleuvres
52:10et à se faire en disant
52:12qu'il faut profiter de ces dernières années
52:14pour préparer la retraite,
52:16voir des postes à l'OTAN
52:18quand c'est possible.
52:20C'est très bien une armée française
52:22qui est la grande muette et qui,
52:24alors c'est très bien pour une démocratie,
52:26mais ne conteste pas les décisions politiques
52:28qui sont prises, quand bien même
52:30elles peuvent apparaître comme fantaisistes.
52:32Il y a de toute façon
52:34des tenants des deux positions,
52:36certaines personnes sont, pour des raisons
52:38qui leur sont propres, anti-russes
52:40et considèrent que c'est une menace,
52:42mais ce qui ressort, quand confondu,
52:44c'est que nous savons pertinemment
52:46dans le domaine militaire
52:48d'engager de nombreuses troupes en Ukraine.
52:50Nous n'aurions à peine les moyens
52:52de les fournir en munitions
52:54pour un conflit qui durerait longtemps,
52:56à peine plus les moyens
52:58de les soutenir durablement et donc
53:00tout ça serait, je dirais,
53:02une véritable catastrophe parce que nous pourrions
53:04perdre assez rapidement des milliers de combattants
53:06sans pouvoir réagir et sans pouvoir
53:08invoquer l'emploi de l'armée nucléaire.
53:10Et alors, toute dernière question,
53:12Eric Dénessay peut-être un petit peu plus politique,
53:14vous me le pardonnerez.
53:16Vous m'expliquez tout à l'heure que l'échiquier politique français
53:18était finalement très politiquement correct,
53:20qu'il accompagnait la manœuvre américaine
53:22de soutien à l'Ukraine,
53:24du moins en parole.
53:26Vous venez de m'expliquer
53:28qu'il en allait de même pour l'état-major
53:30de l'armée française.
53:32Pour autant, on voit une opposition
53:34très claire dans la population
53:36sur cette proposition d'envoyer des troupes
53:38en Ukraine. Est-ce que ce n'est pas
53:40la démonstration de cette rupture
53:42entre nos élites, quoi qu'on en dise,
53:44et la population, et finalement
53:46la démonstration que les élites aujourd'hui
53:48qui sont au pouvoir dans notre pays comme dans d'autres
53:50ne sont plus au service de la population ?
53:52Alors, effectivement,
53:54ce phénomène,
53:56je l'observe aussi.
53:58Je dirais une partie des élites, parce que
54:00toutes les élites ne sont pas
54:02concernées. Il y a cette opposition
54:04qui est aussi une opposition province-Paris.
54:06Effectivement,
54:08c'est des positions
54:10plutôt favorables au soutien à l'Ukraine
54:12et à la guerre avec la Russie.
54:14Ce sont des positions qu'on va trouver dans les très grandes villes françaises
54:16où, bien sûr, on a affaire
54:18à une classe moyenne, une classe moyenne supérieure.
54:20Et la province est,
54:22elle, beaucoup plus distante,
54:24à mon sens, ayant beaucoup plus de bon sens
54:26sur le sujet. Alors, on va trouver
54:28dans n'importe quelle ville de France,
54:30bien sûr, les deux
54:32opinions, mais on retrouve
54:34là cette
54:36nouvelle sociologie de la population
54:38qui a été mise en lumière
54:40depuis une dizaine d'années
54:42par les travaux de Christophe Jully,
54:44par les observations de Jérôme Fourquet,
54:46par un certain nombre
54:48de choses que l'on observe ailleurs,
54:50y compris en Europe, ou des études
54:52sur ceux qui sont de nulle part et ceux qui sont
54:54quelque part. Les Elsewhere
54:56et les Anywhere ont été mis en lumière
54:58et on a vraiment ce phénomène en France.
55:00Et il ressort, entre autres,
55:02sur les positions autour de la guerre en Ukraine.
55:04Je vous remercie beaucoup,
55:06Éric Denessé, d'avoir participé à cette émission.
55:08Je rappelle ce dernier ouvrage
55:10du CF2R, la guerre russo-ukrainienne,
55:12réalité et enseignement d'un conflit
55:14de haute intensité. C'est toujours
55:16sur tvl.fr, chers téléspectateurs,
55:18si vous voulez en faire l'acquisition.
55:20Merci beaucoup, monsieur. Merci à tous de nous avoir
55:22suivis. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine
55:24pour un nouveau numéro qui ne traitera pas
55:26non plus de l'actualité interne,
55:28pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure.
55:30En attendant, n'oubliez pas, si vous ne l'avez pas déjà fait,
55:32pensez à laisser vos commentaires juste en dessous,
55:34à relayer cette émission
55:36et, bien entendu, à cliquer sur le fameux
55:38pouce en l'air pour améliorer le référencement
55:40et donc la diffusion.
55:42Merci à tous, portez-vous bien et à bientôt.