• il y a 8 mois
Découvrez l'histoire inspirante d'Adrien, victime d'une violente agression par balle qui l'a laissé paraplégique. À travers son témoignage, il partage les moments les plus sombres de son combat pour la vie, ses espoirs, ses rêves brisés et la force inébranlable qui l'a poussé à surmonter les obstacles et à rester positif coûte que coûte. Son parcours, marqué par la douleur, mais aussi par une incroyable résilience, est une véritable leçon de courage !

Merci à Adrien pour sa confiance et pour son témoignage puissant.

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Amusant
Transcription
00:00 Et j'ai dit à mon père, j'ai dit "je suis tétraplégique, il faut me débrancher, je ne peux pas vivre comme ça, il faut me débrancher".
00:05 Et je suis parti en hélicoptère, de là les opérations ont commencé.
00:08 Après toute la journée, on m'a plongé dans le coma, ainsi de suite.
00:12 Le 5 septembre 2014, j'ai été victime d'une agression par balle qui m'a rendu paraplégique.
00:17 C'était un matin, c'est particulier parce que je ne sais pas pourquoi, vers 5h du matin, je me suis réveillé, je transpirais, j'avais des angoisses.
00:24 Et je me lève, je me lave et tout ça, et je pars, je me prépare, mais je ne voulais pas partir de la maison.
00:29 J'avais un sentiment, j'avais une boule au ventre, je ne voulais pas partir de la maison.
00:32 Et quand je pars de la maison, moi je me rends à mon travail, je me monte dans ma voiture,
00:37 et quand je pars, j'entends des balles un peu partout qui tapent, et je ne capte même pas en plus.
00:43 J'entends des bruits sourds, je ne capte pas sur le moment, je crois que c'est des pétards.
00:47 Et j'avance, et de là, après il y a le trou noir, je me réveille sur le bitume et je ne bouge plus.
00:55 Parce qu'entre temps, on m'avait sorti de la voiture, ça va te paraître fou, mais il y a un camion,
01:00 des éboueurs qui descendent, mais c'était des volontaires, c'était des pompiers.
01:03 C'est la chance que j'ai, parce qu'ils me sauvent, en fait, ils me sortent du 4x4.
01:06 Et de là, je me réveille, mais je sens que je suis paralysé en fait, parce que je me touche comme ça,
01:10 et je sens que je ne sens plus le bas de mon corps.
01:13 Sur le moment, comme je touchais un peu plus haut, je n'y arrive plus, je crois que je suis tétraplégique.
01:17 Je vois mon père arriver, et je dis à mon père, je dis "je suis tétraplégique".
01:22 Je ne sais pas pourquoi, je dis "je suis tétraplégique, vous me débranchez, je ne veux pas vivre comme ça, vous me débranchez".
01:27 Puis je ne me souvenais plus, je ne me souvenais plus, c'était trop vague.
01:30 Et je suis parti en hélicoptère, de là les opérations ont commencé.
01:33 Après, toute la journée, on m'a plongé dans le coma, ainsi de suite.
01:37 En fait, les premiers sons, c'est des impacts dans la voiture, parce que je vois toutes les vitres se casser.
01:42 Et toi, tu n'as rien, et tu ne captes pas.
01:45 Et après, quand tu es touché, tu as les effets blasts et ton corps ne réagit plus.
01:50 Tu as juste l'ouïe, l'odorat, tu vois tout, tu entends tout, tu sens tout.
01:58 Mieux que tout le monde, mais tu ne peux plus rien faire.
02:01 Je prends des balles un peu partout dans le corps, j'en prends 8 dans le corps.
02:05 Il n'y en a qu'une qui me fait réellement du mal, elle me tape dans la colonne,
02:08 et elle va se loger dans le poumon droit, en fait.
02:10 Et elle me fait l'effet blasts, et c'était ça, le plus dangereux, c'est ça en fait qu'il y a eu.
02:15 Je ne marche plus, mais c'était vraiment, le poumon c'est un organe vital.
02:19 Et j'avais un pneu motoraque, je n'arrivais plus à respirer, donc ils m'ont fait un drain sur le lieu.
02:25 Et après, je suis arrivé à l'annexe de l'hôpital de Sartheine, on m'a descendu à Ajaccio.
