Avec Jean-Marc Astorg du CNES (Centre national d'études spatiales)
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00:00Bonjour Jean-Marc Astorgue.
00:04Bonjour à vous.
00:06Bonjour, vous êtes directeur de la stratégie au Centre National d'Études Spatiales.
00:11Alors la date du lancement a été fixée mardi 9 juillet.
00:15Le décollage est programmé pour 20h, heure de Paris.
00:18C'est ce qu'on appelle un vol de qualification Jean-Marc.
00:22Oui tout à fait, c'est le premier lancement de la nouvelle fusée Ariane 6
00:26dont le développement a commencé en 2014.
00:29Donc évidemment toutes les équipes sont impatientes de réaliser ce lancement.
00:33C'est important parce que ça nous permettra de tester l'ensemble des systèmes du lanceur.
00:38Il faut savoir qu'on ne peut pas tester au sol un lanceur spatial, il faut le tester en vol.
00:43Et donc on attend tous avec impatience ce premier lancement.
00:47Vous le disiez, inaugurale très attendue.
00:49Il faut rappeler, il y a eu 4 ans de retard, c'est ça ?
00:53Oui, il y a eu 4 ans de retard, ce qui est assez habituel pour ce type de développement technologique.
00:59Il faut savoir qu'un lanceur c'est un produit extrêmement complexe.
01:02C'est l'un des produits les plus complexes conçus par l'homme.
01:06Et comme je vous le disais, on ne peut pas le tester au sol.
01:09Donc on est obligé d'aller au lancement.
01:12Et comme c'est un programme complexe et avec un certain nombre de participants au niveau européen,
01:1813 pays qui participent,
01:20on voit bien qu'il faut mobiliser beaucoup d'équipes pour arriver à terminer un lanceur.
01:25Quelles sont les différentes phases du vol ? A quoi va servir cette première mission ?
01:29On va s'en servir pour vérifier que tout fonctionne bien.
01:34Notamment une particularité d'Ariane 6, qui est de pouvoir rallumer l'étage supérieur.
01:40Ce qu'on ne pouvait pas faire avec Ariane 5,
01:42il faut savoir qu'on a développé Ariane 6 pour 3 raisons principales.
01:45Réduire les coûts dans un contexte de concurrence plus important aujourd'hui.
01:50Avoir plus de modularité avec 2 versions d'Ariane 6, soit avec 2 ou avec 4 boosters.
01:56Et puis rallumer l'étage supérieur pour pouvoir lancer les satellites de constellation.
02:01C'est la grande nouveauté aujourd'hui.
02:02On ne lance plus les satellites de manière individuelle,
02:04mais on a des constellations de satellite, tous identiques,
02:07qui permettent d'apporter des nouveaux services.
02:09Et donc on va tester en particulier le rallumage de l'étage supérieur.
02:13Ce qui serait le premier pour l'Europe, notamment avec le couple d'Ergol,
02:17de l'étage supérieur, qui fonctionne avec de l'hydrogène et de l'oxygène.
02:21On n'a jamais fait ça en Europe aujourd'hui.
02:24Il y a très peu de nations dans le monde qui le font.
02:26Comme pour tout lancement, les risques sont réels.
02:28Statistiquement, il y a 47% de chances que le premier vol ne réussisse pas.
02:33Vous êtes plutôt confiant pour mardi ?
02:36En tout cas, toutes les équipes sont mobilisées pour le réussir, ça c'est clair.
02:41Je pense que vos statistiques sont un peu pessimistes.
02:46Maintenant, je pense qu'il faut aller au lancement.
02:48La revue de qualification, c'est-à-dire l'ensemble des experts
02:52qui se sont penchés sur les derniers dossiers,
02:54a donné des conclusions positives hier.
02:57Donc on a le feu vert pour faire le lancement.
02:59On va rentrer dans les opérations irréversibles.
03:01Notamment mardi, on va remplir le lanceur en hydrogène et oxygène.
03:07On va tous se préparer pour ce lancement.
03:11Si jamais ça ne marchait pas, on essaierait de comprendre pourquoi ça n'a pas marché.
03:17On se remettrait tout de suite au travail,
03:19comme on l'a toujours fait dans le passé,
03:21pour corriger le problème et repartir rapidement au lancement.
03:23Comment on va pouvoir suivre ce vol inaugural ?
03:27Sur internet, sur le site du CNES.
