• l’année dernière
Comment imaginer que du jour au lendemain tout puisse basculer ? Il est difficile de comprendre qu’une personne que l’on aime tant, dont on se sent si proche puisse un jour s’ôter la vie dans un acte si brutal.

Parler de deuil dans ces circonstances semble alors impensable : d’abord l’incompréhension, la culpabilité, la sensation que personne ne pourra jamais comprendre cette douleur et par moments, la colère. Alix est venu nous parler de ce qui restera certainement l’épreuve la plus douloureuse de sa vie.

Merci à Alix pour sa confiance et pour son témoignage fort !

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Amusant
Transcription
00:00 15 ans. Mon frère est à l'hôpital, il vient de se... Déjà je prends même pas
00:03 conscience qu'il vienne de se... Ça fait 15 ans que je suis avec lui, il est là, il ne bouge plus.
00:08 Vraiment un choc visuel, à proprement parler. Donc là, l'appétit n'existe plus, la
00:13 soif n'existe plus, le sommeil n'existe plus. On est en survie complète. J'avais
00:16 une relation avec mon frère qui était très fusionnelle, très intense. C'est
00:20 clairement ma moitié au sens propre du terme, c'est-à-dire que tout ce que je
00:23 ressentais, il le ressentait aussi. Quand j'avais un problème, quand j'étais
00:26 on va dire inconsolable, c'était la seule personne qui arrivait à me consoler. Quand
00:29 lui, il avait du mal à exprimer quoi que ce soit, j'étais la seule à le comprendre.
00:32 C'était vraiment le ying et le yang en fait. On était une et une
00:36 même personne, deux personnalités différentes mais une même personne et un
00:39 même ressenti. Après mon frère, c'est vraiment quelqu'un qui se livrait pas
00:43 sur ses émotions. Déjà, il aimait beaucoup la solitude, ce qui a aussi causé sur sa
00:47 sociabilité. Mais c'était quelqu'un qui aimait énormément lire, qui aimait tout
00:51 ce qui est en rapport avec l'histoire. C'était quelque chose qu'il passionnait
00:53 énormément. Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que mon frère petit a été
00:57 diagnostiqué enfant précoce. Donc ça explique aussi sa solitude, son
01:01 intelligence, le goût pour l'histoire, les choses qu'il passionne. Mais
01:06 malheureusement, vu que c'était un enfant diagnostiqué
01:08 précoce, il était en échec scolaire. Donc il avait énormément de mal à ce
01:13 niveau-là, mais c'était en aucun cas quelqu'un de bête ou quoi, c'est la
01:16 personne la plus intelligente que je connaisse. Mais aussi, ça lui a causé pas
01:19 mal de soucis au collège. C'est-à-dire que j'ai pas envie d'employer le mot
01:24 "harcèlement" parce que ce n'était pas le harcèlement à l'état pur, mais une
01:28 petite sorte d'harcèlement de certains de ses camarades, parce qu'on va dire
01:31 que c'était un peu la proie facile, vu que c'était quelqu'un qui n'était pas avec
01:34 des gens, qui était tout seul, qui aimait traîner tout seul, qui pensait énormément,
01:39 qui avait énormément d'imagination. Et du coup, malheureusement, il y a certaines
01:42 personnes qui se sont un peu pris à lui. Donc ça a causé pas mal de problèmes.
01:45 En mars 2014, fin février 2014, avec des amis de mes parents et leurs
01:52 enfants et donc mon frère et moi-même, nous sommes partis en vacances de ski
01:55 pendant une semaine à Val d'Isère. Toute la semaine s'est très bien passée, et
02:00 pendant le milieu de la semaine, mon frère, c'est quelqu'un qui n'est pas du tout
02:04 stressé de la vie, vient me voir extrêmement paniqué par rapport à
02:09 l'époque, une facture de téléphone d'un montant assez élevé pour quelqu'un de 15
02:12 ans. Il m'avait dit qu'il avait peur que les parents voient la facture, que
02:15 forcément il se fasse engueuler, etc. Ce qui est compréhensible, mais moi
02:18 comme étant sa soeur jumelle, je lui avais dit "D'un air un peu taquin,
02:24 tu verras, si tu te fais engueuler, tant pis pour toi, ça t'apprendra".
