Dans cette entretien, Nathanaëlle nous dévoile son parcours marqué par les abus sexuels répétés de son beau-père dès son enfance. Elle expose avec courage la manière avec laquelle elle a brisé le silence et a commencé à guérir grâce à l'aide d'une amie qui a partagé une expérience similaire. Un témoignage poignant sur l'importance de la libération de la parole, sur la lutte pour surmonter la culpabilité et la honte et sur le chemin vers la réappropriation de son corps et de sa dignité personnelle.
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AmusantTranscription
00:00À l'âge de 3 ans, ma mère a rencontré quelqu'un,
00:02donc quelqu'un qui est devenu mon beau-père.
00:04À partir de là, j'ai grandi en pensant que c'était mon père,
00:08je le considérais comme tel.
00:09Donc en fait, de mes 8 ans à mes 13 ans,
00:14c'était principalement des attouchements
00:16et le fait qu'il venait dans ma chambre
00:18pour frotter son os contre le mien,
00:20pendant de nombreuses années comme ça,
00:22mais sans pénétration et sans autre acte à côté.
00:26Donc voilà, il venait le soir,
00:29en moyenne, je pourrais dire peut-être une, deux fois par semaine,
00:32enfin en fonction des mois,
00:34en fonction de ses pulsions perverses,
00:37en fonction des éléments peut-être du monde
00:40qui était présent ou pas à la maison,
00:41mais dans mes souvenirs, c'était environ une à deux fois par semaine.
00:45Donc voilà, il venait, il se frottait,
00:47et puis après, il repartait comme ça, dormir,
00:50et le lendemain, on se revoyait comme si de rien n'était.
00:53Et à partir de 13-14 ans, il y a eu réellement une escalade.
00:57Donc le premier viol s'est passé au retour d'école.
01:01J'étais au collège en classe de quatrième ou troisième,
01:05et en fait, je suis rentrée le midi à la maison pour déjeuner,
01:09parce que je ne déjeunais pas à la cantine, je déjeunais à la maison.
01:12Et ce jour-là, il était rentré aussi,
01:14sachant qu'il rentrait de temps en temps,
01:17mais pas forcément tout le temps.
01:18Donc j'ai été assez surprise de le voir là.
01:21Je suis rentrée, j'ai posé mes affaires,
01:23j'ai été manger,
01:24et puis à un moment, il m'a tirée en fait vers lui.
01:28Je lui ai dit non, non, sachant que depuis l'enfance,
01:32depuis mes huit ans,
01:33j'exprimais déjà le fait que ce n'était pas normal
01:37et que je ne voulais pas.
01:38Je le repoussais, par exemple,
01:40ou bien, voilà, quand je me mettais en retrait,
01:43mais lui, il insistait toujours en me disant,
01:45je t'aime, je t'aime, ma fille,
01:49des choses comme ça, en fait,
01:51pour, entre guillemets, m'amadouer, on va dire.
01:54Et donc, à partir de ce moment-là,
01:56lorsque je suis rentrée du collège le midi,
01:59comme je le racontais,
02:00c'est à ce moment-là, en fait, qu'il m'a violée.
02:04Je ne m'en suis pas rendue compte
02:06parce qu'il y avait encore cette dissociation
02:08que j'ai eue depuis petite.
02:09Ça veut dire que j'avais conscience de ce qui se passait,
02:12mais je sortais quand même de mon corps, entre guillemets,
02:15pour ne pas, enfin, je ressentais les choses,
02:18mais pour ne pas avoir cet impact émotionnel, en fait.
02:22Et du coup, il m'a rattrapée vers lui,
02:26il a commencé à m'embrasser dans le cou, me tirer.
02:29Et puis, ce jour-là, voilà, il m'a violée, en fait.
02:32Il a levé mon pantalon,
02:34et puis je m'en suis rendue compte parce qu'après, je saignais
02:37et je me suis dit qu'il y avait quelque chose qui n'était pas normal.
02:41Donc, à partir de là, ça n'a été que des viols
02:43jusqu'à environ mes 15 ans.
02:46Sachant qu'avant, nous habitions dans une cité,
02:48nous avons déménagé entre-temps
02:50pour vivre à côté de chez ma mamie.
02:53Donc, je sentais un renouveau, en fait, j'avais de l'espoir.