02:30 A Ajaccio, je me demande si je n'ai pas fait deux ou trois arrêts cardiaques dans l'hélico,
02:34 parce qu'ils étaient obligés de voler super bas, super bas, super bas, pour ne pas que mes poumons éclatent.
02:38 A Ajaccio, je suis arrivé, on m'a mis sur le billard pour m'opérer la colonne.
02:42 Et là, j'ai une artère qui pète en fait, au moment de l'opération.
02:47 Ils stoppent l'opération du dos, et donc du coup, je garde la brûlure, la compression,
02:53 parce qu'à la base, c'est une compression que j'ai, parce que la balle, elle me tape l'ailette.
02:57 Tu as vu, il y a des ailettes sur la colonne vertébrale.
02:59 Elle me tape l'ailette et ça me fait une compression.
03:02 Donc à la base, je ne veux pas dire que c'est trop rien, mais sur le rapport,
03:05 les pompiers disent que même si je ne sens pas, j'arrive encore à bouger mes pieds.
03:08 Et je garde cette compression 36 heures, plus les brûlures, la poudre,
03:13 enfin tous les trucs, les mauvaises choses de la balle.
03:15 Ils m'opèrent, donc ils stoppent l'opération.
03:17 Je reste 36 heures avec la brûlure qui m'a nécrosé la moelle sur 5 ou 10 centimètres,
03:24 qui m'a infecté, qui a pris des trucs et on m'a réparé l'artère.
03:29 Et le lendemain, on m'a transféré, on devait me transférer sur Marseille,
03:33 et on m'a transféré, j'étais intransportable en fait, parce que mes poumons étaient trop fatigués.
03:37 On m'a transféré sur Bastia, et de là, on m'a plongé dans le coma pendant presque trois semaines.
03:42 Quand je me réveille, si je me souviens de ce qui s'est passé,
03:46 c'est très vague, c'est très très flou, c'est les bruits moi.
03:49 Les bruits, parce que quand je me réveille, je refaisais les bruits, je faisais pam pam pam pam, comme ça.
03:54 Je me réveillais, je refaisais les bruits à ceux qui rentraient, je ne comprenais pas.
03:58 J'ai l'impression en fait, quand tu te réveilles, que tu t'es réveillé il y a une minute en fait.
04:02 Tu ne captes pas que tu as dormi pendant trois semaines.
04:04 Quand j'étais dans le coma, j'ai des rêves de fou du coma.
04:08 Par rapport à des odeurs, des odeurs de certains amis qui rentraient, j'avais la tension qui montait.
04:14 Je revoyais les choses par rapport à quand on me racontait telle et telle personne était rentrée.
04:19 Je refaisais les rêves et je racontais mes rêves.
04:21 Tout le long du coma, je me prenais pour un professeur.
04:26 Je voulais révolutionner la maladie, je ne sais pas, donc tous ces trucs-là,
04:33 je voulais révolutionner, j'étais dans des amphithéâtres.
04:35 Je ne sais pas ce que je racontais parce que je ne connais rien, je ne comprends rien,
04:40 mais je me prenais pour un professeur.
04:42 J'étais en fauteuil roulant en plus, dans mes rêves j'étais en fauteuil roulant.
04:44 Pourquoi moi j'ai été visé ?
04:46 Quand il y a un dommage collaterale, c'est compliqué d'avoir une réponse à tout ça.
04:51 Pendant longtemps, j'en ai voulu à la personne X, parce que je ne sais pas qui c'est qui m'a fait ça,
04:57 ou aux personnes X, de dire "Allez vous en prendre aux bonnes personnes".
05:03 J'avais 22 ans, qu'est-ce que tu veux venir me faire chier à moi ?
05:08 Puis après, je ne sais pas, mon cerveau, je ne sais pas si c'est mon truc un peu bourrin de la vie,
05:14 je suis un mec assez bourrin de me dire "Va de l'avant, ne calcule plus rien, laisse tomber",
05:20 parce que sinon je me rongeais trop le cerveau, ce n'est pas ma vie, c'était cette vie-là,
05:24 ce n'est pas ma vie-là, je me rongeais trop le cerveau, donc du coup, j'ai laissé tomber,
05:29 je fais ma vie, je fais ma musique, j'ai ma femme, mes enfants, je ne calcule plus personne,
05:33 je ne calcule plus rien.
05:34 Moi mes dates dans la musique, elles étaient annoncées à partir de mars-avril,
05:40 donc toutes mes dates, elles étaient annoncées.