02:28 Et la fin de semaine se passe, on rentre le 1er mars 2014 des vacances de ski,
02:34 et en fait en milieu d'après-midi, ma maman est tombée sur cette facture de
02:39 téléphone. Donc comme tout parent normal, elle va voir son enfant et le gronde en
02:44 disant "C'est une facture qui est assez élevée, à ton âge c'est pas normal, etc."
02:48 Elle a essayé de comprendre pourquoi il y avait ce montant-là, d'où est-ce que ça
02:51 venait, etc. Mais d'un ton ferme, d'une ton d'une maman qui est plus que son enfant.
02:55 Elle est repartie de la chambre et mon frère, comme tout adolescent, a pété son
02:59 petit câble, énervé, parce qu'il venait de se faire compter, qu'il n'avait
03:02 pas forcément envie de se faire compter, etc. Et puis pour moi, passe à autre chose,
03:06 et à un moment donné, il vient me voir dans ma chambre pour me demander un cahier
03:10 quelconque que je lui donne, et puis il repart. Là malheureusement j'ai un
03:13 blackout parce que je sais pas le laps de temps qu'il y a eu entre ces deux
03:15 moments-là, mais à un moment je le vois éteindre sa lumière de sa chambre,
03:21 je le vois fermer la porte, et tout d'un coup j'ai commencé à me sentir mal, mais mal
03:26 dans le sens stressé, pas bien, mal à l'aise, limite mon corps picotait un petit
03:30 peu. Et automatiquement je me suis tournée vers sa porte de chambre
03:34 en me disant "Est-ce que j'y vais ou est-ce que j'y vais pas ?" Et puis je me suis
03:36 rappelée en me disant "Si je vais l'embêter, c'est moi qui vais me faire engueuler, j'ai un
03:39 petit peu la flemme, je vais rien faire", sachant qu'il faut savoir que mon frère
03:43 c'était quelqu'un qui avait énormément l'habitude de se mettre dans le noir,
03:45 vraiment de se mettre dans son monde à lui tout simplement, pour
03:48 regarder les films, pour jouer parce que c'était un très très grand joueur, ou tout
03:52 simplement pour dormir. Du coup je m'étais dit "Il doit regarder un film
03:55 pour se détendre, ou il doit jouer parce que ça l'a énervé, etc."
03:58 Là aussi mon laps de temps, j'ai un blackout complet. Ma maman monte à notre
04:04 étage pour nous donner du linge, donc elle passe dans un premier temps dans ma
04:06 chambre parce que ma porte était ouverte, et là elle se met à ouvrir la porte de
04:10 la chambre de mon frère, elle allume la lumière et là elle se met à
04:14 crier, mais un cri d'une maman, je ne pourrais même pas l'expliquer tellement
04:17 c'était strident et surprenant. Et donc quand quelqu'un crie, automatiquement
04:21 je me suis tournée, et donc là j'ai vu que mon frère s'était
04:25 séparé, c'est à dire qu'il s'est pendu au vélux de sa chambre, et là tout
04:31 s'est enchaîné. Je me suis mise à crier forcément, mon papa est monté dans sa
04:36 chambre, et il faut savoir que c'est mes parents qui l'ont détaché, c'est ma
04:38 maman qui a eu les premiers gestes de secours, lui mon papa il s'est géré de
04:41 tout ce qui est appelé les pompiers, le SAMU, etc. Là j'ai un blackout de ce qui
04:45 se passe. Tout ce que je sais c'est que les pompiers et les SAMU ont mis
04:49 une heure et demie à relancer son coeur, donc ça a été les une heure et demie les
04:52 plus longues de toute ma vie, jusqu'au moment où le médecin du SAMU, si je dis
04:56 pas de bêtises, est venu nous voir en disant que ça y est le coeur était
04:59 relancé, et que là maintenant fallait l'emmener d'urgence à l'hôpital. Et j'ai
05:03 demandé aux pompiers et à mes parents de me laisser monter dans le camion,
05:08 des deux côtés ils ont pas voulu, et ça je pense que c'est la plus grande peine et
05:12 la plus grande haine, enfin méchanceté que je peux avoir envers les pompiers,
05:16 parce que je sais que, je pense que c'est aussi quelque chose que j'essaye de me
05:19 convaincre, mais je pense que si j'avais été là ça l'aurait vachement rassuré,
05:21 ça l'aurait vachement aidé, et j'en ai énormément voulu à ces personnes après.