02:56Je me suis dit que les choses allaient changer,
02:59qu'il y avait ma mamie à côté,
03:00maintenant que je n'étais plus toute seule dans cette résidence
03:04avec lui, ma sœur, mon frère et ma mère,
03:07que là, il y avait vraiment ma famille à côté
03:09qui s'en rendrait compte et qu'il n'oserait plus
03:11et que j'étais libérée de ça.
03:13Maintenant, ça a duré là-bas.
03:16Il m'a violée également lorsque nous avons déménagé
03:19pendant quelques semaines.
03:21À ce moment, je discutais avec une amie.
03:25Je suis arrivée au lycée, j'étais en classe de seconde
03:28et j'ai discuté avec une amie
03:30qui avait été également violée par son père.
03:33Et c'est vraiment à partir de là
03:36que j'ai réussi à mettre le mot viol.
03:38Donc, avant, j'étais dans une spirale
03:40où je me rendais compte qu'il y avait quelque chose
03:42qui n'était pas normal,
03:44mais en même temps, je me disais que ça allait détruire ma famille.
03:47Pourtant, je n'avais pas de preuves de cela.
03:52Je me faisais des films,
03:54mais je pense qu'en tant que victime, c'est très difficile.
03:56Déjà, il y a cette culpabilité,
03:58ce dégoût de soi, mon corps, je le détestais.
04:02C'est pour ça que je me scarifiais.
04:04C'est pour ça que j'ai eu des troubles du comportement alimentaire
04:08parce que je voulais juste disparaître.
04:10C'est un sentiment, en discutant avec d'autres victimes,
04:13qui est très commun, l'envie de ne plus vouloir être là, en fait,
04:16que ce soit par l'anorexie, la boulimie
04:20ou bien l'usage de drogue, autre,
04:23ce qui arrive également dans mon cas.
04:25Mais c'est cette amie qui m'a raconté son histoire
04:29qui a fait un déclic.
04:30Parce qu'elle m'a dit,
04:31j'ai été violée par mon père.
04:34Et à partir de là, lorsqu'elle me l'a dit,
04:36j'ai eu une montée d'émotion, en fait.
04:40Et je me suis dit, ce qu'elle est en train de dire,
04:42ça colle avec ce que moi, j'ai vécu.
04:44Il y a quelque chose, là, qui a fait un bond dans mon cœur
04:48et je me suis dit, je ne suis plus toute seule.
04:50Donc, à partir de là,
04:53il y a eu un soir où il voulait venir dans ma chambre
04:57pour me violer, comme il le faisait.
05:00Et je ne sais pas, j'ai eu, on va dire, une certaine haine
05:03et je me suis dit que ça ne devrait plus m'arriver.
05:05Donc, ce que j'ai fait, c'est qu'à partir de cette nuit-là,
05:07j'ai caché un couteau sous mon lit.
05:10J'ai attendu qu'il vienne, un soir.
05:12Donc, c'était quelques jours plus tard.
05:14Et j'ai sorti ce couteau et je lui ai dit, écoute-moi bien.
05:18Ce soir, c'est trois mois,
05:19mais si tu me touches encore une fois, je te crève et j'en parle.
05:23Parce que c'était après cette conversation avec mon ami,
05:26j'ai enfin réalisé que, non, ce que je vivais,
05:28ce n'était pas normal, même si je le ressentais dans mon corps.
05:31Mais j'ai réussi à mettre des mots dessus
05:33et ça m'a permis, en fait, de m'échapper.
05:36À partir de là, il n'est plus jamais revenu.
05:38Il ne m'a plus violée.
05:39Mais quand même, entre ce laps de temps,
05:41entre 8 et environ 15 ans,
05:43j'ai été quand même agressée sexuellement
05:46très souvent, très régulièrement,
05:47et puis violée à partir de mes 13 ans
05:49jusqu'à mes 15 ans, assez régulièrement aussi, pour le coup.
05:53C'était une expérience très traumatisante
05:57qui est restée pendant de nombreuses années,
05:59jusqu'à aujourd'hui, même si je trouve que j'en ai guéri
06:03et que j'ai pu avancer, évoluer dans ma vie.
06:07Mais en tant qu'enfant, c'était terrible.
06:09Je n'avais plus conscience des sensations de mon corps.
06:12Je n'avais plus conscience de moi-même.
06:14J'avais l'impression d'être une épave.
06:16Et on dit que lorsqu'on est abusée sexuellement,
06:19lorsqu'on est violée, on perd une partie de soi
06:22et c'est une partie qui meurt,
06:23mais cette partie qui meurt, elle ne revient plus, malheureusement.
06:26On ne la ressent plus.