05:42 On pouvait savoir pratiquement deux fois par semaine, c'était à l'époque des live Facebook,
05:46 donc on me voyait, on savait où j'étais, j'avais mon travail, je travaillais au conseil général,
05:51 donc je n'avais pas une vie de gangster, je ne sais pas, ou alors si tous les gangsters étaient comme moi,
05:57 à cette époque-là, je pense qu'il n'y aurait jamais eu de guerre dans le monde,
06:01 que je faisais des bêtises de jeunesse, mais je n'étais pas un bandit.
06:06 Et puis après, il s'avère que moi je porte plainte en partie civile, je suis obligé,
06:12 puis sur les rapports de judiciaire, ils m'annoncent dommage collatéral, victime,
06:17 comme quoi on m'a fait du mal pour toucher d'autres personnes.
06:20 Alors que tu vois, je ne sais toujours pas pourquoi j'ai été visé, qui et quoi,
06:23 mais tu sais, mon dossier a été fermé très rapidement, ils n'ont jamais arrêté personne,
06:28 mais je suis content en fait, je suis très content parce que je passe à autre chose,
06:31 je ne veux plus entendre parler de personne, de rien, chacun fait sa vie, je fais la mienne,
06:37 stop et fin, parce que ça va servir à quoi ?
06:40 Autant ils arrêtent des gens qui ne sont même pas eux, et autant je m'en fous en fait,
06:45 moi je fais ma vie maintenant, je fais autre chose,
06:47 et je ne veux plus entendre parler de personne, de mon côté c'est stop, chacun sa vie.
06:54 Au réveil du coma, je sais qu'il y a quelque chose, donc ça ne me surprend pas.
06:59 Par contre, j'ai le truc pendant trois jours, je ne fais que pleurer, je ne m'arrête pas.
07:03 Et puis, j'ai eu un déclic de me dire, maintenant ma vie elle est comme ça, fonce, vas-y comme ça.
07:09 Je suis parti de Bastia, je suis arrivé à la Timone, on m'a fini les soins que j'avais,
07:14 je suis parti en rééducation à la Bourbonne, à Aubagne.
07:17 Tous ces lieux-là, moi c'est des gens, j'ai rencontré des personnes formidables,
07:21 des médecins formidables, des soignants, que ce soit même de la femme de ménage,
07:27 à l'infirmière, à l'aide-soignante, à tout le monde, extraordinaires.
07:30 Et de là, j'ai fait toute ma rééducation, après j'ai fait ma rééducation de jour,
07:35 et cette sensation du réveil, pour revenir à cette sensation du réveil,
07:39 je l'ai revécu une seule fois.
07:41 Je l'ai vécu quand, en rééducation, il y avait la fête, je ne sais plus ce que c'était comme fête,
07:48 ils me disaient, tu es chanteur, tu apprends la guitare, tu vas monter chanter.
07:52 Moi je me dis, oui, je ne faisais pas de soucis.
07:55 Et je montais avec ma guitare, impossible de chanter,
07:58 parce que mes poumons, ils étaient pas encore éclatés.
08:01 Et de là, ça a été la descente aux enfers.
08:04 Et même que je n'arrivais pas à comprendre,
08:06 pourquoi je déprimais d'avoir perdu ma voix,
08:09 plutôt que mes jambes, parce que mes jambes, je les avais oubliées.
08:11 Mes jambes, c'était fini, je n'allais plus jamais remarcher,
08:14 c'était comme ça, ma vie, elle était sur mon fauteuil, j'allais foncer,
08:17 mais de ne plus réussir à chanter, je ne sais pas, c'était la descente aux enfers.
08:21 De là, je me suis mis dans ma tête, j'allais retourner chanter.
08:25 Je suis sorti de la rééducation, j'ai voulu retourner en Corse,
08:29 mais l'infrastructure, c'était trop compliqué.
08:33 Quand je suis revenu à Marseille, j'ai des copains qui sont venus me chercher,
08:36 qui m'ont dit, non, non, tu vas, d'ailleurs c'est Thomas, je ne l'oublierai jamais.
08:39 Il m'a dit, mais tu es fou, viens chanter.
08:42 De là, j'ai recommencé les animations,
08:44 même si des fois je faisais n'importe quoi, j'étais à côté de la plaque,
08:46 mais au moins j'y étais, et eux, ils étaient contents,
08:48 mes copains étaient contents, tout le monde était content.