05:24 Donc après mon frère part à l'hôpital Nekker à Paris, à ce moment là l'état
05:29 d'esprit c'est, faut qu'il s'en sorte, ou faut comprendre ce qui se passe,
05:32 parce que ça aussi j'ai oublié de mentionner, mais au moment des faits les
05:37 policiers nous ont posé quelques questions et ils m'ont demandé "mais
05:40 combien de temps il est resté accroché ?" et là malheureusement c'est là
05:43 où on perd toute notion du temps. Moi je me rappelle très bien, j'avais dit que
05:46 c'était un très très short timing, mais peut-être que ça a été plus long etc,
05:50 et en fait ce timing là était tellement important pour la suite que en fait je
05:54 pensais qu'à ça, à ça, à ça, à ça, et vraiment on se rend pas compte de ce qui
05:58 se passe, on se rend pas compte de tout l'enchaînement qui peut y avoir, et
06:01 limite on sait pas comment ça va se terminer, on est tout le temps en stress,
06:04 en suspense, dans l'attente de savoir ce qui se passe, dans l'attente de pourquoi
06:08 il se réveille pas, qu'est ce qu'il faut faire, quel traitement il va avoir, et
06:12 puis tellement tout s'enchaîne que ça va très vite, mais en même temps
06:16 c'est très long. C'est une sensation qui est très bizarre, et moi j'avais 15 ans
06:20 donc mes parents aussi fallait qu'ils me gèrent. Mes parents fallait qu'ils gèrent
06:23 trois choses, il fallait qu'ils se gèrent eux-mêmes, mais il fallait qu'ils gèrent dans un
06:25 premier temps mon frère, eux et moi. Donc une fois qu'on arrive aux urgences à
06:30 l'hôpital Néquer, on est monté directement en réanimation, et une fois
06:33 que mon frère a été installé, les médecins viennent chercher mes parents.
06:37 Donc ce sont mes parents qui dans un premier temps sont allés le voir,
06:40 moi c'était qu'eux après. Ça a pas duré trop longtemps parce que tout simplement
06:43 ma maman a fait un malaise du choc, je pense, visuel. C'est mon papa qui m'a
06:46 accompagnée pour que je le voie, et là à ce moment-là, effondrement, parce que mon
06:52 frère a 15 ans, c'est toute ma vie, ça fait 15 ans que je suis avec lui, il est là,
06:56 il bouge plus. Vraiment un choc visuel à proprement parler. Là j'ai de nouveau
07:02 des petits blackouts. Tout ce que je sais c'est qu'on a attendu toute la nuit, donc
07:04 là l'appétit n'existe plus, la soif n'existe plus, le sommeil n'existe plus,
07:08 on est en survie complète. Je sais plus ce que les médecins ont dit à mes
07:11 parents à ce moment-là de ce qui s'était passé. Tout ce que je sais
07:14 c'est qu'ils savent pas combien de temps le sang n'a plus été irrigué, donc ça a
07:17 posé problème au niveau de la tension, parce que mon frère à ce moment-là avait
07:20 3 tensions, ce qui est extrêmement bas, et je sais que c'était en partie à
07:24 cause de ça qu'il était dans le coma. Donc mon papa lui restait toute la
07:27 nuit à son chevet. Moi avec ma maman, je me rappelle très bien, on avait
07:31 essayé d'aller se coucher parce que les pleurs, plus le fait qu'on ne mange pas, qu'on
07:34 ne boit pas, etc. On est fatigué en fait. Donc toute la nuit passe, le lendemain
07:38 matin, très compliqué parce qu'il fallait commencer à prévenir la famille, et
07:42 j'avais rappelé quelqu'un, c'était pas mes parents, c'était une amie de mes
07:46 parents en disant "Alors où est-ce que ça en est ?" et elle m'avait dit "Il faut que tu
07:49 reviennes à l'hôpital parce que là ça va pas du tout". Et j'étais revenue et il y avait
07:52 une foule de personnes que je connaissais et en même temps je ne connaissais pas.
