Les raisons d’une embellie durable des prix pour les céréaliers

  • il y a 3 mois
Marché du blé

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00:00Bonjour et bienvenue à tous sur Ternet.fr.
00:02J'accueille sur ce plateau Renaud de Kerpoisson. Bonjour.
00:06Bonjour, Arnaud.
00:07Vous êtes président d'ODA Group Offres et demandes agricoles.
00:11On va faire un petit point avec vous
00:12sur le marché des céréales, et plus particulièrement du blé.
00:16J'ai une question assez globale,
00:18mais qui va peut-être vous permettre d'analyser la question.
00:22Vous êtes président d'ODA Group Offres et demandes agricoles.
00:25J'ai une question assez globale,
00:26mais qui va peut-être vous permettre d'analyser pour nous le marché.
00:31Quelle perspective on peut attendre
00:37du marché des céréales, et plus particulièrement du blé ?
00:40Alors, la recherche et les analyses chez ODA
00:44en ce qui concerne le marché du blé
00:46sont haussières et sont haussières déjà depuis plusieurs mois,
00:49en fait, depuis presque la récolte.
00:52Nous pensons que cette hausse va perdurer
00:55et va peut-être même s'intensifier dans les semaines à venir.
01:00Pour quelles raisons ?
01:02Alors, déjà, on a un contexte macroéconomique global
01:07à travers une bonne croissance mondiale.
01:11Ca, ça veut dire des consommations plus fortes de viande,
01:14et pour produire de la viande, il faut des céréales.
01:17Nous observons également
01:20une appréciation du pétrole par rapport à l'année dernière.
01:26On voit très bien que les prix très bas du pétrole
01:28ont obligé les gens de l'OPEP à s'entendre, se parler.
01:31Et c'est quoi le lien entre le marché du pétrole et celui du blé ?
01:36Ce sont les biocarburants.
01:37Lorsque le pétrole et l'énergie sont chers,
01:40on a beaucoup plus intérêt à incorporer du bioéthanol
01:45et du biodiesel.
01:46Et c'est très vrai dans des pays comme l'Indonésie,
01:49comme le Brésil,
01:50mais également comme l'Europe, lorsque les prix sont chers.
01:53Et le dernier point, c'est, je dirais,
01:56l'appréciation de la bonne santé de l'économie américaine,
01:59tout particulièrement.
02:01Et l'observation, aujourd'hui, de la hausse des salaires...
02:06Non seulement on est en plein emploi,
02:08mais on voit que les salaires recommencent à monter.
02:10Ca, ça veut dire, à moyen terme, de l'inflation.
02:13Et pour juguler l'inflation, il faut remonter les taux.
02:16Et la Fed annonce déjà des remontées des taux.
02:18Ca veut dire des transferts d'argent de l'Europe
02:21vers les Etats-Unis.
02:22Ca veut dire une hausse du dollar.
02:23Ca veut dire une hausse des prix des céréales exprimés en euros.
02:26Vous avez parlé, en 1er facteur,
02:29le niveau de consommation qui était plutôt...
02:32L'évolution de la consommation qui était plutôt bonne.
02:35En Asie du Sud-Est,
02:36là où, pour parler plus précisément de la Chine,
02:40la tendance de consommation est bonne
02:44et va booster le marché ?
02:46Je pense qu'avant de parler de la Chine,
02:49il faut parler de l'Asie du Sud-Est.
02:50L'Asie du Sud-Est, c'est presque 7 % de croissance cette année.
02:53C'est une des plus fortes croissances dans le monde.
02:57C'est les pays comme le Vietnam, l'Indonésie...
03:00Le Vietnam, le Global, l'Indonésie, la Malaisie.
03:03Ca, ça tire.
03:04Là, vous avez une classe moyenne qui se développe
03:07et vous avez une augmentation forte de la consommation de viande.
03:11C'est très impressionnant de regarder, par exemple,
03:14l'augmentation des exportations américaines
03:16de fèves de soja ou de totaux de soja sur ces zones.
03:20Et quand on consomme du soja,
03:22on le mélange automatiquement à des matières énergétiques
03:25comme le blé ou le maïs.
03:26Et en Chine ?
03:27En Chine, on a un autre problème
03:29dont on a parlé depuis maintenant plusieurs mois.
03:31Et c'est vrai que c'est ce facteur-là qui nous a rendus
03:35haussiers sur ce marché des céréales.
03:38Et je crois qu'on était la seule société à tenir cette position.
03:41Le point important qu'il faut voir en Chine,
03:44c'est qu'il y a encore une agriculture familiale
03:48avec des bases courts
03:50dans lesquelles cohabitent des canards, des cochons et des hommes.