08:51 J'ai recommencé à chanter, et de là, l'aventure est repartie.
08:54 Qu'est-ce qui fusse dans ma tête pendant trois jours après le réveil ?
08:57 Tu as tout et n'importe quoi.
08:58 Le truc de haine, l'incompréhension, tu as tout.
09:01 Et surtout de te dire, putain, je ne vais plus jamais remarcher de ma vie.
09:05 Et à ce moment-là, tu vois que je ne vais plus remarcher.
09:10 Quand tu découvres la paraplégie, ce n'est pas ne plus remarcher.
09:13 Parce que dans la paraplégie, si c'était que ça,
09:17 la vie serait trop belle, parce que tu ne remarches plus.
09:20 Mais c'est tous les soucis qu'il y a de la paraplégie.
09:24 La paraplégie, il faut savoir que tout ce qui est blessé médulaire,
09:27 au niveau de la colonne vertébrale, c'est une lésion
09:30 qui ne permet plus à ton cerveau de commander une partie de ton corps.
09:34 Donc plus tu es haut, moins ton cerveau commande des choses.
09:37 Donc quand on te dit de ne plus commander,
09:39 tu ne fais plus pipi comme tout le monde,
09:41 tu ne vas plus aux toilettes comme tout le monde,
09:42 te laver, il faut te transporter,
09:44 tu as des problèmes de peau, tu as tous ces trucs-là.
09:46 Ce n'est pas la paraplégie, ce n'est pas que tu ne remarches plus.
09:49 C'est les gens, il faut qu'ils comprennent ça.
09:51 Paraplégie ou tétraplégie ou endoplégie,
09:53 tous ces trucs-là au niveau blessé médulaire.
09:56 Mais ça, tu ne le sais pas encore,
09:57 parce que pour toi, c'est que marcher.
09:59 Donc tu ne marches plus et tu te dis,
10:01 c'est fini, je vais pouvoir faire ça,
10:03 je vais pouvoir faire ça, je vais pouvoir faire ça.
10:05 Mais ça, le cerveau, il est bien fait en fait,
10:07 parce que le cerveau, après, il oublie ces choses-là.
10:10 Tout ce que tu faisais et tout ce que tu peux faire
10:14 et tout ce que tu dois faire,
10:16 ton cerveau se met à 400% sur ces choses-là.
10:19 Moi, ça va paraître fou, mais toi, je te dis,
10:22 demain, on va faire du kayak.
10:24 Tu vas dire, pas qu'on y est après demain,
10:26 moi, demain, tu me dis, je vais faire du kayak,
10:28 je peux faire du kayak,
10:29 mon cerveau se met à 400% dessus.
10:31 Je suis plus heureux, je ne vais pas dormir de la nuit,
10:33 parce que le lendemain, je vais faire du kayak.
10:34 C'est con, c'est des trucs de la vie,
10:35 mais qu'avant, je pouvais faire tous les jours
10:38 et que maintenant, je vais faire du kayak.
10:41 C'est un bon truc pour moi.
10:43 Moi, mon handicap, il m'a fait grandir,
10:45 il m'a fait récupérer une partie de mon psychologique
10:50 que je n'avais pas avant.
10:51 J'étais ultra faible, ultra sensible,
10:54 debout, j'étais un faiblard.
10:57 Rien ne me mettait en dépression.
11:00 La personne qui était à côté de moi qui avait du mal,
11:01 j'ai l'impression que c'était moi qui avait du mal.
11:03 J'étais très empathique, mais j'étais fragile.
11:06 J'étais quelqu'un de très, très, très fragile.
11:08 Je ne savais pas dire non.
11:10 Mon handicap, il m'a fait énormément de bien.
11:13 Il m'a fait grandir, il m'a fait me blinder psychologiquement.
11:17 Il m'a fait découvrir la vie, mais réellement.
11:20 Réellement, il m'a fait découvrir la vie.
11:22 Maintenant, je suis 100 fois plus heureux.
11:25 Et je ne dis pas merci, comme on fait ça quand même.
11:29 Je ne suis pas fou, mais je ne pense pas que j'aurais réagi comme ça.
11:32 Je ne sais pas, parce que je parle dans l'inconnu.
11:34 Je ne pense pas que j'aurais aussi bien réagi à mon handicap
11:36 si j'avais eu un accident de voiture que mon agression.