07:55 Il y avait des amis de mes parents, il y avait de la famille, etc. Alors ce n'est pas
07:58 que ça m'a agacé qu'il y ait autant de gens, c'est que je m'y attendais pas, et qu'en
08:02 fait dans ce genre de situation, on sait pas quoi faire. J'ai 15 ans, mon frère est
08:05 à l'hôpital, il vient de se... Déjà je prends même pas conscience qu'il vienne de se...
08:09 Tout ce monde, c'était en mode "Qu'est-ce que c'est que ça ?" Et du coup à la suite de ça, je vois
08:13 mes parents partir avec... Alors de mémoire c'était deux médecins et quelques
08:17 infirmières, si je dis pas de bêtises, et le médecin je m'en rappelle très bien qui m'a dit "Attends dehors, je
08:22 prends d'abord tes parents à part et quand ça sera bon, tu nous rejoindras". Donc là encore une fois,
08:26 c'est là où le déni a énormément joué, c'est que dans ma tête je me suis pas dit "C'est fini" ou
08:31 "C'est quelque chose de grave". Pour moi il y avait tellement de l'espoir que je n'ai rien vu
08:35 arriver. Et donc le médecin me demande de rentrer dans la salle avec eux, et pareil je regarde mes
08:40 parents et en fait le regard qui me dégageait c'était le même depuis déjà 24 heures, donc en fait
08:44 je voyais même pas de différence. Du coup je me suis dit "Il n'y a rien qui a changé, ça se trouve".
08:47 Le déni complet. Et là très concrètement, le médecin, donc dans mes souvenirs aussi, m'annonce
08:53 que vu qu'ils savent pas depuis combien de temps il est resté accroché à ce Vélux, ils savent pas
08:59 combien de temps le cerveau n'a pas été irrigué, mais que là en gros il n'y a plus rien à faire
09:04 puisque ils ont utilisé tous les traitements possibles pour essayer de remonter cette tension
09:07 qui était extrêmement basse, mais que dans tous les cas, même s'il avait réussi à se
09:11 réveiller, ça aurait été un légume. Et donc là ça a été le moment le plus compliqué, parce que
09:17 l'expression "tout autour de toi s'écroule" prend sens. Je me suis sentie tellement plus bas que
09:23 sous terre, j'avais l'impression d'avoir des énormes poids sur les épaules, et je me suis même dit
09:27 "Mais comment je vais faire ? Comment je vais faire là les prochaines semaines ? Comment je vais faire
09:32 dans ma vie sans lui ?" Et il y a eu encore un autre choc, c'est qu'il fallait le débrancher. Mes
09:38 parents voulaient pas que j'y assiste, et je leur ai dit "J'y assiste, vous n'avez pas le choix, c'est
09:43 comme ça, je veux être là". Donc mes parents n'ont pas bataillé, ils ont dit "Ok". Donc mon frère a été
09:47 débranché, et donc là j'ai de nouveau un petit blackout, mais je sais qu'après je le revois
09:51 dans cette fameuse salle très triste, très pâle, très neutre, et là je le vois et je me dis
10:01 même encore là, je réalise pas qu'il est parti en fait. Les premiers jours sans lui se passent
10:07 assez bizarrement tout simplement, parce qu'en fait les questions que je me posais au début, les
10:12 émotions que j'avais, c'était "Pourquoi ? Pourquoi tu m'as rien dit ? Pourquoi je me retrouve toute seule ?"