03:53Et ça, c'est le terreau le plus fertile
03:56pour développer le virus de la grippe et de la grippe aviaire.
03:59C'est dangereux pour l'homme.
04:01Et il y a 4 ans, maintenant,
04:03les Chinois ont pris la décision
04:06d'arrêter ce système de production.
04:10Alors pour la Chine, le cochon,
04:13il faut se rendre compte déjà
04:16que le cochon en Chine, c'est 53% du cochon mondial.
04:19C'est énorme.
04:21Donc on parle pas d'un petit événement.
04:23Et cette réglementation
04:26a poussé à une décapitalisation
04:30du secteur porcin d'environ 20%.
04:33Bien évidemment, il y a 4 ans, ça a provoqué
04:36un influx de viande avec ses abattages sur le marché.
04:39Mais depuis 4 ans, on observe une pénurie
04:43de viande de porc.
04:45Et les Chinois qui ont maintenant atteint un niveau de vie
04:49veulent continuer à consommer du cochon,
04:52qui vaut presque 3 euros quand même pour 2,80 euros.
04:56Et cela a généré donc des importations
05:00qui sont passées de 50 000 tonnes
05:02à pratiquement 250, 300 000 tonnes tous les mois.
05:05Comment ça impacte cette évolution-là ?
05:08Comment ça impacte le marché du blé ?
05:10Eh bien, pour fabriquer 1 kg de cochon,
05:14il faut environ 3 kg de céréales.
05:17Alors là, on est en train de comprendre
05:19un peu ce qui se passe.
05:22On a une consommation de blé qui est moins forte en Chine
05:25puisqu'on produit moins de cochon.
05:28Et ça, depuis 4 ans.
05:32Et simultanément, on a une augmentation
05:35des importations
05:36qui oblige de consommer plus de blé à l'origine.
05:41On peut faire rapidement un petit calcul.
05:44250 000 tonnes, c'est 750 000 tonnes d'équivalent blé
05:49qui arrivent sur le marché chinois tous les mois.
05:53Ce qui est énorme.
05:55Et c'est énorme.
05:56Et ça, ça génère...
06:00Ça nous oblige de constater qu'il y a des stocks dans le monde.
06:03Tout le monde parle de stocks importants de blé dans le monde.
06:06250 millions de tonnes.
06:08Et ça, c'est un facteur plutôt négatif.
06:11Ça rend les gens baissiers sur le marché.
06:14Mais le fait que ces stocks
06:16soient pour la moitié localisés maintenant en Chine
06:20est non mobilisable
06:23puisqu'ils sont à 3 000 km des ports.
06:26Donc c'est pas possible de ramener ces stocks sur les ports
06:30et de les embarquer pour les exporter.
06:31Donc ces stocks-là, ils vont rester là-bas ?
06:34Ces stocks-là, ils sont non mobilisables.
06:37Et nous, chez ODEA,
06:39nous faisons les analyses de marché du blé
06:42depuis maintenant quelques mois sans prendre en compte la Chine.
06:47Nous travaillons et nous constatons quoi ?
06:49Nous constatons que les stocks de blé dans le reste du monde
06:52et principalement dans les pays exportateurs
06:55baissent et baissent par rapport à l'année dernière.
06:59Et voilà pourquoi on commence à avoir des marchés qui se tendent
07:04avec des opérateurs qui n'ont pas forcément encore
07:07acheté le blé pour la fin de campagne.
07:09Et on voit très bien notre compétitivité qui est très forte
07:12parce que tout le monde pensait
07:14qu'il y avait trop de blé dans le monde.
07:15Donc on a vendu, vendu, vendu, vendu.
07:18On arrive sur des situations aujourd'hui
07:21où on a pratiquement exporté autant que l'année dernière
07:24au niveau de l'Europe,
07:26alors qu'on a 17 millions de tonnes de moins en production.
07:30Et notre prix n'a encore pas suffisamment remonté.
07:34On est maintenant en train d'exporter sur l'Égypte.
07:37On vient de casser 2 bateaux sur l'Égypte.
07:39J'allais y venir.
07:40On a bien vu le contexte mondial qui, finalement, est haussier.
07:44C'est ce que vous dites.
07:45Le contexte européen, finalement, est haussier également.
07:50Vous l'avez dit, 2 bateaux vont partir pour l'Égypte.
07:56C'est une petite révolution.
07:582, peut-être 5 et peut-être 7.
08:01Et on pense que ça va être certainement
08:03beaucoup plus de navires dans les semaines à venir.
08:06C'est une petite révolution,
08:07mais pourtant, on entend partout qu'il n'y a pas de disponibilité,
08:10il n'y a pas de blé.