11:39 Mon agression, elle m'interdit d'être faible.
11:42 Ce serait le coup de grâce, quoi.
11:44 Ce serait donner raison à ceux qui m'ont agressé.
11:46 Mon handicap, maintenant, il fait partie de ma vie.
11:48 Je m'en fous. Je suis bien avec tout le monde.
11:50 Je discute, je fais ma visite.
11:52 Je fais ma fête, je fais mon travail.
11:55 J'ai mes enfants, j'ai ma femme.
11:58 Il n'y a rien qui a changé.
12:00 Je me lève le matin, j'ai la chance de travailler avec ma passion.
12:04 C'est la musique.
12:05 Donc, j'ai tous mes projets, j'ai les concerts qui s'installent.
12:08 J'ai mes singles, j'ai l'album en préparation.
12:11 Il y a mes enfants, ils sont petits.
12:13 J'ai ma femme, je travaille avec ma femme.
12:14 Maintenant, on a une société de production.
12:16 Donc, je ne fais que des choses comme ça.
12:18 Tu n'as pas le temps de penser.
12:20 Je n'ai pas le temps et je m'interdis ce temps, en fait.
12:22 Non, je vis.
12:23 Moi, j'ai eu le truc de...
12:26 Tu sais, quand tu rentres en rééducation,
12:27 on te donne, je ne sais pas moi, 6 mois, 8 mois, 10 mois.
12:31 Moi, au bout de 4 mois et demi, j'étais dehors.
12:33 Au bout d'un mois et demi, j'avais déjà mon premier fauteuil.
12:36 Tout le monde me disait, c'est formidable.
12:38 Je voulais sortir, je voulais avoir mon fauteuil,
12:41 je voulais avoir ma vie, connaître la vie, en fait, la vie d'après.
12:45 Et le regard des gens, moi, il ne m'a jamais, jamais, jamais embêté.
12:49 Le regard des gens ne m'a jamais choqué.
12:51 Après, peut-être que parce que moi, mon handicap aussi,
12:54 je ne sais pas si je le...
12:56 Déjà, il se voit, mais moi, je ne le vois pas.
12:59 Comme ça, je vis, je me rends compte de mon handicap
13:02 quand je me retrouve devant Dimarche.
13:04 Là, je me dis, je ne peux pas aller monter,
13:06 mais je me dis, je vais demander, on va m'aider.
13:08 Il n'y a pas de tabou, il n'y a aucun tabou.
13:10 Je n'ai pas eu la sensation du regard des autres.
13:13 Je n'ai pas eu la sensation...
13:14 Je vais dire une phrase assez forte,
13:16 c'est-à-dire que moi, là où je remercie mon handicap,
13:19 c'est qu'à l'heure d'aujourd'hui, celui qui s'assoit à côté de moi,
13:22 qui veut travailler avec moi, qui veut faire la fête avec moi,
13:25 qui veut être mon ami ou mon amoureuse, n'importe quoi,
13:31 c'est qu'elle m'aime vraiment.
13:32 C'est fou parce qu'en fait, le handicap,
13:36 psychologiquement, il t'arrive quelque chose.
13:39 Je vais prendre un truc, je vais tomber, je ne sais rien.
13:42 C'est la honte, tu sais, tu vas être là.
13:44 Eh bien, je remonte sur mon fauteuil,
13:46 deux secondes après, j'ai oublié.
13:48 C'est un truc de protection,
13:51 c'est-à-dire que ton cerveau, tout ce qui est néfaste,
13:55 il occulte directement la chose.
13:57 Il la met de côté.
13:58 Alors, est-ce qu'il la met ?
14:00 Je ne sais pas, il faudrait un jour que j'en parle avec un psychologue.
14:03 Est-ce qu'il la met dans une boîte
14:05 et que la boîte, si elle grossit, grossit, grossit, grossit,
14:08 elle peut éclater un jour ?
14:09 Je ne sais pas.
14:10 Mais en tout cas, pour le moment, elle n'a pas éclaté.
14:12 Elle est bien, elle est costaud.
14:14 Je ne sais pas.
14:15 Moi, je n'ai pas trop vécu, à part ce truc-là, la voix,
14:18 ça a été mon plus gros chagrin d'avoir perdu ma voix.
14:22 J'étais plus triste d'avoir perdu ma voix que mes jambes, moi.