10:19 Oui alors au début j'ai cherché un responsable. Au début inconsciemment j'avais accusé mes parents,
10:24 parce qu'il faut savoir c'est que mes parents nous ont donné une éducation assez stricte, et je pense
10:28 que cette éducation là, mon frère a eu du mal à la supporter et à se l'approprier, et donc du coup
10:34 j'en voulais à mes parents par rapport à ça, mais après je me suis très vite rendu compte que c'était
10:37 pas du tout de leur faute, bien loin de là, mais c'était plus de l'incompréhension de son geste.
10:41 Je voulais absolument savoir pourquoi. Pourquoi en fait ? Pourquoi m'avoir rien dit ? Pourquoi
10:47 ne pas nous l'avoir dit ? Pourquoi ne pas nous l'avoir expliqué ? Parce que du coup on savait
10:51 que forcément on allait vivre avec cette question, parce que mon frère n'a vraiment rien laissé,
10:57 aucun signe n'est apparu les jours précédents. Alors je sais que certaines personnes pourraient
11:02 dire "oui c'est à cause de la facture de téléphone", mais c'est pas du tout vrai. Enfin moi je ne
11:06 sais pas, mes parents ne le savent pas, donc les gens ne peuvent pas le savoir, mais je suis sûre que ça n'a aucun
11:10 lien avec ça, parce que ça serait beaucoup trop gros. Non je pense que c'est juste mon frère,
11:13 c'est quelqu'un qui juste n'était pas fait pour vivre dans ce monde-là. Je pense qu'il y avait pas
11:17 mal de choses qui collaient pas avec la société actuelle, et que ça a été sûrement un trop-plein
11:20 d'émotions ou d'encaissements émotionnels qui a fait qu'il a fait ça, mais je me suis
11:28 un peu perdue dans mes questions, et je me suis un peu perdue dans ma réflexion, et je voulais
11:31 vraiment savoir, et même encore à l'heure actuelle, je me pose toujours ces questions. Pour moi, il y
11:36 avait de l'incompréhension, de la tristesse et de la colère en même temps. Alors effectivement, quelques
11:39 temps après, j'ai essayé de comprendre, j'ai essayé de chercher moi-même, parce que les policiers
11:43 avaient pris à ce moment-là son ordinateur et son téléphone portable pour justement fouiller, voir
11:47 s'ils pouvaient trouver quelque chose. Ils me certifient qu'ils n'ont rien trouvé, mais je reste
11:51 persuadée au fond de moi-même que si c'était moi qui avais cherché dans son téléphone, et à l'époque
11:55 on avait un iPod, si j'avais réussi à avoir ses codes et à fouiller dedans, je suis sûre que j'aurais
12:00 trouvé quelque chose. J'ai aussi cherché s'il y avait une raison avec la facture de téléphone, mais
12:04 pour moi ça me paraissait trop gros, sachant que la facture de téléphone était d'un montant de plus
12:09 de 300 euros pour un enfant, enfin un adolescent de 15 ans. C'est énorme, c'est pas comme à 24 ans,
12:14 mais je me suis dit... Puis même mes parents m'ont pas vraiment donné le détail de ces 500 euros,
12:19 parce qu'ils ont eu la facture, mais ils m'ont pas non plus donné les détails, et je pense que ces 500
12:22 euros de téléphone, c'était juste dû à des jeux que mon frère a dû payer inconsciemment,
12:27 parce que comme je disais tout au début, mon frère c'est un très très grand joueur, on peut appeler
12:31 ça un geek, c'était un geek, mais j'ai vite éloigné cette piste de cette facture de téléphone, parce
12:36 que pour moi je reste persuadée que ça n'a rien à voir avec son geste. Je pense qu'au final, avec
12:41 le temps, il n'y a pas vraiment de raison. En tout cas j'essaie de m'en persuader qu'il n'y a pas
12:45 vraiment de raison, et que ça peut arriver qu'il y ait des gens que juste ça va pas, c'est un trop