06:27Certes, on continue à vivre avec les parties de nous qui existent
06:31et on essaye de faire du mieux qu'on peut
06:33afin de guérir ces blessures-là,
06:35mais la petite Nathanaël joyeuse de 8 ans que j'étais,
06:40elle n'est malheureusement plus là.
06:41En fait, elle est partie avec ses abus.
06:45Donc, je me suis construite comme ça.
06:49Je n'en ai pas parlé jusqu'à ce que j'ai environ 16 ans.
06:54Ma mère, entre temps, elle est tombée malade.
06:56Elle a eu un cancer du col de l'utérus
06:59et ça a été très compliqué pour moi,
07:01sachant qu'elle prenait toujours sa défense pour la moindre chose.
07:05Et un jour, en fait,
07:07où il voulait aller déjeuner avec ma sœur, mon frère et moi.
07:12J'en ai eu marre, en fait.
07:15Ma mère, elle a pris sa défense sur un sujet dont je ne me rappelle plus
07:19et j'ai voulu mettre fin à ma vie.
07:21Donc, j'ai été chez ma grand-mère.
07:23Je savais qu'à cette époque,
07:24elle prenait des médicaments pour dormir, du Lexomil.
07:29Donc, j'ai pris cette boîte qui était remplie.
07:30Je savais où elle est cachée
07:32parce que parfois, je dormais avec elle dans sa chambre.
07:35J'ai pris une bouteille de rhum.
07:37Enfin, tout ce que je pouvais trouver, des rasoirs.
07:40Et je me suis dit, aujourd'hui, c'est fini.
07:42Parce que j'avais réussi à me sortir de cette situation,
07:45mais je me rendais bien compte que j'étais toujours dans le piège à ours
07:48parce que j'habitais toujours avec cette personne.
07:50Il était toujours avec ma mère.
07:52Je le voyais tout le temps
07:53et puis je n'arrivais pas à me sortir de ces souvenirs-là.
07:56Même si je m'en étais sortie physiquement,
07:59je n'étais plus dans ces viols, ces agressions sexuelles
08:03et tout ce qu'il y avait autour.
08:05Mais j'étais toujours enfermée avec lui.
08:08Donc, j'ai pris les médicaments, j'ai pris l'alcool
08:10et en fait, j'ai fini à l'hôpital.
08:12J'ai fini à l'hôpital une journée.
08:16Donc, je me suis endormie, je me suis réveillée.
08:19Donc, bien heureusement, je ne suis pas décédée de ma tentative
08:22parce qu'ils m'ont dit que l'alcool avait réussi à, entre guillemets,
08:26absorber les médicaments.
08:27Donc, on avait réussi à me sauver.
08:29Ça a été très traumatisant pour ma famille
08:31parce qu'en fait, ils ne comprenaient pas pourquoi non plus
08:34j'avais fait cette tentative de suicide,
08:36sachant qu'ils n'étaient toujours pas au courant.
08:39Je n'en avais pas parlé.
08:40Je pense qu'ils avaient des signes quand même
08:42parce que ma tante, un jour, elle m'a dit,
08:44Nat, tu sais, si ça ne va pas, dis-le-moi.
08:48Si quelqu'un te fait du mal, si quelqu'un te touche,
08:51dis-le-moi, tu sais que tu peux en parler.
08:53C'était une perche qu'elle m'avait lancée.
08:55J'avais à peu près 16 ans, mais je ne l'avais pas prise
08:58parce que j'avais toujours ces mêmes pensées.
09:01Je vais détruire ma famille.
09:03Peut-être c'est moi qu'on va condamner.
09:05Je vais finir en foyer.
09:07Je ne vais jamais revoir la prunelle de mes yeux,
09:10donc mon frère et ma sœur.
09:12Et en fait, j'ai continué comme ça dans ce silence,
09:15dans ce silence à me taire.
09:18Ils ne comprenaient pas par rapport à ma tentative de suicide.
09:20Ils me demandaient si c'était par rapport à ma lettre,
09:23par rapport à l'école, à mon poids,
09:25parce que comme je l'ai dit avant,
09:27j'étais en situation d'obésité assez sévère.
09:31Et je n'en ai pas discuté.
09:33Le second choc après cette tentative de suicide,
09:36c'est qu'au CHU, donc au centre hospitalier,
09:40on a fait appel à un psy pour me parler.
09:43Et j'étais mythique.
09:45Je ne souhaitais pas parler.