14:24 Je voulais rechanter, ma vie, c'est la musique.
14:26 J'ai toujours chanté, j'ai toujours baigné avec des musiciens,
14:29 des chanteurs.
14:30 Ce n'était pas possible, il fallait que je chante.
14:32 Si j'avais perdu ma voix, très sincèrement,
14:34 je pense que je n'aurais pas vécu ma vie,
14:37 handicap ou pas handicap,
14:39 ça aurait été vraiment, ça aurait été mon handicap
14:41 le plus terrible, quoi.
14:43 Vraiment.
14:44 Je ne pense pas, franchement, je ne pense pas que je l'aurais bien vécu.
14:48 Je ne sais pas où est-ce que ça m'aurait mené,
14:50 mais je pense que dans les bas-fonds très noirs.
14:55 Les séquelles psychologiques, tu en as, tu es obligé.
14:57 Je m'interdis de me réveiller à 6 heures du matin, moi.
15:00 Parce qu'à 6 heures du matin, c'est à l'heure où il m'est arrivé ça,
15:02 6h20, exactement.
15:04 Je m'interdis, en fait.
15:05 C'est mon cerveau, tout le temps, tu ne me verras jamais.
15:10 Ou alors si je suis réveillé, c'est que je suis en height.
15:13 Sinon, je m'interdis.
15:16 Moi, j'ai eu le truc qui m'a ultra blindé psychologiquement,
15:21 qui m'a mis une carapace énorme.
15:23 Et cette carapace qui s'est brisée bien comme il faut, c'est mes enfants.
15:28 Et surtout, le deuxième, le garçon.
15:31 Quand j'ai eu le garçon, moi, qu'il est né,
15:33 jusqu'à ses 5 mois, j'étais pas bien du tout.
15:37 Il y avait que ma femme qui le savait, mais bon, maintenant, tout le monde va le savoir.
15:40 Mais j'étais pas bien, pas bien, pas bien du tout.
15:42 Parce que j'ai eu le garçon et je me suis vu en lui.
15:46 Et j'ai vu tous les dangers de la vie.
15:49 Et surtout, la souffrance d'un papa.
15:53 Donc, je me suis mis à la place de mes parents.
15:55 J'ai fait le chemin, en fait.
15:57 Et ça, ça a été le 5 mois très compliqué.
16:00 Normalement, ça va beaucoup mieux.
16:02 Mais je me suis dit...
16:04 Alors, je ne l'en ai jamais voulu, le pauvre, parce que le pauvre, il allait en demander.
16:07 Ma femme, elle me voyait ma tête, tout.
16:09 C'était agressif.
16:10 Ce que je me disais, c'était de tout ce que j'avais vécu,
16:14 toutes les souffrances d'avoir fait souffrir mes parents.
16:17 Moi, je les vois encore maintenant aujourd'hui souffrir mes parents.
16:21 Donc, tu te dis...
16:22 Le garçon, il était là.
16:24 Je me voyais en lui.
16:25 Je me disais que je ne voulais pas souffrir.
16:28 Je ne voulais pas avoir les mêmes souffrances que mes parents.
16:31 Tu décours le truc de papa, c'est compliqué.
16:33 Si jamais ça, j'avais repassé à d'autres personnes qui ont une maladie ou un handicap,
16:37 c'est d'aller de l'avant, de ne pas regarder...
16:40 C'est d'aller de l'avant, déjà, de bien s'entourer.
16:43 Et de jamais montrer...
16:44 Moi, je m'interdis de montrer mes faiblesses, en fait.
16:46 Je m'interdis de montrer mes faiblesses.
16:48 Mes faiblesses, ma femme, elle les voit.
16:50 Je ferme la porte, il n'y a plus personne qui voit mes faiblesses.
16:53 De s'interdire et de montrer qu'on est plus fort que les autres
16:56 et de faire plein de choses.
16:57 Je le redis, en France, tu peux faire énormément de choses.
17:00 Tu es aidé, tu as plein de choses.
17:03 Déjà, tu peux être bien soigné.
17:05 De rien s'interdire.
17:06 Il ne faut rien s'interdire.
17:07 La vie, elle est courte.
17:09 Elle est beaucoup plus courte, déjà, pour nous.
17:11 Même, je parlais des blessés médulaires.