12:49 plein, et bah ils font ça, mais ça c'est quelque chose que j'aimais que depuis peu, mais au tout
12:53 début c'était du déni et du pur déni. J'ai encore une colère aujourd'hui, et je pense que c'est aussi
12:59 ça qui m'a aidée à sortir de ce déni, même si je le suis encore je pense inconsciemment, mais
13:04 cette colère et cette incompréhension elle est beaucoup trop présente dans mon coeur, dans mon
13:07 esprit, pour laisser place à la tristesse et à l'acceptation de ce qui s'est passé, et c'est
13:12 aussi la thérapie qui m'a aidée à, je dirais pas passer outre ce déni, mais à comprendre que j'étais
13:20 dans le déni, parce que ça aussi c'est une autre phase, il faut comprendre qu'on est dans le déni,
13:23 parce que c'est bien beau de l'accepter, mais il faut l'avoir compris avant, et c'est aussi le fait
13:26 de parler avec ma pédopsychiatre, de parler avec des gens et d'être aussi confronté à des
13:31 situations qui ont été très inconfortables, donc à des réactions de personnes choquées, ce qui est
13:37 normal, et ça m'a inconsciemment forgé dans mes réactions et dans mes émotions, et donc du coup à
13:44 l'heure actuelle j'ai aucun problème à dire "je n'accepte pas ce que mon frère a fait, je le sais,
13:50 j'en ai conscience, je pense que je ne l'accepterai jamais", et c'est comme ça, et c'est la vie, et
13:54 tant que j'aurais cette colère et cette incompréhension et un peu de la haine, je pourrais
14:00 pas passer outre. Cette haine un peu envers lui, c'est tout simplement parce qu'il y a peu de temps,
14:04 j'ai réussi à prendre conscience qu'en fait, et c'est très dur, c'est hyper dur, mais j'ai réussi
14:08 à prendre conscience qu'en fait j'ai vécu 15 ans avec quelqu'un que je ne connaissais pas, et
14:12 j'ai l'impression que je le connaissais pas tout simplement parce que quand quelqu'un se suicide,
14:19 c'est qu'il y a un mal-être, donc ça veut dire que pendant 15 ans il a vécu un mal-être dont j'étais
14:23 même pas au courant, j'étais la personne la plus proche, j'étais la personne qui ressentait tout,
14:28 et en fait j'ai pas été capable de voir les signes qui font qu'il était mal, et du coup en fait,
14:34 je ne saurais même pas comment expliquer le fait de me dire ça, c'est que ma confiance envers les
14:39 hommes du coup elle a été détruite, et en fait je le vis comme une trahison. En fait c'est tellement
14:44 quelque chose auquel j'aurais jamais pensé qu'il était capable, auquel j'aurais jamais imaginé,
14:48 que le fait qu'il fasse ça, ça m'a surprise et ça m'a choqué, et donc du coup j'ai du mal à me dire
14:57 "si si je le connaissais bien", alors qu'en fait non, je le connaissais pas. C'est ça le plaisir
15:01 pour moi aujourd'hui, je pense, et de gérer cette colère vis-à-vis de lui, et cette culpabilité
15:09 également vis-à-vis de moi, dans le sens où j'ai une énorme culpabilité par rapport à l'émotion que
15:14 j'ai ressentie sur le moment même, au fait que je n'y suis pas allée, et du coup cette culpabilité
15:17 inconsciemment elle est toujours là, elle est toujours présente, et j'essaie d'estomper ou du
15:22 moins de me convaincre que c'est pas de ma faute, mais c'est hyper dur parce que quand on a vécu ce
15:27 genre de situation, c'est même pratiquement impossible de dire "t'inquiète, t'as pas
15:31 culpabilisé, c'est pas de ta faute", alors qu'en fait je me suis dit "si j'avais réagi plus tôt,
15:35 si j'avais fait ça plus tôt, il en serait peut-être encore là", et du coup je m'en suis énormément