03:29Vous pouvez le suivre en direct à partir de 19h30
03:35avec les commentaires des spécialistes.
03:37Peut-être aussi la télé.
03:39En tout cas, je pense que ça fera un événement mondial
03:42qui va venir en même temps que le match France-Espagne.
03:44On va choisir entre les deux.
03:46Il faut avoir deux écrans chez soi.
03:48Vous le disiez, depuis le vol d'adieu de la fusée Ariane 5,
03:51c'était il y a un an,
03:52les Européens ne pouvaient plus mettre en orbite par eux-mêmes des satellites.
03:56Ariane 6, c'est quoi l'idée ?
03:58C'est de garantir la place de l'Europe dans l'espace ?
04:02La première motivation, c'est d'avoir une indépendance d'accès à l'espace.
04:06On ne peut pas dépendre d'autres nations pour lancer nos satellites.
04:11L'espace est stratégique aujourd'hui pour la défense,
04:15pour des applications de plus en plus nombreuses pour la vie quotidienne.
04:19On ne peut pas accepter de dépendre d'autres puissances.
04:23C'est pour ça qu'on développe des lanceurs.
04:26Ces lanceurs sont financés en grande partie par des fonds publics.
04:29Ensuite, on commercialise ces lanceurs sur le marché.
04:33C'est l'idée d'Ariane depuis le début.
04:35Ariane a été développée pour cette motivation d'indépendance d'accès à l'espace.
04:39Et ensuite, ça a été commercialisé.
04:41Ça a été un grand succès.
04:43Et donc, Ariane 6 est commercialisé.
04:46Il faut savoir que le carnet de commande d'Ariane 6,
04:48c'est déjà plus de 25 contrats qui sont signés pour des lancements d'Ariane 6.
04:52Donc, c'est déjà un succès commercial, avant même le premier lancement.
04:56Le premier lancement commercial, il est prévu d'ici la fin de l'année, à la fin de l'année 2024 ?
05:01Oui, si le lancement de mardi se passe correctement,
05:05le deuxième devrait avoir lieu avant la fin de l'année.
05:08Et ensuite, on enchaînera les lancements avec des canons visés
05:11de neuf lancements Ariane 6 tous les ans à partir de 2026.
05:17On parlait de la concurrence, la Chine, l'Inde, la Russie.
05:21On pense aussi à SpaceX.
05:23On peut rivaliser avec toutes ces grandes puissances ?
05:27Le principal concurrent aujourd'hui, c'est SpaceX.
05:30C'est Elon Musk.
05:32C'est Elon Musk.
05:34Je crois qu'il y a une volonté de tous les clients des lanceurs
05:38de ne pas avoir un seul opérateur.
05:40Et donc, il y a effectivement de la place au niveau mondial
05:44pour deux ou trois opérateurs.
05:46Arianespace a été longtemps leader sur le marché.
05:50Je suis persuadé qu'avec Ariane 6, Arianespace retrouvera
05:54cette place très importante sur le marché.
05:57D'autant plus que SpaceX est à la fois un fournisseur de lanceurs
06:00mais aussi un fournisseur de satellites.
06:02Donc, quelque part, les clients de SpaceX
06:05ont affaire avec lui à un concurrent.
06:07Et c'est pour ça qu'Ariane 6 est vraiment très attendue
06:10sur le marché par l'ensemble des opérateurs de satellites.
06:13Il y a un investissement qui est colossal.
06:15Ariane 6, c'est 4 milliards d'euros investis.
06:17C'est bien ça ?
06:19Oui, le coût du développement, c'est 4 milliards d'euros
06:22financés par 13 pays.
06:24La France, ayant une part prépondérante, avait plus de 50%.
06:28Les lanceurs ont toujours été une spécialité française.
06:32Il faut savoir qu'Ariane 6 est lancée aussi depuis la France,
06:34depuis le centre spatial guyanais, en Guyane française.
06:39Et donc, ce coût de développement est partagé par tous les pays
06:43européens qui veulent être indépendants au niveau de l'accès à l'espace.
06:48Voilà, le vol inaugural de la fusée Ariane 6
06:51est donc programmé pour mardi 20h, heure de Paris.
06:55Un grand merci à Jean-Marc Astorque d'avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio.
06:59Je rappelle que vous êtes directeur de la stratégie
07:02au CNES, le Centre National d'Études Spatiales.
07:05Merci à vous.