09:46Il voulait que je raconte cette tentative de suicide,
09:50pourquoi je voulais mettre fin à mes jours.
09:52Et je n'ai rien dit.
09:53Et cet homme, il m'a juste dit en sortant,
09:56écoutez, la prochaine fois, j'espère que vous ne vous raterez pas.
10:00Et ça a été un second choc,
10:02parce que je me suis dit que c'était un adulte,
10:04quelqu'un sur lequel j'aurais pensé que j'aurais pu compter,
10:09peut-être raconter des choses.
10:10Il me fallait peut-être un peu de temps.
10:12Mais cet adulte-là, face à une adolescente
10:15qui fait une tentative de suicide,
10:17il lui dit qu'il espère qu'elle ne se rattrapera pas.
10:19Ça a été un choc totalement horrible, en fait,
10:23de rencontrer des adultes comme ça.
10:25Plus tard, avec le temps, en fait,
10:28j'ai fait un travail sur moi-même
10:30afin de guérir mes traumatismes.
10:32Donc, des séances de thérapie,
10:36beaucoup de lecture aussi, du shadow work,
10:40des choses, en fait, pour que j'aille mieux.
10:42Je n'en ai pas parlé à ma famille
10:44jusqu'à ce que je rencontre mon ex, il y a quatre ans.
10:49Donc, ma première, on va dire, vraie relation sérieuse.
10:52Et à ce moment-là,
10:53il y a tous les traumatismes qu'on a vécus qui reviennent.
10:56Ça veut dire le rejet de son corps, le rejet de l'autre.
11:00Il ne comprenait pas forcément.
11:02Et c'est quelqu'un que j'aimais beaucoup.
11:04Donc, je lui ai raconté mon histoire.
11:06Je lui ai dit, en fait, que j'avais été violée.
11:09Je lui ai dit que c'était mon beau-père
11:11et que, voilà, je n'en avais pas parlé à ma famille,
11:14qu'il ne se doutait de rien.
11:17Et, en fait, il m'a beaucoup aidée.
11:20Il m'a beaucoup soutenue.
11:21Et il m'a dit, non, mais tu ne peux pas rester comme ça, Nat.
11:25Ce n'est pas bon pour toi.
11:26Tu continues d'être dans le mensonge,
11:28de rentrer, du coup, à la maison, en Guadeloupe,
11:31et de revoir cette personne tout le temps.
11:33Même si, pour toi, tu vas briser ta famille,
11:36il faut que tu en parles.
11:38Donc, il m'a donné beaucoup de force.
11:41Et puis, un jour, je suis rentrée en Guadeloupe,
11:44toujours dans la maison où mon beau-père habite,
11:47avec ma soeur et mon frère.
11:49Et, en fait, il a posé sa main sur mon bras.
11:52Et, en fait, j'ai eu une sensation de dégoût intense.
11:58C'est comme si, en fait, toutes ces années que j'avais refoulées,
12:01toutes ces choses que j'avais enfouies en moi,
12:03que la petite Nathanael n'avait pas parlé,
12:06elle se retrouvait avec un dégoût profond et ultime.
12:09Et donc, j'ai créé un message à la gendarmerie en ligne
12:12en leur racontant toute mon histoire.
12:14C'était vraiment quelque chose d'imprévu, d'impulsif,
12:17mais j'en ai eu marre, en fait.
12:19C'est venu d'un coup.
12:21Ma mère était décédée entre-temps.
12:24Il faut savoir que ma mère a été malade trois ans.
12:26Donc, de mes 16 ans jusqu'à mes 19 ans.
12:31Elle est ensuite décédée du cancer, malheureusement.
12:33Et donc, même pendant toute cette période,
12:35je ne pouvais pas, entre guillemets, parler,
12:37parce que je me disais, ma mère, elle est malade,
12:39je ne peux pas lui faire ça.
12:41Donc, en fait, j'ai tout gardé en moi
12:43pour éviter que ça ne lui fasse du mal.
12:46Et donc, ensuite, c'est lorsque j'étais en couple
12:50et que je suis venue, du coup, en région parisienne pour mon master,
12:53que j'ai rencontré cette ex, que tout est revenu d'un coup.
12:57Ce retour en Guadeloupe aussi, du coup, qui était en 2019.
13:01Tout revient, et là, j'écris.
13:03J'écris, bonjour, je m'appelle Nathanaëlle,
13:06j'ai été victime d'inceste.
13:08Ça s'est passé de mes 8 ans jusqu'à mes 16 ans.