15:40 voulu, et je m'en veux encore actuellement, et après lui je lui en veux énormément parce que
15:43 comme je disais, j'ai vécu avec quelqu'un pendant 15 ans que je ne connaissais pas, et c'est ça
15:49 qui m'énerve parce que quand on a un jumeau, c'est censé être toute ta vie, c'est censé être
15:55 une grande partie de toi, toute ta moitié, et moi c'est complètement ce que je ressentais, et à l'heure
15:59 actuelle, mon frère c'est clairement l'homme de ma vie, et du coup le fait qu'il soit plus là,
16:04 et qu'on puisse plus partager certaines choses, ça m'énerve en fait, et du coup c'est pour ça
16:10 aussi que je lui en veux, et surtout ce côté de "pourquoi tu m'as rien dit, pourquoi on n'en a pas
16:15 parlé, on aurait pu trouver une solution", et c'est toutes ces questions-là qui font que j'ai
16:19 cette colère, et le fait aussi de ne pas avoir de réponse, ça me met en colère, et donc du coup il y a
16:23 des phases où je vais être très triste, il y a des phases où ça va aller, il y a des phases, des grandes
16:27 phases où je veux pas en entendre parler, je veux pas qu'on parle de lui parce que je suis un peu
16:31 méchante inconsciemment vis-à-vis de lui, parce que pourquoi je parlerais de quelqu'un qui en fait
16:35 m'a même pas parlé de son souci, mais c'est hyper dur, je suis hyper dure avec lui et avec
16:40 moi-même, mais c'est les émotions que j'ai, et j'ai pas envie de me priver de ces émotions juste
16:45 parce qu'il a fait un acte qui sûrement l'a soulagé, ou pour faire plaisir à quelqu'un, c'est
16:49 vraiment mes émotions actuelles, et c'est comme ça et pas autrement, et c'est un travail que je fais
16:53 dessus depuis très très longtemps, depuis 9 ans, et qui est toujours d'actualité d'ailleurs. Alors
16:58 évidemment j'ai l'espoir qu'un jour ces émotions négatives changent en "positifs",
17:04 je pense que c'est juste une question peut-être de temps, peut-être de thérapie, je sais
17:09 juste que le deuil j'y arriverai pas, mais déjà réussir à accepter certaines choses ça peut
17:12 déjà m'aider dans ma vie personnelle, et déjà ça ça sera une grande étape. C'est pour ça aujourd'hui
17:16 que j'en parle tout simplement parce que déjà de un, le suicide c'est un sujet extrêmement tabou,
17:21 le but c'est d'en se sensibiliser le plus possible, de deux ça peut peut-être aider des fratries qui
17:27 ont aussi des jumeaux et des jumelles à peut-être comprendre leur moitié, ou à essayer de surmonter
17:31 peut-être malheureusement la même chose que moi, et qu'il faut pas négliger tout ce côté aussi,
17:35 et je pense que c'est un gros sujet d'actualité tout ce qui est côté harcèlement, agression et
17:39 c'est parce que c'est des petites choses comme ça, des grosses choses comme ça, mais aussi des
17:43 petites choses quotidiennes de la vie qui font que peut-être ça amène la personne à faire l'acte
17:47 qu'il ne devrait pas faire, mais la principale raison de pourquoi c'est vraiment sensibiliser
17:54 sur le suicide, vraiment parce qu'on n'en parle pas assez, on fait pas assez de prévention là-dessus,
17:58 la preuve moi-même, avant le suicide ça ne me serait jamais venu à l'esprit, et je pense qu'il y a
18:03 un côté aussi éducatif qui manque là-dessus, et le but c'est aussi de faire prendre conscience
18:08 à ces personnes qui ont des idées noires ou qui ont déjà fait des tentatives de peut-être se dire
18:12 que la vie vaut le coup.
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