17:13 L'espérance de vie, ce n'est pas la même qu'une personne debout.
17:16 Puis, quand tu arrives à partir d'un certain âge, tu es affaibli,
17:19 il faut profiter.
17:20 Il faut profiter.
17:21 Qu'ils aillent de l'avant et qu'ils oublient leur handicap.
17:25 Enfin, qu'ils ne l'oublient pas, mais qu'ils l'adaptent.
17:28 Qu'ils vivent avec.
17:29 Quoi dire de mieux qu'aller de l'avant ?
17:31 De se blinder et de se trouver...
17:33 Pour quelqu'un qui a des passions, ça va être beaucoup plus simple.
17:36 Et quelqu'un qui n'a pas forcément de passion,
17:38 de se chercher une passion, d'aller sur cette passion-là.
17:40 Il y a plein de choses.
17:41 Il y a le sport. Le sport fait énormément de bien.
17:43 Il y a plein de choses.
17:45 Plein, plein de choses dans la vie.
17:47 Des trucs qui peuvent être anodins quand tu es valide,
17:50 mais qui vont ne pas l'être quand tu vas avoir un handicap.
17:54 Et qui foncent, qui foncent, qui foncent, qui foncent.
17:57 Et qui fassent plein de choses, qui ne s'interdisent rien.
17:59 Et j'ai eu ça.
18:01 Après, j'ai fréquenté quelques filles et tout ça.
18:03 Puis, après, j'ai rencontré Marion, qui est ma femme aujourd'hui.
18:06 Je suis marié.
18:07 Et je l'ai rencontrée en 2016.
18:09 Et depuis, on ne s'est plus lâchés.
18:11 La personne qui se met à côté de toi,
18:13 il y a ton handicap, mais elle te considère comme tout le monde.
18:16 Moi, elle me considère comme tout le monde.
18:17 Après, oui, j'ai mon handicap.
18:19 Elle est passionnée de marcher à pied, de montagne et tout ça.
18:21 Elle sait qu'avec moi, elle ne peut pas le faire.
18:23 Mais on fait plein d'autres choses.
18:24 Elle a des amis, elle fait des trucs.
18:26 Elle ne s'interdit rien.
18:27 Moi, le code, dès le départ, c'était tu ne t'interdis rien à ta vie.
18:30 Tu ne vas pas ne plus faire de randonnées
18:32 parce que moi, je ne peux plus en faire.
18:34 Donc, va faire tes randonnées.
18:36 Fais toutes tes choses de ta vie.
18:38 Et tout ce qu'on peut faire ensemble, on le fait ensemble.
18:41 Donc déjà, ça a enlevé un frein.
18:46 Mais sinon, non, moi, il n'y a rien qui…
18:49 C'est la personne à qui j'ai le plus confiance.
18:53 Je suis plus heureux maintenant.
18:55 C'est compliqué à dire, en fait.
18:56 Il y a énormément de choses.
18:58 Tu te dis…
18:59 Moi, ma vie debout, elle est oubliée.
19:01 J'ai oublié tous ces trucs-là.
19:02 Tout ça, j'ai oublié.
19:04 Je vis ma vie, je suis heureux.
19:07 Donc, il y a un paradoxe qui est énorme.
19:12 C'est dur, ce que je vais dire.
19:13 Mais tu te dis, on m'a agressé,
19:16 mais quelque part, c'est vrai que ça m'a fait du bien.
19:20 Je ne sais pas, ça peut paraître fou.
19:22 Je ne veux pas dire ça pour un fou,
19:24 mais j'ai tiré le bon.
19:25 Il y a des phases comme tout le monde.
19:27 Des fois, je ne suis pas bien comme tout le monde.
19:29 Je ne suis pas un super-héros.
19:30 Mais des fois, c'est compliqué.
19:32 Parce que quand tu es hospitalisé,
19:35 tu as des infections, tu perds des kilos du lendemain.
19:38 Ça, c'est compliqué.
19:39 Même tout, il y a des trucs de la vie.
19:41 C'est compliqué.
19:42 Mais tu te lèves le matin.
19:44 Tous les jours, c'est compliqué.
19:46 Tous les jours, c'est compliqué,
19:47 mais tous les jours, tu ne vois pas la complication.
19:49 C'est la vie.
19:50 Quand c'est simple, c'est trop beau.
19:52 Non, tout va bien.
19:53 Je suis très heureux.

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