13:11C'était mon beau-père.
13:12Je leur raconte les détails.
13:14Et puis, je laisse comme ça.
13:16Ils me disent, écoutez, il va falloir aller à la gendarmerie,
13:19il va falloir déposer plainte.
13:21Nous aussi, nous allons entendre, du coup, votre beau-père
13:25et nous allons revenir vers vous.
13:28Le souci, c'est que je n'ai pas continué la procédure.
13:31Donc, ils sont venus à ce moment-là.
13:34Ils ont interrogé mon beau-père
13:35et c'est là que toute ma famille l'a appris.
13:37Parce que depuis avant, je n'en ai pas discuté.
13:40Donc, on va dire que ma famille l'a appris en 2019.
13:43Donc, assez récemment.
13:45Parce qu'ils sont venus le chercher.
13:46À ce moment-là, j'ai eu mes tantes, mes oncles qui m'ont appelé
13:49en me disant, mais Nat, pourquoi tu n'en as pas parlé ?
13:52On voyait que tu étais mal,
13:54on voyait qu'il y avait quelque chose
13:55qui n'allait pas dans ton comportement,
13:57mais on ne savait pas que c'était ça.
13:59Et je leur dis que je n'en ai pas parlé
14:01parce que j'avais peur de finir en foyer.
14:03J'avais peur qu'on me sépare de ma soeur, de mon frère.
14:06J'avais peur de toutes les conséquences
14:07qui pouvaient y avoir.
14:09Depuis petite, j'avais conscience aussi
14:11que ma mère était fragile psychologiquement
14:13et je ne voulais pas la détruire, en fait.
14:15J'ai toujours eu ce syndrome du sauveur
14:19où il fallait faire passer ma famille avant.
14:21Et puis, vu que c'était, entre guillemets,
14:24juste moi qui étais violée et pas ma soeur,
14:26ben, ça pouvait continuer
14:28parce qu'il ne la touchait pas, au moins.
14:30Et j'avais cette peur aussi qu'il la touche, elle.
14:32Donc, je me disais qu'il faut qu'entre guillemets,
14:34je me sacrifie aussi et que...
14:36Et ça a continué comme ça.
14:38Peut-être que s'il l'avait touchée, j'aurais parlé
14:40parce que j'aurais toujours voulu protéger ma soeur.
14:43Mais au final, pour moi, je la protégeais comme ça,
14:45de mon regard d'enfant et d'adolescent.
14:47Ma famille m'a tout de suite crue.
14:49Donc, j'ai ressenti réellement...
14:51Là, je le dis avec le sourire,
14:52mais j'ai ressenti réellement le soulagement
14:54parce que dès qu'ils l'ont appris, ils m'ont crue.
14:56Ils ont été là pour moi.
14:58Au contraire, ils m'ont même dit,
14:59ben, tu aurais dû nous en parler.
15:01C'est quelque chose qui peut être aussi culpabilisant
15:03pour une victime parce que ça,
15:05j'aurais pu en parler, j'aurais dû en parler avant.
15:08Ça reste longtemps.
15:10C'est peut-être pour ça que je suis là aujourd'hui
15:12pour raconter mon témoignage.
15:14Je pense qu'il aidera de nombreuses personnes
15:16qui se reconnaîtront dedans.
15:17Mais on se sent toujours coupable de quelque chose.
15:21On se sent coupable de ne pas parler.
15:22On se sent coupable parce qu'on se dit
15:24peut-être qu'il y aura d'autres victimes.
15:26On se sent coupable parce qu'on se dit aussi,
15:27je vais détruire ma famille.
15:29Il y a toute cette culpabilité
15:30et toute cette honte, en fait, qu'on garde,
15:33dans mon cas, pendant des années,
15:35qui fait qu'on est habitué à ça.
15:37Moi, j'étais habituée à me taire,
15:39à subir, à fermer les yeux et à me dire,
15:41voilà, quand il aura fini, ça sera fini,
15:43je pourrai dormir, faire des cauchemars,
15:46parce que j'ai très souvent fait des cauchemars
15:48à cause de cela.
15:49Mais voilà, j'encaisse, j'encaisse.
15:52Et puis, en lien avec la personnalité,
15:54les prédateurs, les pédocriminels,
15:57ils savent très bien,
15:58ils vont aller vers peut-être des enfants
15:59qui sont assez introvertis,
16:01qui ne parlent pas forcément,
16:03ou même des enfants qui sont extravertis, je pense,
16:06mais avec qui ils créent un lien d'affection.