08:12Et on connaît l'état de la récolte 2016 en France.
08:15Alors, il n'y a plus beaucoup de blé en Europe.
08:20Effectivement, du fait du niveau des exportations,
08:22il n'y a plus rien en Roumanie, il n'y a plus rien en Bulgarie,
08:24il n'y a plus rien dans les Pays-Bas,
08:25il n'y a plus rien en Pologne.
08:26Il reste du blé en Allemagne et en France.
08:29En Allemagne, il n'y a aucun problème de qualité,
08:31ce sont des beaux blés, ça partira sur l'exportation.
08:35La France, la qualité globale française
08:39a été vraiment pas très bonne, mais pas partout.
08:44Ce qui est touché, c'est le carnet ouest de la France.
08:47C'est-à-dire, vous tracez une verticale en dessous de Caen
08:50et une horizontale au niveau de Bourges.
08:54Tout ce carnet ouest, la qualité est mauvaise.
08:57Et elle est partie répondre à la demande nord-européenne,
09:03justement, pour fournir nos cochons
09:05qui partaient ailleurs dans le monde, notamment.
09:09Mais tout à face à l'Atlantique, le Sud-Ouest,
09:13vous avez des qualités excellentes, parfaites,
09:16qui n'ont pas à ce jour trouvé de débouchés
09:19et qui vont partir dans les prochaines semaines.
09:22En Égypte ?
09:23Oui, peut-être en Égypte, parce qu'en Égypte,
09:27ça va peut-être vous étonner, mais moi, je vous prévois
09:30une révision de la production égyptienne
09:33d'un ou 2 millions de tonnes cette année.
09:36Il faut comprendre que sur l'Égypte,
09:39il y avait des systèmes de prix garantis
09:41avec des prix assez élevés à l'intérieur de l'Égypte,
09:44et en tous les cas, bien supérieurs aux prix mondiaux.
09:47Et il y avait un peu de fraude.
09:48C'est-à-dire qu'il y avait un peu de blé qui arrivait
09:51par d'autres pays qui passaient la frontière
09:53et qui a été revendu comme blé égyptien.
09:57Alors, puisque la situation est plus compliquée
10:00pour les importateurs égyptiens,
10:02avec une livre égyptienne dévaluée,
10:06et puis que le gouvernement égyptien
10:09a baissé les prix d'intervention, le petit trafic est moins fort.
10:15Et on pense que le gaz, ce qui va être amené,
10:17du fait du retard pris maintenant dans les importations privées,
10:22certainement encore 2 millions de tonnes de blé.
10:25Alors voilà, nous sommes aujourd'hui dans une situation
10:28où les Russes...
10:32se sont-ils trompés sur leur production ?
10:34Certains de nos confrères annonçaient 75 millions de tonnes
10:38il y a 8 mois.
10:42C'est quand même marrant.
10:43Les prix russes à l'intérieur montent,
10:45et les prix russes sur le FOB montent.
10:47Et les prix sont aujourd'hui au même niveau que les prix européens.
10:51Alors il y a quelque chose qui se passe, voilà,
10:53et je crois qu'il faut être excessivement prudent
10:55sur cette fin de campagne.
10:57Et positif ?
10:58Et positif pour les céréaliers, bien évidemment.
11:03Et c'est un contexte qui est aussi positif pour les éleveurs,
11:06parce que les prix du cochon vont remonter,
11:08le prix du lait a déjà considérablement remonté,
11:11le prix du sucre a beaucoup remonté,
11:13le prix du jus d'orange a remonté,
11:15mais vous voyez des prix du sucre plus élevés.
11:18Ca veut dire des petites surfaces de céréales en moins demain.
11:22Au Brésil, pour la canne à sucre,
11:24au profit de la canne à sucre,
11:26en Europe, au profit de la betterave,
11:30des prix du lait beaucoup plus chers,
11:33notamment sur le marché libre en Europe,
11:36300 % d'augmentation sur le lait en 6 mois, quand même.
11:41Ca va augmenter les consommations de matières azotées
11:45dans les rations.
11:47Eh bien, tous ces petits décalages, aujourd'hui,
11:50font que nous avons une opinion plutôt haussière
11:53sur le prix des marchandises agricoles
11:55et principalement des céréales.
11:57Renaud Carpoisson, merci beaucoup pour cette analyse complète.
12:01Et puis je vous invite à retrouver d'autres informations
12:03sur les marchés des céréales, du blé,
12:06mais aussi des productions animales
12:07sur Ternet.fr et WebAgri avec ODA.
12:11Merci beaucoup. Et formez-vous,
12:13parce que tout ça, il faut le comprendre.

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