16:09C'était mon beau-père, c'était ma figure paternelle,
16:12je le considérais comme mon père,
16:14celui qui m'achetait des jouets quand j'étais petite,
16:16qui me ramenait ma tablette de chocolat préférée.
16:19Et puis, j'arrivais pas vraiment à faire ce lien
16:22en me disant, mais c'est un monstre,
16:23tout ce qu'il fait, ce n'est pas normal.
16:25Donc, je restais dans cette spirale.
16:27Et cette spirale, elle est devenue, entre guillemets,
16:30normale, alors qu'elle n'aurait jamais dû l'être pour moi.
16:32Mais c'est tout un mécanisme d'emprise,
16:37un mécanisme psychique,
16:39et j'ai été contente que ma famille me croie.
16:41Je n'ai jamais entendu de la part de ma famille,
16:43on ne te croit pas.
16:44La seule chose qu'ils m'ont dit, c'est,
16:46tu aurais dû nous en parler, on aurait voulu te protéger,
16:49on aurait voulu comprendre, enfin, te sortir de là.
16:52On se rendait compte que tes scarifications,
16:54ce n'était pas normal.
16:56Le fait que tu dormais beaucoup,
16:58que tu t'éloignais un petit peu de nous aussi.
17:01Et ça m'a fait du bien,
17:03parce que ma famille,
17:05c'est vraiment la chose qui est la plus importante pour moi.
17:08Je pense que ça ressort aussi le plus là, dans tout ce que je dis.
17:12Je n'ai jamais voulu leur faire du mal,
17:14et pour moi, on parlait, c'était leur faire du mal,
17:16mais je me suis rendue compte qu'au contraire,
17:18ils pouvaient me comprendre, ils me comprenaient,
17:21et que ça me faisait du bien d'être reconnue.
17:24Il faut, je pense, déconstruire tout ce silence,
17:27cette honte qu'on a,
17:29cette culpabilité aussi qui n'a pas lieu d'être,
17:31parce que ce n'est pas moi la coupable,
17:34c'est moi la victime, j'avais huit ans,
17:36je n'ai rien demandé,
17:38et puis ça m'est arrivé,
17:39parce qu'il y a quelqu'un qui avait autorité sur moi
17:43et qui pensait qu'il avait tous les droits sur mon corps,
17:45sur ma personne.
17:46Aujourd'hui, je suis là pour en témoigner, pour en discuter,
17:49parce que je pense que c'est la meilleure justice pour moi,
17:52que les gens se rendent compte que les monstres,
17:54ça peut être n'importe qui.
17:55Ça peut être un père, ça peut être un cousin,
17:57ça peut être un oncle, ça peut être une connaissance,
18:00un ami, même un inconnu au final,
18:02mais qu'on a cette image un peu stéréotypée du monstre,
18:06du mec qui sort dans la rue comme ça,
18:08qui agresse une femme, et ce n'est pas le cas.
18:10Moi, j'en suis la preuve vivante.
18:12Je connais des personnes qui en sont également les preuves vivantes.
18:15Ça peut être n'importe qui,
18:17un monsieur qui paraît sous tout rapport,
18:19même une femme aussi, parce qu'il y a des femmes qui agressent, bien sûr,
18:22mais quelqu'un qui paraît sous tout rapport,
18:24qui cache son jeu et on ne s'en rend pas compte.
18:26Donc, c'est ma justice à moi de témoigner.
18:30Je suis là aujourd'hui pour apporter mon soutien
18:33à toutes les personnes qui vivent cela.
18:36Et suite à ces agressions et à ces viols,
18:40je suis rentrée dans une association,
18:42justement, pour les enfants victimes d'inceste,
18:46qui est l'association CARL.
18:48Et j'ai été à une manifestation, donc, il y a deux ans.
18:52J'ai rencontré des personnes incroyables qui sont devenues mes amies.
18:56Je pense très fort à elles, d'ailleurs.
18:58Et on discute de nos vécus, de nos passés,
19:01qui se ressemblent parfois, parfois un peu moins,
19:03mais lorsqu'on a vécu les mêmes traumatismes,
19:05c'est plus facile d'en parler.
19:07Donc, ça m'a fait du bien.
19:08J'ai été manifestée, j'ai été criée ma colère.
19:12Et aujourd'hui, à mon échelle,
19:14je fais en sorte d'aider les personnes en étant dans des associations,
19:18en faisant des dons, et aujourd'hui, en en parlant.